Chapitre 10

Ecrit par Chrime Kouemo

La vibration insistante de son téléphone portable fit sursauter Seba, le tirant ainsi d’un sommeil comateux. Légèrement désorienté, il mit quelques secondes à se retrouver. Un fin rai de lumière du soleil filtrait à travers les deux rideaux gris opaques de la chambre. Il se retourna dans le lit et vit Rachel qui dormait paisiblement à ses côtés, la bouche légèrement entrouverte. La couverture avait glissé d’une de ses épaules et dévoilait un sein rond et ferme; ce qui raviva les souvenirs torrides de la nuit passée. Presque immédiatement, il sentit le sang affluer vers son entrejambe. Il se revoyait prenant les globes à la chair douce et chaude entre ses mains avides, et suçant avec délectation ses tétons….

 

Une nouvelle vibration de son téléphone le ramena à l’instant présent. Le son provenait de son jean jeté en boule au pied du lit. Il se leva avec précautions afin de ne pas réveiller son amante, et replaça la couverture sur son sein dénudé. Son portable était dans la poche avant de son pantalon. Quand il l’alluma, il vit deux appels manqués et trois notifications de SMS reçus de Hervé Monkam, un de ses potes et accessoirement son co-équipier de foot. 

 

L'horloge de l'écran de téléphone affichait 8h10. Ce qui voulait dire qu’il allait être sacrément en retard! Ils avaient convenu de se retrouver les autres membres de l’équipe à 9h pour l’entrainement. Le match débutait à 10h, et il fallait qu’il rentre chez lui à Asnières se changer et récupérer sa tenue de foot avant de se rendre à Cergy pour le match. Autant dire qu’il n’y serait pas avant 9h30. Heureusement que le samedi matin, la circulation en région parisienne était fluide.

 

Après avoir rapidement enfilé son pantalon jean et son tee-shirt, il posa délicatement la main sur l’épaule de Rachel.

 

-                Rachel?

 

La jeune femme restait complètement immobile; son torse se soulevant au rythme de sa respiration régulière.

-                Rachel ? Insista t’il.

 

Toujours rien, même pas un clignement de paupières. Il ne voulait pas la quitter ainsi sans lui avoir parlé, mais il n’allait pas avoir le choix. Hervé l’avait informé dans le SMS qu’il comptait vraiment sur lui car ils avaient déjà eu deux désistements, donc presque plus de remplaçants. Il ne pouvait pas laisser tomber ses potes.

 

N’arrivant toujours pas à réveiller la jeune femme, il se saisit du bloc-notes et du stylo posés sur la table de nuit et écrivit rapidement un message. Puis, il déposa le papier sur l’oreiller à côté d’elle. Il hésita une seconde, puis pressa ses lèvres contre le front de la jeune femme. Elle grogna un instant mais garda les yeux fermés, ce qui le fit sourire. Elle avait vraiment un sommeil profond, se dit-il. Il lui jeta un dernier regard, puis sortit de la chambre en refermant doucement la porte.

 

   

 

-    Hé! Mbout man, il t’arrive quoi aujourd’hui? Tu n’arrêtes pas de perdre les ballons l’admonesta Hervé pendant qu’il reprenait péniblement son souffle.

 

L’arbitre venait juste de siffler la mi-temps. Ses poumons le brûlaient d’avoir couru comme un forcené après l’attaquant qui était venu lui prendre le ballon entre ses jambes comme s’il était un enfant. Ils avaient eu de la chance que ce dernier ait raté son tir. Il essaya de ne pas répondre agressivement à son ami. Celui-ci avait raison après tout. Son jeu avait été lamentable. Il avait passé son temps à penser à Rachel et à leur incroyable nuit d’amour. Il avait encore du mal à y croire; ça faisait tellement de temps qu’il était mordu d’elle et qu’elle ne faisait pas attention à lui, que tout ce qui était arrivé la veille lui semblait comme dans un rêve. Durant toute la première partie du match, les flashes de leurs ébats avaient défilé dans son esprit tels un kaléidoscope.

-    Je crois que je ne me suis pas bien réveillé, mentit-il à son ami.

 

Il n’avait aucune envie d’expliquer à son ami les raisons de son jeu distrait.

-    Il va donc falloir que tu te reprennes un peu. Si on perd ce match on est morts, on ne pourra plus jamais se la ramener. On a un honneur à sauver mon gars!

-    Ok ok…. Laisse-moi me poser un peu, je vais me reprendre.

 

Ils entrèrent dans les vestiaires. Seba se dirigea vers son casier, l’ouvrit et se saisit de son sac pour récupérer son téléphone. Aucun message en attente. Il avait espéré un signe de Rachel après le message qu’il lui avait laissé. Peut-être n’était-elle pas réveillée ? Il n’était pas encore 11h. Un peu déçu, il rangea son smartphone dans son sac, referma son casier et se dirigea vers les toilettes pour se rafraîchir un peu. Quand il en sortit, il était temps de repartir sur le terrain pour la deuxième mi-temps.

-    Tu ne nous ndem pas cette fois hein? Pas ce que tu nous as fait là en première mi-temps! On compte sur toi ! Fit Denis Mballa, un de ses coéquipiers.

Il leva le pouce en signe en signe de OK, puis ils prirent le chemin du stade.

 

Il réussit à se concentrer un peu plus en deuxième mi-temps et son équipe n’encaissa pas de but. Les deux équipes n’ayant pas pu se départager pendant le temps réglementaire, le match se termina par des tirs aux buts qu’ils remportèrent haut la main. Il n’avait même pas eu besoin de tirer, ses coéquipiers avaient fait du bon boulot. Au moins l’honneur était sauf, le TSC avait encore du chemin à parcourir pour les vaincre!

Ils retournèrent aux vestiaires en chantant un hymne que les militaires Camerounais avaient popularisé : « A B C, B C D, Wandaful… »

 

Malgré la bonne humeur qui régnait dans les vestiaires après leur victoire, Seba avait hâte de rentrer chez lui pour appeler Rachel. Il voulait la revoir le plus vite possible. En inspectant son téléphone tout à l’heure après la douche, il avait constaté qu’il avait un appel en absence et un message vocal d’un numéro non enregistré dans son répertoire. Il n’avait pas eu le temps d’écouter le message tellement les gars chahutaient. C’est donc avec empressement qu’il quitta le stade et refusa l’invitation de ses amis à aller déjeuner. Si Hervé fût intrigué par son attitude lointaine, il n’en montra rien.

 

Une fois au calme dans sa voiture, Seba se hâta d’interroger sa messagerie. Au son de la voix douce de Rachel au téléphone, son cœur fit un triple salto dans sa poitrine. C’était fou l’effet que cette fille lui faisait. Il se sentait pire que le jeune adolescent qu’il était il y’a quelques années lors de ses premiers émois sexuels. Sans plus réfléchir, il appuya sur la fonction rappel de sa messagerie. Elle décrocha au bout de la quatrième sonnerie

-    Allô? Fit la voix à l’autre bout du fil.

-    Allô Rachel? C’est Seba, ça va?

-    Ça va et toi?

-    Super bien. J’avais un match de foot avec des potes ce matin et je ne pouvais vraiment pas me défiler.

-    Et ça a été ton match?

-    Oui et heureusement on avait intérêt, c’était une question d’honneur! Tu connais les Camerounais avec leur boucan.

 

Elle eut un petit rire qu’il trouva délicieux. Il était décidément bien mordu. Il se racla la gorge un instant, puis demanda :

-    Tu as quelque chose de prévu ce soir ?

-    Non, rien du tout.

-    J’aimerais t’emmener dîner ce soir, ça te dit ?

-    Oui ce sera avec plaisir.

-    Parfait ! Je passerai te prendre disons à 19h30 ? Ça te va ?

-    Ça marche. Tu as besoin que je te redonne mon adresse ?

-    Non, ça ira, je l’ai encore en mémoire sur l’appli GPS de mon téléphone.

 

Un petit silence s’installa entre eux, puis il lui dit d’une voix rauque et caressante :

-    J’ai beaucoup aimé notre soirée d’hier, tu sais ?

 

Un autre silence, puis il l’entendit répondre presque dans un murmure :

-    Oui, moi aussi j’ai adoré notre soirée d’hier.

 

Il retint de justesse de pousser un cri tel un loup hurlant à la pleine lune.

-    Je passe donc te prendre tout à l’heure. J’ai hâte!

-    Ok. A ce soir alors.

 

Seba raccrocha son téléphone, le sourire aux lèvres, puis démarra sa voiture. Le temps allait lui sembler long jusqu'à ce soir au moment de revoir son amante. Le jeune homme était à peine rentré chez lui que son téléphone vibra dans la poche arrière de son jean. Le nom qui s'affichait sur l'écran le fit grimacer. ll n’avait absolument pas pensé à Maya depuis la soirée de la veille quand il avait revu Rachel. Il se força toutefois à décrocher le téléphone.

-    Allô Maya ?

-    Coucou Seba! Ça va?

-    Oui et toi? Tu es déjà sur Paris?

 

Il s’efforça de se souvenir le contenu de ses derniers messages concernant son voyage retour.

-    Je vois que tu n’as pas vraiment lu mon message. Mon vol a atterri à Marseille il y a une heure environ, et là je vais choper le train de 14h en direction de Paris. Tu viens toujours me récupérer à la gare de Lyon à 17h comme prévu non ?

 

Mince! Ça lui était complètement sorti de l’esprit. Il fit un rapide calcul dans sa tête : avec le trafic routier parisien, il ne serait jamais à l’heure pour son rendez-vous avec Rachel à 19h. De plus, il allait devoir expliquer plus tôt que prévu à Maya qu’il n’y aurait plus rien entre eux. Il trouvait assez indélicat de le faire juste à son retour de vacances, mais il n’avait pas trop le choix. Et s’il n’envisageait absolument pas de reporter son rendez-vous de ce soir, il allait cependant être obligé de repousser l’horaire.

Il lui répondit qu’il viendrait la chercher et, après quelques échanges, il mit fin à la conversation. C’était vraiment sa veine que le retour de sa future ex tombe pile au moment où il débutait son histoire avec Rachel. En soupirant, il écrivit un SMS à la jeune femme pour décaler leur rendez-vous.

 

C’est complètement essoufflé que Seba arriva sur le palier d’escalier de l’appartement de Maya, situé au sixième étage sans ascenseur. Les valises de la jeune femme pesaient une tonne. Il ne comprenait pas cette manie que les femmes avaient de voyager en transportant autant d’affaires comme si elles étaient en train de déménager.

 

Il s’affala sur le canapé une fois la porte ouverte.

-    Trois semaines de vacances, et on a l’impression que tu transportes un régiment. Ce serait quoi si tu déménageais ?

-    Et dis-toi que je n’ai même pas pu tout prendre à cause de l’excédent de bagages, fit-elle en riant

 

Elle tira les valises dans le couloir, puis vint se blottir contre lui sur le canapé. Le jeune homme se raidit. Il n’avait pas prévu de lui annoncer la nouvelle de leur séparation de façon si brusque. Mais il n’avait jamais été du genre à jongler sur deux tableaux. Et il ne se voyait donc pas poursuivre sa relation avec Maya comme si de rien n’était. Déjà, avant qu’elle ne parte ne vacances, il pressentait la fin de leur histoire, mais maintenant, après la fabuleuse nuit passée avec Rachel, c’était pire.

-    Hum Hum… Fit-il en se raclant la gorge, essayant de gagner du temps.

-    Quoi ? Lui demanda t’elle en se reculant pour mieux le regarder dans les yeux.

 

Le jeune homme se gratta la tête, et détourna le regard. Les mots ne venaient pas aussi simplement qu’il aurait pensé.

-    Il se passe quoi ? Insista t’elle en posant les mains sur ses cuisses.

 

Seba se leva pour échapper à son contact, puis il débita d’une traite :

-    Je pense qu’il va falloir qu’on s’arrête là tous les deux.

-    Quoi ? s’exclama Maya en se levant à son tour.

-    Ecoute… Je n’ai jamais voulu te l’annoncer de cette façon, mais j’y pensais depuis un certain temps, et le moment ne semblait jamais être le bon.

-    Parce que là tu trouves que le timing est super ??

 

Il ne trouva rien à répondre. Il se sentait un peu piteux ; il n’avait plus qu’à attendre qu’elle vide son sac, et ensuite il s’en irait, et ce serait la fin de leur histoire.

-    Je peux savoir ce qui s’est passé? Tu as rencontré quelqu’un pendant mes vacances c’est ça ?

 

La voix de la jeune femme était monté d’un cran. Il savait qu’elle pouvait avoir un caractère assez emporté. Les quelques fois qu’ils s’étaient disputés, son ton était à chaque fois rapidement monté dans les aigus.

-    Je te l’ai dit, j’y pensais depuis un moment déjà et…

-    Et je suis sûre qu’il y a une fille derrière tout ça ! Qui est ce ? Je la connais ? Comment peux-tu me faire ça ? Se mit-elle à hurler.

   

La tournure que prenait la discussion ne lui plaisait absolument pas. Pour qui se prenait-elle pour lui poser tant de questions ? Il n’avait jamais été question de quoi que ce soit de sérieux entre eux. Il ne comprenait même pas pourquoi elle montait sur ses grands chevaux. Il s’exhorta cependant au calme pour ne pas plus envenimer la situation.

-    Maya, tu sais très bien qu’il n’avait jamais été question de long terme entre nous

-    Et alors ? On n’a pas le droit de changer d’avis ? Donc pour toi, ça n’a été que du sexe entre nous ?

 

Bon… Il était plus que temps qu’il s’en aille avant que ça ne parte complètement en vrille. Il tâta les poches de son pantalon s’assurant que son portefeuille et son portable étaient bien dans ses poches. Ce dernier ne s’y trouvait pas. Il se mit à regarder autour de lui quand il intercepta son regard.

Comme si elle avait lu dans ses pensées, elle se rua sur son téléphone posé sur la petite table du coin cuisine.

-    Maya, ça ne sert à rien que l’on se dispute comme cela. Rends-moi mon téléphone je vais rentrer chez moi, s’enquit le jeune homme en tendant la main pour récupérer l’objet demandé.

-    Tu peux aller te faire foutre ! déclara-elle d’un ton étrangement calme.

 

Et sans qu’il ait pu prévenir son geste, elle balança le smartphone à travers la fenêtre de la cuisine.

Seba accourut à la fenêtre comme s’il pouvait le rattraper.

-    Je demande hein ? Tu es folle ou quoi ? Qu’est ce qui t’a pris de faire ça ? Cria t’il.

Entre deux coeurs