Chapitre 10 : Les amants maudits
Ecrit par pretoryad
Nélia
Ma famille
était rentrée de son séjour depuis une heure. Je passai un peu de temps avec
eux dans le salon, puis je me retirai dans ma chambre. Je devais réfléchir au
cas de Kalé. J’avais
encore du mal à digérer ce que Dali et Masala m’avaient
appris à propos de cette nuit. Que pouvais-je bien faire pour lui faire payer son
geste ? Mon cœur était meurtri et je voulais que Kalé souffre à son tour.
J’entendis le
bip sonore de mon téléphone portable posé sur mon bureau, m’indiquant la
réception d’un
message. J’y jetai un coup d’œil furtif. C’était Masala
qui souhaitait me voir chez elle pour une urgence à propos de Kalé. Encore lui.
Je soupirai bruyamment. J’avais l’impression
que tout le monde autour de moi n’avait que ce
nom à la bouche.
Il était
19h30, un peu tard pour aller chez Masala. Mon père ne me le permettrait sûrement
pas. Je décidai donc de remettre cette petite discussion au lendemain au lycée.
Je me rendis dans la salle de bains pour une bonne douche chaude. J’avais besoin
de me débarrasser des ondes négatives que mon corps avait accumulées dans la
journée.
Ensuite, je
passerais la soirée devant ma tablette à regarder ma série préférée Femmes de pouvoir, qui passait
chaque dimanche à 21h. J’enfilai mon
pyjama puis je retournai dans ma chambre. Quelle ne fut pas ma surprise d’apercevoir
Kalé, confortablement assis sur mon lit, un regard condescendant posé sur
moi !
–
Je t’attendais…
Je
laissai échapper un cri de stupeur. L’angoisse me
contracta l’estomac.
Je me tenais debout devant la porte, immobile, mon cerveau essayant d’analyser mes
options : rester plantée là et le laisser prendre le contrôle de la
situation, ou alors fuir le plus loin possible de lui.
–
Tu peux entrer. C’est bien ta chambre, rassure-toi.
Il esquissa
un sourire qui n’atteignit pas
ses yeux noirs braqués sur moi. J’hésitai, la
main crispée sur la poignée de la porte. Mon cœur cognait si fort qu’il me
semblait qu’il
allait bientôt sortir de ma poitrine. Mon cerveau affichait le signal
rouge : je devais fuir.
–
N’y
pense même pas ! Car à la seconde où tu bougeras, tu perdras un membre de
ta famille ! Alors, je te conseille d’entrer.
Sa voix était
toujours aussi calme, mais lourde de menace. Je tressaillis. Avait-il lu dans
mes pensées ? Je rentrai lentement dans ma chambre sous son regard
terrifiant. Pourquoi avais-je si peur de lui ? J’étais confuse
quant aux sentiments que j’éprouvais à
son égard. Je refermai la porte derrière moi et m’y adossai en
attendant la suite.
–
C’est
bien. Tu sais pourquoi je suis ici ?
Je
secouai la tête par la négative. Il m’adressa un
sourire désarmant. Je devais faire preuve d’une volonté de fer pour ne pas
succomber à son charme.
–
Tu veux me faire croire que tu n’en sais
rien ? demanda-t-il avec une moue sceptique.
Il
se leva du lit et s’approcha de
moi. La panique m’étreignit. Je
m’enfonçai
contre la porte, comme si elle allait s’ouvrir et me
faire disparaître de sa vue.
– Non... ma voix était faible et à
peine audible.
Je
trouvais ça pathétique pour une personne qui cherchait à prendre sa revanche.
Il était maintenant si près de moi que je pouvais sentir son souffle chaud sur
mes tresses que j’avais
libérées. Il était si grand et paraissait si menaçant. Ses yeux me scrutèrent,
cherchant à déterminer si j’étais
vraiment sincère. J’étais
tétanisée, et j’avais du mal à respirer.
–
Je vois. Masala n’a pas honoré
ses engagements. J’aurais dû m’en douter.
–
Masala ? soufflai-je sur un ton inquisiteur.
–
Tu n’es
donc pas au courant que ta copine est venue chez moi cet après-midi ?
Je
secouai vigoureusement la tête. Ma curiosité avait été piquée. Je devais savoir
pourquoi ma meilleure amie s’était rendue
chez celui pour qui mon cœur battait encore la veille, sans rien me dire !
–
Je dois dire que j’ai été plus
que surpris de savoir qu’elle aussi
avait le béguin pour moi.
Tout
ouïe, je fus abasourdie par ce que je venais d’entendre. Ça,
c’était
impossible ! Sûrement pas Masala ! Je savais qu’il mentait, j’en étais
persuadée. Alors, pourquoi ressentais-je ce petit pincement de jalousie qui me
tiraillait l’estomac ?
– Le baiser passionnel que nous avons
échangé a confirmé mes craintes…
Là, ce fut le bouquet ! Je sentis
mes instincts agressifs à vif.
– Va-t’en ! Sors de chez
moi ! Va-t’en !!! hurlai-je comme une furie, lui assenant des coups
sur le torse.
D’un
geste rapide, il saisit brutalement mes poignets et m’attira contre lui. La
douleur me rappela à l’ordre.
–
Je suis ici pour t’emmener avec
moi. Tu devrais t’estimer
heureuse car je te préfère largement à ta copine ! déclara-t-il d’une voix
teintée de mépris.
Il
était visiblement agacé.
–
Il est temps d’y
aller maintenant !
Il me traîna avec force vers la
fenêtre. Je me débattis comme une forcenée, criant à pleins poumons.
–
Non, je n’irai
nulle part avec toi ! Kalé, lâche-moi !
J’entendis
soudain quelqu’un frapper à la porte.
–
Nélia ? Qu’est-ce
qui se passe ? Nélia, ouvre la porte ! hurla mon frère d’une voix inquiète.
– Nassir ! Nassir ! criai-je,
en repoussant Kalé de toute ma rage.
–
Très bien, tu l’auras
voulu ! lança-t-il, le visage déformé par la colère.
Il
libéra subitement mes poignets, et je cessai aussitôt mes cris. Je pensais
avoir un moment de répit, mais lorsque je vis ses yeux prendre la couleur du
feu et l’air
dans ma chambre vibrer étrangement, je compris tout de suite ce qu’il comptait
faire.
–
Non, non, non ! Je te suis ! Ne fais pas ça, s’il te
plaît ! suppliai-je, le regard brouillé par les larmes.
Un
silence de mort s’installa
entre nous. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine. J’essayais de
prêter l’oreille
au moindre bruit derrière la porte. Rien. Aucun son. Je ne perçus aucun signe
de présence de mon frère. Je fixai Kalé dont le regard conservait son éclat
magique. Il maintenait toujours l’âme de mon
frère pour me punir.
Peut-être
même que celui-ci n’était déjà plus de ce monde. Dans une ultime supplication,
je posai mon visage inondé de larmes sur son torse dont les muscles vibraient
d’impatience.
–
Je t’en
prie, Kalé, épargne-le ! Je suis prête, allons-y !
Je
sentis alors ses muscles se relâcher doucement. Et ses yeux reprirent leur
couleur naturelle. Puis, au bout de ce qui me sembla une éternité, j’entendis mon
frère tousser, comme s’il essayait
de reprendre son souffle.
– Nélia ?
Sa voix était un peu faible, mais il
allait bien. Je sanglotai comme une petite fille,
remerciant Dieu d’avoir épargné
la vie de Nassir. Kalé me força à lever le visage vers lui. Je baissai
promptement les cils pour ne pas qu’il lise mon
regard empreint de haine à son égard.
–
Regarde-moi, Nélia, m’ordonna-t-il.
J’inspirai profondément avant de
soutenir son regard méprisant. Qu’est-ce que je pouvais le détester à cet
instant !
–
Ma patience à des limites. Je ne serai pas toujours indulgent. Alors, évite de
me défier la prochaine fois, d’accord ?
J’acquiesçai
doucement de la tête, serrant les poings pour contrôler ma colère. D’un geste
tendre, il sécha mes larmes, couvrant mon regard d’une lueur
possessive. Que cherchait-il à faire ? Se faire pardonner son geste ?
C’était
trop facile ! Je détournai légèrement les yeux.
Je
ne voulais pas qu’il réveille les sentiments profonds que j’éprouvais à son
égard. Après ce qu’il avait osé
faire à mon frère, j’avais décidé
que la haine serait le seul sentiment qu’il
obtiendrait de ma part.
– Je peux être encore plus gentil si tu
acceptes de suivre mes règles, déclara-t-il.
– Et quelles sont tes règles ?
–
Elles sont très simples, tu verras. Tout ce que tu as à faire, c’est obéir. Et
tout se passera bien entre nous.
– Pourquoi moi ?
– Tu possèdes quelque chose qui est
nécessaire à ma survie. Plus vite tu me le donneras, plus tôt tu seras libre !
Maintenant, accroche-toi fermement à moi, nous allons décoller.
Il
m’enserra
par la taille, comme pour s’assurer que
je ne m’enfuirais
pas en cours de route. Une petite brume grisâtre apparut soudain et nous
enveloppa. Puis, un bruit sonore, telle une détonation, se fit entendre avant
que mes paupières ne se referment lourdement.