Chapitre 9
Ecrit par NafissaVonTeese
Précédemment
Khady,
la seconde mère de Seydina était du même avis que Fama,
celle-ci ne devait aucunement se laisser faire face à Isabella. Elle lui avait conseillée d’en parler à Seydina, mais
avant qu’elle n’ait pu le faire, ils se retrouvèrent tous dans le salon, devant
le père de Fama qui venait de débarquer. Il ne s’en cachait pas, c’était à
contrecœur qu’il était venu chercher sa fille dans cette maison, mais il se limita à lui annoncer que sa mère était
aux urgences.
***
Ce
fut le trajet le plus taiseux que Fama ait eu à parcourir. Elle était si
embarrassée qu’elle n’ait pas une seule fois eu le courage de jeter un regard vers
son père assis au siège passer avant du taxi qui filait droit vers la rue
Cormier. Elle avait une seule fois essayé d’établir le contact en lui adressant
un timide : « papa », mais il l’arrêta net.
« Pas maintenant Fama ! » ; c’était tout ce qu’il avait dit, même si elle
s’attendait à pire. Elle supposa qu’il devait être bien plus inquiété par
l’état de santé de sa femme que par les agissements de sa fille. Cela ne la
rassura guère. Pour qu’il n’ait rien eu à dire après qu’elle lui ait avouée sa
relation avec Seydina, c’était qu’il devait être réellement préoccupé par
quelque chose de bien pire. Fama n’osa même pas
imaginer ce qui avait bien pu se passer. Sa mère allait parfaitement bien quand
elle la quitta à peine deux heures plus tôt. Cela ne pouvait être rien de
grave, se rassura-t-elle.
Suivant
les pas de son père, Fama avait franchi le hall de l’hôpital en se rappelant à
quel point elle détestait cet endroit. Elle ne s’y rendait qu’en cas de force majeure, donc presque
jamais.
Après
une trentaine de minutes d’attente à l’accueil qui semblèrent interminables,
une dame en blouse blanche s’approcha d’eux.
-
Qu’est-ce que tu as grandi ;
dit-elle en s’adressant à Fama sur un ton convivial. La dernière fois que je
t’ai vue, tu avais à peine quatre ans.
Elle
donna l’impression de connaître Fama mais celle-ci, après l’avoir méticuleusement
scruté, ne se rappela pas du moindre des traits de son visage. Son père lui,
s’était levé en vitesse, cachant mal son impatience.
-
Tu as des nouvelles ?
-
Oui, elle va mieux, dit-elle après
quelques secondes d’hésitation. On pourrait se parler en privé s’il te
plaît ?
-
Qu’est-ce qu’elle a ma mère ?
Que fait-elle ici ?
-
Elle va bien. Il n’a pas pour
l’instant de raison de s’inquiéter.
-
Alors pourquoi voulez-vous parler à
mon père en privé ? S’il se passe quelque chose de grave, j’ai aussi le
droit d’être mise au courant.
-
Ça suffit Fama, s’écria son père. Tu
devrais plutôt t’inquiéter pour toi-même !
-
Calme-toi El Hadji ; avait-dit
la dame avant de lui proposer de la suivre.
Des
frissons parcoururent tout le corps de Fama en une fraction de seconde. Elle se
sentait épuisée et l’inquiétude qui s’était emparée d’elle depuis son arrivée dans
cet hôpital ne fit qu’accroitre avec les menaces de son père.
« El Hadji ! Ils se connaissent ! » ;
se dit Fama.
Elle
avait regardé avec mépris les deux se diriger vers une fontaine d’eau plaquée
contre un mur couvert presque entièrement de petites affiches et notes
d’information. Ils avaient beau être à plus
d’une vingtaine de mètres d’elle, et même si son père se donnait la peine de parler d’une voix
aussi basse que possible, Fama entendait la conversation comme si elle était avec
eux. Elle trouva cela étrange, mais se dit qu’elle n’avait qu’à l’ajouter sur
la liste des choses qu’elle n’arrivait pas à expliquer, et ce, depuis quelques
heures.
-
Toujours aussi impulsif El ;
avait-dit la dame en blouse blanche en s’emparant d’un gobelet marron qu’elle
remplit d’eau avant de le tendre au père de Fama.
-
Qu’est-ce qu’elle a ;
demanda-t-il, ignorant le commentaire qui venait de lui être adressé.
-
Nous ne savons pas vraiment… Pour le
moment, on sait juste qu’elle a eu une chute brutale de la pression artérielle,
ce qui l’a fait perdre connaissance. Cependant, il n’a pas de raison de
s’alarmer. Il serait quand-même mieux de la garder en observation.
-
S’il te plait Hawa, ne me sort pas
des histoires uniquement pour me rassurer. Je veux savoir ce qui se passe.
-
Je penche pour une simple syncope
vaso-vagale, mais il vaut effectuer des examens complémentaires pour écarter la
possibilité des troubles cardiaques.
-
Fais toutes les analyses qu’il faut
mais débrouille-toi pour qu’elle sorte d’ici le plus tôt possible et en
parfaite santé.
-
Je suis médecin, pas magicienne El ; avait-elle dit avant de passer
tendrement sa main sur la joue de l’homme.
Il
l’avait aussitôt repoussé en jetant un regard à Fama, et se rendit compte
qu’elle suivait de loin toute l’action.
-
Je peux la voir ?
-
Oui, mais après sa fille. Elle
demande après elle depuis qu’elle est consciente.
-
Bien-sûr ! Même sur un lit
d’hôpital elle va essayer de trouver un moyen de couvrir bêtises de cette
petite.
-
Qu’est-ce qui se passe au juste avec
ta fille ?
-
Tu te souviens de Isabella, la
cinglée du lycée avec ses histoires abracadabrantes de prophétie, de
malédiction et je ne sais plus quelles sottises encore ?
-
Ton ex parano tu veux dire ?
Comment l’oublier celle-là ?
-
Fama s’est entichée de son rejeton.
Pendant qu’on se demandait où est-ce qu’elle pouvait bien se trouver, elle
était chez ce pauvre type. Et moi comme un idiot, j’ai cru sa mère quand elle
m’a jurée qu’ils avaient rompu. Elle n’a qu’à finir sa vie seule mais jamais je
ne vais permettre qu’elle reste avec lui !
Le
choc fut brutal pour Fama. Son père était au courant de son histoire avec
Seydina, mais ni lui, ni sa mère ne lui en avaient parlés. Fama n’arrivait pas à y
croire. Elle s’empressa de les rejoindre, mais arrivé à leur niveau, elle
s’immobilisa, ne sachant pas quoi dire.
-
Hawa c’est ça ?
Fama
avait posé cette question pour s’assurer qu’elle avait bien entendu leur
conversion, même si cela lui semblait encore peu probable.
-
C’est ça. Tu étais encore toute
petite quand j’ai quitté Saint-Louis. Cela me surprends que tu te souviennes de
moi.
« Comment est-ce que j’arrive à faire
ça ? » se demanda Fama avec effroi. Cela commençait à devenir
troublant, même pour une dure à cuire comme elle.
-
Je veux voir maman ?
-
Bien-sûr, avait répondu aussitôt
Hawa.
-
Hors de question ; dit son père
d’un ton affirmé.
-
Pourquoi ne pas les laisser passer
un peu de temps ensemble, reprit Hawa.
-
Ne t’en mêle pas s’il te plait ;
répondit-t-il, avant de s’adresser à nouveau à Fama. Tes grands parents sont
seuls à la maison avec les garçons et il est tard. Il va falloir que tu y
ailles tout de suite pour qu’ils puissent rentrer. Tu parleras à ta mère
demain.
Fama
n’eut pas le courage de s’opposer. Elle en avait assez que son père trouve
toujours un moyen de lui cracher son venin. Elle rêvait du jour où elle ne serait plus sous
son autorité, le jour où elle quitterait sa maison pour vivre bien libre et
tranquille dans la sienne. Fama était certaine que ce jour approchait, elle
n’avait plus qu’à prendre son mal en patience.
Sans
en rajouter, elle tourna le pas. Leur maison se situait à moins de dix minutes
à pied de l’hôpital, elle se réjouit de pouvoir vite rentrer pour ne plus avoir
à supporter la présence de son père.
Quand
Fama sortit de l’hôpital, elle était lasse et abattue. Elle traversa là rue pour
s’arrêter au bord du fleuve.
Elle regarda longuement les pirogues de pêcheurs s’éloigner pour se fondre
dans les eaux de cette nuit à l’apparence imperturbable. Elle était perdue dans ses pensées
quand elle entendit quelqu’un se trouvant derrière elle, prononcer son prénom. Elle avait reconnu la voix mais eut du mal à y
croire. Quand elle se retourna, elle vit
Isabella postée juste devant elle.
-
Quel hasard ; fit-elle d’une fausse
surprise.
-
Que voulez-vous encore ?
-
Discuter un peu, tout simplement.
-
De ce qui a bien pu se passer entre
mon père et vous au lycée ou de votre hideuse réputation ?
Isabella,
au lieu d’être heurtée par ces propos, se montra au contraire très amusée. Elle
avait éclaté de rire avant de lancer froidement à Fama :
-
De la vie de ta mère clouée au lit sans
que personne ne sache ce dont elle souffre. Enfin, si cela t’intéresse de la
tirer de là parce-que de mon côté, ça ne me dérange pas du tout d’attendre
patiemment qu’elle passe l’arme à gauche.