CHAPITRE 13 : COMMEMORATION

Ecrit par Chrime Kouemo

Denise ouvrit la porte de son appartement et s’élança dans la salle de bains. Elle avait exactement une heure pour se laver, s’habiller, se maquiller et se rendre à l’église catholique de Nlongkak pour la cérémonie de commémoration des parents de Simon et amandine. Elle n’avait pas réussi à s’inscrire aux abonnés absents; la tête qu’Amandine avait faite quand elle avait évoqué l’éventuelle possibilité de ne pas y assister lui avait fait mal au coeur. Même pour une tête brûlée comme elle, ça présentait vraiment mal. Ses parents auraient fini de la cataloguer comme personne irresponsable et sans cœur. 

Une bonne douche plus tard, elle enfilait une longue robe vert d’eau au tissu fluide en jersey, fendue sur les deux côtés. Devant son miroir, elle hésita un instant sur la coiffure à adopter, puis opta pour un foulard qu’elle noua en faisant ressortir les mèches de ses tresses au sommet de son crâne. Un maquillage léger et un rouge à lèvres marron glacé plus tard, elle était prête. 

Dans le taxi qui la conduisait à Nlongkak, elle ne put empêcher cette fois-ci le flot de ses pensées de se diriger vers Simon. Depuis leur folle nuit trois semaines plus tôt, ils s’évitaient comme la peste. Les deux fois qu’ils s’étaient croisés dans le couloir et la cour principale, ils avaient à peine échangé un hochement de tête. C’était mieux ainsi. Elle avait la nette impression que les souvenirs  leur exploseraient au visage s’ils se retrouvaient à proximité l’un de l’autre. Tout ce qu’elle espérait à présent, c’était de pouvoir donner suffisamment le change pour qu’Esther qui se méfiait déjà ouvertement d’elle, ne se rende compte de rien. 


Assise aux côtés de Mylène et ses parents, Denise s’efforçait de suivre l’homélie du prêtre. Elle avait une furieuse envie de déverrouiller son téléphone pour jeter un coup d’œil à ses réseaux sociaux et à sa billetterie en ligne. Elle s’en abstint au dernier moment. Avec la veine qui était la sienne, elle se ferait choper par Madame Rita et aurait droit à un sermon en bonne et due forme. 

Le prêtre invita les convives à se lever. Du coin de l’œil, elle vit sa mère s’appuyer sur le bras de son père pour se mettre debout. Intriguée, elle s’inclina légèrement et observa sa mère de profil. Elle n’avait vraiment pas l’air d’aller bien contrairement à ce qu’elle lui avait répondu quand elle l’avait saluée à son arrivée. Serait-elle malade ? Non, se dit-elle aussitôt, Mylène lui en aurait parlé. Sa sœur ne pouvait pas lui cacher un truc pareil tout de même ? Elle lui reposerait la question à la fin de la cérémonie, se promit-elle en reportant son attention sur le religieux qui levait la coupe du vin, annonce de la sainte cène. 

Aux côtés du prêtre,  Simon tenait le plateau contenant les hosties qui venaient d’être consacrées. Malgré toute sa bonne volonté, elle ne parvint pas à détacher momentanément son regard de celui qui occupait régulièrement ses pensées depuis une certaine nuit. Sa coupe de cheveux avait été rafraîchie, de même que sa barbe noire et luisante. Sa tunique en lin blanc épousait sa carrure et offrait un magnifique contraste avec sa peau couleur café. Comment avaitelle pu passer autant de temps sans jamais lui prêter attention ? Depuis leur nuit, elle avait l’impression de voir autrement toutes ces qualités qu’il possédait et qu’elle avait toujours classées comme de la ringardise : sa gentillesse, sa douceur, sa prévenance, son sens accru des responsabilités. Il était un véritable chef pour sa fratrie dont il avait pris soin depuis la mort de leurs parents. 

Avec peine, elle détourna les yeux de Simon. Il fallait qu’elle arrête tout ça; ça ne menait à rien. Sa petite coucherie avec lui n’était qu’un accident. Il était en couple avec Esther —qui visiblement prenait une place de plus en plus importante dans sa vie— et aspirait à une vie de famille stable, ce qui n’était pas son cas.


***


Simon ouvrit les yeux. Le prêtre venait de clôturer la prière de bénédiction du repas et entonnait un chant de remerciement. 

Le temps apaisait toutes les peines disait-on et c’était vrai. Cinq ans plus tôt à la dernière commémoration du décès de ses parents, il avait achevé son témoignage avec les yeux embués et une énorme boule à la gorge. Dans l’intimité de sa chambre, à la fin des festivités, il s’était effondré en pleurant dans les bras de Judith. Aujourd’hui, il maîtrisait mieux son émotion. Le vide laissé par les décès brusques et rapprochés de ses parents ne se comblerait jamais, mais la vie continuait et le meilleur moyen de prendre le pas était de les honorer du mieux qu’il pouvait. 

Il enveloppa la salle du regard. Christian, Ève et Amandine étaient assis  sur des tables différentes avec leurs amis. Georges n’avait pu faire le déplacement, obligation de dernière minute avec son travail. Ses parents seraient fiers d’eux et de ce qu’ils étaient devenus tous les cinq. Il était empli de gratitude envers Dieu pour leur avoir permis de surmonter les difficultés auxquelles ils avaient eu à faire face sans leurs parents. 

Comme aimantés, ses yeux retrouvèrent ceux de Denise, pétillants et pleins de vie. Durant de brèves secondes, il fut incapable de s’en détacher, s’y noyant avec un plaisir coupable. La voix du prêtre invitant les convies à se rasseoir le ramena à la raison. 

Il prit place sur la table. Installée à sa droite, Esther conversait avec maman Lucienne qui l’écoutait avec attention. Sa compagne semblait avoir conquis sa tante. Depuis l’arrivée de sa parente deux jours plus tôt à Yaoundé, elle avait pris soin d’elle. Elle lui avait apporté à manger, l’avait emmenée au marché pour qu’elle y fasse ses courses. Maman Lucienne n’avait plus que le nom d’Esther dans la bouche. Il aurait dû s’en réjouir. Il aurait dû... Mais il n’y arrivait pas. À la place, il était plus troublé que jamais. Forçant un sourire vers Esther qui avait tourné la tête vers lui, il piqua une boulette de viande de sa fourchette et la fourra dans sa bouche.


La cérémonie tirait sur sa fin. Simon se déplaçait  de table en table pour remercier ses invités. Il s’attarda quelques instants pour discuter avec Pascal et sa femme. Lorsqu’il revint à sa table, Rita Moyo, maman Lucienne et Esther bavardaient gaiement. 

— Lucienne, tu vois alors que Simon est entre de bonnes mains avec Esther, disait Madame Moyo. 

— Oui, je peux retourner en paix à Nkolmetet., renchérit sa tante en gratifiant sa compagne d’un sourire chaleureux. 

Esther, une mine de petite fille sage sur son visage, regardait tour à tour les deux femmes. 

Maman Lucienne se tourna vers lui. 

— Tu as fait un bon choix, mon fils. 

Embarrassé, il se contenta de hocher la tête sans piper mot. 

Denise, Mylène et Amandine qui avaient fini à rassembler la vaisselle sale à embarquer par le traiteur, étaient venus les rejoindre. Son amante d’un soir se tenait bien en retrait des autres et n’essayait pas de participer à la conversation qui s’était établie entre les femmes. Lui non plus n’y participait pas. Il luttait contre une forte envie de se racler la gorge tant sa gêne atteignait des sommets.

Après ce qui lui sembla une éternité, Rita Moyo sonna l’heure du départ en prenant congé. Du coin de l’œil il remarqua la lueur de tristesse qui traversa les yeux de Denise quand Esther et Madame Moyo échangèrent une accolade pleine d’affection. Cela ne dura qu’une milliseconde. L’instant d’après, elle avait repris son air désinvolte et s’était remis à discuter avec Amandine. 

Il savait qu’entre Denise et sa mère, les relations n’avaient jamais été au beau fixe, mais le fossé entre les deux femmes paraissait encore plus profond. Même si elle n’était pas d’accord avec le métier qu’exerçait sa fille, il trouvait quand même l’attitude de l’amie de sa mère pour le moins austère voire rude envers Denise. 


***


Le cœur serré, Denise regarda sa mère s’éloigner au bras de son père. Quelque chose ne tournait pas rond. Elle cogita encore quelques secondes, puis se décida à rattraper ses parents. Elle les retrouva devant leur véhicule. 

— Maman ! 

Ses parents se retournèrent de concert. 

— Oui, quoi ? fit sa mère, le regard peu amène. 

Denise faillit se décourager. Elle n’était peut-être pas la fille modèle dont sa mère rêvait, mais elle restait sa fille. Pourquoi tant d’animosité ? 

— Je vois que quelque chose ne va pas. Tu as l’air épuisée. Papa n’a pas arrêté de te soutenir pendant toute la cérémonie. 

Madame Rita la toisa de toute sa hauteur, ses yeux lançant des éclairs à travers ses lunettes à montures dorées. 

— Et c’est ici que tu viens prendre de mes nouvelles ? Pardon, ne me fais pas rire !

Les paroles de sa mère lui firent l’effet d’un uppercut en pleine mâchoire. Abasourdie, elle répliqua néanmoins :

— Je prendrais volontiers de tes nouvelles si je n’avais pas l’impression d’être mal jugée à chaque phrase que je dis ou chaque pas que je fais. 

— Et comment ne le serais-tu pas quand tu passes ton temps à nous faire honte à ton père et moi ? Assena sa mère d’un ton sec. Comme si ça n’avait pas suffi la dernière fois, tu as encore lancé la publicité de tes cours de danse libertine partout. Tu penses que je me sens comment quand je vois tes photos en petite culotte, le ventre à l’air avec les chevilleres de pute aux pieds ? 

— Rita, calme-toi, intervint son père après lui avoir lancé un regard d’excuse.

Denise sentit les larmes lui monter aux yeux. Ce serait donc toujours la même rengaine à chaque fois ? Sa mère n’accepterait jamais son métier ! Et son père qui était là à l’écouter sans prendre sa défense, comme le toutou bien dressé qu’il était. Elle comprenait avec beaucoup de retard et avec une douleur intense que la seule façon pour elle d’être acceptée par sa mère était de changer de profession, de devenir quelqu’un d’autre en fait. 

Pourquoi restait-elle même là à se faire du mal de la sorte ? Elle avait bien vécu loin d’eux pendant dix ans, elle pouvait continuer ainsi. 

Elle ravala les sanglots qui lui étreignaient la gorge et recula d’un pas. 

— Excuse-moi, maman. C’était une erreur de ma part de penser, d’espérer que nous pourrions avoir une relation normale un jour. Bon retour. 

Sans rien ajouter de plus, elle tourna les talons. Elle marcha lentement dans un premier temps, espérant par miracle que l’un de ses parents la rappelle. Le claquement sec de la portière, la fit sursauter et brisa cruellement ses derniers espoirs. Une larme roula sur sa joue, elle l’effaça d’un coup de main rageur et se dirigea d’un pas pressé vers la salle annexe de l’église. 

Qu’est ce qui lui avait pris de s’inquiéter pour sa mère ? D’imaginer un seul instant qu’elle mettrait de côté sa toge de juge et gardienne de la vertu pour la traiter tout simplement comme sa fille ? 

Elle ouvrit à la volée la porte de la salle et fonça vers l’antichambre pour récupérer son sac à mains. 

— Denise, ça va ? Lui demanda  Mylène, l’air inquiet. 

— Oui, très bien ! 

Elle poursuivit son chemin sans s’arrêter. 

— Tu as discuté avec les parents ? insista sa sœur qui l’avait suivie. 

— Je n´ai pas envie d´en parler. Je rentre chez moi.

Elle fit un signe à Amandine et Simon qui s’affairaient avec le responsable du service traiteur et quelques invités pour remettre la salle en ordre, puis prit la direction de la porte. 

— Denise ! S’il te plaît, attends...

Elle interrompit sa marche mais ne se retourna pas. 

— Pardon, Mylène, laisse-moi. J’ai fait ma part comme tu me l’as conseillé. Si tu tiens tellement à ce que les choses changent, tu peux aussi aller leur parler. 

Elle poursuivit son chemin, accélérant le pas. Elle avait hâte de se retrouver seule pour évacuer toute cette tristesse et cette frustration qu’elle refoulait depuis longtemps et qui se déversaient et menaçaient son équilibre. 

Qu’est-ce que sa sœur croyait ? Qu’elle était en fer ? Que ça ne lui faisait pas mal d’essuyer le mépris de sa mère et le mutisme de son père ? 

Elle héla le taxi vide qui passait à sa hauteur et lui proposa une course/dépôt qu’il ne put refuser. A travers la vitre de la portière arrière, elle regarda un instant la mine désolée de sa grande sœur puis détourna la tête. 



— Qu’est-ce que tu dirais de venir passer quelques jours ici dans le grand Nord ? J’ai comme l’impression que ça te ferait du bien de changer un peu d’air quelques temps, proposa Samy à l’autre bout du fil d’une voix pleine de sollicitude. 

Sa brève conversation avec sa mère avait déprimé Denise. Après avoir passé plus d’une heure allongée dans son canapé à ressasser les paroles de Madame Rita et à faire le point sur sa vie, elle avait appelé Eloïse pour s’épancher, mais n’avait pu l’avoir. Quand elle avait vu le numéro de Samy s’afficher sur son portable, elle avait longuement hésité avant de décrocher, n e       souhaitant pas recevoir un énième conseil identique à celui de Mylène, devinant qu’il avait déjà eu un compte rendu détaillé des événements. 

— Ça va être compliqué, je viens de lancer les premières publicités pour  le   spectacle et j’attends une invitation d’un moment à l’autre sur un plateau TV, répondit-elle.

— Si tu dois être invitée sur une chaîne de Tv, ce ne sera pas la veille pour le lendemain, je présume...

— Oui, c’est vrai, acquiesça t-elle finalement. 

Une bonne coupure avec sa routine lui permettrait de s'éloigner temporairement de ses petits tracas du quotidien et d'amorcer sereinement les préparatifs de son spectacle. Les dernières semaines avaient apporté leurs lots d'inquiétudes : son agression, le départ sans nouvelles de Danielle, les vidéos sans cesse signalées sur sa page. Et même si elle reconnaissait difficilement, l'indifférence affichée de ses parents la minait plus bien plus qu'elle ne voulait l'admettre. 

— Si tu peux t’arranger pour venir avant la rentrée scolaire, ce serait bien. J’ai un guide qui pourra nous faire visiter quelques sites touristiques. 

— Oh ! C´est une bonne idée. Je vais m’organiser pour reporter mes cours et mes autres rendez-vous et je te tiens au courant. 

Quand elle raccrocha quelques instants plus tard, elle s’attela aussitôt à organiser son programme des prochains jours et prépara ses publications pour annoncer le report des cours durant sa semaine d’absence. 

Son frère avait raison, un bon dépaysement lui ferait le plus grand bien. 


***


Armelle vérifia une dernière fois les informations qu’elle avait renseignées pour le transfert d’argent et appuya sur la toute « valider ». Voilà ! C’était fait, elle venait de verser les six mois de loyer de caution pour son futur appartement. Elle pouvait maintenant annoncer la nouvelle de son départ à Ralph. 

Un étrange sentiment de solitude mêlé d’incertitude s’empara d’elle. Elle avait l’impression de faire un plongeon dans l’inconnu et sans parachute. 

« C’est ridicule ! » se tança t-elle aussitôt. Ce n’était pas comme si elle recommençait tout de zéro. Et quand bien même ce serait le cas, elle arriverait à s’en sortir. Elle avait un job bien payé et elle pouvait s’assumer toute seule. 

Elle rangea les documents qu’elle avait éparpillés sur la table du salon et se leva. En passant devant le meuble buffet installé près du couloir, elle s’arrêta un instant et contempla la photo de Ralph, Stan et elle qui y trônait. Le cliché avait été pris trois ans plus tôt lors du mariage d’un ami de Ralph. Ils avaient passé un excellent moment; il avait été charmant toute la soirée et elle avait espéré de toutes ses forces que ce serait bientôt leur tour à tous les deux. 

Le cœur lourd, elle abaissa le cadre photo et poursuivit son chemin vers la cuisine. La maison était silencieuse en l’absence de Stan qui passait le week-end chez sa tante Stella. Ralph était parti pour le week-end et comme d’habitude, elle ignorait où il s’était rendu et pour quel motif. 

Tout ça serait bientôt terminé. Dès son retour le lendemain, elle annoncerait à Ralph qu’elle le quittait, et le week-end suivant elle emménagerait dans son appartement et commencerait sa nouvelle vie. Il fallait d’ailleurs qu’elle commence à empaqueter ses affaires. 

Se servant un verre d’eau, elle se laissa tomber sur la chaise près de la table de style bar. Étrangement, elle ne se sentait pas sereine à l’idée de partir. Pourquoi ? Sa décision était pourtant mûrement réfléchie. Tout son entourage — sauf sa mère—  l’y encourageait, elle aurait du se sentir légère au lieu de quoi, elle avait ce noeud au fond de la gorge et des larmes prêtes à se déverser sur ses joues sur un simple signal de sa part. 

Son téléphone vibra sur la table. Elle jeta un coup d’œil sur l’écran. C’était un message de Bobby. 

« — Comment va  ?

— Pas trop le moral, je suis seule à la maison. 

— Qu’est ce qui ne va pas ? Je peux t’aider ?

Elle hésita un instant à lui confier son ressenti. S’il était vrai qu’il l’avait encouragée à lui parler librement, elle se voyait mal lui avouer qu’elle avait le blues de mettre un terme à son histoire avec le père de son fils. 

« — Rien de bien grave ça me passera.. »

Dans la seconde qui suivit, son téléphone sonnait. Elle décrocha. 

— Eyenga, qu’est-ce qui se passe ? Demanda aussitôt la voix chaude de Bobby dans le combiné, la faisant frissonner. 

— Rien, je te dis. 

— C’est à propos du père de ton fils c’est ça ?

Son ton neutre l’encouragea à se confier. 

— Pas directement. C’est juste ... que j’ai signé mon contrat de bail et j’emménage la semaine prochaine. Ça me fait un peu bizarre de franchir cette étape. 

— C’est normal, tu sais...

Un blanc s’installa. Elle reprit :

— Je ne vais pas t’importuner avec mes problèmes.  Ça ira mieux la semaine prochaine. 

— Non, tu ne m’embêtes pas. J’ai une idée, qu’est-ce que tu dirais de m’accompagner à une avant-première de film ce soir ? Ça te changerait les idées. 

— Bobby, je ne suis pas encore prête, je n’ai même pas encore parlé à Ralph. 

— Ne t’en fais pas, ce sera en toute amitié. Promis !

— Hum...

— Tu doutes ? Tu ne me fais pas confiance ? 

— Un peu, oui.

Il éclata de son rire communicatif, lui arrachant un sourire. 

— Allez ! Je serai sage comme un toutou...

— Ok, acquiesça finalement Armelle.

— Je passe te prendre vers 20h ? 

— Ça marche. 

— Parfait !


***


Accrochée au bras de Bobby, Armelle foula le tapis rouge du Palais des Congres où avait lieu la première du film d’un jeune producteur de cinéma camerounais et ami de son cavalier. En tant que personnage connu dans le milieu du show bizz, il s’arrêta à quelques reprises pour échanger avec des connaissances.

Elle se félicita d’avoir appris à marcher sur des talons; elle n’aurait pas eu la même allure avec sa longue robe au tissu fluide avec des sandales plates et aurait détonné au milieu des autres femmes.

D’un regard en biais, elle apprécia le profil  racé de Bobby. Il était d’une élégance rare dans son pantalon à pinces et sa chemise d’un blanc immaculé à la coupe slim sur laquelle pendait un collier de grosses perles en bois. Son clou d’oreille scintillait et attirait l’œil. De prime abord, elle avait trouvé que ça faisait trop voyant, trop tape à l’œil, mais maintenant elle trouvait que ça lui seyait bien. Ses locks qu’elle mourait d’envie de toucher étaient ramenés en chignon bas sur la nuque. Comme s’il s’était senti observé, il tourna la tête vers elle. Le sourire qu’il lui décocha provoqua une embardée de son coeur dans sa cage thoracique. Du calme…

Sur le mur à droite de l ‘entrée de la salle de projection, une affiche géante du film avait été installée. Plusieurs téléspectateurs faisaient la queue pour se faire prendre en photo.

— Me feras-tu le plaisir de me faire photographier à tes côtés ? Demanda t-il en inclinant galamment la tête.

Elle acquiesça en hochant la tête, incapable de résister à son charme.


Armelle ne vit pas le temps passer, tant la soirée fut belle. Bobby était un compagnon à la fois passionné et passionnant. Elle se rendait compte qu’elle pouvait passer des heures à discuter avec lui sur des sujets divers et variés. Il lui posait plein de questions sur sa vie, sur Stan et il prêtait attention à ses réponses. Elle ne pouvait s’empêcher de faire la comparaison avec Ralph qui se gênait rarement pour lui faire savoir que sa conversation l’ennuyait. 

Dans la voiture de Bobby qui la raccompagnait chez elle après le pub-restaurant où il l’avait emmenée après la projection du film, Armelle regardait les lumières de la ville défiler. La soirée était déjà terminée, et cela ne l’enchantait guerre.

— Merci pour cette soirée, Eyenga, j’ai passé un très bon moment.

Armelle sursauta légèrement, elle ne s’était même pas aperçue qu’il venait d’immobiliser le véhicule devant le grand portail de la maison de Ralph.

— Merci à toi. Sans toi, je serais restée me morfondre chez moi.

— On recommence quand tu veux, promit-il d’une voix qui s’était faite sourde.

Les prunelles de Bobby étaient maintenant semblables à deux puits sombres, l’attirant inexorablement dans leurs abîmes. Sa respiration se bloqua dans sa gorge; elle était incapable de bouger ou d’articuler le moindre mot. 

— Je sais que j’ai dit que cette sortie était en toute amitié, mais je dois t’avouer que je n’ai plus aucune envie de tenir ma promesse.

Sa grande main d’homme recouvrit la sienne qui reposait sur ses cuisses, embrasant sa peau. Elle non plus n’avait pas envie de tenir cette fichue promesse. D’ailleurs, où était-elle allée chercher cette histoire de « en toute amitié » ? Leur amitié était née de leur attirance mutuelle. Attirance qu’elle n’avait plus la force de refouler en l’instant présent.

Quand elle leva les yeux vers lui, sa décision était prise. 

— Je n’ai pas non plus envie que tu tiennes ta promesse,  souffla t-elle d’une voix rendue rauque par le désir.


Quelques instants plus tard, dans la chambre de Bobby, ils se dévêtaient mutuellement avec une urgence proche de la frénésie . Armelle aurait été incapable de dire comment ils avaient réussi à se contenir jusque chez lui. 

Ils étaient maintenant nus tous les deux, peau contre peau. Chaque courbe de son corps de femme trouvait l’angle qui lui correspondait sur son grand corps d’homme. 

Tandis qu’il s’emparait des ses lèvres dans un baiser dévastateur, Bobby posa deux mains possessives sur le creux de sa taille, pétrissant sa chair tendre, puis descendit sur ses fesses rebondies. Elle se sentit soulevée du sol, et naturellement, noua les jambes autour de sa taille. Un son étouffé s’échappa de la gorge de Bobby comme elle ondulait contre lui, se frottant contre sa masculinité rigide. Il la fit asseoir sur la commode qui jouxtait le lit, collant son front contre le sien.

Excitée comme jamais, Armelle laissa ses mains aller à la découverte de son amant, enfouissant ses doigts dans ses cheveux et caressant les longues lianes souples de ses dreadlocks. Elle se délecta de la fermeté des muscles de ses épaules, de la douceur des poils fins qui recouvraient  la peau de ses biceps. Son odeur boisée lui montait la tête, l’enivrant complètement. 

Bobby captura à nouveau sa bouche, la dévorant comme si sa vie en dépendait. Elle crut défaillir quand il délaissa ses lèvres pour descendre lécher la pointe d’un de ses seins. Elle se cambra, le souffle saccadé. Son désir atteignit son paroxysme lorsqu’il traça une ligne humide de son torse jusqu’à son nombril avant de poursuivre son chemin pour cueillir son nectar intime. Elle hurla de plaisir tandis qu’agenouillé devant ses jambes écartées, il l’honorait de sa langue.

Armelle essayait de retrouver son souffle après un orgasme étourdissant que déjà, Bobby s’était relevé. Il ajusta une de ses jambes contre sa taille et se fraya un chemin en elle, l’embrasant toute entière. De coup de reins en ondulations, il eut tôt fait de la ramener au bord des abîmes du plaisir. Leurs cris se mélangeaient dans la pièce comme il accélérait la cadence. Tout tanguait autour d’elle; elle perdait pied à nouveau. 

Sans se défaire d’elle, Bobby la transporta sur le lit pour continuer sa besogne, méthodiquement, ne lui laissant aucun répit. Avant que la deuxième vague de plaisir ne l’embarque, elle ouvrit les yeux et les plongea dans ses iris sombres. La jouissance les cueillit, implacable. Bobby émit un son guttural en tremblant de tout son corps avant de s’effondrer contre elle.


Les Promesses du Des...