Chapitre 2: Seule

Ecrit par Lalie308

Fourmillement envahissant tous ses membres, nausée permanente, mal de crâne semblable au saut de mille géants et puissant sentiment de culpabilité furent les premiers compagnons d'Axa dès que son cerveau fut reconnecté à la réalité. Elle se sentait très faible comme vide de son énergie et avait un poids plus lourd que l'univers sur le cœur. Elle ouvrit difficilement ses yeux cernés et fut éblouie par la lumière du soleil. Elle les referma, frappée par des souvenirs qui lui revenaient. Du sang, des gémissements, des grognements, l'envie croissante de tuer tout être humain. Elle voulut refouler ce flux de souvenirs, mais il était déjà trop tard et les sentiment de culpabilité et de mal-être qu'elle ressentait était immense. Certaines réalités se font trop présentes dans nos vies et lorsqu'elles prennent la forme de souvenirs, s'incorporant au cerveau, elles deviennent plus dangereuses qu'une éruption volcanique.

Elle rouvrit douloureusement les yeux, prenant conscience du lieu où elle se trouvait. Toujours dans un lit d'hôpital, c'en était devenu un rituel depuis son enfance, cette fois, elle était reliée à plusieurs appareils. Elle se rappelait parfaitement de ce qui s'était passé avec Cody mais c'était comme si ces souvenirs ne lui appartenaient pas, comme si ces souvenirs n'étaient pas les siens, mais ceux d'une tout autre personne, elle ne se voyait pas commettre de telles atrocités. Un cliquètement signala que la porte s'ouvrait puis le docteur Ben, deux infirmières et évidemment Hongust firent leur apparition dans la chambre neutre et stérile. Axa plongea son regard dans le vide, sachant pertinemment ce qu'ils pouvaient penser d'elle en cet instant.

— Et Cody ? demanda-t-elle d'une voix faible.

Ses compagnons froncèrent les sourcils, laissés pantois par sa question.

— Votre ami est actuellement dans le coma. Son état est des plus critiques, répondit le docteur Ben plus sur un ton de reproche.

Elle arbora un léger sourire factice en entendant le « votre ami » qui était infidèle à la véritable nature de leur relation, mais son sourire disparut très vite.

— Je suis un monstre, déplora-t-elle. Pas vrai ?

— Non, miss Axa, vous êtes juste une personne...troublée.

— Une malade mentale vous voulez dire ? répliqua-t-elle sèchement.

— Non. Écoutez tout ira bien. Tout est sous contrôle.

— Tout est sous contrôle ? s'égosilla-t-elle. J'ai peut-être tué ce mec et vous osez me dire que tout ira bien ? Esp...

— Ça suffit.

Toute sonorité s'estompait lorsque la voix grave de son père retentit.

— Tu ferais mieux d'écouter ce qu'on te dit et de te reposer.

Elle ne répondit rien, s'étant aperçue que ce qui s'était passé avait de nouveau creusé un faussé entre son père et elle. La distance entre eux s'était de nouveau élargie. Elle se mordit l'intérieur des joues et serrait ses dents pour refouler les larmes qui menaçaient.

— Demoiselles, prenez soin d'elle, finit le docteur avant de s'en aller avec le gouverneur.

Axa se contenta de baisser ses yeux qui affichaient un air de détresse.

— S'il vous plait. Dites-moi la vérité, supplia-t-elle les infirmières.

— Nous n'avons rien à vous dire demoiselle. Désolé, affirma l'une des infirmières.

Après lui avoir prodigué quelques soins, elles se retirèrent de la pièce, la laissant seule. Elle souhaitait du plus profond de son être comprendre tout ce qui lui arrivait, ce qui s'était réellement passé ou tout au moins ce qu'ils lui cachaient. Elle ferma les yeux, inspirant puis expirant tout l'air contenu dans ses poumons et une conversation lui vint à l'oreille, comme si elle écoutait à travers les murs.

— Cette fille est un monstre, déclara la voix semblable à celle de l'infirmière de tout à l'heure.

— Ne dis pas ça, c'est la fille du gouverneur, avertit une autre voix féminine.

— Malgré tout, elle s'en est quand même remise en moins d'une heure. Un être normal ne peut pas se remettre de plusieurs côtes cassées, d'un traumatisme crânien et d'autres choses aussi graves en aussi peu de temps, sans intervention chirurgicale de surcroît. Et le pauvre Cody, son état est des plus critiques. Moi je dis qu'il faut interner cette petite.

— Arrête de dire ça Dorothée. On finira par avoir des problèmes, je te dis.
Puis elle n'entendit plus rien d'autre que des bruits de pas, découvrant les deux infirmières qui faisaient irruption dans la pièce, sourire feint au visage.

— Tout va bien demoiselle ? lui demanda celle qui venait tout juste de la traiter de monstre.

Axa qui n'était pas certaine que ce qu'elle venait d'entendre était la réalité ou le fruit de son imagination se contenta de hocher la tête. Elle n'avait jamais pu entendre des conversations à distance, mais bien que cela lui ait en partie permis de savoir ce qui était arrivé, du moins elle le pensait, cela avait également accru ce sentiment destructeur en elle.

*

Elle marchait lentement pour ne pas s'effondrer sous l'effet du vertige qui la turlupinait. Axa s'était en effet échappée de sa chambre, s'étant bien aperçue que les appareils auxquels elle était reliée n'étaient encore que ceux du laboratoire pour l'étudier comme si elle était une bête de foire. Elle se glissa dans la chambre où se trouvait Cody et son cœur se serra lorsqu'elle vit cet homme si insolent et imbu de sa personne, couché sur ce lit entre la vie et la mort. Elle se mordit la lèvre inférieure et entra dans la pièce avec des pas mal assurés. Elle flottait dans sa robe de chambre et ses pieds nus s'étaient habitués au contact du sol froid. Une fois arrivée aux côtés de Cody, elle l'observa attentivement et particulièrement la marque rougeâtre qui lui entourait le cou. Son regard se dirigea ensuite lentement vers sa main droite où elle ressentait des picotements. Elle entrouvrit ses lèvres sèches puis les referma. Elle passa d'un geste tendre sa main sur le visage du jeune homme puis sur son cou et une larme coula le long de sa joue. Pourquoi avait-elle fait ça ? Elle n'avait jamais porté le brun dans son cœur, mais jamais elle n'en serait arrivée là volontairement. Elle ne comprenait pas pourquoi cette voix, cette créature avait une si grande emprise sur elle. Elle voulait en finir avec tous ces sentiments qui pesaient son cœur coupable.

— Dia là. Dia là. Huré lo y.(Incantations)

Elle répétait incessamment ces paroles sans vraiment en comprendre le sens pendant que ses mains parcouraient toujours le visage pâle et livide de Cody. Elle sentit progressivement le corps au départ froid regagner une température normale et vit le visage de Cody retrouver des couleurs. Elle ne cessait pas de prononcer les mêmes paroles. Les yeux du jeune brun s'ouvrirent lentement, mais furent remplis de peur lorsqu'ils rencontrèrent le regard d'Axa. Il se mit à se tortiller dans le lit, le visage à présent congestionné par la peur.

— Ne me fais pas de mal, supplia-t-il, le visage ahuri.

En cet instant, Axa ressentait de la compassion, de la pitié et de la culpabilité. Aucune parole ne put sortir de sa bouche, les médecins de la cité faisaient leur entrée en fracas dans la chambre. Elle aurait voulu lui dire qu'elle n'avait jamais voulu lui faire du mal, qu'elle était désolée, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Deux d'entre eux poussaient Axa vers la sortie alors qu'elle semblait toujours absente d'âme.

— Mettez-le sous sédatifs, le patient est trop agité.

Elle avait entendu cette phrase avant que les infirmiers ne la conduisent trop loin de la pièce.

— Non laissez-moi. Je ne veux plus rester dans cette chambre. Vous savez que je vais bien, s'opposa-elle en se débattant.

Un infirmier la retenait par un bras et un autre par l'autre, ils pénétrèrent dans la pièce d'où elle s'était échappée quelques minutes plus tôt. Ses yeux initialement dirigés vers le sol remontèrent lentement vers le visage crispé de celui dont elle avait reconnu la paire de chaussures. Il semblait agacé et en colère, le visage à moitié calciné obstrué par ses émotions. Elle se calma doucement en gardant le regard fixé sur lui. Il s'avança lentement vers elle, la défiant du regard. Il ne l'avait jamais fait auparavant, il n'avait jamais osé lui faire du mal. Mais il sentait qu'il devait s'y prendre d'une autre manière, que la manière douce ne fonctionnerait jamais avec Axa. Il décida de devenir avec elle celui qu'il n'avait jamais voulu être, c'était pour son bien pensa-t-il. Il leva sa main et d'un mouvement rapide et précis, elle atterrit sur la joue droite d'Axa. Le coup avait été si fort que le son résonna bruyamment dans la pièce et la tête d'Axa valsa sur la gauche. Elle déglutit puis remonta son regard blessé vers lui. Son regard se mit à noircir, comme si la même rage qui s'était saisit d'elle pendant son combat avec Cody remontait en elle. La marque que lui avait laissée cette gifle sur la joue n'était rien comparée à celle laissée dans son cœur. Pour elle, tous pouvaient la renier, la maltraiter, mais pas son père, son précieux père. Ses yeux la piquaient, mais elle refusait de se montrer plus faible qu'elle ne l'était déjà.

— Quoi ? Tu vas vouloir me tuer aussi ?

Le ton sévère de son père fit radoucir son regard qui ne témoignait désormais que d'une profonde douleur.

— Je suis fatiguée de tout ça Axa. Dorénavant tu devras obéir à tous mes ordres. Et si jamais tu oses encore me tenir tête, je te jure que tu le regretteras.

Il avait prononcé ces paroles à contrecœur. Il tenait à sa fille, mais il voulait également la protéger. Il se sentait obliger de devenir plus froid, plus distant, plus sévère avec elle.

— Compris ?

Il ne reçut aucune réponse.

— Il me semble que je ne m'adresse pas au mur.

Elle entrouvrit ses lèvres.

— Oui papa, murmura-t-elle.

— Je n'ai rien entendu.

— Oui papa, reprit-elle plus fort.

— Bien. Laissez-là un peu se reposer, après elle pourra sortir.

Puis il s'en alla. Axa fut de nouveau couchée dans ce lit dur et froid, siège de ses tourments et témoignage de son anormalité. Elle repensa directement à ce qui s'était passé avec Cody, elle s'était sentie lui redonner la vie. Les derniers événements la déstabilisaient : d'abord, elle s'était rétablie en un laps de temps, ensuite elle avait pu entendre des conversations à travers les murs et maintenant elle avait l'impression d'avoir soigné Cody. Elle avait connu des choses étranges, mais toutes ces choses étaient nouvelles pour elle et l'effrayaient encore plus. Elle refoula la peine qu'elle ressentait par rapport au fait que son père ait pour la première fois levé la main sur elle. Lui qui avait toujours été si patient, si compréhensif avec elle. Peut-être la voyait-il déjà comme les autres la voyaient, peut-être n'avait-il plus aucune once d'attache pour elle. Peut-être était-elle définitivement seule.

*

Les regards à la fois hostiles et effrayés qui se tournaient vers elle lui faisaient froid dans le dos mais pourtant, elle souriait à chacun d'entre eux. Ils la voyaient comme une sadique qui se délectait de son œuvre. Elle marcha sans vaciller vers le jeune Thomas et sa sœur qui contrairement aux adultes souriaient à pleine dent en la voyant.

— Bonjour les enfants, commença-t-elle en souriant à pleine dent, un sourire masquant bien l'ouragan qui se déchaînait en elle.

Certains se demandaient comment elle pouvait faire pour être aussi joyeuse alors qu'hier encore elle était sur le point d'assassiner quelqu'un. Ils la regardaient de travers, sans aucune discrétion.

— Axa ! Tu es venue, s'extasièrent Thomas et sa sœur.

Elle les prit dans ses bras en leur tendant chacun une petite boite de cadeau.

— Je ne pouvais pas manquer l'anniversaire de mes deux petits amours.

— Axa, que faites-vous là ?

Elle se retourna, toujours plein sourire aux lèvres vers madame Byl qui ne semblait pas du tout enchantée de la voir. Cette dernière la regardait comme s'il s'agissait du diable.

— Ça ne se voit pas ? Je suis venue fêter avec mes anges.

— Je vous prierais de partir.

— Vous voulez que je parte les enfants ?

— NON ! Maman s'il te plait.

Madame Byl lança un regard noir à Axa avant de rebrousser chemin. Tout le monde avait le regard braqué sur elle, elle accaparait plus d'attention qu'elle ne le voulait. Elle s'installa sur invitation des enfants.

— C'était trop dingue hier avec Cody. Tu es un alien ?

— Non elle est une princesse avec des pouvoirs.

Elle sourit, ravie que les enfants prennent autant à la rigolade ce qui lui arrivait, mais son sentiment de culpabilité envers Cody s'accentua.

— Je suis les deux, souffla-t-elle comme s'il s'agissait d'une confidence et ils éclatèrent de rire.

*

— Elle s'est réellement rendue à cette fête ? demanda Hongust plus qu'éberlué par l'attitude de sa fille.

— Oui monsieur. Elle y est allée avec le sourire aux lèvres et s'est amusée avec les enfants, répondit le soldat.

Hongust se passa une main sur le visage.

— Rien d'étrange ?

— Rien monsieur, elle était...normale, affirma son interlocuteur.

— Bien. Vous pouvez disposer.

Hongust ne savait pas trop comment prendre l'attitude de sa fille, il ne savait pas si c'était bon signe ou plutôt une mauvaise chose. Il préférait attendre pour voir comment évolueraient les choses.

*

Une heure s'était écroulée depuis qu'elle se tenait à cette fenêtre, le regard perdu sur l'extérieur, hors des murs de la cité, de cette cité qui lui faisait tant de mal. Elle avait les bras croisés sur sa poitrine et le regard vide. Pendant la semaine qui s'était écroulée depuis son affront avec Cody, il ne s'était plus rien passé d'étrange. Elle était devenue presque normale. Elle ne savait pas si c'était une bonne chose, si s'en était fini de ses anomalies. Elle sentait encore la blessure que lui avait causée le liquide d'il y a une semaine la piquer. Elle s'était remise de tout sauf ça. C'était étrange que seule une blessure superficielle dure autant et lui fasse si mal alors qu'elle n'avait aucun souvenir de ses côtes brisées ou encore de ce fameux traumatisme. Elle entendit des bruits de pas puis une porte se refermer.

— Bonsoir Axa.

— Cody...

Elle se retourna vers lui. Il semblait mieux se porter et se tenait assis sur le lit d'Axa comme si de rien n'était. Il n'avait plus cette touche de vice dans son regard ou encore cet air constant de supériorité.

— Déjà les gardes m'ont laissé entrer en me regardant comme si j'étais Michael Jackson revenu mille ans après sa mort.

Il sourit face à ce qu'il venait de dire, mais Axa ne le prit pas autant à la rigolade.

— Je connais ça.

Elle dit cette phrase en pensant aux regards hostiles qu'on lui lançait dans la cité depuis son enfance.

— Je suis venu te dire merci, déclara-t-il en se faisant plus sérieux.

Elle fit les gros yeux devant ce que venait de dire le brun et les plissa ensuite pour détecter le piège. Elle l'avait presque assassiné et il venait lui dire merci ?

— Pour ? demanda-t-elle en arquant un sourcil, les bras toujours croisés sur sa poitrine.

— Je sais que c'est toi qui m'as guéri, je l'ai senti quand tu es venue dans ma chambre. Mais j'ai d'abord eu peur parce que j'avais au départ les idées embrouillées.

Elle n'arrivait pas à croire à ce qu'elle entendait mais baissa un peu sa garde pour s'installer en face du jeune homme.

— Que veux-tu dire par là ?

— Je ne sais pas. J'ai senti ta main sur mon visage et c'était comme si je recevais une décharge d'énergie. Mais la tienne semblait douce cette fois, comme une lumière et différente de celle un peu obscure et violente de lorsque tu me martyrisais.

— Tu veux encore te foutre de moi Jones ? le menaça-t-elle.

Il agita ses bras devant lui.

— Non pas du tout. J'ai compris la leçon si tu vois ce que je veux dire.

— Tu as peur de moi ? lui demanda-t-elle sur un ton de déception.

— Un peu quand même. Mais ça va. Je sais que jamais tu n'aurais fait ça si cette femme ne t'avait pas obligée.

— Pardon ?

— Il y avait une femme derrière toi qui te parlait à l'oreille, la même qui m'avait obligé à te provoquer.

Axa secoua la tête perdue dans toutes ces informations. Cody pouvait aussi la voir et entendre sa voix ?

— Rassure-toi, je ne suis pas comme toi. Elle m'a dit que tu étais différente. Qu'ils avaient besoin de toi pour se venger. Que je devais malheureusement être le premier à payer.

— Si nous parlons de la même créature, elle n'est pas comme ça. Je ne la connais pas très bien, mais je ne sais pas. Elle m'inspire pourtant toujours ce sentiment de paix.

— Tu crois que tu es une sorte de mutant ?

— Je ne sais pas, répondit-elle sincèrement en se levant. Dis-moi, le flacon que tu avais sur toi il y avait quoi ?

— De la poudre de cinabre liquéfier avec quelques substances. Pourquoi ?

— Tu fais quoi avec ?

— Mon père m'a dit de toujours en garder sur moi. Je ne sais pas pourquoi.

— Tu...tu en as sur toi là ?

— Non.

— Tu veux bien m'aider à découvrir la vérité sur qui je suis réellement ? demanda-t-elle comme si elle était enfin prête à voir la réalité en face.

— Tu ne me détestes plus ? lui demanda-t-il un léger rictus prétentieux sur le bout des lèvres.

Elle lui donna un léger coup à l'épaule.

— Un peu quand même mais comme tu es le seul à vouloir me parler ouvertement ici. Je vais devoir faire avec. Alors oui ou non ?

Il ne s'attarda pas trop sur le ton froid d'Axa mais voulait réellement découvrir ce qui rendait cette fille aussi anormale, aussi spéciale. Il n'hésita donc pas à prendre une décision bien qu'il savait qu'il s'embarquait dans une aventure risquée. Il le sentait. Cette femme ne le voulait pas en vie, il prenait grand risque à se rapprocher de la personne qui avait voulu l'assassiner, de la personne que cette créature pouvait contrôler à son aise pour l'atteindre. Mais il voulait savoir, il voulait l'aider surtout parce qu'il trouvait la vie trop monotone dans la cité.

— Compte sur moi.








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Lalie


La planète aux yeux...