Chapitre 10
Ecrit par NafissaVonTeese
Précédemment
Son père s’était donné la peine d’aller la
chercher chez Seydina pour la ramener à l’hôpital où sa mère était admise en
urgence, mais ne voulut rien lui dire sur ce qui se passait. Fama avait compris
qu’il lui en voulait, alors elle ne dit rien pour ne pas envenimer la
situation.
Hawa lui avait assumée que l’état de sa mère
était stable avant que son père ne lui demande de rentrer. Quand elle
quitta les lieux à contrecœur, elle croisa Isabella qui était apparemment
venue spécialement pour lui parler.
***
C’était un bien mauvais moment que Isabella
avait choisi pour lui mettre la pression en utilisant comme argument la vie de
sa mère. Si Fama n’avait pas passé une soirée éprouvante qui lui avait puisée
toutes ses forces, elle lui aurait certainement sautée dessus comme chien
enragé, mais elle était à bout.
-
Qu’est-ce
que vous voulez ?
-
Je
viens de te le dire. Discuter…
-
Figurez-vous
que je n’ai aucune envie de vous parler.
-
Alors
tu vas écouter. Ce n’est pas compliqué, je veux que tu sortes de la vie de mon
fils.
Fama n’arrivait pas à en croire à ses
oreilles. Isabella avait pas mal de toupet mais elle dépassait les bornes.
-
Ça
suffit Isabelle, s’écria-t-elle, se sentant considérablement perdre patience. Cela ne fait
que quelques heures que je te connais mais j’en ai déjà assez de toi. Tu es
peut-être complètement malade mais sache que je n’ai pas du tout peur de toi. J’ai
déjà fait assez d’efforts alors ne me pousse surtout pas à être aussi désagréable
que toi.
-
Sinon
quoi ; demanda Isabella impassible. Ne pense que tout ceci m’amuse, mais
c’est pour le bien de mon fils, et celui de ta mère en passant.
-
Tu
peux me dire quel est le rapport entre ton obsession pour Seydina et ma
mère ? Je me demande comment est-ce que tu as fait pour ne pas être
internée en psychiatrie.
-
Pour
quelqu’un qui ne veut pas discuter, tu me sembles bien curieuse !
Fama se retenait de tous ses forces pour ne
pas l’agripper et la jeter dans le fleuve. En la regardant sans vraiment savoir
quoi dire, elle se rendit compte à quel point Isabella avait l’air
angélique avec ses fins traits du visage malgré l’âge, ses cheveux platines et ses
yeux d’un gris éclatant. Elle la méprisa encore plus en se disant que
derrière cette mine innocente, se cachait une bonne vieille écervelée.
Après réflexion, Fama ne trouva aucune bonne raison
de supporter la pénible présence de Isabella. Sans mot dit, elle pressa le pas pour s’éloigner aussi
rapidement que possible d’elle.
Par contre elle, n’était pas décidée à lâcher
l’affaire aussi facilement. Elle suivait le moindre de ses pas comme son
ombre. Fama s’en était rendue compte mais ne se démonta pas. En la voyant
marcher à ses côtés, aussi sereinement que silencieuse, elle se persuada que
Isabella était complètement folle, et qu’elle avait juste la malchance qu’elle
jette son dévolu sur elle.
Arrivées devant la porte de la maison de
Fama, les deux femmes s’arrêtèrent.
-
Tu
comptes peut-être me suivre jusque dans ma chambre pour me border et me
raconter une horrible histoire de sorcières afin que je fasse plein de cauchemars ?
-
Nos
j’ai encore mieux ; dit Isabella avant de plonger son regard dans celui de
Fama.
Convaincue que son unique but était de
l’intimider, elle refusa de détourner son regard jusqu’à ce qu’elle s’y
sente obligée, quand un voile de lumière éclatante vint d’abattre sur ses yeux.
Après les avoir brièvement fermé, elle les rouvrit pour découvrir une Isabella
immobile. Elle semblait complètement déconnectée de la réalité.
Fama voulut en profiter pour s’éclipser, mais
elle sentit toute la force en elle la quitter, petit à petit, jusqu’à ce
qu’elle se retrouve plongée dans le noir. Quand elle rouvrit les yeux, elle eut
l’impression d’être retournée dans la salle d’attente de l’hôpital. Elle
reconnut son père près de la porte d’entrée, les yeux rivés au ciel qui
commençait à s’éclaircir avec les premiers rayons du soleil. Il donnait
l’impression de ne pas avoir dormi depuis des jours. Après une courte
hésitation, Fama décida d’aller le rejoindre, mais Hawa la devança et lui
demanda d’un air las et désorienté, de la suivre.
Fama les avait suivie dans un étroit bureau
assez grand pour ne contenir que des étagères plaquées aux murs, une table
couverte de dossiers en désordre et deux chaises en plastique blanc.
Les deux ne semblaient pas avoir remarqué sa
présence. Elle-même avait l’étrange impression d’être dans un rêve qu’elle
ne contrôlait pas, où elle ne pouvait faire qu’observer en
attendant de se réveiller.
-
Je
suis désolée El ; dit Hawa après avoir refermé la porte derrière elle.
-
Non !
-
Je
suis sincèrement désolée mais nous n’avons rien pu faire ; reprit Hawa
avant de voir son ami fondre en larme dans ses bras.
Fama ressentit un coup sec en plein cœur.
-
Qu’est-ce
qui se passe pas ; demanda-t-elle, mais personne ne prit la peine de lui
répondre.
Elle avait reposé la question une bonne
dizaine de fois, en suppliant, criant même, avant de comprendre qu’ils ne
l’entendront jamais.
« Ça
ne peut pas être ce que je pense. C’est un cauchemar » se dit Fama. La pièce
commençait à lui donner l’impression de tourner autour d’elle, quand elle vit à
nouveau Isabella plantée devant elle. Sa maison dans la sombre ruelle qui
donnait sur le quai, était aussi bien là. Fama avait reculé de deux pas avant
de remarquer qu’il lui manquait terriblement d’air à force de retenir sa
respiration.
-
C’était
quoi ça ? demanda-t-elle à Isabella en sentant tous les poils de son corps
s’hérisser d’un seul coup.
-
Ce
qui risque d’arriver si tu t’entêtes à me désobéir.
-
Je
ne suis pas une chose que tu peux manipuler comme tu veux. Et puis tu racontes
n’importe quoi vieille folle !
-
Tu
crois ? J’aurai l’air beaucoup plus convaincante quand tu te
rendras demain à l’hôpital et que ton pauvre père pleurnichard te dira que le
cœur de ta mère a lâché durant la nuit.
-
Tu
es quoi au juste ; demanda Fama, cachant mal son dégout. Une
sorcière ?
- Une mère prête à tout pour protéger son
enfant. Ce qui va arriver à mon fils si tu restes à tes côtés, est bien pire
que ce qui risque d’arriver à ta mère. Alors reste bien lui de lui si tu tiens à
elle.
-
Ça suffit avec
tes délires. Je veux que tu restes loin de moi et de ma famille.
Compris Isabella ?
-
Je
veux ceci, je veux cela ; dit-elle en grimaçant. Tu es bien
capricieuse mais es-tu vraiment sûre de ta décision ? Moi, j’ai de petits
doutes, alors je vais rester là à attendre que tu changes d’avis.
Isabella avait jeté un bref coup d’œil à la
montre accrochée à son poignet avant de lui lancer avec un sourire aux
lèvres :
-
Ne
dure pas trop ! Je ne compte pas passer le reste de la soirée ici. Une
longue journée m’attend demain.
Fama se reteint de répondre. Elle avait juste
rejoint sa maison en claquant la porte. Toutes les lampes étaient éteintes excepté celle
du salon. A sa grande surprise, elle y trouva ses grands-parents en
compagnie de Seydina. Elle ne savait pas ce qu’il faisait là et n’avait même
pas envie de le savoir, mais il ne pouvait pas mieux tomber avec tout ce
qu’elle avait à lui dire.
-
Salut,
dit-elle d’une petite voix en ne faisant pas attention à Seydina.
-
Les
enfants sont déjà au lit, dit sa grand-mère en se levant. On va repasser
à l’hôpital avant de rentrer.
-
D’accord.
-
Quand
toute cette histoire sera terminée, ton grand-père et moi parlerons
sérieusement à ton père. Ce garçon est peut-être immature et inconscient, mais
il tient à toi, fit-elle en jetant un regard à Seydina. Il va falloir qu’il te
laisse prendre tes propres décisions et en assumer les conséquences. Il a du mal à
s’en rendre compte, mais tu n’es plus une gamine.
Dès qu’ils quittèrent la maison, Fama ne se reteint
plus et laissa exploser tous les sentiments qu’elle avait eu tant de mal à
contenir en elle.
Après l’avoir patiemment écouté traiter sa
mère de tous les noms, Seydina lui demanda simplement de rester
calme.
-
Tu
doutes de moi Seydina ? fit-elle au bord des larmes. Elle m’a menacée, moi
et ma famille aussi, juste pour que je rompe avec toi et tu veux que je reste
calme !
-
Pourquoi
est-ce qu’elle ferait ça ? Qu’est-ce que vous avez toutes à dire du mal
d’elle ? Ça suffit là.
-
Tu
ne t’es jamais dit que tout ce qu’on te dit d’elle est peut-être vrai ?
Elle est folle ta mère !
-
Toi
tu es bien folle et je fais avec non ?
-
Tu
crois que c’est le bon moment pour plaisanter ? Elle me
persécute, tu comprends cela ? Elle m’a suivie jusqu’ici pour me dire les
yeux dans les yeux que si je ne m’éloigne pas de toi, ma mère va mourir.
Seydina l’avait regardé pensif quelques
instants, avant d’éclater de rire. Sa réaction fit Fama se sentir rabaissée. S’en était trop
pour elle.
-
Tu
ne me crois pas, c’est ça ? Elle est dehors attendant que je veuille
bien lui dire que c’est fini entre nous. Elle n’a qu’à y rester jusqu’à la nuit des
temps mais jamais je ne lui dirai ce qu’elle veut entendre. Je préfère crever
que lui faire ce plaisir.
-
Fama !
-
Je
te le jure Seydina, elle n’a qu’à tout essayer mais jamais elle
n’aura ce qu’elle veut.
-
Fama,
reprit Seydina en s’approchant d’elle.
-
Si
tu la vois ici de tes propres yeux, tu croiras enfin peut-être.
-
Arrête
un peu de parler. Ce n’est pas la sonnerie de ton téléphone qu’on entend là ?
C’est seulement là que Fama se rendit compte
que son téléphone était entrain de sonner et le son venait d’une autre pièce.
-
Je
m’en fous du téléphone. Je te dis que ta mère est là devant la porte.
-
D’accord. Vas répondre s’il
te plait ou coupe cette horrible sonnerie, pendant ce temps je vais renvoyer ma
mère chez elle, dit Seydina d’un ton ironique.