Ce sacrifice

Ecrit par Farida IB


Yumna…


Je descends du taxi et paie ma course avant de faire le reste du chemin à pied en direction de l’hôtel où loge Elias depuis que Khalil nous a pris en flag. Il faut dire que depuis lors il vit dans un état d’anxiété extrême à tel point qu'il veut anticiper son retour à New-York. Pour le moment, je profite de l’absence de Khalil pour le voir, mais à une fréquence réduite et en toute discrétion. 


 J’arrive devant la chambre qu’il occupe et insère la carte pour ouvrir la porte et entre par la suite. 


Moi (d’un ton suave) : eh boy !


Silence.


Je quitte le coin salon pour la chambre où je vois des valises à côté du lit.


Je lève le sourcil.


Moi : Elias ? Bébé ? T'es où ?


Elias : sous la douche.


Je me débarrasse du niquab qui me servait de couverture et m’assois sur le lit pour l’attendre. Il sort cinq minutes plus tard en tee-shirt et bas de jogging, une serviette autour du cou.


Elias : bonjour queencess.


Moi : tu veux vraiment t’en aller ?


Elias soupirant : rhooo Yumna on n'a pas dormi ensemble, la moindre des choses quand tu me vois c'est de répondre à ma salutation.


Moi : bonjour, tu as déjà modifié ton billet ?


Elias hochant la tête : je t’ai prévenu que j’allais le faire dans la soirée d’hier.


Moi : et tu parts quand ?


Elias (se grattant la tête) : demain !


Moi ouvrant les yeux : demain ? Pourquoi si tôt ? 


Elias : on en a déjà parlé, je ne veux plus que ton frère ou un autre membre de ta famille vienne nous surprendre. 


Moi boudant : mon frère est hors du pays.


Elias : quand bien même, nous avons eu la chance que ce soit lui et non ton père qui soit venu et je suis plus que sûr que ton père lui n’allait pas se contenter de simples menaces.


Moi riant : ça c’est sûr, il allait te zigouiller sans sourciller.


Elias l’air paniqué : c’est vrai ? Dès ce soir, je rentre à New-York.  


Je me marre comme une folle.


Elias : bébé arrête ce n’est pas drôle.


Moi : il faut voir la bouille que tu fais en ce moment kiakiakia…


Elias (prenant place à côté de moi) : arrête, c’est bon quoi.


Moi quand je finis par me calmer : tu n’es pas obligé de partir.


Elias : je ne changerai pas d’avis, tu reviens à New-York dans trois semaines n’est-ce pas ? (oui de la tête) On pourra se voir en toute la liberté.


Je me redresse et m’appuie sur son épaule.


Moi minaudant : je ne veux pas que tu partes.


Elias : et moi, je ne veux pas te faire courir le risque de te mettre ta famille à dos. À commencer par ton grand frère.


Moi : il t’a traumatisé inh krkrkr.


Elias : je l'avoue, il a quelque chose de flippant dans le regard. 


Moi : c’est juste pour t’intimider.


Elias l’air incrédule : si tu le dis, mais bon sa copine est jolie.


Moi faussement indignée : tu n’as pas à trouver la copine de mon frère jolie.


Elias : mais c’est vrai en plus !


Il m’incite à me lever avant de me mettre sur ses cuisses.


Moi : apparemment, c’est ton dernier jour à Abu-Dhabi.


Elias : on dirait que oui.


Moi : tu veux faire quelque chose de spéciale ?


Elias : à priori, qu’on le passe ensemble. Je propose qu’on commande de la bouffe et qu'on se fasse un marathon séries ou bouquiner entrelacés sous un plaid. 


Moi lui souriant : un programme très alléchant, mais on peut également faire un tour au mall. J’avais prévu faire des cadeaux à ta famille.


Elias remuant la tête : ça ne sera pas nécessaire.


Moi insistant : des cadeaux souvenirs.


Elias : je m’en suis déjà occupé. 


Moi soupire résignée : ok, comme tu veux.


Elias : tu choisis la bouffe et je choisis la série.


Moi hochant la tête en souriant : ça me va.


Elias : d’accord, embrasse-moi.


Je ne me fais même pas prier. On passe la majeure partie de la journée confortablement, à lover au fond du lit. C’est le soir qu’il consent à descendre pour un dîner en tête-à-tête dans le restaurant de l’hôtel. On se sépare ensuite devant l’hôtel où je prends un taxi pour rentrer. À la maison, je pénètre à peine le hall que ma mère me tombe dessus. 


Maman : Yumna tu étais où ? Ton père te cherche partout.


Mon cœur fait un bond dans ma poitrine.


Moi : il est rentré ? Il y a un problème ?


Maman : oui, s’il y a un problème, je ne sais pas. Il est dans son bureau, il t’attend.


Moi : ah, je dois y aller ?


Elle me regarde les yeux plissés.


Moi : ok ok j’y vais.


Maman : tu viens me voir si tu avec lui, je serai dans nos appartements. 


Moi : d’accord.


Je la dépasse en pensant " je suis cuite ce soir, je suis vraiment cuite". 


Je me retrouve à attendre papa une vingtaine de minutes avant qu'il ne décolle ses yeux de ses documents.


Papa : tu étais où toute la soirée ?


Moi m’éclaircissant la voix : j’avais quelques recherches à faire en ville, ça m’a pris plus de temps que prévu.


Papa : ok, qu’as-tu décidé pour la suite de tes études ?


Moi : euh, je m’en tiens à mon programme initial.


Papa : est-ce que tu as déjà choisi un hôpital pour ton internat ?


Moi : pas encore.


Papa : voici des brochures et des maquettes de formations de quelques internats dans ta spécialité (me tendant les documents dont je me saisis) j’attends d’ici la fin du mois que tu te décides pour que je puisse prendre mes dispositions.


Moi : d’accord papa.


Papa : le plus tôt sera le mieux.


Moi hochant la tête : ok.


Papa : tu peux y aller.


Moi : ok merci pa’a.


Il hoche la tête et je m’éclipse comme si j’avais le feu aux fesses. Sacré papa, il a toujours une longueur d’avance sur nous ! Avant d’aller retrouver maman, je passe d’abord à la cuisine afin de me désaltérer. J’y trouve Ussama et Jedah en pleine causerie.


Ussama s'exclamant : tiens une revenante.


Moi : salam.


Eux en chœur : salam


Moi (regardant Ussama) : c’est toi qu’on ne voit plus.


Je prends un verre dans un placard et reviens me servir de l’eau dans une carafe à côté d’eux. 


Ussama : c’est vrai que je travaille à corps perdu depuis ma reprise, mais à chaque fois que je suis à la maison, tu n’es jamais là. 


Je vide mon verre d’eau d’un trait avant de me tourner vers Jedah.


Moi : toi tu me vois nan ?


Jedah : il a raison, on ne te voit pas beaucoup dernièrement.


Moi : vous ne me cherchez pas bien.


Ussama : ouais c’est ça ! Tu montes ? Je veux qu’on parle.


Moi levant les yeux au ciel : vous avez quoi à vouloir tous me parler ce soir ?


Ussama : qui d’autres voulaient le faire ?


Moi : tes parents, bon je vais voir maman et je te reviens. 


Ussama : ok.


Je range le verre et fonce retrouver maman qui fait du tri dans leur dressing. 


Moi : je suis là mamounette.


Elle me lance un regard curieux pendant que je prends place sur un grand coussin de sol.


Maman : je peux savoir où tu vas quand tu disparais comme ça toute la journée sans prévenir ?


Moi : je fais des courses avec Cartia.


Elle me lance un regard appuyé.


Maman : tu es sûr ?


Moi : euh oui oui


Maman : si tu en viens à me mentir effrontément en me regardant droit dans les yeux c'est que tu caches quelque chose de très grave. 


Moi : mais c’est vrai, nous passons nos temps libres ensemble.


Maman : Yumna tu dois savoir que je sais que Cartia passe sa vie dans la chambre d’Abdallah.


Wallah la vieille a les radars.


Maman : tu as intérêt à me dire la vérité. Quand ça va péter, tu n’auras personne pour te défendre. 


Moi : ....


Maman : ne m’oblige pas à faire sortir les rapports de sécurité que j’ai dissimulée pour ne pas te créer de nouveaux problèmes avec ton père. Tu vois quelqu’un en ce moment ?


Moi la petite voix : oui.


Maman me grondant : non non je ne vais pas tolérer une telle bassesse venant de toi. Tu n’es pas une personne ordinaire pour te comporter comme tel. Tu ne peux pas voir un homme dans le secret, s’il veut de toi qu’il prenne ses responsabilités vis-à-vis de toi.


Moi parlant vite : maman c’est compliqué.


Maman : en quoi présenter un homme à sa famille est-il compliqué ?


Moi hésitante : il est... Il est comment dire, euh il n’est pas   musulman.


Maman croisant les mains sur sa tête : Astagfirullah Yumna tu es encore dans tes choses ? Que vais-je pouvoir bien faire de toi ?


Moi : ce n’était pas prémédité, en fait…


Je lui raconte tout dans les détails, des circonstances de notre rencontre à la venue d’Elias à Abu-Dhabi. Elle reste sans voix à la fin de mon récit.


Moi : maman dit quelque chose s’il te plaît.


Maman : ça s’est passé quand ? (parlant de mon agression) Pourquoi tu ne nous as rien dit à ton père et à moi ? 


Moi : un peu plus de cinq mois, je ne voulais pas vous inquiéter.


Maman larmoyant : Ya Allah, tu es sûr qu’il ne t’a pas touché ? (non de la tête) Oh mon Dieu ma fille, il faut retrouver cet homme pour l’envoyer en prison.


Moi : il y est déjà. 


Maman : tu aurais dû nous en parler, on ne cache pas ce genre de choses à ses parents.


Moi : mais papa n’allait plus jamais me laisser repartir New-York.


Maman : je te comprends, mais tu aurais pu m'en parler. Mais bon on rend grâce à Allah d’avoir mis ce jeune homme sur ton chemin. 


Moi : certainement.


Maman : ce n’est pas pour autant que je t’encourage à te mettre avec lui. On ne choisit pas de qui on tombe amoureux, mais je ne peux pas t’encourager à suivre ce chemin. Tu es une musulmane et de surcroît la fille d’un Cheikh. Tu as ta réputation et celui de ton père à préserver ne l’oublie pas. 


Moi soupirant : dommage oui.


Maman : demain, tu ne sortiras pas d’ici, il vaut mieux éviter de te faire remarquer. Il paraît que des paparazzis se sont infiltrés dans le palais.


Moi surprise : ah ?


Maman : vous avez intérêt à vous mettre au pas dans les prochains jours, votre père en a déjà assez avec les histoires de Khalil.


Moi : ok.


Je ressors de là le cœur en lambeaux. Mon histoire avec Elias a pris une tournure qui ne me permet plus de le lâcher, du moins pas de façon si soudaine. Je me suis rendue à l'évidence et je crois que j’en suis complètement tombée amoureuse. Je peux même affirmer que je vis la plus belle histoire de ma vie. Je suis consciente de devoir un jour sacrifier cet amour, mais pour l'heure je veux le vivre au maximum.


C’est sur cette pensée que je passe le pas de la porte de mon appartement, je me dirige vers le lit pour pleurer mon désarroi et fus interrompu dans mon élan par Ussama qui vient de refermer la porte.


Ussama fronçant le sourcil : qu’est-ce que tu as ?


Moi : rien, je peux te demander un service ?


Ussama : ça dépend de…


Moi l’interrompant : tu iras juste chercher Elias à son hôtel et l’emmener à l’aéroport demain matin, son avion décolle aux environs de 9 h.


Il arque le sourcil.


Ussama : Elias ? Qui Elias ? Elias ton type de New-York ?


Moi : oui.


Ussama : il est à Abu-Dhabi ?


Moi : oui et il rentre demain, je ne peux pas le raccompagner. Tu t’en chargeras pour moi, enfin si tu veux bien.


Ussama : il est ici pourquoi ? Vous sortez ensemble ?


Moi soupirant : Sama on en parle plus tard s’il te plaît, tu le feras pour moi ?


Ussama : bien sûr, j’irai pêcher les infos à la source.


Moi : ne va pas l’enquiquiner s’il te plaît, il a eu sa dose avec Khalil.


Ussama : donc Khalil est même au courant de ça ? Vous me triez maintenant hein.


Moi : normal puisque tu t’es trouvé une nouvelle compagnie. Au fait, il se passe quoi entre Jedah et toi ?


Ussama : rien, pourquoi tu me demandes ça ?


Moi : laisse tomber, bon, il faut que j’aille me coucher.


Ussama : tu ne manges pas ?


Moi : je n’ai pas faim.


Il hoche la tête et s’en va, je vais me doucher et me mettre en pyjama avant d’appeler Elias pour lui faire part de la situation.



Nahia…


Ça fait trois jours que les recherches se poursuivent pour trouver ne serait-ce qu’un rein à Liam, mais son groupe sanguin n’arrange pas l’affaire. Ses frères ont passé  le  test de compatibilité et seul le bilan de leur benjamin s'est révélé positif.  Ils lui ont cependant diagnostiqué une anémie sévère du coup, il ne peut pas subir une opération. C’est ce que le médecin vient de nous annoncer et jusque là personne parle, on le regarde tous dépités. Ses sœurs ont les yeux brouillés de larmes et son frère affiche une mine triste. La chance même qu’Amou ne soit pas là. Elle est mise en observation, ils ont été obligés de lui donner des calmants pour qu’elle puisse dormir. 


 C’est Khalil qui brise le silence. 


Khalil : docteur, faites-moi passer le test. 


Je lève le sourcil.


Médecin : vous êtes sûr de vouloir le faire ? Ce n’est pas une décision à prendre à la légère. 


Stéphanie (sœur de Liam) : vous n’êtes pas obligé de le faire.


Khalil : je veux le faire.


Le médecin passe son regard de Stéphanie à Khalil qui soutient son regard en hochant la tête.


Médecin : ok, suivez-moi.


Moi : je viens avec toi.


Nous le suivons en direction d'un couloir, j'attends qu'on s'éloigne un peu pour m'adresser au médecin.


Moi : je vous prie de nous excuser, je voudrais l’entretenir un instant.


Médecin : d’accord, je serai dans mon bureau.


Moi : ok.


Je le traîne hors de l’hôpital avant de reprendre.


Moi : tu n’as pas à faire ça, tu ne vas pas donner ton rein. Enfin, tu ne pas prendre une décision aussi cruciale sur un coup de tête.


Khalil : c’est tout vu ! Il en a besoin si je peux lui en donner, je le ferai. En plus il est fort probable qu’il soit dans cet état à cause de moi. C'est le moins que je puisse faire pour me racheter.


Moi perdue : qu’est-ce que tu racontes ?


Khalil : tu te rappelles que j’ai failli lui casser les côtes à ma première participation à votre tournoi.


Moi : ça n’a rien à voir.


Khalil : ça peut être un facteur déclencheur.


Moi : tu ne vas pas te culpabiliser à chaque fois pour avoir été maladroit, ce qui est arrivé à Nabil n’est du ressort de personne encore moins ce qui arrive à Liam. 


Il se passe une main dans les cheveux.


Khalil : peu importe ? Si ça peut le sauver, je suis partant. Laisse-moi le faire au moins pour ta sœur.


Moi secouant la tête : elle te dira la même chose que moi en plus tu dois consulter tes parents, ta femme aussi. 


Il me lance un regard désapprobateur et je hausse les épaules.


Khalil : ma femme, je l’ai ici devant moi et cette décision m’appartient. Je suis majeure et vacciné. 


Moi : tu es jeune, tu n’as pas d’enfants.


Khalil : on vit correctement avec un rein.


Moi débitée : Khalil, ce n’est pas une bonne idée.


Khalil (m'entourant les bras) : je sais ce que je fais.


Moi la voix tremblante : je ne veux pas qu’il t’arrive quoi que ce soit.


Il met une main sous mon menton pour que je relève mon visage puis plonge son regard dans le mien.


Khalil : il ne m’arrivera rien, je veux juste sauver une vie.


Moi : ok, vas-y.


Khalil : tu me le permets ?


Pour toute réponse, je capture ses lèvres et l’embrasse.


Khalil (quand on se détache) : tu viens de me donner une raison de plus de le faire.


Moi : c’était pourtant pour te décourager.


Il grimace.


Moi : de toute façon ce n’est pas totalement mauvais, j’aurai ton rein dans ma famille comme un souvenir de ton passage dans ma vie. 


Khalil : rhhooo cesse de  débiter des bêtises. Il n'y a rien qui puisse nous séparer tous les deux.


Moi : mouais c’est ça ! On y va.


Nous nous retrouvons dans un laboratoire où on lui fait une prise de sang. A l'instar des autres on aura les résultats dans trois jours. Je l’accompagne prendre le petit-déjeuner ensuite on décide d’aller voir Amou. On la retrouve avec une infirmière qui prend ses paramètres.


Amou d’entrée de jeu : je vous en prie donnez-moi une bonne nouvelle.


Moi : nous sommes sur la bonne voie.


Amou : plus explicitement.


Moi : Khalil vient de faire son test, il va lui en donner s’il est compatible.


Elle le regarde surprise.


Amou : ne te sens pas obligé de le faire.


Khalil : je le ferai volontiers.


Amou insistant : tu n’as pas à le faire, on finira par trouver un donneur.


On se lance un regard attendu lui et moi.


Khalil : nous sommes aux abois, toutes les possibilités sont envisageables.


Amou : tu as raison, merci.


Khalil : de rien.


Elle se recouche quand l’infirmière finit.


Infirmière : madame Ducard vous devez vous ménager, votre tension artérielle est trop élevée. Ce n’est pas bien pour vos bébés.


Elle hoche lentement la tête.


Infirmière : nous allons vous faire suivre un traitement (se tournant vers nous) suivez-moi pour prendre l’ordonnance.


Khalil : je m’en occupe.


Moi : ok.


Dès qu’ils s’en vont, Amou se tourne vers moi.


Amou : il est trop gentil ce mec, tu as bien fait d’écouter mes conseils petite cachottière. 


C’est le surnom qu’elle m’a donné depuis qu’elle nous a cafté.


Moi prenant place à côté d’elle : je t’ai expliqué ce qu’il en retourne.


Amou me toisant : je fais comme si tu n’as rien dit. Va me chercher à manger, j’ai faim.


Moi : ok, je t’envoie ça et je passe voir mamie.


Amou : pense à te reposer de temps en temps. Nous n'allons pas prendre une quatrième chambre. 


Moi : lol je tiens le coup.


Amou : merci pour tout sœurette.


Moi : mais de rien !!


On passe la journée à osciller entre  les trois chambres. Le soir comme tous les deux jours, c’est mamie que nous veillons Khalil et moi. Je m’assoupis quelques heures et remarque à mon réveil qu’elle a le nez qui saigne alors qu’elle dort profondément. Je me lève brusquement en mode panique.


Khalil : calme-toi, son médecin traitant arrive déjà.


Moi : d’accord.


J’ai à peine parlé que la porte s’ouvre elle et son assistante. Elle  l’examine un moment avant de se tourner vers nous la mine grave.


Docteur : nous devons immédiatement l’emmener au bloc.


Moi : ah, qu’est-ce qui se passe ? 


Docteur : il faut qu’on l’opère rapidement.


Moi : mais dites-nous au moins ce qui se passe, de quoi souffre-t-elle ? 


Mamie : Nahia laisse-les faire leur travail.


Moi : mais mamie, on veut comprendre.


Mamie : il n’y a rien à comprendre (au docteur) faites ce que vous avez à faire.


Cette dernière acquiesce, on la met quelques minutes plus tard dans un fauteuil roulant et nous marchons à leur suite jusque devant le bloc opératoire C’est Khalil qui prévient Stéphanie qui débarque avec sa sœur tout aussi abattue que nous.  Une heure et demi plus tard, un chirurgien vient nous annoncer qu’ils ont trouvés une solution pour le cas de Liam. Sa sœur signe les documents qu'il faut pour qu'on l'emmène également au bloc. On reste une bonne heure dans l’angoisse totale tout ça à l’insu d’Amou. Je suis en train de regarder Stéphanie faire les va-et-vient en priant intérieurement quand   la fatigue me gagne d’un coup. Je m'endors la tête en appui contre l’épaule de Khalil pour faire un drôle de rêve.


[…]


Je passe la porte d’entrée chez les Ducard d’humeur un tantinet morose. L’opération de Liam, c’était il y a quelques jours et il a totalement recouvré sa santé. Ce qu’ils ont tenu à fêter à la plage aujourd’hui. Je ne saurais l’expliquer, mais je ne suis pas particulièrement d’humeur festive depuis notre retour d’hôpital. Une bonne odeur de petits fours m’accueille à la terrasse et un large sourire se dessine directement sur mon visage. Je hâte mes pas vers la cuisine et m’arrête dans le vestibule en souriant de plus bel.


Moi contente : tu es là mamie ?


Elle me sourit et s’avance vers la table cuisine sur lequel elle pose un plateau de meringues et de macarons. Elle prend place à table avant de m’inviter à m’asseoir à ses côtés. Elle me sert ensuite deux meringues choco coco et des macarons vanille chocolat blanc.


Mamie : tiens, c’est ta part.


Je commence par les meringues et ferme les yeux pour savourer.


Moi : je mourrai pour ces desserts.


Elle s’envole dans un éclat de rire.


Moi : ça me fait penser qu’on n’a jamais eu le temps de parachever ma formation en pâtisserie.


Mamie : tu en sais plus que tu le penses, tu fais de très (très) délicieuses pâtisseries.


Moi : tu dis ça pour me flatter.


Mamie : je ne te l’ai jamais dit pour que tu évites de nous rabâcher les oreilles avec ça. Tu la ramènes parfois un peu trop.


Moi riant : c’est ça qui fait mon charme.


Elle rit de concert avec moi.


Mamie : ça, c’est vrai.


On reste un moment sans parler, moment pendant lequel elle me fixe avec beaucoup de tendresses dans le regard tout en souriant.


Moi : pourquoi tu me regardes comme ça ?


Mamie : je suis fière de toi. La vie n’a pas toujours été tendre avec toi,  mais tu es restée forte malgré tout et disposée à tendre la main à tout le monde à tout moment. Ce n’est donc pas le moment de baisser les bras. Sache que le bonheur n’est pas une chose toute faite. Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s'habitueront.


Moi larguée : je ne comprends pas, de quoi parles-tu ?


Mamie : tu sais bien (se levant) n’oublie pas de dire à Timeo d’aller voir le docteur à son retour.


Moi : oh mais tu ne veux pas rester me tenir compagnie ?


Elle arrive à la porte avant de se tourner vers moi.


Mamie tout sourire : non, je m’en vais. Je sais que vous allez assurer.


Cette phrase raisonne en écho dans ma tête jusqu’à mon réveil. J’ouvre mes yeux et me vois dans le lit d’Amou. Je me lève en sueur et sort de la chambre pour me diriger prestement dans le hall de l'hôpital.  Je ne sais pas combien de temps j'ai dormi mais je les trouve plus détendus  que toute à l'heure.


Aurore euphorique : Liam est sorti d’affaire, il est en réa.


Moi : où est mamie ?


Amou : elle est toujours au bloc.


On attend une trentaine de minutes quand on voit le chirurgien sortir du bloc, il est suivi d’un cortège qui traîne une personne recouverte de la tête au pied d’un drap blanc sur un brancard. Nous nous rapprochons du chirurgien qui s’avance vers nous le regard peiné.


Stéphanie : docteur qu’est-ce qui se passe ? Où est ma mère ?


Le chirurgien : je suis désolé, elle n’a pas survécu à l’opération.


J’entends une exclamation de surprise, je vois Aurore soutenir Amou, je sens Khalil me serrer fort dans ses bras, tout le reste va au ralenti.





 
Le tournant décisif