Chapitre 12: Cynthia ou son sosie

Ecrit par MTB

" Si tu te tapes la tête contre une cruche et que ça sonne creux, n'en déduis pas forcément que c'est la cruche qui est vide ".

Je pense que beaucoup de gens sous estiment leurs adversaires dans la vie surtout quand ils ont assez d’expérience et qu’ils ont en face d’eux des jeunes. Certes l’expérience fait la différence, mais la rage de vaincre et les mutations de la société peuvent constituer un atout majeur pour la jeunesse. Notre groupe l’avait compris. J’étais un champion dans l’art oratoire et en moins de trois heures de travail, j’avais réussi à les convaincre que notre projet était meilleur.

Pour le déjeuner, nous avions choisi d’aller au Plateau. Cela nous permettrait également de voir comment le Centre des Affaires d’Abidjan grouillait. La circulation avait évolué avec désormais des couloirs réservés pour les bus de transport en commun et des policiers postés çà et là, prêts à verbaliser tout conducteur ne respectant pas le code de la route. Je pris congés de mes futurs collaborateurs après avoir fini de partager le dessert et j’entrepris de faire les boutiques. Je voulais ramener un souvenir à Cynthia. J’avais l’embarras du choix car il y avait toutes sortes d’articles proposés. Mais après avoir parcouru quatre boutiques, une silhouette retint mon attention. Cela pouvait-il être possible ? Je ne pense pas. La ressemblance est un phénomène qui existe. Je décidai néanmoins de m’approcher pour en avoir le cœur net. Alors je me positionnai de manière à faire face à cette silhouette. J’étais sous le choc de me retrouver en face de Cynthia. Peut-être que ma vision me jouait des tours. Je retirai mes lunettes pour bien les nettoyer et me rassurer que ce n’était pas le cas. Jusque-là, elle ne m’avait pas encore remarqué puisqu’elle était occupée à admirer un collier.

Je décidai de me mettre en retrait pour l’observer et voir ce qui allait se passer. Elle bougea sur le côté et me faisait dos. Puis un homme s’approcha d’elle, posa sa main sur son épaule en lui demandant si elle avait fini de faire son choix. Je pouvais voir à la main de l’homme une bague de mariage. Ce qui sûrement signifiait qu’il était marié. Mais je ne le connaissais pas et si j’intervenais, peut-être que la situation se retournerait contre moi. Après tout, et jusqu’à ce moment, rien de très sensuel ne se passait entre eux pour laisser présager d’une relation amoureuse quelconque. Cependant, l’homme paraissait assez jeune. Peut-être dix ans mon aîné. Ce qui laissait un tas de possibilités. Il pouvait être son oncle. Mon cœur battait de plus en plus car j’évitais de penser au pire. Je ne me rappelais plus combien de choses elle avait sélectionnées mais j’eus quand même le temps de sortir mon téléphone et de prendre quelques photos d’elle et de ce homme dont j’ignorais l’identité.

Après que l’homme eut fini de payer à la caisse, elle s’accrocha à son bras comme le font les amoureux, la tête posée contre lui après lui avoir donné un tendre baiser devant la caissière. Je faillis sortir de ma position et les séparer mais je n’eus pas le courage, tétanisé comme si on venait de m’arracher le cœur. Donc Cynthia me trompait. Mais elle cachait bien son jeu. Je ne pouvais pas croire ce que mes yeux voyaient. Des larmes coulaient déjà silencieusement quand une voix me ramena à la réalité.

-          Bonsoir Monsieur, pouvons-nous vous aider ?

C’était l’un des vendeurs de la boutique. Il avait le regard compatissant. Il ne savait pas ce que je ressentais mais je pouvais sentir son regard interrogateur. Je le remerciai puis sortis à la suite de Cynthia et de son amant. Ils venaient de monter dans une Mercedes Benz ML. La voiture était immatriculée en Côte d’Ivoire. Soit c’était la voiture du monsieur, soit une voiture louée car il y avait un autocollant à l’arrière que j’avais du mal à lire. Moi aussi j’en avais sur ma voiture mais le mien était une étiquette du garage. Je hélai un taxi et les pris en filature. Le chauffeur du taxi avait arboré un large sourire quand je lui avais juste dit de suivre la Mercedes blanche. Il devait comprendre sûrement qu’il se ferait beaucoup d’argent. Et ce n’est pas ce qui me manquait en ce moment avec mes frais de mission. Je pouvais le sentir se comporter comme dans un film américain d’espionnage car il prenait soin de ne pas être trop prêt ni trop loin afin de rester discret.

Subitement il poussa un juron. Interloqué, je lui demandai s’il y avait un souci.

-          Patron, je ne peux pas aller par-là ?

-          Et pourquoi donc ?

-          Ah taxi va pas là-bas. En tout cas, moi veux pas palabre avec gens de hôtel là.

-          Je ne comprends pas.

-          Tu vois, là-bas, c’est réservé seulement aux voitures personnelles car c’est pour parking sous-sol de l’hôtel. Donc si tu veux suivre voiture-là, faut descendre devant l’entrée principale, passer dans scanner là quoi et aller. Ça te fait dix-mille francs.

-          En tout cas merci de me descendre devant l’entrée principale.

Je lui remis ses dix milles francs en le remerciant. Si seulement il savait qu’il m’énervait avec ses fautes de français surtout dans la situation dans laquelle je me trouvais. Après tout, français ivoirien est unique en son genre. Il leur reste juste à sortir leur dictionnaire. Je passai effectivement le scanner corporel puis me dirigeai vers l’accueil en espérant l’apercevoir au loin. Je me renseignai auprès de l’hôtesse d’accueil.

-          Bonsoir Mademoiselle

-          Bonsoir Monsieur. Bienvenue à l’Hôtel Sofitel. En quoi puis-je me rendre utile s’il vous plaît ?



à suivre...
LA FILLE DE LA DALLE