Chapitre 13 : Partir

Ecrit par Alexa KEAS

**** Béatrice ASSOGBA ***


Je vais prendre deux valises dans le magasin, je pose une devant la chambre des enfants et une dans la mienne pour ne pas dire la notre à Bertrand et moi. Je reste debout dans le couloir, ne sachant par où commencer.

Je m'adosse au mûr et repense à cette décision que j'ai prise et je me demande si j'ai bien fait ! Partir est-elle la solution à ce problème ? Bien que je ne compte m'éloigner que deux ou trois semaines pour permettre à Bertrand qui apparemment n'a plus toute sa cervelle, de réfléchir, quelque chose en moi me dit que je fais erreur, que je devrais rester...

Quoiqu'il en soit, je vais d'abord faire ces valises et on verra quand j'aurais fini. Trop grande est cette honte pour moi, trop pénible de rester et d'attendre qu'il se décide à rentrer de chez elle, qu'il ne m'accorde enfin un regard...

Toute en larmes, je vais commencer par la chambre des enfants. Je prends leurs vêtements par hasard que je mets dans la valise tout en pensant à comment leur père n'a même pas eu la présence d'esprit de penser au mal qu'il leur ferait en se laissant ainsi aller avec cette autre femme et détruisant ainsi tout ce que nous avons construit toutes ces années!

Ce n'était pas un travail qui demandait un soin méticuleux de ma part mais je pris deux bonnes heures à faire ces valises que je pose enfin au salon. Les enfants sont déjà rentrés et jouent dans leur chambre ! Sans trop grande explication, je leur ai dit que nous partions rester avec mamie quelques jours à cause de sa santé. Ils étaient contents car ils joueraient avec leurs cousins là-bas.

Cherchant les clés de l'autre voiture avec rage, je n'ai pas entendu son excellence Bertrand arriver. Quand nos regards se sont croisés, tandis qu'on pouvait lire dans le mien de la tristesse mélangée à la colère, le sien était juste vide. Sans m'adresser un seul mot, son regard allait des valises posées au sol à moi.

Nous nous mesurons du regard ainsi quelques minutes avant d'être interrompus par notre fille qui courut dans les bras de son père lui disant que je les emmenais voir leur grand-mère pour quelques jours. Sans même me demander quoique ce soit, il lui dit juste d'appeler son frère et qu'il les emmenait au restaurant. Je n'ai pu rien dire, faisant un effort surhumain pour contenir ma rage et ne pas provoquer une dispute devant les enfants. Ces derniers très contents de sortir avec leur père oublièrent très vite le séjour chez leur mamie et le suivirent non sans avoir demandé si je ne venais pas avec eux. Je réussis à leur dire d'y aller sans moi et que j'avais un peu mal à la tête.
Une fois que j'ai entendu la voiture démarrer et s'éloigner, je criai très fort comme pour évacuer toute cette peine et cette colère en moi...

Qu'est ce qui me faisait plus mal, les mots crus de ce matin ou 'indifférence de tout à l'heure ? Le message était tout de même clair, si je voulais partir j'étais libre mais ses enfants ne bougeaient pas ! Alors nous en sommes réduits à ça ?! En un clin d’œil l'unique lien qui nous unissait était ''les enfants'' ? Mes larmes recommencèrent par couler et automatiquement je me mis par prier et demander à Dieu de me montrer la voie à suivre... Je ne sais pas trop d'où m'est venue cette envie de prier mais au fur et à mesure que je parlais, je me vidais et je me sentais mieux.

**** Bertrand ASSOGBA ****


Regardant avec plaisir mes enfants tout heureux se taquiner devant leurs plats, mes pensées s'envolèrent vers Béatrice. Partie ou restée ? De toute façon c'est son problème. Décidément elle n'est pas faite pour le foyer. Si elle ne crie pas comme une folle sur moi, elle fait ses valises en espérant que je là retienne par des supplications à genou ?!

C'est fini tout ça, l'époque où c'était moi qui courrait tout le temps derrière elle est révolue depuis longtemps. J'ai longtemps supporté ses caprices parce que je l'aimais à la folie et je pensais qu'elle s’adoucirait avec le temps mais j'en ai ma claque à présent de ces comportements d'enfant trop gâté. Je sais que je suis en faute mais elle exagère tout de même, et puis que s'imaginait-elle ? Qu'elle pouvait partir tranquillement avec mes enfants sans que je ne réagisse! Alors là c'est mal me connaître.

Si Madame veut partir, tant mieux et ça me facilitera la tâche mais jamais je ne lui laisserai mes enfants.

-Papa, papa tu m'écoutes ?

La voix de mon fils me retira de mes pensées.

-Oui champion, tu disais ?

-Je disais qu'on devrait prendre quelque chose pour maman !

-D'accord, passes la commande mais finissez vite vos plats, il se fait tard !

-Oui papa ! Répondirent-ils en chœur

De retour à la maison, les valises n'avaient pas bougé de là où elles étaient quelques heures plus tôt mais aucune  trace de Béatrice. Je m'entrepris juste à veiller à ce que les enfants prennent leur douche et aillent au lit. Je leur dis que leur mère devait faire une course rapide et qu'elle ne tarderait pas. Ne se doutant de rien, c'est tout en joie que tous les deux rejoignirent leur lit avant de s'abandonner dans les bras de Morphée.

Je pris ma douche, appelai Flora un moment puis m'installai au salon devant la télé.
Il était 23heures maintenant et toujours pas de Béatrice.

**** Flora ****

-Amouroso Amouroso, oh la vie est belle ! Je fredonne avec joie cette chanson du congolais Papa wemba. Comme je suis heureuse, les choses ne pouvaient pas aller mieux. J'ai convaincu Bertrand de ''nous'' construire pour ne pas dire me construire à moi une petite maison où nous nous verrons en toute tranquillité au lieu de cette petite chambre qu'il a louée. Monsieur m'a fait un chèque de 5millions pour que je trouve un petit terrain de mon choix. La suite il s'en chargera tout seul. Première étape réussie, le sacrifice chez Baba en valait la peine.
Amouroso,amouroso, oh la vie est belle !

**** Bertrand ASSOGBA ****

Je me réveille en sursaut et l'horloge murale affichait deux heures ! Je me suis endormie dans le canapé. Pensant que Béatrice serait rentrée depuis belle lurette, je fus étonnée quand en me levant pour rejoindre la chambre la porte principale du salon s'ouvrit sur elle tenant un sachet noir qu'elle laissa tomber à ma vue. Madame ne s'attendait pas à me voir et pourtant elle devrait ! C'est quand même chez moi ! Elle tremblait comme une feuille sous l'emprise du vent et je ne lui aurais prêté aucune autre attention et serais tranquillement allé me coucher si elle ne s'était pas empressée de dire ''Ce n'est pas ce que tu crois'' pensant que j'avais fait attention au contenu de ce qui venait de se déverser par terre.

L'occasion faisant le larron, je dirigeai alors mon regard sur ce qu'elle avait fait tomber et telle ne fut ma surprise quand mes yeux tombèrent sur ces choses que je croyais que ma femme ne touchait jamais de sa vie. C'était un canari contenant un mélange que je ne saurais décrire, des cauris et le hic, il y avait une photo de moi...

Mon sang ne fit qu'un tour à la vue de ces choses horribles, je ne suis peut-être pas un fervent chrétien mais JAMAIS je ne trempe dans ces histoires de vaudou et ne peut tolérer que ma femme en fasse autant.

Mes yeux brûlaient de colère mais pour ne pas faire un scandale qui risquerait de réveiller les enfants, je dis juste à Béa

-Ramasses tes conneries et fous le camp de chez moi !
Elle ne se le fit pas redire et avec empressement et toute tremblante, elle ramassa ces bêtises de mon salon et prit ses jambes à son coup en larmes.

Après qu'elle soit partie, le sommeil qui me tenaillait tout à l'heure m'avait quitté. Je n'en revenais pas ! Décidément je ne connaissais pas bien celle avec qui je faisais ma vie depuis toutes ces années.

Le coeur ce traître