Chapitre 12
Ecrit par Meyroma
Point de vue de Maitre Djibril :
Depuis que j'ai avoué mes sentiments à Yasmine, je me retrouve confronté à un grand dilemme.
D'une part, j'aime cette femme d'un amour démesuré.
La première fois où j'ai posé les yeux sur elle, c'était ce jour où elle a pénétré mon bureau sans y être invitée. J'étais en pleine conversation téléphonique enflammée avec un procureur difficile et obstiné en affaire.
Je bouillonnais alors de colère lorsqu'elle m'est apparu comme une martyre, encaissant une foudre qui ne lui était pas destinée. Elle était juste une victime collatérale de mon humeur.
Quand je suis revenu à moi même, je me suis senti coupable et honteux de la première impression que je lui ai donné de moi.
Au fur et a mesure que je la côtoyait, je découvrais une assistante compétente, une juriste avérée et le gâteau sur la cerise: une femme belle et intelligente.
De fil en aiguille, je tissait inconsciemment une toile qui me scelait à elle.
Ce jour où elle m'a dévoilé tous les risques qu'elle a pris pour élucider l'affaire de la famille Tanimoune, j'ai réalisé que s'il lui arrivait malheur, ma vie en serait impactée dans tout son sens.
Puis il eut cette soirée au grand hôtel, où elle s'est habillée de la même façon que moi comme si on en avait convenu par télépathie. Elle était si belle ...
Notre séjour au Nigeria fût la goutte d'eau. Cette nuit est celle qui a définitivement ficelé le lien entre nous.
Désormais, je ne pourrais même plus envisager ma vie sans elle.
Quant à Fati, je ne lui ai pas encore annoncé ma décision de rompre. Mais je suis sûre que ma récente indifférence à son égard lui a déjà mis la puce à l'oreille. Je suis devenu si froid et distant que même un aveugle s'apercevrait que la flamme est éteinte.
Avant l'apparition de Yasmine dans ma vie, tout allait ordinairement bien entre Fati et moi. Je n'étais certes pas amoureux d'elle, mais je l'aimais énormément. Je ressentais de la tendresse, de l'affection et de l'amitié pour elle. J'étais presque sûr qu'avec le temps, j'arriverais a tomber amoureux d'elle.
Même si on n'aime pas le lièvre, il faut lui reconnaître ses longues oreilles.
J'avoue que la nature n'a pas été avare envers Fati. Sa beauté légendaire lui a toujours valu des tas de prétendants depuis notre enfance. Contrairement aux idéaux occidentaux de la beauté, la spécificité de Fati réside dans ses rondeurs typiquement africaines. Sa forme Coca-Cola assortie à sa poitrine généreuse ne peuvent laisser aucun homme indifférent. A tous ces atouts, vient se greffer un visage aussi pulpeux que charmant.
Comprenez alors qu'il ne m'était vraiment pas désagréable de faire des efforts.
Mais depuis que j'ai rencontré Yasmine, ma vision des choses à radicalement changé. Désormais, c'est elle et personne d'autre.
Aujourd'hui, j'ai RDV avec mon père adoptif pour lui annoncer ma volonté de rompre avec sa fille. Je suis tellement stressé que j'en ai des coliques.
Je quitte le bureau vers 19h, bien après l'heure officielle de descente du travail. Apparemment je suis le dernier à déserter les locaux.
En longeant le couloir, je tourne le poignet du bureau de Yasmine, juste par réflexe. Évidemment que la porte est fermée.
Je monte dans ma voiture et prend la direction du quartier Sonuci, où habite mon père adoptif. Je roule tout doucement, appréhendant l'inévitable face à face.
Quand j'arrive enfin, je le retrouve dans sa bibliothèque privée, plongé à fond dans des recherches documentaires. Mon oncle est un féru de lecture. C'est pourquoi, il s'est aménagé dans sa grande villa, un espace spécialement dédié à sa passion. Il y collectionne des oeuvres de toutes les époques.
- Bonjour mon oncle, en lui tendant la main avec une petite révérence, comme il est de coutume chez nous pour saluer les aînés.
-Content de te voir fiston. Comment vas tu?
-je me porte bien par la grâce de Dieu. Et vous alors, très cher oncle ?
En tenant sa hanche, avec une petite grimace de douleur, il répond :
- A part la vieillesse qui commence à réclamer ses droits, tout va pour le mieux. Qu'est ce qui me vaut ta visite? Tu semblait vouloir me dire quelque chose de très important quand tu m'as téléphoné.
- oui oui pouvons nous nous asseoir d'abord? Euuhhh ce que j'ai à vous dire est très délicat.
Il fixe la perle de sueur sur mon front et écarquille les yeux.
-A ce point? Me demande-t-il d'un regard interrogateur.
Il me fais alors signe de m'installer sur la chaise visiteur en face de lui et s'assied à son tour.
-tu as toute mon attention mon fils, parles moi en toute tranquillité.
Après avoir répété maintes fois ce scénario auparavant, maintenant que je suis dans le feu de l'action, tout ce que j'avais prévu de lui dire m'échappe. Je suis plus embrouillé que jamais.
Finalement je prend mon courage a deux mains et lui dit les choses telles qu'elles me viennent à l'esprit.
- Mon oncle, je sais que vous ne m'avez jamais contraint et que je me suis engagé de mon propre chef à épouser Fati. Aujourd'hui, je viens vers vous à contre coeur parce que je n'ai que vous, la seule figure paternelle dont je dispose au monde et je pourrai donner ma vie par amour pour vous.
Seulement voilà, depuis quelques temps, j'ai rencontré une jeune femme dont je suis éperdument amoureux. J'ai essayé de toutes mes forces d'avorter cet amour, mais plus je l'étouffe plus il grandit. Je viens vous supplier mon oncle, de me libérer de cet engagement pour que je puisse répondre à l'appel de mon coeur.
Si vous me rendez ma liberté, vous feriez de moi l'homme le plus heureux de ce monde. Le cas échéant, je suis quand même disposé à vous obéir, quitte à hypothéquer mon bonheur car après tout, vous êtes mon père.
Pendant tout mon discours, je n'ai pas osé affronté son regard un seul instant.
Soudain, j'aperçois une ombre sur le seuil de la porte entrouverte.
Quelqu'un nous écoute!
Je me dépêche d'ouvrir la porte en espérant découvrir notre espion, mais il est trop tard car j'entends des pas s'éloigner. La personne à dû fuir.
Je reviens bredouille et trouve mon oncle assis dans la même position, comme s'il était paralysé.
- Mon oncle, dites moi quelques chose s'il vous plait. Ne me laissez pas dans le suspense.
Il lève vers moi des yeux remplis d'un amour débordant. Sans qu'il aie besoin de m'en dire plus, je me sens soulagé.
- Non seulement je te libère mon fils, mais je te soutiendrais dans tout ce que tu entreprend dans la vie. Tant que je serai de ce monde, tu ne seras jamais seul. Vas construire ton bonheur et sois heureux. Pour Fati, ne t'inquiète pas. J'en fais mon affaire personnelle.
Je reste là à écouter ce grand homme, qui est sans doute l'unique spécimen dans la catégorie "coeur en or".
Nous bavardons encore quelques minutes, durant lesquelles il me demande de lui en dire plus sur sa futur belle fille.
Quand je prend congé de lui, c'est le coeur léger que je rentre chez moi, en fredonnant une chanson d'amour pendant tout le trajet.
Finalement, il y'a eu plus de peur que de mal!