chap 2 : Axel

Ecrit par miss.mkb

Je suis extenuée. Je  vais bientôt rendre l’âme, je le sens. Courses ; chaud soleil ; plus fièvre ne font pas bon ménage. C’est un très mauvais cocktail. Mais avais-je seulement le choix ? En tout cas pas quand ta patronne s’appelle Serena Coffman (elle a gardé son nom de jeune fille, les choses des blancs mbadi !). J’ai passé une nuit horrible à cause de ma fièvre ; et la scène qu’il y a eu avec Axel, l’insomnie ne m’a pas ratée du tout.

 

Au matin je me suis trainée autant que le peu qu’il me restait de force me le permettait et je me suis rendue dans la cuisine pour faire le petit déjeuné de Mr et Mme. Alors que je nettoyais la poêle dans laquelle je venais de faire cuire les omelettes peu avant, je sens des bras m’enlacer et un baiser se poser sur ma joue. Je sursaute et me retourne. Axel se tient devant moi avec une mine peinée. Je sens mon cœur sur le point de flancher mais je le rappelle à l’ordre et m’éloigne de lui. Je vois à la tête qu’il fait qu’il se pose milles et une question car habituellement il suffit qu’il m’enlace, me fasse un petit bisou ou me regarde intensément pour que j’oublie tout ce qui ne va pas, tout ce qui fait que cette relation n’aurait jamais due exister et qu’elle est vouée à l’échec, mais ce ne sera pas le cas aujourd’hui. Ce ne sera pas aussi facile cette fois. La scène de cette nuit n’est qu’une parmi des dizaines et des centaines à venir, mais je l’aime et je lui pardonnerai, mais pas aujourd’hui. Pas encore.

 

-Tshala, commence-t-il

-Bonjour Mr, le coupais-je prestement car je ne voulais pas entendre ses paroles mielleuses tout de suite, le petit déjeuner vous attend déjà sur la table

-Mr ? Depuis quand m’appelles-tu ainsi ?

-Depuis le jour où j’ai été engagé dans cette maison il y a de cela 9 mois à présent

 

Il fronce les sourcils et se gratte la nuque avant de baisser la tête. Nous restons tous les deux silencieux, aucun de nous ne fait un geste. Moi parce que je suis toujours remontée contre lui et lui surement qu’il cherche ses mots pour ne pas s’enfoncer encore plus qu’il ne l’est déjà. Mais plus je l’observe, plus je reconnais que je ne pourrais tout bonnement pas me sortir aussi aisément de la prison de l’amour dans laquelle il m’a jeté. A quel moment me suis-je retrouvée la ? Je me souviens des premiers émois, la gêne et les battements de cœur désordonnés que je ressentais en sa présence quand j’ai été fraichement embauché. Je ne m’étais jamais véritablement posée aucune question sur l’autre sexe avant ça. La mise en garde de ma mère quand j’eus mes règles pour la première fois m’était restées en tête depuis toujours. Ça me gardait à bonne distance des hommes mais avec lui ça n’avait tout bonnement pas marché. J’étais tombée sans glisser. Il a été mon premier et ce n’est pas quelque chose d’anodin.

 

Des bruits de pas se font entendre dans le couloir, suivi des secondes plus tard de la voix nasillarde qui ne fait que susciter de l’agacement chez moi depuis presque  mois

 

-cheriii, l’appelle-telle depuis le couloir

-dans la cuisine, répond-t-il une fois qu’il reprend contenance

J’en profite pour me retourner vers l’évier et continuer la vaisselle

 

-bonjour

-bonjour madame, lui répondis-je avec un sourire forcé

Elle fit un smack rapide à son mari avant de se diriger vers le frigo et en sortir un yaourt au citron

 

-tu es venu te coucher très tard

-j’ai eu un peu de mal à trouver le sommeil

-ah ! Oui ? Pourquoi ça ?

 On se regarde tous les  dans le blanc des yeux. Le temps semble se figer tandis que je suis pendue à ses lèvres, attendant autant que madame la réponse à cette question

 

-juste un dossier qui me casse un peu la tête au bureau mais rien de bien grave

 

Je me détourne et me dirige vers la porte pour sortir de la cuisine car je ne veux pas qu’il voit les larmes qui menacent de couler quand madame m’interpelle :

 

-prépares toi Tshala, on va aller faire 1 ou 2 achats pour la soirée du samedi soir

-mais elle ne sent pas très bien Serena, tu peux le voir à la pâleur de son teint

Elle me jette à peine un coup d’œil et balaie les propos de son mari d’un geste de la main

 

-Balivernes ! Ce n’est pas pour rien que ces gens ont tenu le coup pendant 400ans d’esclavages ; ils sont solides


Je vois Axel blêmir et passer d’un air choque à un air outrée

 

-Serena, s’exclame-t-il d’une voix qui témoigne de l’état dans lequel il se trouve actuellement

-quoi ? Ce n’est que la vérité ! T’as vu le nombre de fois ou Kunta Kinte a tenté de s’enfuir ? Bah ils sont de la même famille, donc elle survivra

-te rends-tu seulement compte a quel point tes mots sont racistes et méchants ?

-racistes ?

-oui, et pas seulement envers elle mais envers moi également

-oh! Come on, you’re just half black

-and proud; so be a bit more respectful please

-pff, whatever; dit-elle en se tournant vers moi; on s’en va dans 1h Tshala, tiens-toi prête

-oui madame

 

Elle est sortie de la cuisine, Axel sur ses talons, argumentant de nouveau en anglais avec elle. Et voilà donc comment je me retrouve depuis presque 2h à suivre madame à gauche et à droite dans toutes les boutiques de luxe du centre-ville. Je suis extenuée et j’ai les pieds en compote. Sans compter ma fièvre qui est revenue en force, je crois que j’ai besoin de m’allonger.

 

(Axel)

1h que je tourne les pages du rapport financier qui m’a été envoyé ce matin par les auditeurs mais ma tête n’y est absolument pas. Tout ce que e vois ce sont des chiffres sans vraiment comprendre leur signification mais je me force tout de même. Quelques heures plus tard je suis forcé de reconnaitre que je n’avance à rien et décide de laisser tomber. Je ferme le dossier et desserre un petit peu ma cravate. J’ai un petit peu l’impression d’étouffer malgré la clim qui est à fond. Je m’adosse à mon fauteuil qui bascule automatiquement en arrière sous mon poids. Si seulement tout dans ma vie était aussi simple que ce meuble. Il fait tout son possible pour m’apporter le confort possible sans jamais essayer de me mettre les bâtons dans les roues quand l’envie lui en prend. Hélas ! La vie elle, avance selon ses propres règles.

  Mon nom est Axel Grenier. J’ai 28ans et je suis l’ainé d’une famille de 3 enfants dont une sœur jumelle (je suis plus âgé de 7sec) que j’adore autant que je déteste quand elle est sur mon dos. Techniquement je ne suis pas vraiment l’ainé. Mon père a eu une aventure peu avant qu’on naisse, donc j’ai un demi-frère qui est de 1an mon ainé. Lui et moi sommes comme chien et chat ; on se supporte à peine. Tout le temps en compétition. Par contre avec mes sœurs c’est le grand amour et ça n’en rajoute encore plus qu’à ma colère. Mon arrière arrière grand père est venu dans ce pays durant l’époque coloniale. Il était fils unique et ses parents étaient des véritables racistes qui n’ont eu aucun scrupule à construire un empire sur les souffrances des « indigènes ». Mon arrière arrière grand père n’était pas très à l’aise ni d’accord avec toutes ces formes de maltraitance mais n’y pouvait pas grand-chose. Alors pour s’évader il se faisait souvent des balades nocturnes dans la clairière tout seul. C’est au cours de l’une d’elles qu’il rencontra mon arrière arrière grand-mère. Une belle jeune fille du nom de Marie-Thérèse. Elle n’avait encore 15ans et lui presque 26ans. Leur relation a commencé par une simple amitié qui avec le temps a évolué en une idylle amoureuse qu’ils ont réussi à cacher pendant 3ans jusqu’au jour ou Marie-Thérèse tomba enceinte. Qu’un homme blanc s’amuse avec une jeune femme noire en la mettant dans son lit pour une nuit ou deux était chose courante ; mais qu’il veuille en faire sa femme était contre nature à cette époque, alors ils se sont enfuis. Malheureusement pour eux, Marie-Thérèse mourut en couche mais mit au monde des jumeaux en parfaite santé. Leur père inconsolable retourna en Europe et les y éleva. Il ne retourna plus jamais en Afrique et ne se maria pas non plus malgré quelques aventures ça et là. Il reprit l’entreprise familiale et la fit fructifier à distance mais nous apprit une leçon qui passa de génération en génération dans notre famille : le respect de l’autre, quel que soit sa couleur ou son rang social. Voilà pourquoi ça m’horripile quand Serena tient ce genre de propos raciste sans se gêner le moins du monde. Si elle était un mec, je crois qu’y a longtemps que je lui aurais mis mon poing dans la gueule. Mais elle n’est pas seulement une femme, c’est MA femme et je dois la prendre avec ses bons et ses mauvais côtés.

Mais pour ce qui concerne Tshala, c’est compliqué. Je ne vais pas mentir, j’ai toujours été un player et même le mariage ne m’a pas changé. Je suis resté moi et j’ai continué mes petites affaires avec des filles rencontrées le plus souvent occasionnellement en boite ou ailleurs mais j’ai toujours pris soin de couvrir mes traces et ne jamais le faire avec des filles de notre entourage immédiat. Tshala, je ne sais pas comment expliquer ce qui s’est passé. J’essaie encore de comprendre comment cette fille venue de nulle part a su capter mon attention et emprisonner mes pensées de cette façon. Est-ce-que je l’aime ? Je n’en sais rien, mais c’est clair que je ressens un tas de choses pour elle et je ne suis pas encore prêt à la laisser s’en aller. Mais je ne me sens pas tout à fait à mon aise du fait que tout ceci se passe sous le nez de Serena et sous le toit conjugal en plus de ça. Ce n’est respectueux ni pour l’une comme l’autre mais je ne sais pas quoi faire. Je ne sais même pas en cet instant jusqu’où je suis prêt à aller avec Tshala si tout venait à se savoir. Je ne veux pas la perdre mais en même temps je ne sais pas exactement quelle direction je veux donner à cette relation.

TSHALA