****Eunice****

La tête plongée dans la cuvette à W.C, j’évacue tout ce que mon estomac a ingurgité il y a quelques minutes. Les nausées et vomissements m’épuisent et au travail c’est un enfer permanent. On m’avait prévenu que c’était normal mais c’est épuisant. Je n’ai annoncé à personne ma grossesse sur mon lieu de travail mais vu le nombre de tours fréquents que je fais entre mon bureau et les toilettes, je sais que ça commence à jaser sur moi. Heureusement aussi que ça fait déjà 3 ans que j’ai décidé de quitter le domicile familial pour m’installer dans mon propre appartement sinon ma mère m’aurait grillée. Je me nettoie la bouche et les mains avant de sortir de la pièce et de croiser le regard de deux de mes collègues sur moi.

-« Tu es sûre que ça va ? » demande Amanda
-« Oui. Je crois que j’ai mangé quelque chose que je digère mal »
-« J’ai l’impression que tu es enceinte Eunice. Tu as pris de la poitrine bizarrement » dit Victoria
-« Si je suis dans cet état, je serai la première à le savoir je pense »
-« Prends soin de toi en tout cas » dit Vicky en s’éloignant
-« Tu veux que je te ramène quelque chose pour ce midi ? » demande Amanda
-« Non ça va aller. Je dois déjeuner avec ma mère »
-« Ah ok »
-« Merci tout de même pour la proposition »
-« Mais de rien. Si tu as besoin de quelque chose, je suis là »
-« Merci Amanda »

Elle tourne ses talons et se dirige vers son bureau. J’en profite pour regagner le mien et bien fermer la porte derrière moi. Je m’installe et me mets à penser à tout ce qui va se passer dans les jours à venir. Je sais que beaucoup me jugeront mais des fois le cœur l’emporte sur la raison et je suis exactement dans ce cas. Je n’ai pas prévu de tomber amoureuse d’un homme qui a presque l’âge de mon père mais c’est arrivé et je n’y peux rien. Je compte bien assumer mes choix. J’envoie un message à Raymond pour qu’on se voit plus tard en fin de journée car il faut que je lui annonce mon état. Je ne pourrai plus le cacher longtemps.

Je viens d’arriver chez mes parents et je trouve une voiture de plus garée sur le parking : Christiane. Mais qu’est-ce qu’elle fait là ? J’hésite un moment à rentrer mais je décide d’y aller avant que maman ne vienne me trouver ici. A cause de Christiane je ne dois plus rentrer dans la maison de mes parents ? Parce que quoi ? Je trouve les deux femmes confortablement assises en train de papoter.

-« Bonjour maman »
-« Oh Eunice tu es déjà là ? »
-« Comme tu vois. Bonjour Ya Christiane »
-« Ca va ma fille ? »
-« Oui ça va et toi ? »
-« Ca va »
-« Eunice va vite te laver les mains pour qu’on passe à table »
-« D’accord maman. Je vais juste poser mes affaires dans mon ancienne chambre et je vous rejoins »
-« Ok »

Je suis allée déposer mes affaires tout en me sentant mal de ce que je m’apprêtais à faire. Je suis désolée d’aller m’assoir à cette table et de manger comme si de rien était avec Christiane. Je me sens fautive pour tout ce qui va arriver mais je ne peux pas non plus sacrifier mon bonheur pour le sien. C’et toute silencieuse que je les ai rejointes tout en ayant l’esprit ailleurs.

-« Devine quoi ? » demande Christiane
-« Quoi ? »
-« Je pense que je vais enfin goûter le bonheur du mariage »

Ma mère fait tomber sa fourchette dans l’assiette et le bruit attire mon attention.

-« Qu’essayes-tu de me dire ? » demande ma mère
-« Tu te souviens de mon oncle Alfred ? »
-« Oui »
-« Il m’a appelée il y a quelques jours car Raymond a décidé d’aller les voir avec sa famille »
-« Mon Dieu ! Après 37 ans de concubinage. Ce n’est pas trop tôt »
-« Tu as vu. La patience est vraiment un chemin d’or »
-« Oh je suis trop contente pour toi Christiane »
-« Merci ma copine »
-« Tu entends ça Eunice. Il faut vraiment être patiente avec les hommes »
-« Je vois ça. Maman je dois partir car j’ai un rendez-vous »
-« Ok mais prends les fruits dans la cuisine hein pour avoir du tonus pour cet après-midi »
-« Oui maman. Au revoir Ya Christiane »
-« Au revoir ma fille. Prudence sur la route »
-« Ok »

Je récupère juste mon sac et monte dans ma voiture avant de partir sans demander mon reste. Je me sentais tellement mal. J’ai foncé chez mon gynécologue avec qui j’avais rendez-vous pour une échographie. Arrivée sur place, je paye ma consultation et attend mon tour en salle d’attente. Lorsque mon gynécologue vient me chercher, je tombe sur Anta dans les couloirs. Je sais qu’elle est gynécologue mais j’ignorais qu’elle travaillait ici aussi. On se salue naturellement et elle me questionne quant à ma présence ici. Je lui réponds juste que c’est une visite de contrôle. Je commence à avoir peur qu’elle découvre la raison de mon état ici.

Il est 19 heures et je rejoins Raymond à notre lieu de rendez-vous. Il ouvre la porte de la suite et je plonge dans ses bras. J’ai besoin d’évacuer tout le stress que j’ai accumulé cette journée.

-« Ca va bébé ? » demande-t-il
-« Non »
-« Pourquoi ? »
-« J’ai croisé ta femme aujourd’hui »
-« Nous ne somme spas mariés pour qu’elle ait ce titre »
-« Mais vous avez passé tant de temps ensemble que n’importe qui pourrait le croire »
-« mmmh »
-« Elle était chez maman et est persuadée que tu vas demander sa main »-
-« Comment peut-elle croire des choses comme ça ? »
-« Son oncle lui a dit que tu voulais les voir »
-« Oui mais pas pour ça »
-« Je sais mais je me suis sentie mal pour elle »
-« Calme-toi. Ca va aller »
Je me dégage de ses bras quelques minutes plus tard et lui fait face.
-« J’ai quelque chose à te dire »
-« SQuoi donc ? Je t’écoute »
-« Je suis enceinte »
-« Quoi ? »
-« Je suis enceinte »
-« Je suis trop heureux » dit-il en me soulevant dans les airs et en me faisant tournoyer  

****Anta***

Je suis rentrée exténuée cet arès-midi du travail. Dès que je me suis écroulée sur le lit, je me suis endormie. Je manque de sommeil et j’ai besoin de récupérer mes heures de gardes blanches. A mon réveil, quelques heures plus tard, la nuit est déjà tombée. Heureusement que je ne travaille pas ce soir car je n’aurai pas pu assurer. Je suis épuisée. Je file prendre un douche avant de me mettre derrière les fourneaux. A peine, je m’apprête à découper les oignons que j’entends la sonnerie de mon téléphone retentir. L’écran affiche un numéro fixe que je ne connais pas mais je décroche malgré tout car on ne sait jamais.

-« Allo »
-« Bonsoir tata Anta »
-« Anaelle ? »
-« J’ai besoin de toi tata snif »
-« Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi tu pleures ? »
-« Tata j’ai fait une grosse connerie. Il faut que tu m’aides »
-« Ok calme-toi et raconte-moi tout depuis le début »
-« Tata je n’ai pas beaucoup de temps. Il faut que tu viennes me chercher »

L’appel s’est coupé et j’ai mis du temps à comprendre ce qui se passait. J’ai rappelé le numéro et j’ai été transféré à la réception. Mon interlocuteur m’a donné le nom d’un hôtel. J’ai pris mes clés de voiture malgré la faim qui me tenaille et me suis mise en route. J’ai tenté de joindre à plusieurs reprises Annick sans succès. Mais qu’est-ce qui se passe ? Je viens de me garer sur le parking de l’hôtel et je file à la réception où je me présente comme la dame de tout à l’heure. Je leur explique que je recherche une jeune fille et grâce au numéro on a pu retrouver la chambre correspondante. Je suis montée en urgence là-bas avec le réceptionniste et un membre de la sécurité. Après avoir donné des coups sans réponse à la porte, le réceptionniste ouvre la porte et on entre dans la suite.

Anaelle est inerte dans la baignoire remplie d’eau et mélangée à son sang. Mon Dieu ! L’agent de sécurité l’a fait sortir de la baignoire et l’a couverte d’un peignoir avant de me suivre en urgence jusqu’à ma voiture pour que je la conduise à l’hôpital. En passant, j’ai même cru voir mon père et Eunice assis à une table mais c’est impossible que cela soient eux.

Anaelle vient d’être prise en charge par les médecins de garde, des collègues à moi qui reviennent vers moi quelques instants plus tard.

-« Bonsoir Docteur Remanda »
-« Bonsoir Tony. AlORS ? »
-« On la conduit immédiatement au bloc-opératoire »
-« Mais que se passe-t-il ? »
-« Elle a fait une tentative d’avortement qui est en train de mal tourner »
-« Quoi ? »
-« Il me faut un dossier complet sur elle : antécédent, allergies, groupe sanguin car il va lui falloir du sang et il faut qu’on vérifie dans notre banque si on a son groupe »
-« Je suis sa tante et donc tutrice. Sauvez-là ! Je vais de ce pas chercher sa mère mais sauvez-la. Vous avez mon feu vert »

Ils sont partis pendant que je suis restée là choquée : Anaelle est enceinte et a voulu se faire avorter ? Que faisait-elle dans cette chambre ? C’est pas croyable.