Chapitre 1

Ecrit par Lilly Rose AGNOURET

 

Chapitre 1

 

Khazey Omanda

 
   

Il est 19h 30 à Port-Gentil…

 

- Bonsoir. Monsieur Omanda ? Soyez le bienvenu à Port-Gentil. C’est l’entreprise qui m’envoie. J’ai pour mission de vous conduire à l’hôtel. Mon prénom est Jonathan.

- Bonsoir Jonathan. Merci pour l’accueil. Je te suis.

Le chauffeur, un homme de taille moyenne avec un embonpoint bien prononcé, me sourit, prend mon bagage à main alors qu’un pousseur se charge du chariot dans lequel se trouve mes cinq autres bagages. Cela fait énormément de bien d’être de retour au Gabon. Surtout dans de telles conditions. L’entreprise qui m’a débauché a pris en charge mon déménagement de Paris à Port-Gentil. Je n’ai pas à me plaindre.

Je viens de laisser derrière moi, mon appartement dans le 20ème arrondissement de la capitale française. Maya, mon épouse sera là dans deux mois avec nos deux enfants. J’espère que mon petit monde très vite s’acclimatera à la vie au Gabon.

Le temps est doux. Dehors, la nuit n’est pas encore tombée. J’écoute ce chauffeur plutôt bavard, me dire que cela lui fait plaisir de conduire un compatriote. Il peste contre « la tonne de blanc » qui arrive ici chaque jour en rotation pour aller travailler sur des sites pétroliers.

- Pour une fois que je peux transporter un de mes frères qui vient de loin, je ne vais pas me plaindre. Les blancs là et la façon qu’ils ont de fumer dans ma voiture. A beau leur dire que c’est interdit, ils n’en font qu’à leur tête !

Je comprends que pendant tout le trajet jusqu’à mon hôtel, je vais avoir droit aux aventures de Jonathan et les expatriés. Bref, je suis de retour chez moi.

A notre arrivée à l’hôtel « Chez Jimi », je me dépêche de rejoindre ma chambre après avoir donné un pourboire à ce chauffeur trop bavard. En partant, il m’a promis de passer me chercher pour m’emmener dans une plongée dans le « vrai Port-Gentil ». Je suppose qu’il a dû s’imaginer que je suis trop longtemps resté loin de mon pays.

C’est le cas. Dix ans d’exil. C’est long, dix ans !

Sitôt que je mets mon téléphone en marche, il sonne. Au bout du fil, Maya, mon épouse, me demande comment s’est passé le voyage.

- Tranquille. Je viens juste d’arriver dans ma chambre d’hôtel.

- Tu me manques. Ça va être long deux mois sans toi. Mesdemoiselles tes filles boudent dans leur chambre. Il parait que c’est de ma faute si tu es parti sans elles.

Je souris puis réponds :

- Tu n’as qu’à leur rappeler qu’elles ont encore deux mois de classe avant les vacances.

- Hum ! Si tu crois que cela va arranger les choses ! Alors, dis, qu’as-tu l’intention de faire ?

- Je vais me trouver à manger, ensuite, j’appellerai mes parents.

- D’accord. Appelle-moi avant de te coucher. Je t’aime.

- Je t’embrasse. A tout à l’heure.

Je raccroche, déboutonne ma chemise et vais vers la fenêtre de ma chambre. Le téléphone en main, je regarde défiler à l’écran, les différents messages que j’ai reçus. Je n’ai parlé à personne de mon retour. Demain, cette partie de ma famille vivant à Port-Gentil, aura la surprise de sa vie. Ce samedi sera exceptionnel pour certains.

 

Ma douche prise, je porte un polo gris sur un pantalon cargo. J’enfile des sandales en cuir et vais hors de la chambre, en direction du restaurant de l’hôtel. Autour de moi, il y a beaucoup de couples mixtes. Les gens sont convenablement habillés. La soirée est douce. Le repas se fait attendre et cela me laisse le temps d’envoyer des messages à mes amis Frank et Jaurès, qui sont à Paris.

Tout en ignorant mon filet de bœuf à la sauce poivre, je pianote sur mon téléphone et laisse défiler mon agenda de la semaine. J’ai le week-end de libre. Dès lundi, j’ai rendez-vous pour ma prise de fonction qui aura lieu mardi. Je respire un grand coup et là, je remarque deux paires d’yeux braqués sur moi. Des sourires féminins me sont lancés. On me fait un geste de la main histoire d’installer le contact. Je regarde les deux personnes qui semblent « perturbées » par ma présence. L’une est blonde aux yeux verts, l’autre a les cheveux châtains et les yeux marrons. La blonde me sourit, se lève de table et vient à moi. Elle me tend la main et me dit :

- Je suis Jessica. Je suis ingénieur chez SPIE. C’est la première fois que je te vois à l’hôtel.

Je regarde à gauche, à droite puis lui réponds :

- Vous allez m’excuser mais je ne suis pas intéressé par la marchandise que vous avez à proposer !

Elle sourit, s’assoit et me répond :

- Je ne t’ai encore rien proposé. D’habitude, je n’ai pas besoin de parler longtemps pour qu’un mec me propose un verre.

Je hèle un serveur. Ce dernier arrive. Je lui dis :

- Ces deux dames ont soif. Apportez-leur une bouteille d’eau minérale. Elles paieront elles-mêmes.

Je me lève de table et laisse les deux copines admirer mon dos. Les années passent, me vieillissent et me laissent toujours sans voix fasse au culot de certaines femmes qui n’hésitent pas à draguer les hommes. J’ai beau avoir tout vu lors de mes séjours à l’étranger, me faire accoster par des femmes me semble toujours déplacé.

Il est 21h quand je décide enfin de m’endormir après avoir reçu confirmation qu’un véhicule me sera mis à disposition à la première heure demain.

A mon réveil à 6h, ce samedi matin, je compose le numéro de mon épouse. Ce décalage horaire d’une heure m’arrange bien. Elle me répond et m’annonce que les filles sont déjà debout. Je peux entendre Alexandra et Noémie me lancer des « bisous papa. » Leurs voix me réconcilieront toujours avec la vie.

A 9h, la réception de l’hôtel m’appelle. Marlyne Ogandaga, qui est chargée de me remettre les clés d’un véhicule de fonction, m’attend en souriant.

- Monsieur Omanda, comment allez-vous ?

- Tout va bien pour moi.

- Hum ! Je suis simplement venue vous déposer une voiture, comme convenu. On se voit lundi matin au bureau. N’hésitez pas à m’appeler si vous avez besoin de quelque chose.

- Merci, Marlyne ! A lundi.

Je tourne les talons et repars dans ma chambre. Je me prépare à sortir. J’ai une affaire à régler avant d’aller voir mes parents.

Fin prêt à quitter l’hôtel, je prends mon téléphone et compose le numéro de ma mère. Quand elle décroche, je lui lance :

- Comment va la femme de ma vie ?

Elle me répond alors :

- Oh ! Khazey ! Mon petit père, comment tu vas ? On dirait que c’est Dieu qui t’a demandé de m’appeler ce matin.

- Que se passe-t-il ?

- Fils, ne t’ai-je pas dit il y a deux jours que je vais tuer quelqu’un aujourd’hui ? Je me suis levée ce matin aux aurores pour aiguiser mon couteau de cuisine. Je vais crever ce couillon de Mbina comme un porc !

Je me passe une main dans les cheveux. Je respire un coup avant de répondre :

- Maman, je t’interdis de bouger de chez toi ! Ne m’oblige pas à appeler Frédéric pour lui raconter tes envies de meurtre.

- Fils ! Je te dis que personne ne m’arrêtera. Je vais trancher la gorge de ce couillon et jeter ses couilles aux chiens.

- Maman ! Peux-tu te calmer, s’il te plait ?

- Khazey, je ne vais pas me calmer. Ce couillon me verra devant sa porte aujourd’hui.

Là, c’est sur un ton ferme que je lui dis :

- Maman, je vais moi-même régler ce problème. Je vais appeler cet homme et discuter avec lui sérieusement. Repose ton cœur, s’il te plait !

-  D’accord. Je pose mon sac sur la table du salon. Si je n’ai pas de nouvelle de toi dans trois heures, tu entendras dire que je me trouve derrière les barreaux dans une cellule du commissariat central de Port-Gentil. Trop c’est trop !

- On se calme, ma mère. Je t’appelle tout à l’heure.

Je respire un grand coup puis décide de mon plan d’attaque. J’entends déjà la voix de mon père, Théodore Onanga, me répétant : « Tu es l’aîné. Arrête de t’inventer des excuses et rentre au Gabon pour mettre un peu d’ordre dans cette famille. »

Même si souvent ses appels m’ont agacé je dois dire qu’il était temps que je me décide à rentrer. Et je vais payer une visite à quelqu’un qui ne m’attend pas du tout.

Evanéscence