Chapitre 11
Ecrit par Benedictaaurellia
Abigaël.
Depuis hier, j’écoute Ruth parler sans dire un mot. Je tourne la tête vers mon mari. Comme à son habitude, il ne dit rien. Je suis d’ailleurs sûre qu’il ne dira rien. Du moins pas avant qu’on ne soit seuls tous les deux dans notre chambre. Il n’y a qu’avec moi qu’il est complètement ouvert.
Dire que j’ai de la peine est un euphémisme. Je souffre pour Ruth.
A la voir, on comprend qu’elle a vraiment dépassé tout cela. Moi, j’ai encore du mal à avaler la pilule.
Néanmoins, je comprends maintenant d’où elle tire sa force.
Elle nous disait toujours que ça lui venait de ses expériences passées mais j’avais du mal à imaginer lesquelles.
Même si je suis triste pour ce qu’elle a vécu, je ne peux que rendre grâce à Dieu parce que c’est grâce à sa propre expérience qu’elle aide aujourd’hui d’autres personnes. Comme on le dit souvent, à quelque chose, malheur est bon.
Elle a su recadrer ma fille Orlane là où nous autres, ma sœur, son mari, le mien et moi, avions échoués.
C’est elle qui l’avait aidé à revenir sur le droit chemin.
On ne dirait pas mais, malgré son jeune âge, Orlane a beaucoup gaffé.
Mais, Ruth a pu la redresser.
Elle n’a d’ailleurs pas été la seule.
Même Ainara a été coachée par elle.
Elle a aidé tellement de personnes.
C’est aussi un de ses dons je pense.
Je m’approche d’elle, lui fait un long câlin et lui dit.
Abi : Ruth, j’étais vraiment loin d’imaginer que tu as vécu tout cela.
J’essuie une larme furtive qui menace de couler.
Quand tu nous disais que ta propre expérience t’aide à réconforter les autres, je ne me doutais de rien.
Je vois que tu as réussi à aller de l’avant malgré tout cela et je ne peux que louer le Seigneur pour cela. C’est lui qui t’a aidé à t’en sortir.
Mais je sais aussi que certaines blessures sont toujours présentes.
Que lui-même t’aide à les penser.
Ruth : Amen. Merci Abi.
Abi : Cependant, je ne m’explique pas quelque chose.
Ruth : Quoi donc ?
Abi : La présence de Sabine dans votre maison.
Ruth : Comment ça ?
Abi : Après ton viol, pourquoi tes parents l’ont gardé chez vous ? Je ne comprends pas. S’avait été moi, je n’aurais pas hésité une seule fois pour la foutre dehors. Ta sœur, ta propre sœur, tu conçois un plan pour la faire violer ? C’est quand même inimaginable. Si elle fait ça à un proche, je n’ose pas imaginer ce qu’elle pourrait faire à un inconnu.
Ruth : Je te comprends. C’est vrai que ça a été difficile, autant pour moi que pour les parents mais on ne pouvait pas la livrer à elle-même.
Abi : Mais pourquoi ? Elle l’a amplement méritée.
Ruth : Le problème n’est pas si elle le mérite ou pas. Le problème est plutôt quelle sorte de chrétien serions-nous si nous avions agi ainsi. Le christ nous demande de pardonner. D’aimer nos ennemis. De faire du bien à ceux qui nous haïssent. De prier pour ceux qui nous maltraitent et nous persécutent (Matthieu 5,44 ; Luc 6,27 ; Luc 6, 35).
Ray : Sur ce point, je suis tout à fait d’accord avec toi. C’est ça même l’essence de la chrétienté. On ne peut pas se dire chrétien sans agir ainsi. Jésus nous a montré le parfait exemple. Combien de fois lui-même n’a-t-il pas fait abstraction de ce que les autres lui ont fait ? Au jardin des oliviers, quand les soldats sont venus l’arrêter, un de ses disciples, Pierre, n’a-t-il pas coupé l’oreille de l’un de ceux qui sont venus l’arrêter ? Jésus ne l’a-t-il pas alors guéri ? Luc 22, 50-51.
Le même Pierre n’a-t-il pas renié Jésus à trois reprises ? Et pourtant Jésus a fait de lui le patron de son église (Tu es pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon église). Luc 22, 54-60.
Sur la croix, Jésus n’a-t-il pas pardonné à ceux qui le crucifiaient ? Luc 23, 34.
Et Paul, ne persécutait-il pas les chrétiens ? Mais Jésus lui a pardonné et regardez tout ce qu’il a accompli pour le Christ.
Si on devrait se baser sur ce que les autres nous font, serions-nous alors de bons chrétiens ? Jésus ne nous dit-il pas de toujours faire le bien sans penser à rien en retour ?
Abi : Je comprends votre point de vue. Mais, je persiste à croire que vous auriez dû l’éloigner. Peut-être pas l’abandonner mais la garder à distance. Pourquoi pas la mettre dans un internat ?
Ruth : On y a pensé. C’est ce que les parents voulaient faire. Mais c’est moi qui me suis opposée.
Abi : Mais pourquoi ? S’aurait été l’idéal.
Ruth : Je ne pense pas. Dans un internat, papa ne pouvais constamment pas avoir un œil sur elle. Alors qu’à la maison si. C’est l’une des raisons.
Abi : Je pense que ça a été une erreur. La preuve, je suis sure que s’est-elle qui t’a empoisonnée.
Ruth : C’est possible en effet. Rien ne le prouve cependant. Mais, je ne regrette pas qu’elle soit restée. Vivre avec elle m’a aussi permis de remonter la pente. C’est peut-être contradictoire mais c’est le cas. Je ne voulais pas aussi qu’on ait des problèmes supplémentaires. Dans un internat, elle n’aurait pas manqué de faire des siennes.
Abi : J’ai quand même du mal avec ton point de vue mais je le respecte.
Ruth : Merci. Je n’en demandais pas moins.
Ainara
J’écoute les uns et les autres intervenir sur tout ce que Ruth vient de raconter. Je n’aurais pas cru possible que quelqu’un puisse souffrir autant. Comme quoi, l’argent ne fait pas le bonheur. Ses parents, même avant tous les moyens qu’ils ont, ils n’ont pas pu empêcher tout cela. Souvent, les gens pensent que les personnes fortunées n’ont pas de problèmes et pourtant voici un exemple qui montre que non.
Je m’approche de Ruth à mon tout et vais l’enlacer.
Les larmes qui menaçaient de tomber depuis, se mettent à couler à flot.
Moi : Je suis vraiment navrée pour tout ce que tu as subi.
Ruth : Eh ! Ainara, ne te mets pas dans cet état pour moi.
Moi : J’ai tellement mal pour toi, je n’ose imaginer combien tu as dû souffrir.
Tu ne méritais pas cela. Personne ne mérite cela.
Ruth : Oui j’ai souffert mais, tout ça c’est du passé.
Ruth (dans mes oreilles) : Je t’en prie, ressaisie toi. Regarde ton chéri, regarde l’état dans lequel il est. Il a besoin de toi. Moi, je vais bien, j’ai dépassé tout cela. Va l’aider lui.
Je tourne la tête vers lui et remarque en effet qu’il est perdu dans ses pensées.
Il n’a pas prononcé un mot depuis. Ça n’augure rien de bon.
J’essuie mes larmes et vais reprendre place à ses côtés.
Je lui prends la main. C’est à ce moment qu’il semble revenir à lui. Je lui fais un sourire auquel il ne répond pas vraiment.
Je lui dis tout simplement : ça va aller. Ne t’inquiète pas. Dieu est au contrôle.