Laure n'est pas partante

Ecrit par Gioia

Laure Koumah

— Yannick, Yannick, je répète ennuyée depuis plusieurs minutes déjà tout en le bougeant, mais le bougre refuse d’ouvrir les yeux.

— Hmm, chérie il doit être 2 h du mat, murmure-t-il avant de se mettre sur le côté et continuer sa tâche.

— L’heure est grave Yann, j’ai des soupçons.

— Laure, pardon tu pourras me raconter ton cauchemar lorsque le soleil sera levé. En attendant, serre ton doudou si tu cherches un câlin, rajoute-t-il puis il se recouvre totalement la tête avec la couverture. Je pousse un juron et lutte pour m’asseoir sur lui afin de mieux le réveiller.

— Ah Yapo y a même quoi, s’agite-t-il. Si le sommeil t’a laissé, ne viens pas nous gêner. Je dois être au bloc à 11 h pour assister à un traumatologue. 

— Il y a urgence je te dis et toi tu dors.

— C’est quoi l’urgence qui ne peut pas attendre le lever du soleil? se plaint-il.

— Ton cousin. Trois semaines qu’il fait ici et on ne l’a pas vu depuis la soirée Catan. Ensuite, tu as Madina se comporte bizarrement. Quand je veux la visiter, elle me trouve toujours une excuse. Et ce n’est pas son habituel qu’elle utilise lorsqu’elle essaie de minimiser son état de santé. Sa voix était enjouée dans chacune de nos conversations téléphoniques… un peu trop enjouée même si tu veux mon avis. Et puis cette histoire de papa maman pour un chiot me taraude. Donc si tu assembles les pièces du puzzle, tu....  

Yannick se met à ronfler avant que je ne finisse cette phrase alors je me lève, frustrée et me recouche sur le côté. On ne peut jamais compter sur toi, grommelé-je et comme pour me narguer un bruit sonore tel un ricochet d’une pierre sur l’eau venait de retentir. Le «nabobier» se permet carrément de lâcher une caisse en plein sommeil. Je lui pince la fesse et me retourne en vitesse, ce qui me vaut un «putain Yapo je vais te pousser hein». Et bien sûr, il se rendort sans difficulté après telle une personne qui a reçu un coup à la tête. Je ne comprendrai décidément jamais les gens comme lui qui dorment d’une traite dès que leur tête touche l’oreiller.

Quant à moi, 6 h m’a trouvé déjà debout. Je n’avais pas fermé l’œil de la nuit, analysant le cas Madina et Michael sous tous les angles possibles. Cette histoire était louche et si mes soupçons s’avéraient fondés, cela ne présageait rien de bon. 

— Bonjour chérie, me dit mon «dormidor» de mari après m’avoir rejoint.

— Bonjour, je réponds du bout des lèvres pendant que je lançais notre Keurig pour lui faire son café.

— Viens, dit-il tout en me présentant sa main. Je le suis et me retrouve sur ses jambes avec sa main câlinant mon dos. Ne fais pas la tête et essaie de comprendre que je n’ai aucune force pour parler quand je rentre du travail quelques fois. En général je ne fais pas autant de temps en chirurgie traumatologique, mais on ne cesse de me programmer dernièrement et ça me pompe.

— Oui j’ai compris. Excuse-moi.

— Il est où mon bisou si tu as compris alors?

Je lui donne un peck et il me demande de lui raconter ce qui me tenait éveillée hier.

— Ton cousin et Madina, il y a un truc entre ses deux, je lui annonce et il m’observe un moment sans aucune réaction puis éclate de rire. 

— Tu en as des bonnes ce matin. C’était juste ça que tu voulais dire hier?

— Ça? répété-je. Tu vois que tu ne prends jamais rien au sérieux pourtant l’heure est grave, fis-je agacée.

— Lol, comment je peux te prendre au sérieux? On parle de Michael là. Ce n’est pas son genre de fille. Et puis tu as déjà vu Madina avec un homme? Je ne pense même pas qu’elle s’intéresse à l’amour.

— C’est ça! Reste dans le déni. Moi je vois tout et je vais te le prouver, dis-je tout en me levant.

— Oh, revient mon inspecteur Derrick, se moque-t-il, mais je l’ignore après un long juron, attrape mon sac à main au passage et sort mener mon enquête.

— Hoo Laure tu vas où à cette heure-ci? il me crie depuis notre fenêtre.

— Ton lunch est déjà emballé dans le frigo. Ne m’attends pas pour partir, on se voit ce soir avec les preuves que j’aurai, fis-je déterminée.

— Et les jumelles pour observer sont où alors inspecteur?

J’ignore ce moqueur professionnel et monte dans notre voiture en direction de Laval. Il n’en a pas besoin en semaine. Il préfère prendre le métro pour se rendre à l’hôpital parce qu’il est à deux stations de notre maison. J’entreprends d’appeler Madina une fois devant son immeuble, mais c’est sans succès. Elle ne finit par répondre qu’au sixième appel et restait très évasive dans ses réponses.  

— Laure, il est seulement 6 h 30. Pourquoi une femme mariée appelle à cette heure?

— Depuis quand tu vérifies mon emploi du temps et toi-même qui parle tu es où

— Mais où veux-tu que je sois à cette heure-ci à part au lit?

— Hmmm et tu es bien seule au lit

— Mais Laure je dormais avec quelqu’un avant? elle répond avec humour.

— Ta voix est bien limpide pour quelqu’un qui dort, je continue toujours suspicieuse.

— C’est quel interrogatoire on me fait le matin bonheur comme ça? elle aussi continue sur un ton ironique puis j’entends un mouvement sur la ligne et elle dit faiblement, «Didina bouge un peu. Oui comme ça, tes mains, un peu plus bas, Yes». Le pire, c’est qu’elle l’a dit sur un ton satisfait comme quelqu’un qui prend plaisir et le choc m’a fait décoller le téléphone de l’oreille pour vérifier si c’était bien Madina que j’avais entendu là.

— Laulau? Tu es là?

— Oui je…

— Euh, je te rappelle s’il te plaît bisous, j’entends

— Mad…, je commence, mais la tonalité suit, signe qu’elle avait coupé.

Les minutes qui suivent, j’hésite entre m’en aller et monter, mais le destin tranche pour moi quand je la vois sortir de son immeuble suivi du coupable. Les deux semblaient se dire quelque chose de super intéressant puis il la prend dans ses bras. Dépassée, je décide fois de battre en retraite pour l’instant. Il me faut discuter d’une stratégie avec Yannick et mon cours de droit des intermédiaires financiers débute bientôt.

Le soir je faisais le compte rendu à Yannick qui encore une fois trouvait un moyen de rire de la chose. Agacée, je comptais lui tourner le dos quand il me renversa sur le lit et se mit à dénouer mon peignoir tout en me faisant des bisous dans le cou.

— Yannick, on parle là, ce n’est pas le moment, me plains-je difficilement à cause des frissons causés par sa main qui dansait sur ma peau.

— Qui t’a empêché de parler chérie? Je t’écoute, plaisante-t-il.

— Comment veux-tu que je parle quand tu fais ça? Oh…. 

— Quand je fais quoi? répète-t-il innocemment pourtant sa main venait de s’insinuer dans mon intimité et la minute suivante sa langue tandis que ses doigts me trituraient les tétons.

— Ce n’est pas du jeu Yannick, me plains-je envahie par le désir de l’avoir en moi.

Il me murmure des choses incompréhensibles et sa langue se met à taquiner avidement ma chair sensible qui se gonfle de sang jusqu’à ne plus se contenir, au point que je jouisse sur ses lèvres.

— Donc je disais, haleté-je.

— Ah non Yapo. Je veux que ma femme me chevauche. Ça fait longtemps que tu ne m’as pas mis bien et je n’ai pas vu tes seins danser devant mes yeux. Laisse Michael et Madina quelque part. On reprend après, il dit alors je prends son membre et insère juste le gland en moi.

— Tu viendras demain avec moi chez Madina, lancé-je.

— T’es sérieuse que tu me demandes ça maintenant? fait-il à bout avant de saisir mes hanches et me pousser vers le bas. Je maintiens ma position fermement même si l’envie de me déchaîner sur lui me tue. Bon je promets, il abdique enfin quoique frustré, je prendrai des photos et porterai un foutu costume de commissaire si tu veux ma beauté, mais bouge s’il te plaît, je veux te sentir.

Je ne me fis pas prier davantage et le mis bien comme il aime dire. Il s’endormit dans mes bras, tête sur ma poitrine, le moment favori de mes journées en réalité. Je l’aime trop mon docteur aux petits yeux.

Le lendemain, il a essayé de s’esquiver par tous les moyens; tantôt traînant des pieds, tantôt me traitant de folle, mais je ne démordais pas. Je fis la même chose qu’hier, soit appeler Madina une fois devant son immeuble.

— J’arrive pas à croire que tu m’as tiré du lit à 6 h un jour de congés avec toute cette neige dehors parce qu’on doit attraper un Michael imaginaire chez notre amie. Pendant que le concerné est probablement sous sa couette en train de rêver. Je te jure que s’il ne sort pas de cet immeuble avec elle hein tu feras la lessive jusqu’à la fin de l’hiver Yapo, il bougonne.

— Marché conclu et s’il sort avec elle tu sortiras les courses jusqu’à la fin de l’hiver. 

— Deal, fit-il en serrant ma main. Il la lâchait au même moment que les tourtereaux sortaient de l’immeuble main dans la main. Comme hier, il lui fit un câlin. Yannick à côté avait les yeux ronds comme des boules de pingpong. 

— Allez viens, fis-je en le traînant par la main vers eux. Bonjour vous deux, dis-je une fois à la hauteur de nos cachotiers.

— llllaure, bégaie Madina.

— En chair et en os, confirmé-je.

— Ça veut dire quoi tout ceci? entendis-je de Yannick.

— Quel que soit ce que ça veut dire, ça doit prendre fin aujourd’hui aussi, j’enchaîne.

Apparences trompeuse...