Alex

Ecrit par Aura

Quelle définition attribuerait-on au mot bonheur ? Quelle est la représentation du bonheur pour un homme ? A quoi renvoie le bonheur pour moi ? Eh ben, je ne sais pas, je l’ignore. Je dirais que je ne sais plus. Mais pourtant cinq ans auparavant, j’aurai pu y répondre sans hésiter un seul instant. Il y a 5 ans, je me disais qu’être heureux était de conduire une très belle voiture, de préférence une Audi A5, avec à mes côtés la femme de ma vie et se rendre chez nous après une soirée chez des amis. C’était ça ma définition du bonheur. Et je savais que j’avais à travailler dur pour obtenir cette voiture et couvrir ma bien-aimée de tous les trésors de son rang. 

Quand j’ai rencontré Arielle, je savais que je l’avais dès cet instant choisi pour la vie, que c’était pour toujours et à jamais entre elle et moi. Je savais que malgré les vents, les tempêtes, les déserts de nos vies, jamais je ne cesserai de l’aimer, jamais je ne poserai mes yeux sur une autre femme comme je la regarde. Et d’une certaine manière, je savais que j’étais sur la bonne voie. J’avais réalisé une partie de mes rêves puisque j’avais déjà trouvé la femme de ma vie, il ne me restait plus qu’à lui bâtir un bon empire. 

 Je suis à bord de la voiture de mes rêves, une Audi Q8 de couleur noire, ma dernière trouvaille. J’ai une centaine d’employés à mes ordres, un empire bâti rien que pour elle, la femme de ma vie. Elle est à mes côtés, mais pourtant je suis tout sauf heureux. Je suis triste pour elle, pour moi. Quelques fois, le bonheur est loin d’être ce que l’on avait bien pu imaginer. Il devient simplement la vilaine farce que l’on fait à des amis. Ce qui devait aujourd’hui me rendre heureux, m’inonde de tristesse. Je suis totalement brisé par le spectacle qui s’offre à moi, mais je fournis l’effort d’être au-dessus de tout ceci. 

Je jette un coup d’œil et je constate qu’elle est silencieuse et plongée dans ses pensées. La savoir près de moi m’excite énormément au point où j’esquisse un léger sourire. Malheureusement, la teneur de la situation me ramène brutalement à terre : rien n’est plus pareil. Les choses ont changé entre nous, et les sentiments également. L’eau a coulé sur les ponts au point on ne peut envisager construire quelque chose ensemble à nouveau. C’est une chance inouïe qu’elle m’ait suivie, se tienne près de moi en ce moment, car avec ce que j’ai vécu entre-temps, j’étais sûr d’avoir droit à des coups de poing de sa part. Mais elle est là et je me dois de faire mon boulot. Oui, je parle bien de boulot : jouer au baby-sitter. Je n’ai pas à attendre quoi que ce soit d’elle, tout comme elle n’en a que foutre de moi. De toutes façons, la donne a changé. 

Il y a des mois de cela, j’ai appris ce qui leur était arrivé à travers sa mère. On m’avait fait savoir qu’elle s’était rendue au Maroc pour accompagner une amie. Depuis que je la connais, je sais qu’elle n’a pas d’amies, mais à présent je découvre que ses habitudes ont évoluées. Bref, j’ai tenté d’entrer en contact avec elle à travers les réseaux sociaux, mais elle me bloquait de partout. J’ai tout tenté mais en vain. J’étais obligé de faire appel à Lucien pour qu’il m’aide à la contacter. Ce dernier m’a passé le contact d’Arielle et celui de son amie, une certaine Safiya. Finalement au lieu de discuter avec Arielle, j’ai préféré entrer en contact avec Safiya. Mais elle m’a repoussé vigoureusement. J’ai longtemps insisté jusqu’à lui parler en long et en large de ma relation avec Arielle et de mes intentions. De fil en aiguille, elle a brisé la glace érigée entre nous en me donnant des nouvelles de ma bien-aimée toutes les deux semaines, avant que ce ne soit chaque semaine, puis tous les trois jours. Tout cela se passait à l’insu d’Arielle. 

Plus tard, elle m’a fait part des changements étranges qu’elle constatait auprès d’Arielle. D’après ses dires, cette dernière se droguait. Safiya avait retrouvé des plantes hallucinogènes de la marijuana dans les affaires d’Arielle. Je n’osais y croire au point de réfuter ses propos. Safiya continuait de mener son enquête sur Arielle, noter les troubles qu’elle faisait et les changements comportementaux qu’elle observait. Elle a commencé à la filer jusqu’à découvrir le lieu dans lequel elle recevait ces stupéfiants. 

Etant à Casa depuis près d’une semaine pour affaire, j’ai souhaité la rencontrer et en parler de vive voix, car depuis que j’avais fait sa connaissance, nos discussions ne se tenaient qu’au téléphone. Nous avions programmé un jour de rencontre dans un café de la place. J’y suis allé, et elle est arrivée les minutes qui suivaient. C’était une femme magnifique, chaleureuse, douce et surtout très intelligente. Elle m’a parlé de ce salaud de ML, de sa rencontre avec Arielle et des vicissitudes qu’elle vivait actuellement. Elle était aussi préoccupée que moi sur la santé mentale de la concernée. Elle avait peur de perdre Arielle et d’une certaine manière voulait la confier à une personne de confiance autre que ses parents, étant donné que les relations avec sa famille étaient tendues. Elle m’avait parlé d’un certain Vincent qui était un bon ami à toutes les deux, mais qui était actuellement retenu en Afrique du Sud dans le cadre de son boulot. La seule personne assez disponible n’était autre que moi en ce moment. Alors je me suis porté volontaire pour l’aider, envoyant au passage ce Vincent au diable. J’ai remercié le grand Dieu qu’il soit occupé en ce moment, pour me donner la chance de remonter sur le tatami. Je ne l’ai certes pas dit à Safiya, mais je voulais reconquérir ma dulcinée, quoiqu’il m’en coûte. Mais j’ai renoncé à cette idée dès que je l’ai vu ce soir : elle est méconnaissable. Elle a maigri, faibli, fané. Rien ne me rappelle, cette fille dont je mourais envie d’embrasser, cette fille qui hantait mes jours et mes nuits. Elle n’était plus là, elle avait disparu. 

Je gare la voiture à l’entrée de la grande bâtisse et lui lance :

- Nous sommes arrivés. 

- Ok lance-t-elle dans un souffle. C’est à peine si elle l’a prononcé. Je récupère sa valise et nous rentrons dans la bâtisse, escaladons les quelques marches d’escalier qui s’y trouvent avant d’entrer dans la maison. Je change mes chaussures et je lui tends des chaussons de maison. Elle s’installe sur un des fauteuils qui trônent au salon. Je me rends dans la cuisine pour nous servir un verre de jus d’orange et je reviens près d’elle et lui tends son verre. Elle prend une gorgée avant de la déposer sur la table. 

- Viens que je t’indique ta chambre. 

- D’accord. 

Nous longions le couloir et j’ouvre la troisième porte à ma droite. Je lui cède le passage pour qu’elle y entre avant moi. Je suis à sa traîne, je dépose la valise dans un coin de la chambre et lui indique les éléments qui composent la chambre : une salle de bain avec toilettes, un balcon. Nous sortons de sa chambre pour une autre pièce. Celle-ci a été aménagée exprès pour lui permettre de se remettre au dessin. Nous revenons au salon.

- Je crois que tu peux te rafraichir en attendant que je nous serve le diner. 

- Ok. 

- D’accord je m’y mets. 

Elle s’en va dans la chambre et je me rends dans la cuisine pour nous faire à manger. Je nous cuis du poulet aux pates dans l’espoir que cela lui plaise. Je dresse la table pendant que mon repas commence à cuire. Elle s’amène quelques instants plus tard et prend place d’un côté de la table. Je lui sers à manger et j’en fais autant. Le repas se déroule en silence et ça commence à troubler. J’essaies du mieux que je peux pour lui arracher des mots mais elle ne répond que par Ok, d’accord, merci, oui. Je n’ai pas voulu insister, car je suppose qu’elle a besoin de temps pour faire face à ce qu’elle vit.  

A la fin du repas, j’entame une discussion plus sérieuse concernant le fonctionnement dans la maison. 

- Je sais qu’à un moment donné nous avons partagé de bons moments ensemble, jusqu’à notre intimité. Malheureusement les choses ne se sont pas très bien passées entre nous et j’en suis vraiment désolée. Actuellement tu traverses des moments difficiles et je ne viens qu’en renfort pour t’aider à traverser cette étape. Je ne ferai absolument rien qui ne te plaise. Je suis là en ami. Si tu veux parler, pleurer, rire ou peu importe, tu peux compter sur moi. Je ne vais pas t’embêter, mais je suis responsable de toi en ce moment. Alors tu seras obligée de m’avoir constamment sur ton dos. Pour cela je m’excuse déjà parce que ça risquera de te saouler. 

- D’accord

- Ok je crois que je devrais te laisser aller te coucher. Je suis sûre que tu es fatiguée en ce moment. 

- Oui. 

 Nous nous séparons toujours dans le même silence. Elle rejoint sa chambre et moi je reste à travailler sur mon ordinateur avant de visionner des documentaires par la suite. Epuisé, je me rends dans ma chambre située au fond du couloir. En arrivant devant sa chambre, je tends l’oreille et aucun bruit ne me parvient. Il est 23 heures à ma montre et je crois qu’elle s’est endormie depuis longtemps. Je me rends dans ma chambre, me jette sur mon lit et sombre dans mon sommeil tout en espérant que les choses rentrent dans l’ordre d’ici là.  

************Quelques jours plus tard***********

Deux semaines se sont écoulées et rien n’a pratiquement changé. Je suis en télétravail depuis tout ce temps, parce que je ne peux pas laisser Arielle sans surveillance. Je ne sais pas ce qu’elle peut tenter derrière mon dos, alors je préfère être prudent. Je suis constamment en contact avec Safiya pour lui faire le compte rendu. Quand je pense qu’il y a quelques temps, c’est elle qui jouait ce rôle, j’en suis encore étonnée. 

Concernant Ari, elle est constamment terrée dans son silence. Elle a pris quelques kilos, mais cela ne l’empêche de rejeter ce qu’elle a vécu. A quelques reprises, je l’ai surprise en train de pleurer, mais elle s’est vite remise. J’avais tellement mal, j’étais si affligée de voir des larmes couler dans ses yeux. Je m’étais promis de faire rayonner ce visage toute ma vie, alors la voir dans cette état me montre combien je suis lâche. J’aurai tellement aimé qu’elle cesse de mettre un mur entre nous, qu’elle cesse de me traiter d’étranger. Mais il me faut encore être patient. Alors pour le compenser, je suis à ses petits soins. Je lui fais à manger, la fait rire même si c’est quasi impossible, mais surtout lui laisser son espace. Il nous est arrivé d’aller se balader pendant quelques temps à deux ou trois reprises, afin qu’elle prenne de l’air mais elle est constamment rentrée en larmes. J’ai fini par laisser tomber. J’avais trop mal au cœur en la voyant ainsi. 

Ce matin, j’ai le vague à l’âme. Quand je pense à la manière dont la journée va se dérouler, j’ai envie de rester au lit. Je tente de me lever, mais rien y fait, je ressens un violent mal de tête tout d’un coup. Je crois que je ne pourrai sortir de mon lit. Je jette un coup d’œil à ma montre posée sur ma table de chevet. Il est 9 heures. Zut alors !!!  Je demeure au lit essayant de trouver la bonne astuce pour me sortir de là.  Soudain, j’entends quelques coups donnés à la porte. Je suis en train de me poser la question de savoir si j’ai bien entendu, lorsque tout d’un coup je vois Ari se pointer. 

- Ari ?!!! dis-je faiblement. Qu’est-ce que tu fais là ? 

- Euh en fait, je m’inquiétais pour toi. Je me suis levée et je ne t’ai 

- Désolé de n’avoir pas apprêté ton petit-déjeuner, je ne me sens pas très bien. 

- Oh !!! Qu’est-ce que tu as ? 

- J’ai très mal à la tête. 

- Je suis désolée pour toi. J’espère que tout ira bien. 

Sur ces paroles, elle s’en va et me plante là. Je crois rêver quand elle s’en va. Mon Dieu !!! Elle n’a pas fait ça quand même ! Elle ne m’a pas planté là ? A-t-elle un cœur ou une pierre ? 

  
Cœur en chantier