Chapitre 11

Ecrit par sokil

- Allo ? Allo ? Qu’est-ce que…

Elle a coupé court, sans me laisser le temps d’en rajouter ou quoi que ce soit. Ma belle soirée est écourtée d’office, encore que je me hâtais de rentrer bien avant que ma tante ne me passe ce coup de fil qui me semble très alarmant rien qu’à entendre le son et le timbre de sa voix. Plusieurs idées pour autant toutes négatives défilent dans ma tête et me font directement penser au pire... Mon père ! Sur le champ, et dans une grande panique, je repense à ces cauchemars qui m’accompagnent presque toutes les nuits ; je l’ai rappelée, pour avoir une idée de ce qui se passe concrètement avec mon père, mais en vain ! Sa ligne est occupée. Je ne tiens plus sur place, malgré les paroles rassurantes de Steve, elles ne me font aucun effet.

- Calmes toi chou, garde ton calme ! Ça ne sert à rien de paniquer !

- J’ai …j’ai… un mauvais pressentiment. Je te disais tout à l’heure que je rêvais constamment que ma mère est morte !

- Oui tu viens de me le dire, mais ça n’a rien à voir avec…

- Mon père !!! Ma tante me dit qu’il s’agit de mon père ! Ça fait trois fois que je rêve que mon père … a … tué ma mère ! Il y a du sang ! Seigneur, j’ai peur ! Quelque chose a dû se passer… Ma pauvre maman… Snif !!!

- Klariza ! Regarde-moi ! Regarde-moi ! Hé ! Ce n’est qu’un rêve ! Ce n’est qu’un foutu rêve !

- Tu fais comme si tu l’ignores lui ! Il est de retour ! Moi je suis également morte je t’assure ! Rachel a dû lui dire un tas de choses j’en suis sûre… D’abord à propos de notre relation…Ensuite ma mère…Et ensuite…

- Je peux comprendre ça, qu’il n’a jamais aimé nous voir ensemble ! Mais ta mère ? Qu’a-t-elle fait de si grave pour … pour qu’il en arrive là ? Tout au contraire c’est lui le plus à plaindre et à condamner ! Il se prend pour…

- Il sait ! Il sait ! Je suis sûre qu’il a découvert…

- Mais de quoi tu parles ? Il a découvert quoi ?

- L’existence d’une personne… dans la vie de ma mère !

- C’est qui ? Non ! Tu divagues ! Ce n’est qu’un cauchemar ! Rien de plus ! Ta tante veut tout simplement que tu rentres vite parce que ton père est de retour ! Il tempête comme d’habitude pour qu’on oublie toutes les conneries qu’il fait dehors, tout ça pour vous faire culpabiliser !

- J’aimerai tant que tu aies raison ! Bon j’y vais !

- Je sais que de terribles choses peuvent survenir là-bas en présence de ton père… Je t’accompagne !

- Merci de me mettre dans le taxi !

- Non ! Je viens avec toi !

Steve me tiens fort la main pendant qu’il me raccompagne ; il est bien plus conscient que moi de tout ce qui peut survenir comme incident chez nous, il a toujours vécu presque en direct toutes les formes de crises venant de chez nous. D’habitude, je trouve le chemin du retour très court, mais contrairement aux autres fois où, toujours la mort dans l’âme de me séparer de Steve pour quelques temps, ce chemin du retour me semble bien plus long ; je m’impatiente plus que de raison, je gueule dans le taxi au point d’irriter le chauffeur en le sommant de rouler plus vite ; je ne me rends pas compte que je lui parle avec autorité ; perdant patience, il se gare et nous demande de descendre en toute vitesse.

- Descendez !!! Ne m’appoktez pas la malchance ka ! Descendez!!!

- Non ! Non ! C’est bon, c’est bon ! Allons-y chauffeur ! Lui Dit Steve d’un ton suppliant.

- Tu crois que c’est la voiture que de ton père que ici ? Baaalock ! Tssssip !

Il finit par céder en pestant continuellement jusqu’à destination. Quant à moi j’ai dû fermer ma bouche ; mes idées ne sont d’ailleurs pas en place et je ne suis plus moi-même. Je marche sans vraiment sentir les mouvements de mes membres. Steve me prends subitement le visage de ses deux mains ; nous sommes devant le portail, et je trouve cela risqué.

- Non… pas ici ! Je … je respire à peine je t’assure ! J’ai l’impression que je vais m’évanouir avant le temps !

- Tout ira bien, ne t’en fais pas, essaye de garder un peu d’optimisme ! Si je pouvais entrer… Je l’aurais fait volontiers, je l’aurais défié ! Je ne sais pas ce qui me retiens, je…

- N’y pense pas, aller va-t’en ! Je te tiens informé !

- Donne-moi des nouvelles toute suite après s’il te plait ! Et n’oublie pas, je t’aime…

- Sans faute, je t’aime aussi.

Avant d’ouvrir le portail, je prends une grande bouffée d’air, je me retourne encore et je vois Steve, qui attend patiemment que j’entre. Il m’envoie un baiser à la volée, que je lui renvoie discrètement. En pénétrant sans faire de bruit, je constate que tout est noir, la cour n’est pas éclairée et le silence qui règne me donne des frissons ; je suis persuadée qu’il est arrivée quelque de très grave ! Ça craint vraiment ! J’ai la gorge nouée lorsque je pénètre à l’intérieur de la maison plongée également dans l’obscurité totale. Je n’ai pas la force d’appeler qui que ce soit, à cause de la frousse qui m’anime … Je perçois quand même une faible lueur, ça vient du haut, du petit salon éclairé par l’abat –jour. Je me dirige instinctivement vers la pièce en empruntant les marches d’un pas hésitant.

- Ma …man ? Tatie… Claude ? Vous… Vous … êtes là ?

Demandai –je d’une voix transie de frayeur. Ce sont les murmures accompagnés de gémissements que je reçois en guise de réponse. Surprise, j’avance à pas lents ; c’est alors que je les trouve toutes les deux assises, ma mère, recroquevillée sur elle-même, et ma tante lui tenant la main. Ma mère a l’air sonnée en effet, et rien d’autre ; elles continuent de parler toutes les deux à voix basse, elles constatent bien évidemment ma présence, mais aucune d’elles ne lèvent la tête en ma direction. Confuse, j’essaie de confirmer ou non si mon père est bel et bien là, mais l’absence de lumière dans toutes les autres pièces démontre qu’il n’est pas présent ou alors qu’il y était un peu plus tôt. Je pousse un petit ouf, soulagée que ma mère n’ait rien, du moins physiquement… Je finis par prendre les devants.

- Bonsoir, Maman ? Tatie ? Que… que se passe-t-il ? Papa est-il…

- Klariza ? D’où sors-tu ? Me demande ma tante d’une voix assez neutre.

- Je… j’étais … Ton appel… Je ne comprends pas, j’ai vraiment eu très très peur ! J’ai cru que papa…

- Prends place s’il te plait ! Ta mère est encore sous le choc ! Je vais donc parler !

Je m’exécute rapidement, sans perdre une seconde ; consciente que mon absence s’est plutôt bien fait ressentir. A voir l’expression de leur visages j’en déduis que c’est quelque chose d'extrêmement grave et liée à mon père, puisqu’elle m’a dit au téléphone qu’il s’agit bien de lui. Tante Claude reprend la parole.

- Klariza ! Je pense qu’au vu de tout ce qui se passe ici, nous, ta mère et moi pensons qu’il faudrait qu’on te mette au courant de certaines choses. Tu n’es plus une enfant et pour cela tu dois être préparée, quoi qu’il advienne. Tu es déjà en fac, tu es une …

- Viens en au fait Claude ! Tu me rends nerveuse une fois de plus ! Gronde ma mère en lui coupant brutalement la parole.

- Laisse-moi lui expliquer avec mes mots Julie ! Bon sang je la prépare !!!

Interloquée, je les interroge toutes les deux du regard avant de lancer.

- Tata, je t’écoute ! Vas droit au but !

- Ok ! Depuis quelques temps ta mère et moi et je pense que toi aussi, sommes inquiètes du silence et de l’absence prolongée de ton père ! Il n’a plus refait surface ; c’est vrai qu’au fond son absence arrange tout le monde, mais en même temps il a laissé beaucoup de choses en suspens ici ! Nous ne lui souhaitons pas la mort, mais nous avons voulu comprendre les vraies raisons de cette absence et en plus il n’a plus donné de nouvelles…

- Donc il … il n’est toujours pas revenu ? Lui coupai-je brusquement la parole.

- Il n’est toujours pas revenu… Dans un certain sens ! Laisse-moi continuer s’il te plait ! Ta mère et moi avons commencé à soupçonner des choses… Et c’est alors que j’ai eu ma petite idée ! Je connais des gens qui le connaissent très bien, des personnes qu’il a l’habitude de fréquenter …. Ton père… Comment dire… Il … il a une double vie, il est marié à une autre femme, ils ont des enfants, bref, il a toute une vie de famille! Il est bien différent et mène une vie toute à fait normale.

- Ah ça ! Je m’étais quand même bien préparée à ça !
Papa a toujours eu un comportement bizarre… Cette fois ci il est parti pour de bon ! Eh bien bon débarras alors!

- Oui … Mais il y a bien pire !

- Quoi ?

Avant de continuer, elle lance un regard inquiet à sa sœur, qui lui donne le feu vert.

- Le drame c’est qu’il vient d’envoyer ces documents à ta mère… Les papiers du divorce ! Ta mère n’aura rien, il prend tout, la maison, tout ! Il vous demande de partir…

- Partir ? Où ça ? Mais … mais ! Il est marié avec maman depuis! Je ne connais pas très bien les affaires de droit, mais … Je …

- Écoute mon ange ! Ton père est hyper puissant et ça tu le sais non ? Alors tout lui est permis. Le mariage contracté avec ta mère, selon lui était un faux mariage ; un mariage blanc d’après lui ! Il prétend, d’après son avocat qu’il l’a fait pour d’autres raisons que nous ignorons. Son avocat n’a pas voulu entrer dans les détails.

- Oooh ! mon Dieu ! S’exclame ma mère en se levant brusquement au point de de manquer de tomber. Cet homme m’a pourri la vie pendant des années alors qu’il n’est un salaud ! En plus de cela notre mariage n’était qu’une farce devant les yeux de tout le monde, je comprends maintenant pourquoi ces mégères de sœurs ne m’ont jamais respectée, ni aimée et les menaces qu’elles proféraient sans cesse c’était… c’était pour… pour me prévenir. Je le pressentais, mais que pouvais-je y faire ? J’étais à sa merci, vous … vous comprenez ? Il me tenait comme ça ! Quand j’essayais de lever un peu la tête il m’anéantissait… Ce mariage n’était qu’un faux ! Pourtant nous nous sommes bel et bien mariés …

- A la mairie seulement sœurette ! Vous n’avez jamais fait l’Église ! J’ai essayé de te prévenir, je ne l’ai jamais senti depuis le début, mais en même temps je ne pouvais rien faire, tu l’aimais ! Et en plus il venait de te sortir de la misère ! De toutes les façons il faut se rendre à l’évidence maintenant!

- Quelle évidence ? Il est fou ! Je ne partirai pas d’ici ! Jamais !

- Il a toutes les preuves ma sœur ! Comment vas-tu lui résister ? En plus c’est bien écrit sur les papiers que cette maison est au nom de Carine …

- Tais-toi ! Ce sont des foutaises ! Il a tout inventé, juste pour me détruire ! Il veut me voir crever à petit feu ! Il veut … me rendre folle ! Tu entends ? Il veut que …

- Julie ! Il est marié à une autre femme… Carine Abessolo ! Il va te faire plus de mal si tu résistes je t’assure… C’est quelqu’un de très très influent, ça tu le sais, et même de dangereux ! Je t’ai mis la puce à l’oreille ! Je t’ai bien dit que cet homme va commettre un jour une terrible gaffe ! Je t’ai demandé de faire des économies, parce qu’on ne savait pas ce qui pouvait arriver ! Dieu merci tu m’as quand même écoutée à la dernière minute !

Totalement déconcertée par ce que j'entends, je les regarde se disputer à propos de mon père ! Mais qu’est ce qui a bien pu se passer dans sa tête à lui ? L’existence d’une autre vie, d’une seconde vie, Carine Abessolo! Je tente de comprendre et de percevoir les vraies raisons à travers leur petite dispute ma mère et ma tante. Elles n’arrêtent pas de se chamailler, ce qui me rend de plus en plus nerveuse au fur et à mesure qu’elles lèvent le ton, .

- Arrêtez !!! S’il vous plait ! Vous vous chamaillez là alors que le vrai coupable c’est papa… j’aimerai comprendre ses agissements, pourquoi subitement il décide de nous quitter et de nous chasser de la maison ? A cause de cette femme?

- Ton père, qu’il aille au diable ! Je ne veux plus rien avoir à faire avec lui ! C’est terminé comme lui-même viens de me le signifier par personne interposée ! C’est un lâche! Il n’est pas capable de venir lui-même en personne me le dire ! Ce n’est qu’un lâche !

- Calme-toi ! Calme-toi sœurette ! Calme-toi ! Il faut qu’on réfléchisse, comment affronter la chose !

- Claude… snif !!! Ça me tue de l’intérieur, tu … tu comprends ? Je suis morte de l’intérieur, une partie de moi est à bout de souffle… Il me jette comme ça, comme une vieille chaussette !

- Mais dans quel but ? maman je veux comprendre !

- Tout simplement parce que ton père n’a jamais aimé ta mère ! Désolée du ton cru que je prends mais c’est le cas, il s’est servi d’elle durant toutes ces années !

- Et… moi dans tout ça ?

- Ma chère enfant… Sache désormais que ton seul et unique parent, c’est ta mère ! Si Ferdinand avait une once d’estime pour toi, il aurait sûrement agit autrement ! Mais il vient de nous démontrer à toutes que même toi…Même toi…

- Ça va ! Ça suffit, dis-je d’un ton agacé !

Plus ma tante parle, plus je sens que je vais péter un câble, car je n’y comprends toujours rien, les raisons valables qui ont poussé cet homme à nous jeter comme un tas d’ordures. C’est vrai, que par moment je ne le portais dans mon cœur, mais de là à me considérer moi son enfant comme une ordure au même titre que ma mère me fou les boules. Quelle cruauté de sa part, c’est tout ce que je peux dire.

- Il aurait pu partir et nous laisser en paix, mais non, il s’en va et nous demande de partir de chez lui. Mais maman ! Cette maison, c’est bien tous les deux que vous l’avez construite non ? Papa et toi ! Comment il peut dire que rien ne t’appartient ici ?

Ma tante se lève et va prendre le restes de documents posés sur la table et me les tend.

- Tiens lis ça et essaie de déchiffrer ce que tu peux comprendre, sinon je te le dirai en mes propres mots !

C’est vrai que tante Claude est très directe, mais ce soir particulièrement, elle m’énerve au plus haut point avec toutes ses révélations amères, que je trouve non fondées et n’ayant aucun sens. En parcourant à la volée toute la paperasse, au fur et à mesure que j’évolue, je commence aussi à ressentir ce que ma mère ressent, la rage et le sentiment d’avoir été dupées et trahies me gagnent ; mes mains tremblent, et mes yeux, je les écarquille pour bien déchiffrer quelque chose.

- Ce n’est pas possible ! C’est … je n’arrive pas à le croire ! Maman ?

Je regarde ma mère, elle ne dit mot, elle émet un son plutôt inaudible ! Je me rapproche d’elle avec tous ces papiers en main et je les lui brandis maladroitement.

- Maman ? Étais tu au courant de ça ? Le savais-tu ?

- J’ai toujours su que ton père était un coureur de jupons, mais je ne l’ai jamais cru capable de faire ça, de me faire une chose pareille ! Ces documents nous les avons découverts nous-mêmes… Il… il a menti sur tous les bords. J’ai été bernée pendant toutes ces années !

Je secoue la tête, en guise d’échec, je me lève et me rassois avant de prononcer ses paroles, d’une voix si lasse, tout en accusant bien le coup.

- Donc tout appartient… et a toujours appartenu à cette… femme… depuis fort longtemps, cette maison est également la sienne ! Et papa a connue cette femme bien avant … bien avant… de te rencontrer, bien avant… qu’il… ne t’épouse illégalement !

Et tante Claude de rajouter d’une voix froide et glaciale,

- Exact ! Carine Abessolo est son épouse légitime depuis plus d’une vingtaine d’années !

Une lumière dans les...