Chapitre 10
Ecrit par Meyroma
Depuis l'épisode des aveux, je n'ai pas arrêté de penser à maître Djibril. Il m'inspire à le fois de la peine et de l'admiration.
D'un côté, au regard de sa pénible enfance, je vois en lui un être humain vulnérable, souffrant d'un besoin de tendresse inassouvi, dénué de la plus indispensable des affections pour un enfant, meurtri à un âge précoce.
Plus je songe à l'enfer qu'à dû être l'aube de sa vie, plus je me sens éprise d'amour et de compassion pour lui.
D'un autre côté, son sens de gratitude, de sacrifice, d'abandon de soi au détriment de son tuteur force le respect et l'engouement.
S'il y'a bien une chose que j'estime qu'il mérite, c'est une vie pleine d'un bonheur incommensurable, qui puisse compenser toutes ses carences.
J'espère être celle qui le lui apportera.
Le Lundi matin, après un week-end des plus tumultueux, nous nous retrouvons au bureau comme deux simples collègues. Rien de plus, ni rien de moins.
Nos échanges à priori banales et ordinaires aux yeux des autres collègues renferment en profondeur une intensité que seuls maître Djibril et moi percevons.
Cela ne nous empêche évidemment pas de nous concentrer sur notre travail, en bons professionnels.
D'ailleurs, le dossier sur lequel nous travaillons ce matin, concerne l'amour et ses handicaps. Il s'agit d'une instance de divorce.
Notre cliente, une jeune et ravissante femme souhaiterait divorcer de son mari pour cause d'infidélité. En effet, elle l'aurait surpris en plein ébat avec sa meilleure amie, celle qu'elle considérait comme sa propre sœur, nulle part ailleurs que dans son lit conjugal.
Celui qui a dit que les hommes étaient des éternels insatisfaits n'a pas menti. Notre cliente est d'une telle beauté qu'il est inimaginable qu'un homme qui l'ait puisse en désirer une autre. Elle est ce genre de femme dont le seul fait de la contempler devrait suffire à étancher n'importe quelle soif. J'en arrive même à être jalouse du simple fait que maitre Djibril pose les yeux sur elle, même s'il ne voit en elle qu'une cliente comme les autres.
Depuis que notre cliente à introduit sa demande de divorce, son mari se plis en quatre, sinon en mille pour l'en dissuader. Il jure par tous les cieux qu'il aime sa femme et qu'il ne lui accordera jamais le divorce, ni dans cette vie, ni dans n'importe quelle autre; qu'il ne recidiverait plus jamais et qu'il ne posera plus les yeux sur une autre que sa femme.
Personnellement, je crois en la sincérité de son repentir, hélas la décision de notre cliente semble irrévocable et je n'ai pas mon mot à dire.
"le client est roi"
-Tu ne trouves pas que la dame est trop dure envers son mari? Me demande maitre Djibril tandis que nous travaillons sur ce dossier, installés face à face dans son bureau.
Malgré que je partage son avis, j'affirme le contraire et profite pour lui glisser quelques sous-entendus.
- Pourtant, je trouve qu'elle à raison. Son mari a été très gourmand. Il voulait le beurre, l'argent du beurre et le berger. Dans la vie, il faut savoir choisir, même dans les dilemmes les plus délicats car a force de tout vouloir, on fini souvent par tout perdre.
Apparemment, mon message est passé car il sursaute un instant et glisse sa main dans la mienne, plonge ses yeux dans les miens...
Juste à ce moment, où même le temps semble se figer, débarque sa fiancée Fati comme à son habitude, à l'improviste.
-Mon amour ! Lui crie-t-elle en me contournant, sans même un regard pour aller embrasser Maitre Djibril.
Avant que j'aie le temps de détourner mon regard de ce spectacle frustrant, je la vois l'attraper par les épaules et déposer un baiser sur ses lèvres et il se laisse faire gaillardement.
Je me lève subtilement et me dirige vers la sortie, le coeur ensanglanté. Une fois seule, dans mon bureau, je laisse couler le flot de larme qui jaillit de mes yeux, comme des chutes d'eau.
Je ne peux m'empêcher de repenser a ce baiser que j'ai vu, et à ceux qu'ils sont certainement entrain de partager de l'autre côté de la porte.
Si encore ça s'arrête aux baisers! me dis-je en étouffant un sanglot à cette nouvelle pensée.
-Pleure, oui pleure toutes les larmes de ton corps sale garce, voleuse de mari, tu n'as encore rien vu, peste!
Je ne rêve pas, c'est bien Fati qui viens de s'introduire dans mon bureau en fermant soigneusement la porte derrière elle et c'est bien à moi qu'elle profère ces insulte.
Sous l'effet du choc, je suis incapable de placer un seul mot. Par contre elle, continue en s'approchant de moi :
-Tu crois que je ne me suis pas rendu compte de ton numéro de charme pour séduire MON FIANCÉ? Alors écoute moi attentivement petite salope: celle qui vas me piquer MON DJIBRIL n'est pas encore née. Même sa mère n'est pas encore née. Tu ne peux même pas te douter tout ce dont je suis capable pour te disqualifier. A moins d'être suicidaire, je te conseille de poser ton grappin ailleurs, loin de moi.
Sur ce, elle tourne les talons et s'en va me laissant ébahis. J'ai l'impression que tout ceci est un cauchemar dont je vais me réveiller d'un instant à l'autre.
Mais la sonnerie de mon téléphone portable retentît et le prénom de Mariam s'affiche sur l'écran.
-bonjour ma cocotte, s'écrie-t-elle dès que je décroche. comment vas tu? On ne s'est pas vu de puis ton retour du Nigeria. J'attends impatiemment le CR de ton voyage il faut pas que la curiosité me tue.
Sacrée Mariam, toujours égale à elle même !
-Mariam, c'est pas le bon moment je te raconterait tout après. Je t'en prie, laisse moi te rappeler plutard.
Je lui raccroche presque au nez, n'ayant pas encore digéré le choc que venait de m'infliger Fati.
****
Quelques minutes plutard, pendant que je suis en pleine cogitation, maître Djibril s'introduit dans mon bureau d'un pas hésitant, presque sur la pointe des pieds, comme un voleur, en tenant le dossier sur lequel on travaillait avant d'être interrompu.
J'imagine que sa fiancée a pris congé de lui.
Maintenant qu'il a fini son amourette, il viens se présenter à moi sans aucune vergogne!
Une vague de colère s'empare de moi. Je l'accueille avec une mine crispé, les yeux noirs et entame directement la discussion sur notre dossier, ne lui laissant même pas l'occasion de parler d'autre chose, encore moins de me faire plus mal que je souffre déjà.
Nous travaillons ainsi, pendant une longue heure, chacun essayant de refouler aux mieux ses sentiments. Il y'a rien de pire qu'un amour étouffé, un amour dont la réciprocité est certaine, hélas la jouissance difficile, voire impossible.
Malgré ma colère, je perçoit tout l'amour que cet homme ressent pour moi. Ses sentiments sont aussi flagrants que palpables. Malheureusement, ce qui nous entrave semble plus fort que ce qui nous unis.
Cette situation, changera-t-elle un jour?
Qu'est-ce que l'avenir nous réserve ?