5.
Ecrit par lpbk
Mélody et son frère Ika étaient propriétaire de l’Ouidah, un restaurant
africain niché dans le 17ème , à une quinzaine de minutes des
Champs-Elysées. J’avais effectué quelques recherches sur internet et je m’étais
vite rendu compte que notre belle capitale comptait une pléthore
d’établissement de ce genre et malheureusement, pour dans la plupart, la clientèle
devait presque toujours choisir entre la cuisine, le cadre et la qualité du
service. J’avais même demandé à ma cousine Lenny ce qu’elle pensait de ce type
de restaurant et celle-ci m’avait dit sans langue de bois que pour elle, il
s’agissait plus de gargotes qu’autre chose. Dans sa voix, je sentais comme une
sorte de dégoût lorsqu’elle enchaina sur la musique bruyante, le mobilier de
fortune et les clients saouls plus bruyants encore que la musique. En
attendant, je devais tout de même me rendre au restaurant puisqu’il était
impératif que je me fasse une idée claire et précise du lieu avant de me lancer
dans mon travail.
Il était un peu plus de midi lorsque je descendis du taxi. Je payais ma
course et restais quelques minutes sur place afin d’admirer la façade de l’établissement
avant de traverser la voie un peu trop fréquentée à mon goût. Les voitures et
les gaz d’échappement faisaient aussi la vie à Paris. Malheureusement ! Après
avoir passé les portes, je me dirigeais vers une hôtesse plutôt courtoise qui
m’informa que ses patrons m’attendaient à l’intérieur.
D’entrée de jeu, je remarquais que les clients étaient plutôt bien
apprêtés et qu’ils s’exprimaient sans crier, cela témoignait du respect que
chaque table avait pour ses voisines. Ici, le maitre-mot était l’élégance. Le
cadre avait quelque chose de chic et de raffiné et n’avait par conséquent rien
à envier à un restaurant étoilé. Les meubles avaient été soigneusement bien
choisis. Ils semblaient douillets et confortables. Je sortais mon portable de
mon sac à main et commençait ma prise de notes que j’appuyais de quelques
clichés. C’est là que Mélody me trouva. Le sourire aux lèvres, elle me souhaita
chaleureusement la bienvenue avant de me proposer de faire le tour du
propriétaire. A cause des consignes de sécurité plus que strictes du monde de
la restauration, j’eu le droit de visiter tout l’établissement hormis la
cuisine et tous les locaux qui s’y rattachaient.
—
Mon frère, Ika est en cuisine. En théorie, il ne
devrait pas tarder à nous rejoindre. Si vous voulez bien, s’exprima-t-elle en
me montrant l’escalier qu’il fallait emprunter pour se rendre au niveau
supérieur.
Ce niveau était exclusivement réservé à leur clientèle la plus
importante. Il parait que très souvent, il recevait des personnalités
africaines assez connues dans le monde de la musique, du cinéma, du football et
de tout autre domaine fortement médiatisés.
—
Si ça ne vous dérange pas, nous allons nous installer
à cette table.
Confortablement installée, je pris de le temps d’apprécier la décoration
scandinave avec ses couleurs pastels, ses meubles de bois clair et ses
luminaires aux formes géométriques. Autour de nous, avait lieu un impressionnant
défilé de plats. On aurait dit un festival culinaire tellement il était riche
en forme, en couleur et en relief. Dans le regard des clients, l’on pouvait
lire de la satisfaction.
—
Qu’est-ce que vous taper sur votre portable ?
s’enquit Mélody.
—
Comment dire… En fait, je note toutes les choses qui
attirent mon attention que ce soit de façon positive ou négative. J’essaie
aussi de trouver celles qui selon moi devraient être accrocheuses mais qui ne
le sont pas.
—
Je comprends.
Je fouillais de nouveau mon sac, à la recherche de mon calepin, d’un
stylo et de ma boite à crayons. Je déposais le tout sur la table avant de lui
signifier que le travail du jour à proprement parler pouvait enfin débuter.
Alors que j’effectuais des croquis rapides, j’encourageais ma cliente à
me parler un peu d’elle, de son frère, de ce restaurant et de ce qu’il
représentait pour eux. J’aimais que mon travail reflète la personnalité de mes
clients. Je voulais à travers mon travail raconter une partie de leur histoire.
C’est ainsi que Mélody m’expliqua qu’avec son frère ils avaient eu envie
d’offrir aux amoureux de la gastronomie un espace entièrement dédié à la
découverte des mets provenant de la terre de leurs ancêtres. D’après ses
explications, la carte était faite de plat cultes voire emblématiques. Ils
représentaient en quelque sorte la multitude de pays et îles composant
l’Afrique. On y servait donc de l’alloco, de l’attiéké, du thieboudienne, du
ndolè, du choukouya d’agneau, du nkumu et d’autres plats dont je n’avais jamais
entendu parler. Moi qui pensais en connaitre des choses sur l’Afrique, je fus
contrainte de réaliser qu’en fait, j’ignorais tout de ce continent. Sans trop
savoir pourquoi, j’eu une pensée pour Lenny, elle qui avait délibérément choisi
de ne pas connaitre cette autre partie d’elle.
—
Excusez-moi, je vais vois mon frère. Il peut avoir du
mal à s’arrêter lorsqu’il passe derrière les fourneaux.
Je la regardais s’en aller avec cette impression qu’elle était en train de
flotter. Mélody Ayité était d’une grâce incomparable. Rien d’étonnant
puisqu’avant de se lancer dans l’entreprenariat, la jeune femme avait exercé
tour à tour les métiers de mannequin puis d’actrice au Bénin.
Je savourais un délicieux cocktail sans alcool qui m’avait été offert
par la maison lorsque Mélody revint vers moi. Elle s’excusa de la part de son
frère qui malheureusement ne pouvait abandonner son équipe en plein milieu d’un
service.
—
Ika est aussi le chef exécutif du restaurant. C’est un
peu notre Paul Bocuse ou Alain Ducasse, ajouta-t-elle fièrement.
Malgré l’absence de son frère, nous nous devions d’avancer alors, j’invitais
Mélody à me remettre le travail que je leur avais confié. C’est sans grande
surprise que je découvris une liste exhaustive allant de la famille aux
illuminations en passant par les mugs de chocolat chaud, les vitrines des
magasins, la neige, les feux de cheminée et les feux d’artifices. Elle avait
même fait des paragraphes afin d’expliquer le plus clairement possible ce
qu’elle trouvait beau pour chaque item. Sa liste était tellement belle qu’elle
parvenait à elle seule à me transmettre son adoration pour les fêtes de fin
d’année. Sans même s’en rendre compte, elle réalisait là un exploit puisque
depuis le décès de mon père je n’avais plus rien trouvé de charmant ou de
magique à cette période. Lorsqu’elle me confia la liste de son frère, je fus un
peu surprise. Dans celle-ci, il s’était contenté d’évoquer brièvement les
expositions, la gastronomie et les spectacles. En tant que cuisinier, il devait
avoir l’habitude de s’exprimer à travers ses créations plus qu’avec des mots. En tant que cuisinier, il devait avoir l’habitude de s’exprimer à
travers ses créations plus qu’avec des mots.
Je discutais encore un moment avec elle. Je ne manquais pas de féliciter
le décorateur qui a mon sens avait fait un travail louable même si ‘avais
quelques remarques à apporter. J’évoquais les deux points qui avaient
particulièrement attirés mon attention. Il s’agissait de l’absence de rappel à
l’Afrique plus particulièrement au Bénin et les toilettes qui en plus d’être
étroites étaient aussi mixtes.
Une fois notre entrevue terminée, je fus invitée à goûter un plat au
choix. Après avoir consulté Mélody, je décidais de me laisser tenter par du
poulet yassa accompagné de frites de pommes. J’appréciais les mélanges
sucré-salé mais ignorant royalement le goût de la banane passée à l’huile, je
décidais d’aller sur une seule découverte pour commencer. Qui sait, peut-être que
si j’appréciais leur cuisine, je convaincrais ma cousine à revenir à de
meilleurs sentiments, ne serait-ce qu’en matière de nourriture.
J’arrivais à l’appartement sous les coups de dix-neuf heures. Je fus
surprise de ne pas le trouver en désordre mais plus encore de découvrir
Héritier allongé sur le canapé. Face à cette vision, je me figeais un instant. Dans
ma tête, des questions se bousculaient. Est-ce que je devais
m’excuser pour mon comportement de la veille ou au contraire, devais-je le
forcer à admettre qu’il s’était comporté comme un idiot avec moi ? Quelle
attitude je devais adopter pour les prochains jours ? Une chose était
sûre, je ne voulais pas que nous restions en froid, je voulais que nous
arrangions les choses mais pour l’heure, j’étais encore bien trop en colère
contre lui pour entreprendre quoique ce soit.
—
Tu sors d’où ? s’exprima-t-il sans prendre la
peine de se tourner vers moi.
—
J’avais un rendez-vous… pour le travail, ajoutais
malgré moi avant de prendre la direction de la chambre.
J’étais sur le point de pousser la porte lorsqu’il m’annonça qu’il
fallait que nous ayons une discussion sérieuse. C’était là la première fois,
nous étions bien d’accord sur quelque chose. Seulement, cette discussion devait
attendre.
—
Ce ne sera pas possible. Je dois retrouver Lenny et
Maeva dans moins d’une heure.
Dans le but de l’éviter lui et sa sœur, j’avais proposé aux filles de
passer la soirée ensemble. Et puis, depuis quand il avait du temps à
m’accorder ? N’avait-il pas un rendez-vous ce soir ou une soirée
entre copain ce soir ?
—
Tu te moques de moi ? Tu te comportes comme une sauvage
en agressant ma sœur et nos invités et lorsque j’entreprends d’écouter tes
explications, tu me sors que tu dois rejoindre tes copines ?
Mais pour qui se prenait-il ? A quel moment étais-je devenu un
objet à sa disposition ?
—
Héritier, nous parlerons plus tard, dis-je en gardant
mon calme. Ce soir, je n’ai pas de temps à te consacrer puisque comme je te l’ai
dit, je dois retrouver ma sœur et ma cousine qui ne sont pas de vulgaires
amies.
Je poussais la porte en le laissant crier dans mon dos. Il pouvait râler
comme bon lui semble.
Après une douche plutôt courte, je décidais de mettre une tenue aux
couleurs festive. J’optais pour ma robe-pull couleur pêche que je rehaussais
avec des collants et une paire d’escarpins. En rafraichissant ma coiffure
devant la glace, je réalisais que quelque chose venait de changer. Pour la
première fois, j’avais décidé de laisser les choses telles qu’elles étaient
entre mon fiancé et moi plutôt que de me plier en quatre pour tout arranger.
En passant par le salon, je m’arrêtais devant la commode et ses cadres
photos, non pas pour lui dire au revoir mais plutôt pour prendre les clés de
voiture dans le pot qui leur était destiné. Visiblement, Héritier n’avait rien
de prévu pour ce soir. Au fond de moi, j’espérais que pour une fois, il se
sente aussi misérable que moi lorsque je passais mes soirées à l’attendre.
Les filles m’attendaient déjà. Elles étaient installées à notre table et
dégustaient chacune un cocktail. Nous étions là pour l’apéro uniquement,
puisque Lenny avait émis l’envie de manger indien ce soir.
—
Te voilà enfin ! s’exclama Lenny alors que je
m’installais. Mais qu’est-ce qui ne va pas ?
J’étais arrivée en souriant mais les filles n’étaient pas dupes. Nous
nous connaissions depuis toujours alors, essayer de dissimuler ma tristesse
sous quelques sourires de façades n’étaient pas efficaces face à elles.
—
C’est Kim K, intervint Maeva avant de porter son verre
à ses lèvres.
Emeraude n’était certes pas facile à vivre, ces dernières vingt-quatre
heures m’avaient permis de réaliser que sa présence chez nous n’était en fait
qu’une petite partie du problème puisque la source même de mes problèmes était
Héritier.
Pour le moment, Lenny ignorait tout de ce qui s’était passé lors du
diner de la veille alors après avoir passé ma commande à Bastien, j’entrepris
de tout raconter. J’évoquais l’arrivée d’Emeraude, son attitude alors même
qu’elle squattait la chambre de notre futur enfant, le fameux diner, mes
disputes avec Héritier qui avait voulu discuter ce soir. Je parlais pendant au
moins une heure et cela me fit un bien fou.
—
Tu sais déjà ce qu’on pense, dit Lenny de ce rigo…
pimmm qui te sert de fiancé. Et pour ma part, je vais te répéter quelque chose
que je te dis très souvent mais qui a du mal à pénétrer ton cerveau. Tu mérites
tellement mieux !
Je m’apprêtais à protester lorsque Maeva la coupa.
—
Non mais ça ne va pas, Lenny ? Tu penses que
c’est avec ce genre de discours que nous allons lui remonter le moral ?
Elles se mirent à se chamailler. Même si les deux avaient toujours eu des
visions complètement différentes de ce que pouvait être l’amour elles restaient
mes confidentes. Très souvent, je me retrouvais à jouer l’arbitre entre les
deux jeunes femmes.
Maeva était douce, réservée et fidèle. Elle croyait en l’amour sincère
et bienveillant. Elle était ma boussole, mon repère depuis toujours. Depuis
l’adolescence, elle n’avait eu que des relations longues et sérieuses et en
Lucas, elle avait trouvé l’homme de sa vie. Peut-être que c’est pour cela
qu’elle comprenait mon attachement à Héritier malgré ses nombreuses
imperfections.
Quant à Lenny, elle était une grande gueule et surtout une croqueuse
d’hommes. Elle était du genre fonceuse même si des fois, elle se cassait le cou
à agir ainsi. Lenny n’avait aucune envie de s’investir dans quelque chose de
sérieux. Pour elle tout ce qui comptait s’était le fait de se prendre
correctement en charge du coup, ce que je partageais avec Héritier la dépassait
complètement. Il faut dire que le fait qu’à chacune de nos rencontres je me
retrouve à me plaindre de lui n’était pas très encourageant.
—
Qu’est-ce que tu comptes faire, bébé ?
Pour dire vrai, je n’en n’avais aucune idée et durant toute la journée,
j’avais pris le soin de me poser cette question.
—
Essayer de survivre, dis-je en soupirant.
—
Comment ça essayer de survivre ? s’emporta Lenny.
Tu n’es même pas heureuse. Est-ce qu’au moins tu lui fais confiance à ton
diamant de pacotille et héritier de mes fesses ?
—
Si vous les aviez vus hier soir. Elle, elle était là à
minauder devant lui, en l’effleurant dès que l’occasion se présentait. Et lui,
il semblait boire toutes ses paroles. Déjà qu’ils déjeunent souvent ensemble
avec leurs amis… Non mais comment peut-on être garce à ce point ?!
Je vidais mon verre d’une traite et me passait nerveusement une main sur
le visage.
—
Tu sais très bien qu’à la moindre difficulté, on a
tendance à s’imaginer que le meilleur est ailleurs. Et puis, les interdits ont
toujours eu quelque chose d’excitant. Je pense qu’il doit se sentir flatté et
ça ne veut pas forcément dire qu’il a envie d’aller plus loin avec elle.
Maeva faisait une analyse sincère de la situation. Je savais qu’elle ne
cherchait à donner raison ni à Héritier ni à moi.
—
Et moi ? Tu crois que des hommes meilleurs que
lui je n’en vois pas ? Chaque jour je rencontre des hommes accomplis mais
ce n’est pas pour autant que je me permets de flirter à tout vent.
—
Ce n’est pas ce que je dis… En fait, j’essaie de
trouver une explication sans pour autant justifier la manière dont il se
conduit.
—
Voilà pourquoi je ne m’encombrerais jamais d’un mec,
coupa Lenny. Tu as sacrifié tellement d’énergie et d’argent à prendre soin de
lui et accessoirement de sa famille de parasite et comment il te
remercie ? Quitte-le ma car il ne t’apporte absolument rien.
Evidemment selon Lenny tout était clair. Simple et limpide. Quiconque se
mettait en travers de son épanouissement ou lui volait quelques secondes de
bonheur ne méritait pas qu’elle lui consacre ne serait-ce qu’une minute de sa
vie. J’admirais cette façon de voir les choses mais quitter Héritier ne m’avait
jamais traversé l’esprit. Malgré les difficultés, j’imaginais toujours que nous
avions nos chances. Mais est-ce que quelques semaines de tension suffisaient à
remettre en cause tout le temps que nous avions passé ensemble ?
Non !
—
Ca n’est pas parce que nous avons quelques points de
discorde que je vais tout laisser tomber.
—
Oh mon Dieu ! Mais tu es dans le déni Elsa.
Depuis que vous êtes fiancés rien ne va plus. Toi, tu es toujours derrière lui,
un peu comme une poule avec son poussin mais lui. Où était-il quand tu avais
besoin d’aide pour repeindre les locaux de ta boite ? Que faisait-il de si
important au point de manquer ton ouverture ? Combien de fois s’est-il
arrêté devant une vitrine en disant aux gens qui l’accompagnaient que si c’est
si beau c’est grâce à toi ? Et puis, je vais te dire, cette histoire de
bébé n’était qu’un prétexte de plus pour te voiler la face et tenter de donner
un nouveau souffle à votre histoire.
Cette déclaration me fit l’objet d’une bonne grosse gifle. Sa puissance
fut tel que je sentis le sol se dérober sous mes pieds. Ma cousine n’avait pas
la langue dans sa poche. Ce n’était pas la première fois qu’elle m’exprime
clairement sa pensée en ce qui nous concernait Héritier et moi. Maeva semblait
choquée par ses propos mais curieusement, cette fois elle n’avait pipé mot.
—
Tu penses qu’elle a raison ? lui demandais-je, la
boule au ventre.
—
Bébé… Tu sais que nous t’aimons et ne souhaitons que
te voir heureuse.
Après une petite pause, elle ajouta, sur le même ton :
—
J’ai essayé de prendre en compte tes sentiments et
tout le reste mais là, je suis obligée de reconnaitre que plus qu’autre chose,
Héritier te détruit. Il te traite comme si dans sa vie, tu n’étais qu’une
option alors que tout le monde mérite d’être la priorité de l’amour de sa vie.
Je pense que tu mérites un homme qui fait de toi sa priorité.
—
Non, Maeva, m’exprimais-je presqu’à haute voix. Tu ne
réponds pas à ma question. Je suis en train de te demander si tu penses que
Lenny a raison par rapport à cette histoire d’enfant.
—
Elle a raison…
Je me sentis blêmir tout d’un coup. Mes lèvres se décollèrent mais aucun
son ne parvint à les traverser. Mais pourquoi je ne trouvais rien à dire ?
—
Jusqu’à la fin de tes années universitaires, tu ne
rêvais que d’une chose à savoir une belle carrière. Et lorsque maman te parlait
de fonder une famille, de faire des enfants, tu lui répondais que tu ne
souhaitais en aucun cas te retrouver à attendre un quelconque époux avec des
gamins hurlants et dégoulinants de morve
ou encore de sueur. Puis, Héritier est arrivé et vous avez aménagez ensemble.
Du jour au lendemain, il a commencé à rentrer de plus en plus tard, à faire
moins attention à toi et après des heures passée à te plaindre auprès de nous
tu t’es réveillée avec cette subite envie de devenir maman. Lenny a raison,
souffla-t-elle avec douceur. Je crois pour toi, c’était un moyen de le retenir,
de sauver votre histoire.
J’encaissais ce nouveau coup avec beaucoup de difficulté et commandais
mon troisième verre. Alors que je
patientais, mon cerveau se mit à cogiter sur ce que venait de dire ma sœur. Il
est vrai que plus jeune, je tenais ce genre de discours. Je rêvais d’être une
femme indépendante et autonome qui jamais ne se laisserait faire face à
personne et encore moins face à un mari et des enfants. Mes parents étaient
heureux et ils faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour nous
transmettre la joie de vivre qui les animait seulement, moi j’avais des
problèmes profonds. Je souffrais d’un énorme manque de confiance en moi à cause
de mon surpoids mais surtout du regard que les autres portaient sur mon corps. Pas
besoin d’être génie pour voir que je n’avais rien pour moi. Bien-sûr mon bonnet
était généreux et quand à mon popotin, il eut fallu de peu pour que l’on rentre
dans de la démesure.
Evidemment certaines personnes notamment des proches ou des membres de
la famille s’évertuaient à me prouver que j’étais belle. Ils appréciaient
presque tout chez moi en évitant de parler de mon poids. C’était à base de
« j’adore ton teint ! », oui, j’avais hérité des gênes portugais
de mon père ce qui me conférait un teint naturellement halé. Seulement à
choisir, j’aurais préféré être mince et avoir faire de l’acné à l’adolescence
qu’être une ronde à la peau nette. « Tu as une crinière de fou ! »,
malheureusement mes cheveux n’y étaient pas pour grand-chose sur le poids
qu’affichait la balance du docteur Joubert. « Tu es douce et généreuse »,
je devais ce compliment à ma psychologue. « Qu’est-ce que tu cuisines bien ! »,
ça c’était mamie Géneviève après que je lui avais refilé des gâteaux faits
maison en douce.
Et puis, j’avais rencontré Héritier. Très vite, nous avions aménagé
ensemble et voilà comment la suite de l’histoire s’était imposée à moi.
Elles avaient raison mes adorables chipies. Je cherchais à sauver notre
relation. Je voulais tellement qu’il m’épouse. Je venais de passer une année à
penser bébé à tel point que j’avais l’impression qu’il me manquait quelque
chose pour être complète. Et là, en l’espace de quelques jours, mes repères et
mes certitudes avaient commencé à s’écrouler. Où allions-nous Héritier et moi ?