Ami et Joël : l’idylle

Ecrit par Dja


En allant retrouver Fatoumata à la caisse, les deux nouveaux amis faisaient semblant de ne pas s’apprécier. Mais, la mère avec l’expérience qu’elle avait de la vie comprenait bien que quelque chose d’important venait de se passer. Elle se dit qu’elle attendrait qu’elles soient toutes les deux avant de questionner sa fille. Elles se séparèrent donc de Joël à la sortie du magasin. Il était venu à pieds jusque là, car il ne vivait pas très loin. Les deux femmes montèrent dans leur voiture et le chauffeur démarra en direction de la maison.


Se tournant vers sa fille, Yaye Fatou lui demanda :

« _ Alors, que se passe t-il ?

_ Rien Maman ! Pourquoi tu me demandes ça ? (Ami faisait semblant de ne pas comprendre)

_ Tu sais très bien de quoi je veux parler.

_ Non ! Je ne vois pas ! Qu’y a-t-il ?

_ Avec ce garçon, Joël. Tu ne veux pas me dire ce qu’il te voulait ?

_ Ha ! Lui ? Bof, il voulait s’excuser pour le soir de la fête. Il m’a dit qu’il ne savait pas que les tridiots (c’est ainsi qu’elle avait surnommé ses frères) allaient débarquer ainsi.

_ Han ! Et c’est… tout !? (avec un sourcil levé)

_ Oui, c’est tout ! Pourquoi y aurait-il autre chose ?

_ Je ne sais pas, je demande juste comme ça.

_ Non, il n’y a rien d’autre. D’ailleurs, il m’énerve ce type. Il se croit tout permis et pense que tout lui est dû.

_ Hum ! 

_ Quoi, hum ? C’est vrai quoi !

_ Rien ! Rien ! J’ai compris que tu ne me diras rien d’autre.

_ Mais, maman, il n’y a rien d’autre à dire.

_ Ok ! Ok ! C’est bon, j’ai compris ! Mais, n’oublie pas que je suis ta mère et que je serais toujours là pour toi. Si tu as besoin de moi, n’hésite pas.

_ Oui maman ! Je sais tout ça ! »




Et elle fit un bisou sur la joue de sa mère avant de se plonger dans son téléphone.


Ha ! Les jeunes avec ce machin. Fatoumata ne s’y faisait toujours pas. Elle était restée à l’ancien téléphone qui lui permettait de recevoir et d’envoyer des appels ou des messages. La nouvelle technologie ne lui inspirait pas confiance. Elle avait dû se résigner à utiliser un ordinateur pour ses travaux de recherches et ses cours. Mais, cela s’arrêtait là. Désormais il y avait plusieurs applications sur les téléphones, tablettes tactiles et autres. Mais, rien que d’y penser, elle en avait le vertige. Tout cela n’était pas pour elle.


D’ailleurs, qu’en ferait-elle ? Ses seuls loisirs étaient les cours de danse que son mari lui avait permis de prendre. Elle ne sortait pour ainsi dire jamais. Sauf bien sûr quand elle allait rendre visite à Gracia, son amie de toujours. Ou encore, quand elle allait voir la famille. Mais, comme ils étaient au village et qu’il fallait faire des heures et des heures de route pour s’y rendre, elle n’y allait que pendant les vacances scolaires. Sinon, ses parents venaient en ville pour la voir.


Elle aimait beaucoup son mari et la vie qu’il lui permettait d’avoir. D’autres femmes dans sa condition aurait eu des coépouses. Mais elle, était la seule femme dans son foyer. N’eurent été les quelques fois où Oumar avait découché et cherché désespérément une fille, elle l’aurait toujours eu dans son lit. C’était un bon mari et un bon père pour ses enfants. Il leur avait donné la chance d’aller étudier à l’étranger. Et tous avaient réussi. Même les derniers avaient de bons résultats scolaires. Leurs garçons faisaient honneur à la famille.


En pensant à eux, Fatoumata sourit en regardant à travers la vitre la route qui défilait. Elle aimait beaucoup son mari. D’ailleurs elle remerciait toujours son père de lui avoir trouvé un homme comme lui pour époux. C’était un homme respectable et respecté. Les gens le craignaient.



Et puis, il ne la battait plus. Cela était arrivé à certains moments, lorsqu’elle lui avait déplu. Mais, depuis que leur fille était venue au monde, il avait cessé de lever la main sur elle. Bon, c’est vrai que quelques fois, il lui arrivait d’élever la voix et de la menacer, mais jamais plus il ne la frappait. Sans oublier que c’était toujours un amant fougueux. Heureusement qu’ils avaient leur dépendance propre. Sinon, les enfants auraient pu être entendre ce qui se passait dans leur chambre.


En effet, depuis que leur aîné avait eu 15 ans, Oumar avait décidé qu’il voulait un espace personnel pour sa femme et lui. Ils avaient donc emménagé dans une aile séparée du reste de la maison. Il ne voulait surtout pas être dérangé par le bruit ou autre chose lorsqu’il recevait des visiteurs. Qui, la plus part du temps étaient des personnalités haut placées.


Elle regarda sa fille dont l’image se reflétait sur la vitre. Comme elle avait grandit depuis ce jour où elle avait été surprise quand le docteur lui avait annoncé sa grossesse. Ami ne lui avait alors apporté que de la joie. Elle suivait le même chemin que ses frères. Elle avait d’excellents résultats scolaires et bientôt elle aussi irait poursuivre une formation universitaire à l’étranger. A cette idée, Yaye Fatou sentit un pincement au cœur. Sa petite fille allait lui manquer. Elle n’entendrait plus ses rires le matin, ni ne la verrait plus courir autour de la maison pour son jogging quotidien. Parce qu’Ami faisait beaucoup attention à sa taille. Elle disait qu’elle avait peur de grossir et faisait tout pour garder une forme « à l’européenne ». Quand on lui parlait de mariage, elle s’emportait. Elle ne voulait pas en entendre parler. Pour elle, les hommes passaient après les études et elle voulait d’abord finir et travailler aux côtés de son frère Cissé. Il réussissait bien en tant qu’agriculteur. Il avait des usines de riz, cacao, palmeraies, et autres produis agricoles qu’il vendait pour plus de la moitié à de grosses firmes internationales à prix coûtant. Le reste, il acceptait d’en négocier le prix au rabais avec des vendeurs moins importants. Néanmoins, il ne perdait rien, ses affaires marchaient très bien.


Le chemin jusqu’à la maison était encore loin. Une bonne demi-heure de route encore. Fatoumata préférait se rendre au centre-ville pour effectuer les achats les plus importants, car là bas au moins, il y avait de tout. Elle s’endormit doucement au son des klaxons et de la cacophonie routière de ce samedi. Oumar serait absent tout le week end pour des raisons familiales. Sa mère était souffrante et vu que son état était très alarmant, il avait souhaité se rendre à son chevet. Fatoumata profiterait de son absence pour nettoyer leur nid d’amour. Elle n’avait jamais accepté qu’une femme de ménage pénètre dans leur espace. Elle confectionnait elle-même leurs repas et s’occupait également du linge de son époux. Elle disait toujours qu’il était dans son devoir de s’occuper de rendre son mari heureux. Et si elle ne l’avait pas perdu malgré ses grossesses masculines, elle ne laisserait pas une étrangère le lui ravir. Par contre, le reste de la maison était entretenu par un personnel domestique. Il y avait un jardinier, un gardien le jour et deux la nuit, une cuisinière et deux femmes de ménage. En s’endormant, Fatoumata se mit à rire. Jusque là, la vie lui avait bien réussi et elle n’avait aucune raison de s’en plaindre.


Jusque là…


Aminata de son côté était en grande conversation avec des amis sur un groupe de discussion. Il était question des rapports sexuels avant le mariage. Jusqu’à il y a quelques temps encore, elle était totalement contre. Cependant, l’âge faisant et l’influence audiovisuelle, elle n’était plus aussi catégorique. Désormais elle soutenait que l’on pouvait trouver le bon partenaire avec qui l’on voudrait passer le restant de sa vie. La jeune femme avait des idées de partenaire idéal et fidèle qu’elle rencontrait dans la littérature romantique qu’elle cachait sous son matelas. Si son père savait qu’elle lisait des livres parlant de sexe et de relations amoureuses, il aurait tout confisqué. Ce qu’il pouvait être vieux jeu !


Au même moment, l’icône d’un message venait de s’afficher sur l’écran. Qui cela pouvait-il bien être ? Rho ! Le sujet était passionnant. Jeneba était en train de dire qu’elle avait embrassé un garçon l’autre jour à la sortie des cours. Ami rit sous cape. Elle jeta un coup d’œil vers sa mère qui continuait de dormir, la tête appuyée sur la vitre. Tant pis pour les messages, ils attendront. Elle ne voulait pas rater un seul moment de l’histoire de sa cousine. Cette dernière avait déjà couché. C’était il y a deux ans, avec un garçon qui lui avait promis le mariage dès qu’il finirait ses études. Mais, après leur passage à l’acte, ce connard l’avait laissée tomber. La pauvre ne s’en était remise qu’au bout de plusieurs semaines.


Pour se venger, d’autres filles et elles avaient percé les roues de sa moto pendant un mois. A chaque fois qu’il les changeait, elles les perçaient. Le gardien du lycée avait failli les attraper sur le fait un jour. Raison pour laquelle elles avaient arrêté.

Mais, on dirait bien qu’elle avait trouvé un nouveau petit copain Jeneba. Ami lui recommanderait de faire attention tout de même. Elle ne voulait pas que son amie et confidente se retrouve dans la même situation que l’autre fois.


Les autres filles du groupe étaient également croustillantes de détails. Comment c’était ? Avait-elle mis la langue ? Qui c’était ? Où habitait-il ? Autant de détails qui leur prirent tout le trajet et Ami en oublia complètement les messages qui s’affichaient toujours sur l’écran. Elle ne craignait pas que quelqu’un tombe sur ses discussions. Son mot de passe était impénétrable. C’était un code du jour de ses premières règles. Elle l’avait gardé en mémoire, car cela avait été pour elle le signe de son début d’émancipation. Depuis, elle attendait impatiemment d’avoir 20 ans pour enfin partir de chez ses parents. Elle voulait faire comme ces filles qu’elle voyait dans les magazines et autres show télévisés qui vivaient seules et s’autogéraient. Elle rêvait d’indépendance et d’autonomie.


Arrivée à la maison, elle se dirigea directement vers sa chambre. Sa mère elle parti vers son aile.

Ami referma la porte derrière elle et se mit à lire les messages. Les filles s’étaient déconnectées depuis longtemps et elle avait déjà vu qui lui avait envoyé les messages. Seulement, elle préférait attendre l’intimité de sa chambre avant de les lire.


« _ Alors, comment va depuis tout à l’heure ? Tu ne réponds pas ? Vous êtes bien rentrées ? Allô ! Tu es là ? Bon, j’ai compris, tu ne veux pas parler. A plus. » 

C’était donc Joël qui lui envoyait ces messages. Il aurait pu patienter avant de la harceler. Elle commençait à regretter de lui avoir donné son numéro de téléphone. Mais, elle ne pouvait plus reculer. Elle devait mettre son plan à exécution.

C’est ainsi que les deux jeunes gens se mirent à se fréquenter. Au début, ce n’était qu’à de rares occasions. Par exemple au supermarché où ils se donnaient rendez-vous. Ou lorsque leurs mères respectives rendaient visite à l’une ou à l’autre. Ils trouvaient toujours une excuse s'éloigner et discuter. D’autres fois encore, ils se voyaient à la sortie des classes, quand le chauffeur ne pouvait venir la chercher.


Petit à petit, ils apprirent à bien se connaître et au bout de trois-quatre mois, Aminata commença à éprouver des sentiments insoupçonnés pour Joël. Elle ne s’en était pas rendue compte, jusqu’à ce jour où elle l’avait surpris dans son bureau.


C’était en novembre, l’année scolaire s’était achevée sur la réussite de tous les enfants Traoré et une fête avait bien entendue été donnée en leur honneur. Les triplés avaient pris leur envol. Désormais ils étaient aux USA et Aminata était restée la seule enfant à la maison. Elle était donc plus libre de ses mouvements. Même si son père avait fait venir deux cousins du village pour vivre avec eux.


Ce matin de novembre donc, elle avait été chez le coiffeur et avait décidé de faire une surprise à Joël à son bureau. Il n’était pas loin du centre-ville. Elle s’arrêta pour lui prendre ses gâteaux préférés : « les religieuses ». Il disait toujours qu’il n’avait jamais mangé un dessert aussi délicieux. Elle lui prit donc une boîte avec six à l’intérieur et s’acheta également quelques gourmandises. Ce n’était pas ça qui la ferait grossir.


Au bureau de Joël, la secrétaire avait pris sa pause-déjeuner. Elle savait qu’il serait là, il le lui avait précisé ce matin au téléphone :

« _ J’ai beaucoup de travail en retard à cause des jours de repos que j’ai pris. Je vais donc manger un morceau au bureau et je ne rentrerais que le soir.

_ Tu finiras par t’épuiser à la tâche à force.

_ Mais non ! Et puis, ainsi cela me permet de ne pas trop penser à la belle Ami qui refuse toujours d’être ma petite amie. » 

Elle rit en l’entendant faire des rimes.

Il était vrai que ces derniers mois, ils s’étaient beaucoup rapproché. Mais Ami disait qu’elle ne voulait rien faire de sérieux avec lui. Après leur rencontre au supermarché, deux mois s’étaient écoulé sans que Joël ne lui dise réellement qu’il voulait sortir avec elle. Et puis, un soir qu’ils échangeaient par message, il lui avait déclaré sa flamme. Mais, Ami avait rejeté ses avances gentiment en lui faisant comprendre qu’elle ne voulait pas de lui. Elle le préférait comme « un bon copain ». Et c’est ainsi qu’ils avaient continué à se voir. Et puis, un autre soir, elle s’était jeté dans ses bras et lui avait donné sa bouche à embrasser. Joël qui avait attendu ce moment depuis longtemps n’avait pas hésité un seul instant. Enfin, il l’avait sa petite sauvageonne. Il saurait faire tomber toutes ses inhibitions et dès qu’il en aurait l’occasion, il la mettrait dans son lit.


Ils étaient désormais officiellement ensemble en secret. Cela lui faisait tourner la tête. Ami pourtant ne l’aimait pas. C’était à cause de son père qu’elle faisait tout cela.


Pourquoi fallait-il que ce soit elle qui ait un poids si énorme de responsabilité vis-à-vis de la famille?


Un soir, Oumar était rentré du travail et les avait appelées sa mère et elle :

« _ Je dois vous annoncer quelque chose.

_ Que se passe t-il Oumar ? Tout va bien ? Est-ce que ce sont les garçons ?

_ Laisse moi d’abord m’asseoir ‘Mata ! (diminutif de Fatoumata) Tu poses trop de questions.

_ D’accord ! Mais tu me fais peur.

_ Appelle notre fille. Je vais me changer pendant ce temps »


Aminata les retrouva dans leur maison. Elle était toujours bien rangée et sentait toujours bon. Sa mère aimait mettre du thé à infuser dans des pots et laisser s’en répandre l’odeur dans toute la maison. Elle était toujours coquette et Ami savait que son père en était très amoureux. Elle l’avait entendu le dire à un de ses collègues de travail qui le taquinait sur le fait qu’il n’avait toujours eu qu’une seule femme. Quand elle les eut rejoints sur la véranda. Son père lui demanda de s’asseoir en face d’eux :

« _ Ami, tu as bien grandi et tu es une jeune femme maintenant. Je sais que les hommes ont commencé à te tourner autour, mais tu sais ce que j’en pense (elle avait hérité de son père son franc-parler). »

Aminata ne dit rien. Elle tenait sa tête légèrement baissée et écoutait son père en se demandant où il voulait en venir. Elle ne l’écoutait que d’une oreille. Le vieux aimait faire de longs discours et parfois elle ne savait plus ce qu’il disait. Elle se mit à rêvasser. Bientôt elle irait dans cette école de relations internationales à Genève. Il ne manquait plus que la signature de son père au bas de la page d’inscription ainsi que le chèque pour les frais de scolarité.


« _ Tu m’écoutes ?

_ Oui Baye !

_ Très bien ! Je n’en n’avais pas encore parlé à ta mère parce que je voulais être sûr de mon coup.

_ De quoi parles-tu, Oumar ?

_ Laisse-moi finir. Donc, je disais que j’attendais pour vous en informer. 

J’ai un collègue dont le fils rentre bientôt de voyages d’études et il va s’installer ici. Tu le connais ‘Mata, c’est le fils de Mbaye. J’ai décidé qu’il épousera Aminata. Le mariage aura lieu en janvier prochain. »


En entendant ces mots, Ami leva la tête pour soutenir le regard de son père. On pouvait y lire de la colère retenue. Elle regarda sa mère qui avait de son côté baissé la tête et se tournant à nouveau vers son père :

« _ Mais, papa je n’ai pas encore fini mes études. Je dois aller à Genève et je ne veux pas me marier. Surtout pas avec un inconnu.

_ Tais toi ! Tu vas faire ce que je te dis. Pour tes études, tu verras ça avec ton futur mari. S’il est d’accord, je règlerais le nécessaire pour ton voyage et tout le reste.

_ Mais papa, je…

_ Rien du tout ! La discussion est close. Fatoumata, occupes-toi de parler à ta fille. Et surtout, qu’elle ne s’avise pas de me désobéir. »


Il avait dit ses mots avec une menace non dissimulée dans la voix. Personne ne discutait ses décisions. Il était le maître, le chef, le patron. Ami se souvint encore de la fois où sa mère lui avait fait une scène alors qu’il avait dormi hors de la maison. Il l’aurait frappée si Aboubacar leur 1er fils n’était pas intervenu. Oumar avait alors chassé sa femme de « son » aile pendant deux semaines. Elle avait dû le supplier pour qu’il la reprenne.


Aminata était secouée par la nouvelle que son père venait de lui annoncer. Des larmes coulaient le long de ses joues. Dans quel monde vivait-elle pour qu’elle n’ait pas le droit de décider pour elle-même ? Elle se mit à genoux devant son père en le suppliant de ne pas la marier à cet homme qu’elle connaissait pas. Mais, il la repoussa:

« _ Ce mariage a été décidé depuis longtemps. Arrête de te comporter comme une petite fille. Fatoumata, ramasse ta fille. Je ne veux plus en entendre parler.

_ Oh papa ! Je t’en supplie, je ne veux pas me marier. Pas maintenant ! Si tu veux, je le ferais après mes études, mais s’il te plaît pas avant. »


Elle regardait tour à tour son père et sa mère avec des sanglots dans la voix. Cette dernière était si bouleversée qu’elle n’eut d’autre choix que d’aider sa fille à se relever. Mais, quand elle fut debout, elle se dégagea de l’étreinte maternelle. Puis, lançant un regard de défi à son père, elle partit en s’écriant :

« Je ne me marierais pas ! Il faudra me tuer avant ça ! »

Oumar ne fit pas un geste pour la retenir. Il regardait Fatoumata qui tremblait de tous ses membres. A 75 ans, son mari continuait de l’effrayer par moments. Il lui dit alors d’une voix tranchante :

« Fatoumata, c’est toi qui a élevé ta fille. Si elle ose me désobéir et jeter l’humiliation sur moi, je vous tuerais. J’en ai fini ! »


Sur ces mots, il la laissa là et demanda qu’elle lui serve son repas.


Dans sa chambre, Ami ne cessait de fulminer. Elle tournait en rond comme un lion en cage. Son père ne jouerait pas avec son avenir comme son grand-père l’avait fait pour sa mère. Elle n’accepterait plus que les hommes de sa famille continuent de décider pour les femmes. C’en était trop ! Son père n’était qu’un macho qui menait son monde à la baguette. Mais, elle n’allait pas se laisser faire.


Elle entendit les pas de sa mère dans le couloir et couru lui ouvrir et se jeter dans ses bras :

« Oh Yaye Fâ ! (c’est ainsi qu’elle l’appelait quand elle avait besoin de l’attention maternelle). S’il te plaît dis à papa que je ne peux pas me marier. Je t’en supplie !

_ Ma fille ! Tu sais très bien que je ne peux rien y faire. Ton père a pris sa décision et personne ne pourra lui faire changer d’avis.

_ Mais, je dois finir mes études maman. (elle pleurait de plus belle)

_ Ma chérie, arrête de pleurer. Tu vas te rendre malade.

_ Je suis déjà malade. Rien qu’à l’idée de me retrouver dans le lit de ce garçon, j’ai envie de vomir.

_ Ne dis pas ça ! Tu ne le connais pas. Peut-être que c’est un bon garçon et qu’il fera un bon époux.

_ Ou pas ! Mais, je ne veux pas, c’est tout ! (elle s’était éloignée de sa mère pour aller s’asseoir sur son lit)

_ Ma fille ! Tu sais que tu es mon plus beau trésor. Si tu fais ce qu’a dit ton père, je lui demanderais de demander à ton mari de te laisser finir tes études. Après le mariage, il pourrait t’accompagner à Genève.

_ Je ne me marierais pas !

_ Arrête tes enfantillages. Regarde, moi par exemple, ton père m’a permis de travailler. Il savait à quel point je tenais à mon métier.

_ Mais, Yaye Fâ ! Je ne veux pas me marier. Je t’en supplie, dis-le à papa.

_ Tu vas te taire maintenant ! Ca suffit ! Tu veux qu’il nous tue c’est ça ? Tu sais qu’il le ferait si tu désobéissais. Moi également, comme bien d’autres femmes d’ici avons épousé les hommes auxquels nos parents nous destinaient. Nous n’en somme pas mortes.

Tu vas faire comme il a dit et puis c’est tout. Je suis désolée que ça soit aussi vite, mais c’est comme ça.

_ Comment peux-tu me dire ça maman. Toi la psychologue tu devrais mieux me comprendre.

_ Je suis également fille de ce pays et avant tout ta mère ma chérie. (sa voix s’était radoucie). Je ne veux que ton bien. et je ne supporterais pas qu’il t’arrive malheur. Ton père serait capable de te punir et ça, je ne pourrais le supporter.

_ Yaye (Ami se remit à pleurer)

_ Bon, je te laisse. Réfléchis bien à ce que je viens de te dire. Je t’aime ma fille. Plus que tout au monde. »


Elle l’embrassa sur ses cheveux qu’elle-même entretenait. Fatoumata aimait prendre soin de la beauté de sa fille et depuis sa naissance, c’est elle-même qui traitait ses cheveux et la conseillait sur ce qui était bon ou pas pour sa peau. Elle avait le cœur gros de voir son bébé Ami dans cet état. La vie de femme dans leur tradition se résolvait à suivre les ordres des hommes. Point. Il n’y avait pas d’autres alternatives. Elle se souvenait d’une cousine que le frère de sa mère avait battue en public parce qu’elle avait fuit ses noces. Elle ne voulait pas que la même chose arrive à sa fille. Elle la protégerait malgré elle. Elle s’en fit la promesse. Mais, son cœur de mère était déchiré de la voir ainsi. C’était son unique fille. Malgré les vaines tentatives, après sa naissance, Fatoumata n’avait plus réussi à tomber enceinte.


La grossesse d’Aminata avait été difficile et à sept mois et demi, Fatoumata avait dû rester à l’hôpital jusqu’à l’accouchement. Aminata avait pris une position dans le ventre qui mettait sa vie en danger ainsi que celle de sa mère. Malheureusement, elle n’avait pas pu accoucher par césarienne et la sortie de la petite avait occasionné des complications qui avaient mis fin à ses désirs de futures grossesses. Elle ne s’en était jamais plainte. Au contraire, elle avait été soulagée d’avoir enfin une fille et même si c’était là on dernier enfant, elle en avait déjà eu six avant. Terminer par une fille qui rendait son mari heureux était pour elle comme une apothéose.


Laissée seule, Aminata ne sécha ses larmes que bien tard dans la nuit. Elle refusa de manger. Son père qui comprenait malgré tout les raisons de ce refus ne lui en tint pas rigueur. Il se disait qu’elle finirait par se calmer et que bien vite elle se rangerait à son avis. 

Il voyait déjà comment il établirait les termes du contrat de mariage. Son ami ne lui ferait pas ombrage. Il lui devait une forte somme d’argent qu’il lui avait prêté quand il avait été frappé d’une crise cardiaque et qu’il avait fallu l’évacuer d’urgence au Maroc. De là bas, il avait dû partir en Afrique du Sud car son mal avait fait apparaître d’autres problèmes liés à son cœur. Oumar savait que son fils rentrerait bientôt, car il était allé étudier les sciences naturelles et la physique et s’était spécialisé dans le domaine moléculaire. Il pensait travailler dans un des laboratoires pharmaceutiques du pays. Aminata ne savait pas qu’elle chance elle avait qu’il lui ait trouvé un aussi bon parti. D’un côté il exigerait que l’héritage de sa fille restait entre ses mains. Et d’un autre, elle n’aurait pas de souci d’ordre médical. Son mari saurait l’aider et aider ainsi la famille si le besoin s’en faisait sentir.


Le lendemain, Ami refusa de nouveau de sortir pour le petit déjeuner. Malgré l’insistance de sa mère et les menaces de son père, elle resta cloîtrée dans sa chambre. Elle n’en ressortit que deux jours plus tard. Elle s’était fait porter des plateaux repas et comme il y avait une salle d’eau dans sa chambre et une télévision, elle n’avait pas eu de difficulté à y rester.

Elle avait passé tous les scénarios possibles en revue, jusqu’à la fugue. Mais, où irait-elle et chez qui ? Ses cousines et autres amies ne l’aideraient jamais et elle aurait vite fait de retourner chez elle, où elle était sûre que son père la battrait.


Elle avait donc réfléchi à comment elle s’en sortirait et elle avait trouvé. Elle avait un plan. Elle ferait comme si elle avait fini par accepter la décision paternelle et puisqu’elle devrait quand même fréquenter son futur époux, elle ferait tout pour qu’il accepte de la laisser partir en voyage. Et plus jamais elle ne reviendrait.

Elle savait qu’elle briserait le cœur de sa mère. Mais, tant que son père serait en vie, elle ne pourrait jamais plus remettre les pieds au pays. Il serait capable de la tuer. Pour lui comme pour tous les hommes de la famille, l’honneur était quelque chose d’important avec lequel on ne jouait pas.

Elle espérait seulement qu’il ne s’en prendrait pas à sa mère. Cette dernière n’avait jamais su se défendre face à lui.


C’est ainsi que ce fameux soir, elle s’était jetée dans les bras de Joël en feignant qu’elle l’aimait comme elle avait vu le faire dans les films. Ce dernier heureux de ce qui se passait lui promit qu’à partir de ce moment il ne s’intéresserait plus qu’à elle et que désormais plus aucune fille n’occuperait ses pensées.

Pendant des mois, elle avait tenu leur idylle cachée. Mais, sa mère avait surpris ses sourires et ses gestes dans sa direction quand Joël venait à la maison avec sa mère. Il faut dire qu’il était maintenant tout le temps là quand elle venait. Et parfois, il apportait des courses. Aminata qui auparavant n’aimait pas sa compagnie avait désormais changé d’attitude vis-à-vis de lui. Elle acceptait de le raccompagner jusqu’au portail ou de l’aider à porter les courses. Quand son père était là, elle se tenait à distance de lui, mais Fatoumata voyait bien les clins d’œil qu’ils échangeaient.


Elle prit donc sa fille à part un jour que Gracia était là :

« _ Ami, que se passe t-il avec Joël ?

_ Rien maman ! Pourquoi ?

_ Ecoute, je vois votre petit manège à chaque fois qu’il est dans les parages. Tu devrais arrêter ça.

_ Je ne vois pas de quoi tu parles.

_ Han bon ! Ok, comme c’est comme ça, il ne mettra plus les pieds ici.

_ Ho ! Mais pourquoi maman ?

_ Parce que je n’aime pas tout ça. Et puis, il n’y a rien entre vous deux. Et désormais, ton cousin t’accompagnera quand tu devras aller faire des courses.

_ Ho, maman ! Ne fais pas ça ! C’est bon, j’avoue. Il y a bien quelque chose entre nous. Mais, rien de grave, je te promets.

_ Ami ! (elle avait presque crié). Tu veux que ton père te tue, c’est ça ?

_ Non maman !

_ J’espère que vous n’avez pas couché ensemble ?

_ Ho, non Yaye ! Jamais je ne ferais ça. (elle l’avait dit avec une pointe de dégoût dans la voix qui rassura sa mère)

_ Mais pourquoi fais-tu ça ?

_ Maman, je ne veux pas me marier, mais je n’ai pas le choix. Aussi, en attendant, j’ai juste envie de passer du bon temps. On ne fait rien de dangereux. Je te le promets.

_ Hum ! Ma fille, tu joue avec le feu. Et si tu tombes amoureuse ? Tu y as pensé ?

_ Cela n’arrivera pas. C’est juste un jeu. Et puis, Joël n’est pas quelqu’un de sérieux.

_ Hum ! Je maintiens que tu joues avec le feu. Faites attention s’il vous plaît ! Si Oumar apprend ça, je suis sûre qu’il nous le fera payer très cher.

_ Merci Yaye Fâ ! Tu es la meilleure des mères.

_ Je veux lui parler.

_ D’accord ! Je l’appelle tout de suite. »


C’est ainsi que leur relation fut un secret qu’ils partagèrent avec les deux mères. La seule règle qui leur fut imposée était qu’ils ne devaient pas avoir de relations sexuelles. Bien entendu leurs pères ne devaient être au courant de rien. Ismaël était si loyal en amitié que s’il avait su ce qui se passait, il en aurait aussitôt parlé à son ami

.


Ami était donc en direction du bureau de Joël quand elle entendit des gémissements qui provenaient de derrière la porte. Elle sourit en approchant. Elle savait qu’il aimait regarder des films érotiques quand il se savait seul. Elle l’avait déjà surpris chez lui et ils en étaient venus à frôler l’interdit car les images du film et l’arrivée impromptue de la jeune fille avait donné des idées à Joël. 


Quand elle était entrée dans sa chambre, il l’avait regardé avec une fièvre dans les yeux. Il avait tenu parole jusque là et n’avait plus été avec aucune autre fille depuis qu’ils avaient commencé à sortir ensemble. Ami ne savait pas qu’il regardait ce genre de films. A son approche, il s’était levé, le sexe bien dur dans son pantalon. La jeune femme avait ouvert grands les yeux tellement elle était abasourdie par le spectacle qui s’offrait à elle.


Joël était là, torse nu, la fermeture éclair de son pantalon ouverte sur une protubérance impressionnante. Il alla fermer la porte tout doucement, afin de ne pas effrayer sa jeune amie. Les mois d’abstinence l’avait rendu fou et de la voir là, sans voile, avec sa robe qui laissait pointer ses tétons rendus durs par une excitation innocente le bouleversait encore plus.


Il la prit dans ses bras et tout doucement les deux mains sur chaque côté de son visage, il l’embrassa en la poussant tout doucement vers son lit.


Elle n’avait jamais connu un moment de volupté aussi intense. Ami sentait les pulsations du membre de son ami sur son bas ventre. Elle ne pouvait plus réfléchir. Elle ne pouvait plus respirer normalement. Elle sentait une humidité dans sa culotte en flanelle et déjà la main de Joël taquinait son mamelon.


Comme c’était bon. Elle avait fermé les yeux et laissait monter en elle la chaleur enivrante des émotions qu’elle ressentait. Elle ne savait plus où elle était. Son corps ne lui appartenait plus. Toutes ses réticences étaient tombées. Toutes ses craintes s’étaient envolées.


Elle se retrouva en dessous de Joël qui avait maintenant les doigts dans la moiteur de culotte. Elle en eut le souffle coupé. Que c’était bon à en mourir. C’était divin. Elle voulait qu’il continue sans jamais s’arrêter. Joël avait délicatement ôté sa culotte et elle était maintenant toute nue sous sa robe. Mais, quelle importance, elle voulait encore plus. C’était magique.

Joël ne dit pas un mot. Il ne voulait pas briser la magie de cet instant ni qu’elle reprenne ses esprits. Tous ces mois où il avait songé à la prendre avaient fini par porter leurs fruits. Il s’était imaginé la faire basculer dans un escalier, dans sa voiture, dans les bois. Mais, jamais dans sa chambre. Elle était maintenant sa proie et lui, le prédateur qui ne la laisserait pas partir tant qu’il n’aurait pas savouré son délicieux repas.

Il voulait la faire s’envoler et qu’elle le supplie de ne pas s’arrêter.


Il avait enlevé son pantalon et appuyé sur un bouton de sa télécommande pour faire sortir un son doux et sensuel qui sortait d’un cd de son groupe préféré « BOYS II MEN ». Aminata n’aurait pas dû venir jusque là, rien ne pourrait plus l’arrêter.


Il se mit debout à la recherche d’un préservatif caché dans un tiroir au chevet de son lit. Aminata en le voyant : ce mâle si puissant avec un peu de sueur qui perlait sur ses muscles bien entretenus. Son corps était si beau et sa peau était d’un mâte si parfait. Elle n’aurait jamais pu s’imaginer qu’il fut si beau.


Elle eut un sursaut d’angoisse. Elle voulait arrêter maintenant. Comment avait-elle fait pour se retrouver là ?


Mais, Joël sentit ses craintes revenir. Il se coucha sur elle, nu et se mit à l’embrasser tendrement. Sa langue allait et venait dans sa bouche, entre ses dents. Ses doigts caressaient ses cheveux qu’il avait dénoués. Ses mains descendaient sur les courbes délicates de son corps et il fit passer sa robe blanche par-dessus sa tête. Dieu qu’elle était belle. Avec ses yeux de biche innocente qui le regardaient quelques peu effrayés. Il passa sa langue sur la pointe des seins qui s’offraient à lui tels des fruits mûrs prêts à être cueillis. Avec cette robe, elle lui faisait l’effet d’une jeune mariée qu’il allait dépuceler lors de la nuit de noces. Car c’était bien cela qu’il allait faire. Il était heureux. Fier d’être son premier homme. Il la ferait jouir plusieurs fois jusqu’à un épuisement tel qu’elle en redemanderait après s’être reposée. Elle crierait son nom et pleurerait tellement il la comblerait.


Son sexe n’en pouvait plus de cette torture doucereuse. Mais, il tint bon. Il voulait qu’elle soit bien prête pour l’accueillir. Il bandait si fort qu’il aurait pu la blesser s’il la prenait maintenant. Or, il voulait qu’elle soit bien humide et ouverte pour recevoir sa verge qui ne cessait de gonfler. Comme c’était bon de la voir ainsi offerte à lui. Sa fente n’était plus qu’humidité. Ses doigts entraient et sortaient si facilement que s’il ne la connaissait pas, il aurait pensé qu’elle n’était plus vierge. Il suça avec avidité le suc recueilli en la regardant bien droit dans les yeux. Il voulait qu’elle voit à quel point elle le rendait fou. Il se rendit compte à cet instant qu’il éprouvait beaucoup plus qu’une simple attirance pour elle. Ses yeux grands ouverts le regardaient comme s’il était une sucette qu’elle aurait aimé avoir en bouche.


Et cette bouche ! Comme elle lui avait rendu baisers pour baisers.


Elle n’allait pas être déçue.


Le son de la musique accompagnait leur cadence. C’était le rythme d’une danse qu’ils venaient d’inventer. Il était prêt, Elle aussi. Sa verge cherchait maintenant à rentrer toute seule. La douleur qu’il ressentait en sentant les pulsations dans cette grosse veine lui donnait le vertige. Il allait maintenant plonger dans cette eau si douce qui n’attendait qu’à l’engloutir tout entier.


Ami se mit à le supplier d’une voix rendue rauque par l’excitation :

« S’il te plaît Joël, maintenant ! Je n’en peux plus ! S’il te plaît ! Viens ! »


C’état le signal qu’il attendait. Il tint son membre entre ses doigts. Il allait lui donner ce qu’elle lui demandait aussi fort. Déjà elle s’arc-boutait sous lui. Elle voulait le sentir, elle allait le sentir.


Alors qu’elle plantait ses ongles dans son dos en se trémoussant et gémissant tel un chiot qui veut laper du lait, il la sentit se raidir. Que se passait-il ?


Ho non ! La voix de sa mère… Que lui voulait-elle ?


« _ Ne réponds pas ! S’il te plaît ! Je te veux maintenant ! Viens, prends-moi ! Je suis tout à toi ! »


Mais, Joël ne pouvait pas la pénétrer ainsi. Sa mère tambourinait à sa porte. Pourquoi venait-elle gâcher un moment si parfait.


Ami venait de voir sa vertu sauvée que par la voix de Gracia qui cherchait son fils…


Joël et Ami