Ça ne va pas marcher
Ecrit par Gioia
Laurence Koumah
Les deux nous fixaient, ébahis et le regard transpirant
de culpabilité. En plus Michael gardait sa main dans la sienne comme si c’était
totalement normal quoi.
— Madina, on doit parler. Seules ! précisé-je ce qui me valut une expression de
surprise de la part de Michael.
— Euh OK. Je t’appelle plus tard Madi, prend
tes médicaments et fais-moi signe en journée, lui répond-il avant de nous
adresser un au revoir jovial auquel je réponds froidement. Par la suite, nous
suivons Madina dans son appartement.
— Tu n’as pas dit qu’on devait parler seules ? elle m’interroge une fois que nous sommes en
haut.
— Oui, mais c’est Yannick. Il est aussi
inquiet pour toi.
— Enfin, Madina toi et Michael, commence Yannick,
wow je suis sur le cul. Laulau en parlait, mais je pensais qu’elle divaguait.
— Quoi moi et Michael ? ose-t-elle demander d’un air innocent.
— N’essaie pas de le nier, rétorqué-je. On
vous a pris la main dans le sac. Hier je vous ai vu vous faire des câlins
aussi. Je conclus donc qu’il a dormi avec toi et certainement depuis un moment.
— Madina tu es sûr que c’est une bonne idée
avec mon cousin ? Non pas que
je veux m’interposer, mais ça ne te ressemble pas, lui dit Yannick.
— Puisque je vous dis qu’il n’y a rien.
— Comment tu nous expliques le truc de papa
et maman avec le chiot puis hier matin quand tu lui disais « oh tes mains plus bas » ? J’ai rêvé
peut-être ? rétorqué-je sarcastique.
— Lol Laulau, il fallait demander au lieu d’interpréter.
Il se fait qu’après la soirée Catan Michael est venu ici sous prétexte qu’il
voulait prendre sa revanche. Malheureusement le soir là, il y a eu une tempête
de neige du coup, il est resté dormir. Une crise m’a secoué durant la nuit donc
il m’a porté assistance puis il est revenu histoire de vérifier si j’étais
encore en vie, ses mots je précise, nous explique-t-elle amusée. Par la suite,
il se fait qu’une fois il était là quand je massais ma jambe, alors il m’a
offert son aide avec insistance du coup j’ai dit oui et sans mentir il est plus
efficace que moi. Et depuis il est régulier ici. On joue, plaisante, il dort
sur place parfois quand il se fait tard et le matin il s’en va. Et le
chiot c’est juste une blague.
— Pourquoi ne pas nous avoir dit alors ?
rajouté-je dubitative.
— Je devais le dire comment et dans quelle
circonstance ? Je pensais que vous aviez
remarqué qu’on était amis. Je n’ai pas pensé que je devais vous donner un
détail de mes moindres faits et gestes.
— Non ce n’est pas ce qu’on voulait dire. Excuse-nous
c’est juste qu’on a pris peur à l’idée qu’il se passe un truc entre vous, mais
vu que ce n’est pas le cas, on est rassuré, lui répond Yannick.
— Pourquoi ça serait mal que quelque chose se
passe entre nous ? nous interroge-t-elle,
confirmant mes soupçons.
— Tu vois Yannick, je te l’avais dit ! ton cousin lui fait du charme.
— Mais non, s’empresse-t-elle de dire, c’est
juste une question.
— Euh Madina, c’est qu’il est temporairement
au Québec avec une vie qui l’attend en Côte d’Ivoire et toi tu t’es établie ici.
Michael n’a jamais mentionné qu’il pensait s’installer au Canada.
— Et la véritable raison c’est que ça ne
marcherait pas entre vous, dis-je après Yannick.
Elle nous regarda tour à tour avant de dire OK et nous
demander de l’intimité parce qu’elle devait se préparer pour le travail. En fin
de journée Yannick essayait de me convaincre qu’on lui devait des excuses.
— C’était un peu envahissant ce qu’on a fait,
surtout qu’elle a dit qu’il ne se passe rien. Tu penses quoi de l’inviter
demain pour qu’on s’excuse proprement ?
— Fais le si tu veux. Je ne vois pas ce que j’ai
fait de mal. Je veille uniquement sur mon amie ! Et crois-moi qu’elle n’a pas réussi à me berner si tu es tombé dans le
panneau. Madina en pince pour ton cousin. S’il ne s’est encore rien passé, ça
ne saurait tarder et il faut éviter ça.
La fin de semaine on l’a passé dans une ambiance
assez lourde entre Yannick qui continuait à insister que je devais des excuses
à Madina et cette dernière qui ne répondait que par des monosyllabes durant nos
conversations. Puis le dimanche arriva. Le jour du Seigneur me met toujours de
bonne humeur. En général Madina passe le samedi soir chez nous et on se rend à
l’église ensemble vu que l’endroit en question est éloigné de Laval où elle
vit.
— Madina tu as mis du rouge à lèvres, je
constate étonnée, ce matin là.
— Euh oui pourquoi ? C’est vilain ?
— Non non, ça te va bien. C’est juste que tu
es miss nude. J’ignorais que tu avais même du rouge dans ta trousse.
— Justement non, mais la fille au comptoir de
Mac m’a tenté et je voulais changer un peu, dit-elle avec un sourire enjôleur.
Qui dit changement brusque dit homme dans l’air. L’église
était animée comme d’hab. Mais il fallait que Michael s’incruste dans notre
petit cercle aujourd’hui alors que j’avais décidé de donner un peu de répit à
mon esprit. Et bien sûr Yannick à mes côtés arborait la banane comme son cousin
que le pasteur présentait à l’assemblée.
— Yapo défroisse ta mine tu vas faire fuir
tous les nouveaux, me dit-il à la fin du culte.
— Laisse-moi traître. Tu ne m’as pas dit que Mico
avait décliné ton invitation à l’église prétextant que les messages bibliques
de son père étaient suffisants pour lui ?
— Tout le monde peut changer d’avis et le
plus important c’est qu’il soit avec nous.
— Parle pour toi. Le plus important c’est
qu’il est venu sachant que Madina serait là.
— Ah Laure, tu tombes dans la paranoïa, ils
ont déjà dit qu’il n’y avait rien.
Je secoue seulement la tête. On peut être aussi
ingénu que mon chéri ? Heureusement,
mes yeux sont ouverts et je vois le bourreau des cœurs se rapprocher de sa
proie, pensant qu’il passe incognito.
— Laure je pensais qu’on était amies, me dit Judith
qui venait de me rejoindre.
— J’ai encore fait quoi ? soufflé-je d’exaspération. La go trouve toujours
de quoi se plaindre.
— Pourquoi j’ignorais que Michael allait
venir ? Et qu’est-ce que Madina fait
suspendue à ses lèvres ?
— Pardon je ne suis pas la gardienne de Michael.
Va à la source.
— En tout cas elle n’a pas perdu de temps.
Sous ses airs de désintéressée, elle sait agir rapidement pour jeter le grappin
sur…
— Tu m’arrêtes ça ! l’interromps-je. Madina n’a rien fait. C’est lui
qui lui fait du rentre-dedans.
— Je doute fort de ça, ils n’ont rien à faire
ensemble.
— Pour une fois je suis d’accord avec toi,
lui dis-je.
— D’accord avec quoi ? entendis-je de Madina qui s’était rapprochée
sans que je m’en rende compte.
Je ne souhaitais pas avoir cette conversation avec
elle devant un public donc je lui ai donné une fausse raison puis m’éloignai
pour saluer le reste de l’assemblée. J’étais en pleine discussion avec d’autres
quand Michael apparut derrière moi.
— Mon petit doigt me dit que tu m’évites, ironise-t-il.
— Ton petit doigt est bien futé alors.
— Ouch, fit-il main sur le cœur. Fais-moi ça
doucement non. Qu’est-ce que je peux faire pour apaiser le cœur de ma belle-sœur
adorée ?
— Très simple en fait, laisse mon amie
tranquille.
— Je ne l’ai pas attrapé, me dit-il avec le
petit ton charmeur des Koumah. Sauf que je vis avec un donc contrairement à
Madina son petit numéro de gentil garçon qui veut seulement se faire des amis
ne prendra pas.
Michael devait assister à la réunion pour les
nouveaux et nous a demandé de ne pas l’attendre. Je croisai le regard de Madina
qui avait l’air triste d’un coup pourtant elle était gaie tantôt. Tout ça parce
que Michael ne peut pas rentrer, franchement ! Nous sommes donc rentrés tous les trois. L’ambiance était plutôt lourde
durant le retour. Yannick lançait des blagues ici et là, mais elles tombaient
dans le vide.
— Tu commets une grave erreur si tu t’embarques
avec lui, avoué-je ne pouvant me retenir davantage.
— Pourquoi ? Parce que je ne suis pas son genre ? Madina
réplique du tac au tac.
— Exactement. Contente que tu le voies par toi-même.
— Ce que je vois surtout, c’est que celle que
je prenais pour mon amie ne me voit pas comme une femme entière.
— De quoi tu parles ? rétorqué-je perdue.
— Du fait que Judith et toi dites que je ne
suis pas le genre de Michael parce que j’ai des hanches artificielles.
— Quoi ? Mais voyons
je ne dirai jamais quelque chose comme ça !
— Toi aussi Madina, tu sais que Laure ne
dirait rien de dénigrant sur toi, me soutient Yannick avant de me lancer un
regard annonçant que mes oreilles allaient chauffer lorsque nous serions seuls.
— Tu n’as pas dit être d’accord avec elle que
nous ne sommes pas faits pour être ensemble ?
— Oui je l’ai dit, confirmé-je.
— Alors qu’est-ce qui me prouve que tu n’as
pas dit l’autre ?
— Madina ! tonne Yannick.
— Oh en passant, comment se fait-il que Judith
soit au courant de ma maladie congénitale ? ajoute-t-elle
à notre arrivée.
— Laure ! Yannick me
gronde maintenant.
— Judith c’est la petite sœur de ma
belle-sœur et notre amie. Je lui ai seulement donné quelques détails pour qu’elle
arrête d’être si dure.
— Ton amie Laure ! Pas la mienne et évite de dire des choses me
concernant devant elle. Si tu penses que je ne suis pas le genre de quelqu’un,
dis-le-moi simplement !
— Madi…, commencé-je, mais elle nous claque
la porte au le nez avant d’entrer à la maison.
— Laure tu descends et tu vas arranger les
trucs avec ton amie ! Je ne veux
pas rentrer vous trouver vous chamaillant, me prévient Yannick.
Je descends et il démarre en trombe. Cette Judith
ne perd rien pour attendre.
Yannick Koumah
Après plusieurs sonneries sans réponse, je
comptais rebrousser chemin quand la voix de Mico me parvient depuis l’intercom.
— C’est moi, lui réponds-je.
Il m’ouvre et deux minutes plus tard, j’entre dans
son appartement.
— Heureusement que tu as cuisiné Man, j’ai
une faim de loup, dis-je face au plat sur sa table.
— Bas les pattes, répond-il en transportant
son plat de pâté chinois pour se rendre au salon. Tu n’as pas pitié ? Un homme marié qui veut finir la ration d’un
pauvre célibataire.
— Garde ton maïs recouvert de fromage couzo,
rigolé-je fourchette à la main, prête à plonger quand même dans son assiette.
Il ne faut pas le plaindre. Petit j’ai souffert entre ses mains.
— Ce n’est pas n’importe quel maïs et
fromage, dit-il amusé puis nous commençâmes à manger ensemble avant d’enchainer
avec une partie de FIFA sur son Xbox 360.
— Je n’arrive toujours pas à croire que tu as
un chiot, dis-je face au cabot qui mâchouillait furieusement un objet.
— Tu n’es pas le seul, parfois je regarde sa
grosse tête là et me demande comment j’en suis arrivé à ça ; hey Didina laisse mes chaussures, il crie au
chien qui s’enfuit avec.
— Didina, répété-je hilare par son air
dépassé qui observe le chiot se déchainer au loin sur les pompes.
— Yep comme sa mère, peut-être c’est même le
nom qui le rend têtu tiens, fit-il pendant qu’un de ses attaquants me dribblait.
— Vous êtes sérieux avec votre affaire là
quoi.
— Qu’est-ce qu’on fait de mal ? Surtout pour que ta femme m’ait autant dans son
collimateur ?
— C’est pas ça. Laure peut être excessive
quand elle s’attache à quelqu’un et Madina est comme une sœur. En plus cette
fille et toi êtes trop différents crois-moi.
— Lol c’est bien de s’attacher, mais Madina
n’est pas un enfant. Elle est assez grande pour faire ses choix et d’ailleurs je
ne vois pas pourquoi vous répétez qu’elle n’est pas mon genre comme si je ne
suis sorti qu’avec le même type de femme.
— Couzo, tu ne comprends pas. Madina est
abstinente. Avec elle c’est l’abstinence pure et dure. Elle n’a jamais goûté au
sexe. Je ne pense même pas qu’elle ait déjà vu une bite en vrai. Tu te vois
avec ce genre de personne ? Toi Mico que
je connais si bien ?
— Tout ça pour m’éloigner de la fille ? dit-il avant de rire à gorge déployée, puis
s’arrêter quand il se rend compte que je ne le faisais pas marcher. Non sérieux ? reprend-il abasourdi. Une fille qui vit à
l’étranger toute seule, à 27 ans ?