Abdiquer

Ecrit par Farida IB


Mariam KEITA épouse DIOMANDE…


Je suis dans la salle d’attente du gynécologue chez qui j’ai pris rendez-vous depuis trois jours. J’ai passé des nuits blanches à réfléchir depuis une semaine et la seule solution que j’apprivoise, c’est de mettre un terme à cette grossesse qui est une menace pour mon foyer. C’est Salifou qui a raison, Dieu m’a bénit avec trois beaux enfants, un quatrième sera un véritable gâchis. Un enfant, c’est tout ce qu’il y a de plus merveilleux au monde et en même temps un  cauchemar lorsqu’on n’a pas le soutien qu’il faut. Et si je ne peux pas obtenir ce soutien dès le début qu’en serait-il de la fin ?  


Il est toujours aussi distant, il appelle rarement à la maison et lorsqu’il daigne le faire, c’est pour parler à ses enfants. Il ne me demande même pas comment je vis la grossesse. C’est bien une première fois dans notre vie de couple, je regrette tellement de ne lui avoir pas parlé de ça avant de me lancer. Je ne pensais pas non plus que cela empiéterait autant sur mon foyer. 


J’appelle les enfants pour savoir si tout se passe bien à la maison et profiter donner quelques consignes à la femme de Moussa notre gardien que j’ai sollicité pour s’occuper d’eux en mon absence. J’ai dû me rendre dans la ville de Bobo-Dioulasso pour ne pas me faire repérer par quelqu’un. 


J’attends encore trente minutes avant qu’une infirmière ne me fasse appel. Je la suis en traînant les pas, une voix me sonne que je suis en train de commettre une erreur. Je me reprends aussitôt convaincu de prendre la décision pour la sauvegarde de mon couple. Lorsque je rentre dans le cabinet du docteur, il me demande une dernière fois si je suis certaine de vouloir le faire. 


Moi : oui, je veux le faire


Docteur : et votre mari ? Enfin, l’auteur de la grossesse.


Moi mentant : il n’est pas consentant, en plus, nous n’avons pas les moyens de nous occuper d’un enfant en ce moment.


Docteur : mais vous savez que c’est un risque que vous prenez là, la grossesse est déjà suffisamment avancée.


Moi : la personne qui m’a dirigé vers vous a fait bonne presse sur vos prestations.


Docteur : il vous a sûrement dit que la patiente endosse seule les responsabilités d’une éventuelle conséquence néfaste.


Je secoue vigoureusement la tête.


Docteur se levant : alors ne perdons pas plus le temps.


****


Je gare dans l’allée du garage et descends mon petit sac puis referme la portière. Je vois Salifou sortir sûrement alerter par le bruit des klaxons.


Salifou (la mine attachée) : bon sang Mariam, tu étais où depuis trois jours ?


Moi : euh… Euh…


En fait, mon opération a eu lieu, il a trois jours, c’était prévu que je rentre le lendemain, mais tout ne s’est pas passé comme prévu. Je saignais beaucoup donc ils ont dû me garder sous surveillance deux jours de plus.


Salifou (haussant le ton) : tu vas me répondre ?


Moi : à l’hôpital


Salifou : lequel ? Je t’ai cherché dans tous les hôpitaux de Ouaga, et puis tu vas à l’hôpital pour quoi ? Il est arrivé quelque chose au bébé ?


Moi (mine stupéfaite) : je pensais que tu ne voulais rien savoir sur lui.


Salifou : Mariam, j’espère que tu n’as pas commis une bêtise.


Moi : mais…


Salifou : suis moi !


Je le suis docilement, il attend qu’on s’installe sur le canapé avant de reprendre la parole.


Salifou posément : rassure-moi que tu n’as pas avorté cet enfant ?


Je hoche lentement la tête.


Salifou : et ça ne t’a pas traversé l’esprit de me prévenir avant de le faire ? Mariam pourquoi tu t’évertues à tout faire de travers dernièrement ? Tu as décidé toi seule pour que cet enfant vienne au monde et lorsque j’avais fini par digérer l’effet de surprise, tu décides d'avorter une fois de plus dans mon dos. 


Moi marmonnant : c’est toi qui m’as mis cette idée dans la tête, tu ne m’as vraiment pas laissé le choix.


Salifou soupirant profondément : j’ai réagi ainsi parce que je n’ai pas apprécié le fait que tu décides pour nous deux,  mais il s’agit d’un enfant, notre enfant ! 


Moi le fixant perplexe : j’allais faire quoi selon toi ? Tu m’as laissé comprendre que cet enfant constituait un déséquilibre pour notre vie de couple, en plus tu as joint le geste à la parole. Tu me voulais quoi finalement ?


Salifou : certes, mais j’étais emporté par la colère, bref ! (se levant) Il faut que j’aille faire un tour, j’ai besoin de réfléchir.


Il s’en va et je soupire, je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression qu’il y a autre chose qui se cache dans son attitude.Il s’en va et je soupire, je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression qu’il y a autre chose qui se cache dans son attitude. Qu’est-ce qui m’a pris de réfléchir ainsi ? Il était fâché oui, mais il allait finir par revenir à de meilleurs sentiments.


Je me lève du canapé la gorge nouée, lorsque j’arrive dans la chambre, je dépose mes affaires sur le lit et m’écroule au sol. Je pleure en regrettant amèrement de l’avoir fait.


*

*

Florent GBEVOU...


Moi (fixant Fifamè droit dans les yeux) : tu me promets de rester dans l’ombre et de ne pas chercher des ennuis à ma femme ?


Fifamè : ce n’est pas elle qui m’intéresse Flory, c’est toi.


Moi : et comment cela va se passer ? Je n’ai jamais trompé ma femme, je ne sais pas lui mentir d’ailleurs.


Fifamè : je saurai m’éclipser lorsqu’il le faut.


Moi soupirant : ça me semble toujours louche, je ne peux pas te cacher que ce deal ne m’inspire pas confiance.


Elle pose son avant-bras à plat sur la voiture avant de répondre.


Fifamè : on essaie, si ça ne te plaît plus je te libère.


Moi : je vais encore y réfléchir.


Fifamè : ok !


On se sépare sur le parking aménagé de la CNSR, nous avons dû nous y rendre pour voir l’avancement du dossier et toujours rien. C’est lorsqu’on marchait vers nos voitures que le sujet de sa proposition est revenu sur le tapis. 


Je m’installe dans la voiture et démarre pensif, il y a des fois où je veux bien céder à sa proposition. Ça devient intenable à la maison et pour couronner le tout ma femme porte une grossesse extra-utérine. Je ne me suis toujours pas décidé à lui parler de la situation, elle passe plus de temps à l’hôpital qu’à la maison.


J’arrive au carrefour le Bélier et bifurque pour me garer devant la villa d’André-Marie, j’ai décidé de me confier à lui. Il est mon seul et fidèle ami depuis l’époque du collège avant d’être mon transitaire aujourd’hui. Il m’a toujours aidé pour les grandes décisions de ma vie, et comme je ne veux pas avoir à regretter plus tard de l’avoir fait ou non, son avis me sera très utile sur la question.


L’agent de sécurité m’ouvre la porte et m’annonce chez ses patrons, une fois dans le confort de leur canapé nous nous mettons à nous taquiner comme à l’accoutumé. On fini par déguster le bon plat d’Amiyo (pâte rouge) au poulet accompagné de vin que sa femme nous a servi pour le déjeuné. J’attends qu’on s’installe dans le jardin avant de rentrer dans le vif du sujet. Il m’écoute relater tout le récit avant de prendre la parole.


André-Marie directe : et tu attends quoi pour accepter ? Une belle femme te fait ce genre de proposition juteuse et tu doutes encore.


Moi : ce n’est pas juste.


André-Marie : par rapport à quoi ou à qui ?


Moi : à ma femme.


André-Marie : elle en bénéficiera également, pense à ta situation.


Moi : je peux me débrouiller en attendant que tout revienne dans l’ordre.


André-Marie : n’est-ce pas toi qui as dit que tu as claqué tes dernières économies sur la scolarité des enfants et le traitement de ta femme ?


Moi : je pense trouver un job.


André-marie ricanant : toi Florent obéissant aux ordres d’une piètre personne ? J’en doute fort, tu as toujours travaillé à tes propres comptes.


Moi : il y a un début à tout !


André-Marie : un proverbe fon dit : « On ne refuse pas l’appel de quelqu’un, mais plutôt ce qui en ressort », tu gagnerais à essayer et si ça ne t’arrange pas, tu y mets un terme.


Moi : ça fait partie des clauses.


André-Marie : et tu hésites encore pourquoi ?


Moi soupirant : je ne sais pas ça ne me plaît pas et si elle devenait possessive, et si c’était une psychopathe ? Cela voudra dire que j’ai exposé ma vie et celle de ma famille au danger.


André-Marie : mon Cher Ami, tu ne sauras jamais ce qu’il y a de l’autre côté de la rive si tu n’affrontes pas les vagues.


Moi : André, André, l’homme aux proverbes !


André-Marie : lui-même !


On se lance dans un fou rire avant de passer sur d’autres sujets. On passe finalement un bon après-midi agrémenté par des blagues et des rires. Je quitte chez lui vers 17 h et passe d’abord par le bureau de Fifa avant de rentrer chez moi. 


Essayons voir ce que ça donne !


*

*

Cynthia CLARK…


Durant tout le trajet, je prépare toutes sortes de discours dans ma tête. Aujourd’hui c’est samedi et je sais que Joe reste souvent à la maison les samedis parce qu’il passe ses dimanches avec son père et son frère. J’ai donc décidé de lui rendre une petite visite avec la complicité de l’agent de sécurité. Bon, j’ai dû lui laissé une enveloppe pour qu’il m’avoue que les week-ends, il n’est souvent pas là du coup, je peux en profiter pour le voir. 


Je gare devant la maison et mets tout le volume du lecteur de la voiture, je sais qu’il sera obligé de sortir parce qu’il voudra savoir qui vient le déranger en pleine nuit. Il se pointe effectivement cinq minutes après le visage furieux et se retourne dès qu’il s’aperçoit que c’est moi. Je reste planter là trente bonnes minutes la musique toujours à fond, je me disais que je tiendrai bon jusqu’à ce qu’il ne capitule mais ma patience étai à bout une heure plus tard. Je rentre dans la voiture et referme rageusement la portière puis démarre en trombe. Je passe tout le trajet à pester contre le volant, un moment, je gare sur un côté et pleure un bon coup. Je l’ai bien cherché cette fois, ça m’apprendra !


Je me remets en route jusqu’à la maison où je coupe le moteur et sors du garage le visage complètement défait. Je me saisis de mon téléphone dans l’intention d’appeler Aus et me ravise quand une silhouette se dessine devant moi. Je cours presque pour me jeter dans ses bras.


Moi (lorsqu’on se détache) : je suis vraiment désolée.


Joe : je le sais.


Moi (coulant des larmes de joie) : pardonne-moi.


Joe : je n’ai rien à te pardonner.


Moi : mais tu m’as planté devant ta maison !


Joe : et tu pensais quoi ? Que j’allais te faciliter la tâche ? 


Moi souriant : t’inquiète je ne t’en veux pas, je l’ai mérité.


Il m’enlace par la taille puis entre deux baisers il me fait.


Joe : je t’aime.


Moi : moi aussi, je t’aime.


Amour & Raison