Je l'aime quand même

Ecrit par Farida IB


Debbie…


Lorsque j’arrive dans la concession de mon grand-père, il est 23 h passées d’une quarantaine de minutes. Talons au bout des doigts et sac à main accroché sur le même bras, je fonce vers le bâtiment que je partage par moment avec mes grands-parents à pas de loup. Une fois dans ma chambre, je me dirige vers le lit sur lequel je me laisse choir les pieds endoloris et le corps en compote, mais satisfaite de ma journée. Je sors l’enveloppe faisant office de mon bulletin de paie et recompte les dix billets de dix mille francs que j’éparpille sur le lit comme le font les riches sur les réseaux sociaux. C’est le seul moment où je peux me permettre de jubiler devant cet argent dûment gagné parce qu’à coup sûr dès demain à la première heure, ils vont se dissoudre comme le sel dans l’eau. Je soupire à l’idée et me mets à les départager mentalement quand je perçois comme des pas dans le couloir. Je les range dans mon sac juste au moment où ma mère débarque, mon petit frère de trois mois calé sur sa hanche.


Maman : pas la peine de les ranger, je viens prendre ma part avant que tu te mettes à les dilapider.


Moi soupirant : dada (mère) bonsoir. Oui, je vais bien. Ma journée s’est bien passée, merci de le demander.


Dada : épargne-moi tes sarcasmes Déborah ! Toi, je t’ai remarqué inh, à chaque fois que tu ramènes de l’argent dans cette maison, tu deviens insolente. 


Moi : ce n’est pas de l’insolence !


Dada : bien sûr ! Il n’y a qu’un enfant insolent pour prendre de haut sa mère de cette façon.


Je lève les yeux et la regarde outrée. Je reprends en prenant des gants.


Moi : dada moi, je passe mes journées à me battre sans relâche. Je suis au four et au moulin à la fois pour vous offrir une vie décente à toi et mes petits frères. Regarde comment je suis toute maigrichonne, je n’ai presque plus de vies. Bon moi ce n’est pas grave hein. Dans l’absolu ça ne me dérange pas de m’occuper de vous. En revanche, j'attends que vous me réserviez  un accueil plus chaleureux que ça le soir quand je rentre à la maison. Moi ici, jamais on ne me demande si je vais bien, jamais on s’inquiète pour moi. Tu vois dada dehors, c’est la jungle. Tu ne saurais imaginer le nombre de coups bas que je subis avant de franchir à nouveau le seuil de cette maison. Alors je te demande seulement d’être moins…


Dada m’interrompant : moins quoi ? Moins tyrannique, acariâtre, maltraitante ou tous les autres qualificatifs acerbes que tu utilises souvent pour me vilipender auprès de ta grand-mère ?


Moi (la tête baissée) : je voulais dire (hésitante) que… Querelleuse.


Dada en colère : répète un peu ce que tu viens de dire.


Moi :…


Dada : RÉPÈTE JE TE DIS !!


Je sursaute en même temps que le bébé. Elle lui caresse le dos pour le rassurer avant de le ramener bien contre elle. 


Dada : parce qu’en plus de tout ça, je suis une querelleuse ?


Moi : euh, je n’ai pas dit ça.


Dada : oui, sûrement que je n’ai pas bien entendu. 


Elle claque son index trois fois.


Dada : maintenant écoute-moi bien jeune-fille, ce n’est pas parce que tu me donnes quelques miettes que tu vas me manquer de respect à chaque fois, compris ? Toi, est-ce que tu peux me rembourser le coût de ta vie ? De ton éducation ? Des nuits blanches quand tu étais bébé ? Je n’ai pas besoin de te rappeler que si tu es là aujourd’hui, c’est grâce à ma souffrance d'hier donc tout ce que tu me donnes ce n’est qu’une compensation. Qui plus n’est rien à côté des 30 h que  j’ai dû écumer pour sortir ta grosse tête de mes entrailles !!


Mes épaules s'affaissent, je me tiens la tête entre les mains en appui contre mes cuisses en me disant « Et c’est reparti ! »


Dada dans sa lancée : enfant impoli ! Tout ça, c’est ton père (voilà, on y est) si seulement il n’était pas aussi lâche et tout autant perfide. Un vaurien qui ne sait qu’extorquer d’honnêtes personnes…


Moi à moi-même : mais à qui tu trouves quand même le moyen de faire d’autres enfants. Non mais allô quoi ! On vit dans quel monde ? Moi, je ne peux pas comprendre qu’un homme t’abandonne dans la maison de son père pour aller refaire sa vie avec une autre femme et qu’à chaque fois que l’envie lui prend, il vient te pomper des enfants. Et tu le laisses faire, tu le laisse faire pour qu’après ça retombe sur Debbie!! Si seulement il s’en occupait ! Si seulement tu pouvais lui faire tous ces chantages que tu me fais pour qu’il daigne assumer ses responsabilités envers nous. (soupir) Mais, je ne te dirai de tout ceci parce que je suis éreintée et je ne veux pas me faire engueuler ou même me faire bastonner cette nuit pour mon propre argent. (soupir lasse)


Je ressors les billets du sac que je mets en évidence, elle se tait d’un coup.


Moi : combien tu veux ? 


Je compte quelques billets que je lui tends.


Moi : tiens cinquante mille, garder ça pour le moment. Je dois solder la dernière tranche de ma scolarité. 


Dada (m’arrachant âprement les billets de la main) : cinquante mille ? Ça suffira juste pour le strict nécessaire, les couches et le lait de Etiam (prénom du bébé).  Sophie (13 ans) Caroline (7ans) et Junior (3 ans) ont besoin d’une tenue pour leur récital. Sans oublier le fond de commerce de Noémie (17 ans) elle doit se rendre au marché d'agoe demain.


Moi : je verrai ça avec elle-même.


Dada : ok, mais complète moi mes sous pendant qu’on y est.


Je lui remets deux autres billets.


Dada : et moi alors ? Je compte pour du beurre, c’est ça ? 


Moi : bon tiens dix mille de plus comme ça, je vais me débrouiller avec vingt-mille.


Dada : tu vas faire quoi avec tout cet argent ? Tu as un autre boulot n’est-ce pas ?


Moi : tu sais bien que je ne touche pas cet argent, c’est pour des cas d’urgences.


Dada : hmmm (claquant la langue) en tout cas si ça ne suffit pas, je sais où te trouver.


Moi (hochant juste la tête) : on va faire ça. Maintenant tu veux bien me laisser dormir s'il te plaît ? Je suis toute fatiguée.


Dada : tu me chasses de ta chambre ?


Moi : loin de moi cette idée.


Dada : j’ai compris, viens faire un bisou à ton petit frère.


Je m’exécute juste pour qu’elle me laisse tranquille. J’attends qu’elle referme la porte pour me laisser tomber sur le lit. Il me reste tout au moins de quoi payer ma visite gynécologique de ce mois, c’est déjà ça.


 Franchement dit, je n’en peux plus de tout ça. Dire que je suis à bout est peu dire. En vingt années d’existence, pas un jour ne se passe sans que je ne regrette ma vie. Tous les jours, je subis une mère abusive avec qui la relation se détériore de plus en plus, et en prime un père défaillant qui n’a jamais été présent pour nous. Il y a cinq ans qu’il nous a définitivement quitté pour aller s’installer dans la maison qu’il a construite avec l’une de ses maîtresses. Mais pendant plus de dix ans avant leur séparation, c’était plus que l’enfer. Que de mépris et d’humiliations. Il a toujours été un abominable pingre, doublé d’un combineur sans vergogne. L’ironie, c’est qu’il l’est seulement avec sa famille. Il n’a jamais le moindre sou pour nous, mais dehors il aime bien jouer au Bill Gates surtout avec ses maîtresses. 

Très tôt, j’ai dû apprendre à mettre la main à la patte et encore plus à partir du moment où ma mère a décidé de cesser  toute activité rémunératrice, selon elle pour le punir du fait qu’il nous a abandonné. Autant dire que c’est nous qui subissons, enfin moi plus que tous les autres. Car Marc Diapena lui ne semble pas le moins du monde préoccupé par notre cause. Ça fait donc cinq ans que j'alterne études et jobs afin de m'occuper de tout le monde et de moi même indirectement. 


Je prends une douche et viens me coucher en faisant table rase de tout ça. Demain est un nouveau jour. C’est sur cette pensée que je m’endors pour me réveiller plus tard par la sonnerie de mon téléphone. Je décroche sans vérifier.


Moi : allô.


Voix d’Armel : c’est moi, ne raccroche pas s’il te plaît.


Moi (faisant genre) : toi qui ?


Armel : rhooo Déborah, du genre tu es toujours fâchée ? 


Moi : Armel ne te fiches pas de moi.


Armel zen : la bonne nouvelle, c’est que tu sais maintenant qui je suis.


Moi hors de moi : Armel élantohr ! Un gougnafier comme ça ! Toutou ! Agname ! Idiot ! Yakamé hooooo…


Je me défoule sur lui en oscillant entre l’Ewe, le français, le moba, l’anglais, et même le mina pendant une dizaine de minutes au cours desquelles il m’écoute sans intervenir. Ce qui a le don de me calmer un tant soit peu. Je finis par lâcher un grand soupir de frustration.


Moi : je ne sais même pas pourquoi je ne te raccroche pas au nez, mieux te blacklister.


Armel (pas le moindre offensé) : tu m’aimes trop pour ça.


Moi (très remontée) : Armel, bye !


Armel parlant vite : je suis dans ton salon.


Moi : QUOI ? 


Armel : hey calm down, il est 1 h du matin. Je disais que je suis dans ton salon, il faut qu’on parle.


Click !!


Je raccroche en rage, ça seulement on va bien parler. Celui-là alors, c’est mon autre lot de soucis. J’avoue que moi-même je ne trouve pas d’explication rationnelle au fait que je sois avec lui malgré tout. Pourtant, des hommes qui me draguent, pour la plupart des hommes de la trentaine et au-delà, avec une situation financière au point et qui sont prêts à tout pour moi, il n’en manque jamais. Je ne suis pas moche du tout, ça je le dois bien aux origines peulh de mon père bien qu’étant moba (ethnie). Sauf qu’Armel, je l’ai dans la peau. Comment ne pas ? Je n’ai connu que lui dans ma vie et ce depuis la maternelle. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne manque pas de charisme. Il se bonnifie avec l'âge, il est intelligent avec une prestance certaine. En même temps, c’est le fils à son père. (sourire) Quand il veut c’est un mec bien, il me couvre d’attentions et de cadeaux. Le seul hic c’est son penchant très poussé pour la gente féminine. Je peux comprendre que c’est de son âge, que je n’ai pas à lui imposer une vie de couple basée sur la fidélité et tout le tralala qu’on se promet au mariage étant donné que nous n’en sommes pas encore là. N’empêche que je trouve qu’il abuse parfois et cette fois, je compte bien lui faire payer son humiliation devant cette pétasse. 


Je débarque dans le salon en mode furie et le voir à ses aises décuple ma rage.


Moi : toi dégages de chez moi !


Armel (se mettant debout) : sshhhhuutt n’oublies pas que ta mère et tes frères sont juste à côté.


Moi criant de plus bel : Armel Elli dégage de chez moi !!! Tu disparais pendant plus d'une semaine pour venir t'incruster chez moi en pleine nuit comme un vulgaire voleur.


Armel : je voulais qu’on règle les choses entre nous.


Moi : il n’y a rien à régler, il n’y a plus de nous, Armel. Le foutage de gueule a assez duré comme ça. Va t’occuper de tes putes.


Armel : Déborah tu sais que sans toi, moi je ne suis rien.


Moi : ne m’appelle pas (faisant le signe des griffes avec ses doigts) Déborah en espérant m’amadouer. Ça ne marchera pas cette fois.


Je tiens à préciser que ce n’est pas un Déborah tout simplement comme vous l’avez lu. Le type le prononce avec un accent espagnol s’il vous plaît et sa grosse voix là quand il essaie d’être doux, c’est quelque chose. Bon ça, c’était une parenthèse. 


Armel : ah ouais ? (sourire en coin) ça explique pourquoi ton pouls s’est accéléré brutalement.


Je roule des yeux.


Moi (me voulant menaçante) : ne t’avise surtout pas de t’approcher.


Il ne l’entend pas de cette oreille, c’est lorsque je me saisis d’un navire décoratif en bois pour matérialiser ma menace qu’il me prend au sérieux. 


Armel : bébé calme toi s’il te plaît. 


Moi : hors de ma vue avant que je te l’envoie dans tes burnes.


Armel (ouvrant les yeux) : tu ne ferais pas ça ?


Moi : je ferai bien plus si tu ne sors pas d’ici dans les minutes qui suivent. 


Armel : ok ok, je vais te laisser tranquille. Mais laisse-moi dormir ici ce soir je t'en prie. Je ne peux pas rentrer chez moi, je me suis disputé avec mon père.


Moi : il n’y a pas moyen, va crécher dans ses résidences. Ici ce n’est pas l’hôtel.


Armel : il m’a confisqué ses clés et tout le reste.


Moi : ok va chez un pote, du moins tes putes ou tout ce que tu veux. Tu ne dors pas ici ce soir.


Armel : il est presque 2 h du matin.


Moi (croisant les mains sous ma poitrine) : je n’en ai que faire !


Armel ton doucereux : je ne te dérangerai pas promis, je veux juste un endroit où dormir cette nuit. Demain je réglerai mes problèmes avec mon père et je ne t’importunerai plus. 


Je plisse les yeux et relâche la pression désarçonnée par son regard perdu et le ton suppliant de sa voix. S’il en arrive à me supplier, c’est qu’il ne doit pas être bien. Je connais ma personne, plus orgueilleux, tu meurs.


Armel (au bout d’un moment) : juste cette nuit, je t’en supplie.


Moi soupire désabusée : bon d’accord, tu n’as qu’à squatter le canapé. Cependant, au premier chant du coq je veux que tu déguerpisses. Je ne veux pas te voir à mon réveil.


 Armel : tu es tellement dure…


Le regard foudroyant que je lui lance l’empêche de terminer sa phrase.


Armel soupirant : je peux avoir une couverture s’il te plaît ?


Je lui lance un autre regard.


Armel : ok ok, laisse tomber. Je vais me débrouiller.


Je le regarde simplement avant de tourner les talons sans plus. J’arrive au vestibule et me tourne en pointant de nouveau le navire dans sa direction.


Moi : je garde ça pour le cas où tu auras la fâcheuse idée de te glisser dans mon lit quand je serai endormie.


Il soupire simplement, je vais me recoucher le cœur en fête. Ce n’est pas tous les jours que j’ai de l’ascendance sur votre type là. Il a toujours le mot pour me mitiger et faire chavirer mon cœur. Je me rendors cette nuit là le sourire aux lèvres, ne me demandez pas pourquoi. Tout ce que je sais, c’est qu’elle ne reviendra pas cette chance donc je compte en profiter au max. 


Un peu plus de quatre heures plus tard, j’émerge graduellement de mon sommeil grâce à l’alarme de mon téléphone. Je m’étire longuement avant d’ouvrir mes yeux pour le surprendre qui me regarde fixement comme s’il voulait lire en moi. Je me relève brusquement en ajustant le drap sur ma poitrine.


Armel : bonjour mi amor, tu as bien dormi ?


Moi : qu’est-ce que tu fais dans ma chambre ? J’ai été clair avec toi, tu ne devrais plus être ici à cet instant précis.


Je le dis en tâtant partout sur le lit à la recherche du navire en bois pendant qu’il fixe un point sur la table. Je suis son regard pour voir un bout de papier avec son écriture en fond.


Armel : j’étais venu te le laisser et je me suis mis à t’observer dormir. Je ne m’en lassais plus. T’es tellement belle quand tu dors. Ton visage est détendu et rayonnant.


Moi (touchée, mais répondant néanmoins) : ok merci j’ai compris, maintenant tu peux t’en aller.


Il me fixe avec insistance un moment, regard que je soutiens en hochant la tête. Il finit par dire d’un air abattu…


Armel : d’accord, je vais y aller.


Il se lève et se dirige vers la porte qu’il atteint avant de se retourner pour me parler à nouveau.


Armel : au fait, le petit-déjeuner est servi ! J’ai pris un peu de tout ce que tu aimes. Je me suis aussi permis de tiédir ton eau pour pas que tu tombes malade. Il a plu des cordes toute à l’heure.


Je hoche juste la tête et le regarde sortir définitivement de la chambre. J’attends qu’il referme la porte d’entrée pour aller vérifier tout ça. Je retrouve en prime, une enveloppe pleine de billets verts que je décide de compter plus tard. Ma mère est si vite arrivée lol. Je la cache dans mon tiroir à sous-vêtements et file sous la douche où je prends un long bain tiède lacté. Je m’embaume ensuite le corps de vicks et mets des vêtements chauds. Si vous voulez tout savoir, je suis une porteuse saine de drépanocytose. Habituellement je vais bien, mais je souffre quelques fois de rhumatismes articulaires quand je stresse ou quand il fait froid.  


Je sors de ma chambre maquillée et coiffée pour aller attaquer le petit-déjeuner qui donne l’eau à la bouche rien qu’à la présentation. Ma mère arrive sur ces entrefaites.


Dada chuchotant : bonjour ma chérie, tu as dormi ?


Je lève yeux et la regarde intriguée. Eh beh ?


Dada me souriant : je te salue toi aussi, répond !?


Moi : euh bonjour, oui j’ai très bien dormi. Merci et toi ?


Dada : parle moins fort (pointant un doigt en direction de la chambre) il est toujours là ?


Moi larguée : qui il ?


Dada : le fils de monsieur Elli.


Moi : ah lui ? Non, il est déjà parti.


Dada : ah d’accord (tirant une chaise pour s’asseoir) il nous a gâtés ce matin. Il a remis une enveloppe pleine de billets de craquant à Noémie rien que pour moi. 


Moi simplement : c’est bien pour vous.


Dada : qu’est-ce qu’il y a ? On dirait que tu n’es pas ravie.


Moi (balayant l’air de la main) : ce n’est pas nouveau donc.


Dada claquant la langue : en tout cas, tu fais bien de t’accrocher malgré la tension entre ton père et le sien. Je te voyais bien avec son frère, celui qui est aux Etats Unis actuellement. Mais le petit frère n’est pas mal du tout.


Moi choquée : ah dada ?


Dada m'imitant : ah dada quoi ? Ceux là ont toujours vécu dans l’opulence, ma fille laisse-nous en profiter ? Une famille d’enfants qui ont réussi leur vie. L’autre est un avocat et l’un en passe de devenir un grand médecin. (me poussant gentiment l’épaule) Nul doute que ton Armel aussi partira un jour derrière l’eau et reviendra te chercher. Hehehe, j’ai hâte de venir m’occuper de mes petits enfants là-bas !!


Moi (me retenant de rire) : déjà l’autre c’est un greffier, c’est leur père qui est avocat.


Dada : c’est la même chose !


Moi : et si je m’accroche à Armel, ce n’est sûrement pas pour les raisons que tu évoques. Je l’aime sincèrement et c’est justement la tension bête que papa a créée avec son père qui fait que je reste encore dans l’ombre.


Dada : ma chérie retire les paillettes que les feuilletons Novelas ont mi dans tes yeux, l’amour ça n’existe pas. Tout le monde est guidé par l’intérêt de nos jours, sinon tu crois que pourquoi ton père est parti épouser une femme qui a déjà cinq enfants ? (répondant elle-même) C’est parce que là-bas, on ne lui demande jamais rien ! 


Moi soupire agacée : j’en ai trop entendu pour ce matin, j’y vais. J’ai une longue journée qui m’attend.


Dada : je n’ai pas fini de te parler.


Moi : on reparlera ce soir, je suis en retard pour mon cours.


Je me dirige vers la cuisine extérieure avec l’intention de chercher un emballage pour emporter le reste de mon plateau. Elle me suit.


Dada : trésor quoi qu’il en soit tu es une femme qui a des besoins, en plus l’aînée de ta famille. Moi, tes frères et sœurs comptons sur toi, ne nous déçois pas. Tu as le joker, il ne te reste plus qu’à l’apprivoiser. Et puis démène-toi pour sortir de l‘ombre, une fille peut sortir de nulle part et te le ravir.


Moi : ce serait tant mieux !


Dada : tu ne penses pas ce que tu dis ?


Je m’arrête et soupire bruyamment.


Moi : dada Armel et moi, c’est jusqu’à la gare.


Dada (faisant un signe de croix) : AMEN ! Voilà qui est bien dit ma fille chérie ! (me prenant le sac en papier de la main) Laisse-moi t’aider, toi va te chercher un pull-over. Il fait froid dehors.


Moi : je suis déjà assez couverte.


Dada (ton péremptoire) : ehhh va mettre un pull là-bas, moi je ne veux pas faire de séjour à l’hôpital. 


Je m’exécute et la laisse à table en prenant le soin d’emporter ma part d’enveloppe avec moi. On n’est jamais trop prudent par ici. Je vais voir les tous petits pour leurs bises matinales. Je règle leurs conflits aux plus grands et leur promets des cadeaux à mon retour. C’est Noémie à qui je promets de remettre son fond de commerce le soir qui m’escorte. Dehors, on tombe sur Armel adossé à la portière de son véhicule. 


Noémie (me chuchotant à l’oreille) : Ay, caramba ! C’est moi où il devient de plus en plus croquant ?


Moi (secouant la tête amusée) : lol on dirait un biscuit.


On rigole en passant le portail, lorsqu’on arrive à sa hauteur je me compose furtivement un visage sévère alors que Noémie lui fait la bise. 


Moi hautaine : qu’est-ce que tu fous encore ici toi ?


Armel : je me suis dit que ça ne serait pas galant de ma part de te laisser partir au cours à moto alors que je suis dans les parages.


Moi : c’est gentil à toi de vouloir jouer au preux chevalier, mais non merci !


Armel : j'insiste.


Moi : et moi je dis que...


Noémie intervenant : si si elle vient avec toi.


Je lance un regard horripilateur qui passe d’elle à Armel, ce dernier hausse simplement les épaules et passe devant moi pour ouvrir la portière avant côté passager qu’il tient en s’adressant à moi.


Armel : après vous Votre Honneur.


Ce que je fais malgré moi en fixant Noémie genre « toi, je vais régler ton cas ce soir »


Noémie ne relevant pas : passez une agréable journée les zamoureux.


C’est Armel qui répond d’un ton enjôleur. Il fait ensuite le tour  pour s’installer au volant, le regard moqueur et un sourire suffisant sur les lèvres. Oui, c’est ça ! Fait bien ton malin, cette fois tu vas confirmer le code tchhhrrrr.


Le maître du jeu