Chapitre 1:Axa

Ecrit par Lalie308

Plus de dix-sept années étaient passées depuis leur arrivée sur la nouvelle planète et les humains s'étaient en quelque sorte reconstruits. Le mode de vie humain avait beaucoup changé par rapport à celui d'auparavant, la majorité des innovations scientifiques avaient été anéanties : certaines ont été restaurées, mais d'autres ne l'ont pas été. Le Nouveau Monde avait un nom : La cité. Nul n'avait le droit de la quitter parce que l'autre côté était considéré comme dangereux. C'était, un fait et la loi le recommandait, « aucun habitant ne devait quitter la cité sauf les troupes choisies par le gouverneur ». Ce nom de cité renvoyait surtout au nouveau mode de vie des humains : une vie communautaire où les technologies ne sont qu'à but utile. Le géant domaine s'étendant sur des milliers de kilomètres et délimité par d'imposants murs avait en office de toit une grande plaque en verre purifiant l'air avant son entrée dans la cité, laissant clairement passer les rayons de soleil, mais avec un effet semblable à celui de la couche d'ozone.

Malgré son impulsivité et sa rage de vaincre, l'intelligence humaine s'était remise de ses cendres et était en plein essor. Mais dans la cité, tout était réglementé de sorte que cette intelligence ne dépasse plus dans une largesse absolue les limites de l'éthique, qu'elle ne mène plus à une extinction de la race humaine. Le gouverneur Hongust Val était à l'origine de cette loi, il était passé de l'homme joyeux et altruiste à un homme altruiste et fermé. Il n'avait plus le sourire depuis la disparition de sa famille, enfin presque. Ses lèvres s'étiraient parfois en un sourire dans la plus grande des discrétions lorsqu'il apercevait Axa, sa fille. Les humains avaient à présent des habitations quasi identiques, mais différentiables et il n'y avait plus réellement d'école. Les enfants, à un certain âge recevaient la formation académique nécessaire et selon leurs potentialités, étaient redirigés vers un métier donné au service de la cité. Il n'y avait plus réellement de classes sociales, ni riches, ni pauvres, presque. Tous étaient surveillés par peur qu'un nouvel affront ne s'enclenche et n'entraîne une quelconque nouvelle guerre. Le problème de la pauvreté ou des classes sociales avait certes quasi disparu, mais un autre problème s'était encré dans la vie des humains : le vide. Oui, ils étaient vides de l'intérieur et n'arrivaient pas à oublier cette guerre qui leur avait laissé trop de séquelles. Dame guerre avait laissé un voile taché de sang sur le cœur des Hommes.

— Où est mon père ?

Axa Val, la fille à la peau dorée comme aimaient l'appeler certains, pointait ses yeux bicolores sur l'homme à la silhouette élancée et à la corpulence travaillée qui se tenait près d'elle. Elle était sortie de sa chambre depuis une demi-heure et se trouvait à présent debout sur la grande terrasse de la Troïka, la principale maison de la cité, celle du gouverneur Hongust. Elle pouvait passer des heures à admirer le travail qu'avaient accompli les membres de la cité,mais elle ne pouvait s'empêcher de jeter de longs regards au peu qu'elle voyait de l'extérieur. La Troïka était un bâtiment semblable à un building et surplombait toutes les résidences de la cité. Axa décroisa ses bras pour les placer sur la rambarde avant d'inspirer une bouffée d'air. Le vent caressait ses longs cheveux noirs aux nuances blanches et elle portait sa tenue habituelle abstraction faite de la variation des couleurs : une combinaison noire aux manches semi-longues.

— À une réunion, lui répondit le garde du corps.

Elle soupira avant de se rendre à l'intérieur de la pièce.

*

— Bon travail les mecs... et Axa, lança le blond de la trentaine avant de boire une gorgée d'eau.

Axa lui lança un regard noir tout en s'étirant. Elle n'était pas surprise par tous les sous-entendus que renfermait cette phrase, elle y était habituée. Elle était l'une des seules filles qui voulaient bien s'engager dans la sécurité de la cité et elle l'assumait. Elle n'avait jamais été troublée par le fait d'être entourée par des hommes ce qui n'enchantait pas plus son père.

— Aller bébé, ne fais pas attention à lui, susurra un brun en élançant son bras vers elle.

Elle se saisit du bras de ce dernier, lui fit une clé pour qu'il termine à terre. Elle se mit sur son dos et fit pression sur son bras alors qu'il grognait sous les regards amusés des autres.

— Touche moi encore Cody et soit c'est mon père, soit c'est moi qui te fait la peau, lui murmura-elle sèchement à l'oreille avant de le relâcher.

Ce dernier se leva et se massa l'épaule avant de refaire face à Axa.

— Tu ferais mieux de te laisser faire et t'estimer heureuse que je veuille de toi avec tes anormalités, grommela-il avant de se retirer.

Elle ne répondit rien et baissa juste la tête, sachant qu'une part de vérité siégeait dans l'affirmation de Cody. Axa était différente des autres, tous le savaient et elle le savait. Elle l'était sur tous les points. Elle avait des cheveux à deux tons répartis symétriquement : blanc et noir. Elle avait des yeux en amande, mais étirés dont le bleu de prusse se faisait autant remarquer que le vert printemps qui l'entourait. Cet aspect de ses yeux, accentué par sa peau mate foncée qui contrairement à celle de tout humain normal avait une certaine brillance, comme un bijou, une perle rare, son petit nez caucasien, ses lèvres pulpeuses et la parfaite symétrie de son visage, lui donnait un charme fou mais effrayant. Elle avait une voix fine tendant vers les aigus. Elle ne ressemblait à personne d'autre, aussi physiquement que dans tous les autres domaines. Dire qu'elle était différente se rapprochait plus d'un euphémisme. Pourtant, ces détails n'étaient que les raisons superficielles pour lesquelles elle était considérée comme anormale.

*

Axa refoula ses tourments dans une partie sombre de sa tête, se pencha vers l'arrière et s'assit sur le bloc en métal faisant office de chaise qui se déroulait automatiquement par détection de mouvement.

— Axa...

Elle leva sa tête vers le gouverneur Hongust qui se tenait devant elle, le crâne brillant et son visage mi calciné fermé. Elle se leva en souriant pour lui sauter dans les bras. Axa était loin de la fille sensible et attentionnée, mais elle l'était avec cet homme qui était plus qu'un modèle pour elle, cet homme qui comme on le lui avait tant répété avait sauvé les humains. Ce dernier ne répondit pas à son étreinte et recula légèrement, le visage n'exprimant aucune émotion. Axa fut vexée, mais y était habituée, elle savait que son père l'aimait mais il ne le lui montrait jamais de manière démonstrative. Elle se contenta de soupirer, de relever son menton et de se tenir droite. Elle inclina ensuite légèrement sa tête avant de la relever d'un geste assez rapide et de tendre la main à son paternel, l'homme de glace lui avait-on attribué à cause de son caractère. Elle s'installa ensuite sur une autre chaise qui se déroulait et se contenta d'observer Hongust qui se réapprovisionnait en équipements. Il n'avait jamais osé lui parler de ce qui lui était exactement arrivé au visage, de ce qui s'était réellement passé pendant la guerre, de sa mère. Dans la cité, il ne fallait pas parler de la guerre, cela était considéré comme évocateur des pires souvenirs de leur vie.

Aucune des personnes n'ayant réellement assisté à cette guerre ne pouvait donc savoir ce qui s'y était passé et c'était le cas d'Axa. Lorsqu'il lui arrivait de demander, on lui répondait juste qu'il y avait eu une guerre et que cette guerre était du passé. Elle comprenait encore moins pourquoi son père ne lui avait jamais parlé de sa mère, pour quoi elle ne l'avait jamais vue et encore moins en photo. Elle ne savait rien d'elle. À quoi ressemblait-elle ? Était-elle comme Axa, avec tous ces aspects spéciaux ? Elle se posait également les questions les plus douloureuses. L'avait-elle abandonnée ? Était-elle morte ?

— Comment a été l'entraînement ? la questionna son père sans lui jeter un regard, ce qui lui valut un haussement de sourcils.

— Bien, soupira-t-elle.

Il se dirigea ensuite vers elle et lui demanda d'une manière plus douce :

— Et tes nuits ?

Cette question pouvait sembler étrange, mais pas pour les habitants de la cité et encore moins pour Axa. Elle ne dormait quasiment pas de la nuit : soit elle faisait des cauchemars, soit elle faisait des rêves étranges comme des voyages spirituels ou des visions, soit elle parlait avec des gens. Nul ne comprenait réellement ce qu'elle avait et certains la fuyaient, la traitant de démon. Elle pouvait entrer en transe à n'importe quel moment ou prononcer des paroles inconnues.

— J'ai revu ce champ de bataille. Il y avait des pleurs, du sang, des morts, des blessés, des...

— Stop. Oublie tout ça, l'arrêta Hongust alors qu'Axa se confiait déjà à lui, le regard plongé dans le vide.

Il ne comprenait pas comment sa fille pouvait parfois avoir des visions claires et nettes de la guerre, des visions datant même du début de cette dernière. Il préférait l'arrêter quand elle en parlait, au risque de décharger sur elle tout le ressentiment qu'il avait en lui.

— Je ne comprends pas pourquoi vous le prenez tous ainsi, se lamenta-t-elle.

— Je vais te laisser te reposer, termina Hongust avant de s'en aller.

Elle se passa une main dans les cheveux en poussant un profond soupir.

— Axa...

Elle se redressa à l'entente de cette voix qui ne lui était plus étrangère mais qu'elle entendait depuis toute petite. Un vertige puissant se saisit d'elle et sa vision devint floue.

— Axa...persista la voix.

— Foutez-moi la paix, hurla-t-elle en positionnant ses mains sur ses oreilles.

— Axa, l'heure arrive, continua la voix.

— Axa, Axa...

Elle poussa ensuite un long cri, une bouffée de chaleur étouffait son corps et son cœur battait plus que fort dans sa poitrine. Elle avait du mal à respirer et finit par s'évanouir.

*

— Ses crises deviennent de plus en plus fréquentes.

Elle entendait cette voix, mais n'arrivait pas à ouvrir les yeux puisque son corps ne lui répondait pas.

— Il y a sûrement une solution, grogna la voix qui ressemblait à celle de son père.

Son corps ne réagissait toujours pas, mais son esprit le semblait. Elle se voyait dans une grande forêt, aux arbres imposants. Elle avait pied sur la surface de l'eau d'une grande rivière et une femme enveloppée dans un faisceau lumineux marchait vers elle, du moins une femme pensa-t-elle. La créature était d'un teint blanc brillant et ses longs cheveux atypiques tombaient en cascades sur ses épaules. Axa n'arrivait pas à avoir peur d'elle, elle semblait en pleine quiétude. Voir la créature lui inspirait une paix indescriptible, comme si elle avait pleine confiance en elle, comme si elle la connaissait, comme si elle faisait partie d'elle.

— Glami Luz(Déesse Luz), chuchota la créature pendant son avancée vers Axa.

Elle ne comprenait pas ce que voulait dire la mystérieuse créature dont les traits semblables à ceux des Hommes n'étaient toutefois pas identiques à ceux des Hommes. Le langage de la créature ressemblait beaucoup à celui qu'elle parlait dans ses rêves ou dans ses moments de transe.

— U tempo hè seriu(l'heure est grave) ,continua la créature. Demande-lui la vérité.

— Quelle vérité ? demanda Axa, emberlificotée.

— Demande-lui la vérité. Qui es-tu ? Glami(Déesse) Luz qui es-tu ?

— Je ne comprends pas. Attendez, hurla Axa qui ne pouvait aucunement bouger.

La femme s'en allait déjà, comme aspirée par le faisceau de lumière et semblait trop lointaine.

— Axa, Axa.

Cette voix était à présent celle de son père. Elle se réveilla, les yeux lourds.

— Enfin réveillée, souffla son paternel, de grosses gouttes de sueur perlaient sur le corps d'Axa.

Elle batailla pour se remettre de ses émotions et but une gorgée de l'eau que lui tendait une infirmière.

— Tu parlais avec qui ? lui demanda son père en la regardant avec inquiétude.

Elle se passa une main dans les cheveux en soupirant.

— Je ne sais pas, je la connais ,mais je ne sais pas où, répondit-elle les sourcils froncés.

— Une femme donc.

— Je crois, souffla-t-elle.

— Tu vas passer une série d'examens et tu sortiras après, se contenta d'ajouter Hongust.

— Papa c'est toujours la même routine, se plaignit-elle. Toujours ces foutus examens. Tu me caches quoi hein ? Je n'ai pas rêvé, elle était réelle cette créature.

Son ton était beaucoup plus élevé qu'elle ne l'aurait voulu. Le visage de Hongust s'assombrit montrant clairement qu'il perdait patience.

— Tu délires chérie. Je vous laisse, finit-il en sortant de la cabine aux murs d'une blancheur immaculée.

Axa soupira et se laissa retomber sur le lit. C'était une évidence pour elle, tous la voyaient comme un être anormal, personne ne croyait réellement en ce qu'elle voyait ou disait. Voir cette lueur dans les yeux de son père lui faisait mal, cette lueur qui dit « Tu es cinglée ». Elle avait l'impression d'être une étrangère à ses yeux. Bientôt 18 ans qu'elle vivait dans deux mondes : la réalité et l'illusion et elle ne s'y étaient toujours pas habituées. Après la série d'examens, elle put enfin sortir de la cabine après des recommandations du docteur Ben qu'elle considérait superflues.

*

— Bonjour Axa.

Axa qui au départ avait le regard rivé sur la cour de l'arène se tourna vers le petit groupe d'enfants qui la saluait d'un ton enjoué. Elle leur rendit leurs sourires plus que chaleureux.

— Bonjour les enfants. Vous allez bien ?

Ils répondirent positivement.

— Tu sais, demain je fête mon anniversaire avec Flora. Je veux que tu viennes à ma fête, déclara un petit brun aux yeux clairs.

— Avec plaisir Thomas. Tu auras quel âge ?

— Dix, annonça-t-il fièrement.

— Wow ! Tu es un grand garçon, s'esclaffa Axa en lui ébouriffant les cheveux.

Le jumeau leva la tête puis sourit fièrement.

— Aller les garçons venez, ne dérangez pas miss Axa.

La femme poussa les enfants vers l'avant en n'accordant qu'un bref regard à Axa.

— Bonjour madame Byl, ils ne me dérangent pas du tout, vous savez ?

La jeune femme souffla d'agacement et regarda avec une fausse sympathie Axa.

— Bonjour miss Axa, répondit madame Byl avec le respect qu'on accordait à la fille du gouverneur, aucune once de sentiment.

Ils s'éloignèrent rapidement d'elle alors qu'elle gardait les yeux fixés sur eux. Elle savait bien que cette femme ne voulait pas que ses enfants et leurs amis s'approchent d'elle. Personne ne voulait réellement la côtoyer. Ils avaient peur d'elle, ils la respectaient juste en tant que fille du gouverneur. Les enfants eux, l'adoraient parce que pour eux elle était une extraterrestre. Pour les filles, elle était une nouvelle princesse Disney après les milliers qui l'ont précédée depuis le XXe siècle. Elle dévia finalement son regard avec tristesse. Elle se tenait isolée des autres groupes dans l'arène et se contentait d'observer. D'observer comment ils avaient tous l'air heureux alors qu'elle avait constamment ce vide en elle, comment tous l'évitaient alors qu'elle ne demandait qu'une minime affection sincère. Elle repensa à la créature qui lui était apparue le jour précédent, sa voix qui était la même que celle qu'elle entendait incessamment, la seule voix qu'elle discernait lorsque plusieurs voix se mélangeaient dans un brouillard pour la hanter, au fait qu'elle l'ait appelée Luz. Les pensées cognaient fort dans sa tête telles les abeilles dans une ruche.

— Miss Axa.

Elle soupira avant de lever la tête vers celui qui venait de l'aborder avec dédain.

— Cody, soupira-t-elle avec la plus grande indifférence possible.

Il était accompagné de deux de ses amis et avait toujours cet air de supériorité sur le visage, cet air faux qui cachait une façade de faiblesse.

— Que fait notre princesse seule ?

— Là tout de suite, j'évite de rencontrer des idiots. Ce qui n'est pas gagné, lança-t-elle sévèrement.

Le visage de son interlocuteur s'assombrit.

— Venez les mecs on va s'entraîner, se contenta-t-il de dire.

Elle fut soulagée qu'il n'ait pas voulu répliquer et se leva quelques minutes après pour descendre plus bas dans l'arène et suivre l'entraînement. Elle se laissa tomber sur une place tout en bas et observa les garçons se défier entre eux. Elle notait sans difficulté les clés et les techniques dont ils usaient. Elle avait une mémoire plus solide que le béton et même plus que le swal(Métal solide et dur découvert vers la fin de deux mille soixante-dix ). Elle n'oubliait quasiment rien, elle se rappelait même des détails de son enfance, enfin de ceux qui relevaient d'après ses un an. Le reste, elle n'arrivait pas à s'en souvenir, tout était confus et flou.

Cody se rapprocha de nouveau d'elle.

— Tu ne peux donc pas aller aux réunions du groupe de couture ou même de cuisine ? lui demanda-t-il avec un air hautain.

— Pardon tu parles de moi ou de toi ? répliqua Axa qui déclencha des rires sonores de la part des autres garçons.

— Continue de faire ta maligne. Je te ferai un jour bouffer tes paroles espèce de petite chienne, persifla-t-il.

Elle se leva doucement puis fit claquer sa main contre la joue du jeune homme d'un geste fluide et énergétique. La tête de Cody valsa sur le côté, il prit son poignet et le serra fermement. Elle ne se laissa pas démonter et lui balança sa jambe dans l'entrejambe lui provoquant un cri étouffé. Elle profita qu'il est déconcentré et lui asséna un coup de pied dans les côtes. Cody se remit très vite de ses malheurs et lui lança une droite qu'elle évita. Cet affront se transforma très vite en un combat entre les deux plus fortes têtes de l'équipe junior de sécurité.

— Tu oses lever la main sur moi alors que tu n'es qu'une pauvre fille qui se croit supérieure aux autres ? Une petite pute bâtarde sans mère ?

En temps normal, Axa n'aurait pas bronché à ces paroles qu'elle savait exprès pour la provoquer mais elle avait cette rage en elle qu'elle devait évacuer. Elle se retira avec agilité de l'emprise du brun et lui asséna une série de coups de poing incontrôlés. Elle sentait de plus en plus cette rage monter en elle et ne se contrôlait plus. Le sable virevoltait dans tous les sens, l'intensité du vent s'était accentuée et quelques objets volaient et se fracassaient autour d'elle. Des masses d'humains se formaient autour des deux combattants, des masses apeurées par ce qui se passait mais trop curieuses pour esquisser le moindre geste. En l'espace d'un instant, alors que le concurrent d'Axa avait la gorge serrée par les petites mains de cette dernière, les yeux d'Axa viraient au vert parfait. Elle ne semblait plus présente, n'entendait plus ceux qui la suppliaient de s'arrêter. Personne ne pouvait s'approcher d'eux, comme si un champ d'électricité les enveloppait.

— Tue-le.

La voix lui hurlait incessamment ces mots, lui donnant une douleur très prononcée à la tête.

— Les humains sont des monstres Luz. Tue-le.

— Tue-le, persistait cette voix pleine de haine.

— Fate per noi, per u vostru populu(Fais le pour nous, pour ton peuple).

— Tue-le.

La voix hurlait trop fort à présent. Axa jeta Cody sur le côté alors que ce dernier tentait de reprendre son souffle. Elle plaça ses mains de part et d'autre de sa tête et se mit à hurler de toutes ses forces. Un tube était en effet tombé de la poche de Cody et s'était brisé sur le sol, le liquide au contact de sa peau la lui brûla tellement que la douleur en était insupportable. Le liquide n'avait pourtant eu aucun effet sur Cody. Elle hurlait de plus en plus fort alors que les phénomènes surnaturels autour d'elle s'amplifiaient. Le gouverneur Hongust alerté se tenait non loin de la scène, estomaqué par ce qu'il voyait, impuissant. Il n'était pas aussi ignorant qu'il le prétendait de ce qui arrivait à sa fille. Il en savait beaucoup plus qu'il ne le laissait paraître. Pour lui la meilleure solution était de garder cela secret et de lutter contre, le peu qu'il savait et qu'il ne comprenait pas ne l'enchantait guère. Ce qu'il savait de la situation de sa fille n'était pour lui qu'une malédiction et rien d'autre.

— Taisez-vous, supplia Axa en criant et se tordant de douleur.

Elle se calma brusquement et se mit à marcher telle une somnambule vers Cody, la tête baissée, penchée vers l'avant. Ce dernier était allongé au sol et reculait à la hâte jusqu'à la barrière invisible qui semblait les entourer, le visage peignant la peur qui l'envahissait. Il ne reconnaissait plus celle qui se tenait devant lui et regrettait amèrement l'affront qu'il lui avait fait sachant bien que cette fille était anormale. Axa avait un sourire malsain sur les lèvres. Elle sentit une main prendre la sienne, fixa son regard sombre, profondément obscur sur celui de Cody. Il sentit ses os se tordre, comme si c'était Axa qui le faisait par la seule force de son regard. Il criait de douleur alors que le sourire sur les lèvres d'Axa s'agrandissait.

— Achève-le.

Elle résistait à l'envie grandissante d'achever l'être devant elle qu'elle trouvait plus que méprisable, la rage en elle montait et elle sentait ses forces se décupler. Elle fronça les sourcils, toujours cet air sévère au visage et fut involontairement satisfaite de voir son adversaire cracher du sang. Il semblait de plus en plus souffrir, son visage témoignait du supplice interne qu'il pouvait endurer et ses cris le rappelaient constamment. Tous la suppliaient d'arrêter, mais elle n'en fit rien. Elle ne pouvait pas faire autrement. Elle ne se contrôlait plus, c'était comme si elle était partagée entre l'envie de le tuer et celle de ne pas le faire, entre l'envie de voir ses entrailles hors de son enveloppe charnelle et celle de l'épargner, entre la soif de voir son corps se vider progressivement de tout son sang et celle de le secourir. Un véritable combat se passait à l'intérieur d'elle et elle luttait pour arrêter ce massacre, mais une force invisible l'y obligeait. Elle ferma enfin les yeux et ses jambes ne purent la soutenir. Elle se retrouva au sol en criant et suppliant. Kyrielle de larmes et cris de douleurs, blessures intérieures et extérieures. Destin terrible et non consolateur, souffle fragile et face aux douleurs de la vie, mineur. Prisonnière de son être cherchant incessamment une libération incertaine.

— Laissez-moi. Je ne veux pas.

— Fais-le, insistait la voix.

Elle se sentait faiblir au fur et à mesure qu'elle résistait. Son cœur semblait ne plus battre. Elle gigotait sur le sol comme si elle recevait une puissante décharge électrique. Du sang coulait de ses yeux et ils recouvrèrent leur couleur naturelle. 





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 Lalie

La planète aux yeux...