Laver le linge sale

Ecrit par Aura

Alex et moi sortons de l’appartement. Il traîne ma valise et moi je le suis derrière encore choquée par ce qui vient de se passer. Sa voiture est garée à l’entrée du bâtiment, nous nous y installons. Il se met derrière le volant et conduit vers je ne sais quelle destination. De toute façon, la destination m’importe peu. Au point où j’en suis, je serai prête à faire n’importe quoi pour sortir de tout ce bazar. 

Nous roulons pendant plusieurs minutes qui me semble être une vraie éternité. Je regarde la ville défiler devant moi. Elle est tellement belle. Elle continue de vivre comme si la nuit ne représentait qu’un autre moyen d’apprécier le spectacle raté de la journée. Je n’en doute pas, Casa est belle à vous couper le souffle. Malheureusement, tout d’un coup, mes vieilles blessures refont surface et sans m’en rendre compte, je suis plongée dans mes vieux souvenirs des six derniers passés.  

*****************Flash-Back****************

Marc-Levy venait d’être appréhendé par la police. Avec l’aide de Vincent, de Safiya et celle de la police, j’avais réussi à m’échapper des griffes de ce salopard. Cette même nuit, la police a mis Marc-Levy aux arrêts avant que l’affaire ne soit transférée au procureur général les jours suivants.  La même nuit, nous nous sommes tous rendus au commissariat de police dans lequel ce criminel avait été interné. Nous avons fait chacun nos dépositions à tour de rôle et le présumé coupable également. Ce qui m’énervait c’est qu’il était fier de ce qu’il avait fait subir à Synthia et à David, il n’avait même pas honte de déverser tous ses crimes sans un seul remord. Il disait commencer enfin à connaitre la paix intérieure parce qu’il avait vengé sa famille et que désormais c’était notre tour de vivre avec cette culpabilité sur la conscience. Je me disais encore une fois qu’il s’agissait d’un autre de ses délires parce que ma famille, en tout cas mon père ne pouvait pas nuire à qui que ce soit. Alors je mettais tout cela sur le compte de sa folie et je me disais que son trouble de personnalité dont il me parlait les heures précédentes était la cause de tous ces agissements. Et qu’il serait plus que temps pour lui de suivre un traitement psychiatrique car à mon avis sa place n’était pas en prison mais dans un asile. 

J’avais essayé d’en parler à Safiya et à Vincent qui me ne partageaient pas mon avis. Pour eux Marc-Levy était bel et bien normal et qu’il avait fait tout ceci en conséquence de cause. Et la raison évoquée justifiait toutes ses atrocités. Mais je ne pouvais être sûre de tout cela qu’en discutant avec ma famille, surtout avec ma mère. Après avoir passé autant d’années auprès de mon père, elle partageait sûrement tous ses secrets. Donc il me fallait me renseigner là-dessus auprès de ma mère. Je priais dans mon for intérieur que ce ne soit encore une invention de ce fou furieux, car chaque fois que j’essayais de m’imaginer cette réalité, elle me glaçait les os au plus profond de moi.

Les jours qui ont suivis, nous avons appris que ML devrait être extradé vers la Guinée. Car d’après le procureur général, il devrait répondre de ses crimes devant la justice guinéenne et non sud-africaine d’autant plus qu’un mandat d’arrêt portait sur lui en Guinée et il était plus que temps qu’il reçoive enfin une sanction en rapport avec ses crimes. Après donc son extradition, Vincent, Safiya et moi voudrions rentrer en Guinée pour suivre l’affaire de plus prêt. Safiya y allait surtout pour rendre hommage à David et Vincent pour nous accompagner. Pour moi, il était beaucoup plus question de vérifier toutes ses informations auprès de ma mère. Nous sommes restés en Afrique du Sud pendant encore deux semaines avant de rentrer en Guinée. Vincent s’était chargé de l’achat des billets d’avions et des réservations. Je ne voulais en aucun cas tenir ma famille au courant de mon retour, je pensais leur faire à tous une surprise. J’étais tellement excitée car cela remontait à bien longtemps que je n’avais pas vu mes proches et j’avais besoin de bonnes vibrations après ce qu’on avait traversé. Je me disais qu’il était plus que temps pour moi et pour ma famille de tourner la page et de passer à autre chose. 

Samedi, le dernier vol de cette journée foulait enfin le tarmac de l’aéroport international de Conakry et ma poitrine était gonflée de joie. L’avantage de voyager en première classe est de ne pas trainer dans les files indiennes à deux balles. De ce côté, Vincent nous a comblé encore une fois. Après avoir passé les frontières et les contrôles de sécurité, nous avons rejoint son escorte qui était là pour nous chercher. C’est donc en début de soirée que nous avons fait notre entrée à la maison (dans mon ancien appartement). Là, nous avions trouvé ma mère et ma sœur assises toutes les deux en train de converser. Dès que le moment de surprise fut passé, elle se jeta dans mes bras. Elle était plus qu’heureuse de me voir là. Elle étreignit également Safiya puis Vincent. 

Pendant tout ce temps, Fallone s’était terrée dans son silence, sans bouger d’un seul iota. Cela nous surpris tous au point où Safiya lui lança :

- C’est ça le comité d’accueil ? 

- Tchips ! avait-elle rétorqué

- Quoi tu es malade pour m’insulter de la sorte ? Nous venons d’arriver et tu ne trouves pas normal de nous serrer la main à défaut de nous faire la bise.

- D’où est-ce qu’on se connait ? 

- Laisse tomber fis-je à Safiya. Mieux vaut ne pas s’attarder sur des futilités. 

Ce soir-là, nous avions passé de bons moments aux côtés de maman. Malheureusement, nous ne pouvions aucunement nous attarder parce que la vilaine humeur de ma sœur gâchait l’ambiance de cette soirée. La tension était palpable dans la pièce surtout qu’elle nous regardait avec des yeux revolvers qui énervaient complètement Safiya. Nous étions donc obligés de nous en aller emportant avec nous quelques photos de David. 

Les jours qui ont suivis, nous avons organisé une rencontre dans le restaurant de l’hôtel dans lequel nous séjournions. J’avais voulu que tout le monde soit présent pour qu’enfin, nous mettons les points sur les i. Ma mère, ma sœur ainsi que Lucien devraient y être pour que je les tienne au courant de la situation actuelle. Ils sont tous arrivés et ensemble nous rions et parlons de bon cœur. Au moment du dessert, Vincent et moi avons commencé à relater les faits en lien avec ML. Quand finalement j’ai posé la question clé de la discussion, j’ai senti comment le regard de ma mère avait changé. Elle ne me regardait plus en face, mais plutôt courbait la tête. Elle m’a avoué plus tard qu’elle était au courant de la situation, de plus qu’elle était celle qui avait poussé mon père à se comporter de la sorte envers le père de ML. Si tous ces drames leur étaient finalement arrivé c’est parce que ma mère avait inculqué ce genre de mentalités à mon père, qui en retour n’avait pas hésité à trahir son partenaire d’affaires pour faire plaisir à son âme sœur. J’étais scandalisée. J’avais l’impression que la terre s’ouvrait sous mes pieds pour m’engloutir. Qu’est-ce que j’entendais là ? Non, non, non, non !!!! Je ne sais à quel moment j’ai traversé la table, mais je me suis jetée sur elle prête à l’étrangler. Les autres m’ont maintenu pour m’empêcher de faire n’importe quoi. Comment quelqu’un pouvait se comporter de la sorte ? Comment quelqu’un pouvait agir de la sorte et continuer de vivre tranquillement ? 

Je suis arrivée à me contenir pour la laisser poursuivre cette affaire. 

- Comprends-moi ma fille. J’étais cupide et insensée à cette époque. Je ne pouvais pas un seul jour m’imaginer vivre aux côtés d’un homme aussi fauché que votre père. Il était beau, mais était un vrai crève la faim, et ça, je ne pouvais l’accepter. En plus j’étais tellement courtisée que dans les blagues je lui ai demandé même de s’emparer de la richesse de son pote, s’il était si malin que ça. Et je ne pouvais pas m’attendre à ce qu’il en fasse autant pour me prouver son amour. Croyez-moi, j’ai fini par regretter ce qui s’était passé, surtout que ce sont ses remords qui ont emmené votre père vers la mort. 

- C’est bien fait pour lui dis-je complètement enragée. A quoi vous attendiez-vous ? je ne sais pas si tu te rends compte des conséquences de tes actes ? Regardes ce que tu as fait ? Regarde là où nous en sommes ? 

 Plus tard Fallone avait révélé avoir appris la nouvelle à la mort de notre géniteur et c’était l’une des raisons qui expliquaient son refus de rentrer définitivement au pays. 

- Toi aussi tu étais au courant ? Et tu n’as jamais jugé bon de me le faire savoir ? 

- Comment pouvais-je te le dire ? Tu n’étais encore qu’une enfant à ce moment-là. 

- Ah oui, je vois que pour toi la petite fille que j’étais la demeure jusqu’à présent. 

« Désolée », imploraient-elles toutes les deux. 

- Désolée hein, et vous croyez que c’est suffisant. Pour toi Fallone cela ne te dit absolument rien de coucher avec l’ennemi, mais pour moi c’est un affront, c’est une honte et croyez-moi qu’en ce net moment, j’aurai plus que tout souhaité ne jamais appartenir à votre famille. C’est à cause de toi, tes blagues, ta cupidité que ma vie, celle de ce taré, celle de Safiya et celles de toutes les autres personnes qui sont décédées ont été gâchées. Pendant que je me posais tout un tas de question, toi tu avais les réponses. Tu savais qui était ML, tu l’as vu à la fête de David, tu n’as pas osé un seul instant faire le lien. 

- Comprends-moi ma fille que je ne pouvais pas m’imaginer que c’était lui et que cette affaire aurait pris une telle tournure. 

- Bien. Maintenant, je vais te dire ce que moi j’en pense : désormais, je ne suis plus ta fille, tu ne seras plus ma mère. Si tu veux reprendre ce statut, règle toute cette affaire, ramène ces morts à la vie. Sinon, c’est terminé. Safiya, on y va. 

C’est dès cet instant que j’ai coupé les ponts avec Les LIMANIS. Safiya et moi sommes restées à l’hôtel pendant quelques temps, jusqu’à ce qu’elle manifeste le désir de retourner au Maroc pour renouer avec sa famille. D’après ses dires, elle avait pu entrer en contact avec un de ses frères qui était étonné de la savoir en vie. Car ML l’avait faite passée pour morte pendant tout ce temps. Il était plus que temps pour elle de rentrer aux bercails. M’ayant proposé de l’accompagner pour ce voyage afin de me refaire une santé. J’étais emballée à l’idée de visiter un nouvel endroit et surtout aider Safiya à tourner la page. 

La rencontre avec ses parents était pleine d’émotion. Elle leur a parlé de ce que ML lui avait fait subir, de la naissance de David, de sa perte, de sa mort, de notre rencontre et de tout ce qui s’en est suivie. Ils étaient en larmes et surtout encore surpris de la savoir en vie. ML leur avait fait savoir qu’elle était décédée à la suite de l’accouchement, et il n’hésitait pas à leur soutirer de l’argent en inventant un petit problème. Plus tard, il leur a fait savoir que l’enfant avait également perdu la vie. Dès cet instant, il n’y avait plus de contact entre eux. C’est ainsi qu’ils ont eu à pleurer sa mort et celle de l’enfant pendant tout ce temps. Quelle famille !!! Pendant que la mienne se brise, la sienne se reconstruit. Les siens m’ont accueilli les bras ouverts et ont mis à notre disposition l’un de leurs appartements dans lequel nous nous sommes installées Safiya et moi. Ce qui était une visite de courte durée, est devenue une occasion pour moi de m’installer et avancer. Malheureusement au bout de deux mois, les vieux démons ont refait surface et nous en sommes là. J’ai sombré dans la douleur au pont de m’oublier, d’oublier mes rêves, mes aspirations. J’ai coupé le contact avec tout le monde sauf Vincent qui ne cesse de s’inquiéter pour moi. Entre-temps, ayant eu vent de la situation que je traversais, Alex a recommencé à me joindre, à tenter de me séduire à nouveau, mais je ne suis plus emballée par ce genre d’histoires. 

 

 
Cœur en chantier