CHAPITRE 15 : Désillusion

Ecrit par delali

CHAPITRE 15 : Désillusion








Quelques heures plus tard à Cotonou

Kenji et Malik débarquent au Ministère de la Fonction Publique. Il est 3 heures de l’après-midi, et le lieu regorge de monde. Rapidement Kenji accompagne Malik confier son engin au garde vélo. Sans plus perdre du temps, ils entrent dans le ministère et se ruent vers le tableau d’affichage. La visibilité est très pénible, pour cause, le nuage de personne qui cherchent aussi à s’informer au même moment est très épais. 

Kenji reste donc en retrait, et laisse Malik progresser tant bien que mal. Des cris de joie fusionnent çà et là de la foule. Kenji repère un endroit à l’ombre et s’y réfugie. Son cœur bat à tout rompre, ce suspens lui est intenable à la limite. Il a l’impression que son sors, son destin se joue à l’instant même. Lorsqu’il aperçoit Malik revenir de la nuée de personne le visage tout décomposé, il a l’impression que son cœur s’arrêterait de battre. Non, ce ne peut pas être vrai, Malik ne peut faire une tête pareille s’il y avait de bonnes nouvelles. Dès qu’il arrive à son niveau, il lui demande

On dit quoi frangin ?

Malik ne répond rien, il vient juste se mettre à côté de son ami en quête d’ombre. Kenji reprend :

Ne me dit pas que ça n’a pas marché ? redemande Kenji.

Malik acquiesce de la tête en signe d’affirmation.

Non ! Ce n’est pas vrai. Peut-être que tu as mal regardé, je vais revérifier moi-même.

Kenji prend alors l’initiative et se dirige vers la foule. Il bouscule presque quelques personnes pour se frayer un chemin. 

Il ne peut plus compter le nombre de fois qu’il a repassé la liste des admis en revu. A chaque fois, il était persuadé de n’avoir pas bien regardé, il se disait avoir certainement sauté une ou deux lignes lors de la vérification. Il est resté ainsi planté comme un piquet devant la liste pendant des heures à la lire et à la relire, mais il n’y avait pas trace de son nom, ni celui de Malik non plus. Kenji ne sentait plus ses jambes, il avait l’impression de faire un réel cauchemar.

Frangin, viens on part d’ici.

Malik venait ainsi d’interpeller son ami tout en lui posant une main sur l’épaule. Kenji revient brusquement à la réalité, c’est à ce moment qu’il réalise qu’il n’y a plus de monde autour de lui, mis à part quelque trois, quatre personnes qui eux sillonnaient le lieu. Malik reprend :

Kenji, faut qu’on bouge, il est déjà 18 heures.

Kenji se retourne vers son ami et lui dit d’un air scandalisé :

Malik, ce n’est pas vrai. Nos noms ne sont pas là.

Oui Kenji, j’ai remarqué aussi. Viens, on s’en va, répond-t-il de manière très calme.

Non, mais ce n’est pas possible ! Ton type nous avait assuré que…

Chut !!!! Pas si fort, les murs ont des oreilles.

Je m’en fiche Malik ! Que tout le monde entende. Pourquoi nous ne sommes pas admis ? Appel le ! Ap…

Frangin, calme-toi. Ce n’est ni le moment, ni le lieu.

Malik entreprend alors d’entrainer son ami contre son gré vers l’extérieur. Kenji bien que tout retourné, n’a pas opposé grande résistance à suivre son ami. Ceci étant, il continuait toujours de vociférer :

Non, Malik, c’est trop facile, ça ne va pas se passer comme ça ! Appel le ! Qu’il vienne ici ! C’est de l’arnaque ça !

Malik lui rétorque alors tout bas pendant qu’ils arrivaient au niveau du garde vélo :

Et si toi, tu ne te tais pas, c’est pour corruption qu’on va te prendre ! Donc calme toi un peu.

Kenji réalise alors que son ami a pleinement raison et qu’ils ne pourront se plaindre nulle part. Il reprend son sang-froid et lorsque Malik arrive à son niveau avec l’engin, il l’enfourche. Ils prennent ainsi en silence le chemin qui mène à Calavi.

***

Une heure plus tard, Cotonou

Toute l’après-midi a été un véritable enfer pour Marianne. Elle n’aurait jamais imaginé qu’elle se retrouverait dans une situation pareille. Son amie et collègue s’est transformée, l’espace d’une pause déjeuner, en sa rivale. Le pire est qu’elle est obligée de partager le même bureau avec cette dernière. Après leur retour de la maison de Samir, Marianne a dû faire la sourde oreille au bureau par la suite, pour ne pas succomber aux injures, allusions et provocations de Stella. L’heure de la descente a semblé ne jamais arriver pour Marianne.


Finalement elle a réussi à survivre jusqu’à la fin de son service. Elle est maintenant en train de rentrer. Au volant de sa voiture, elle est pensive, elle ne sait plus d’où donner de la tête avec cette histoire. Elle avait sérieusement des doutes en ce qui concerne son fiancé. Aurait-il vraiment été capable d’entretenir une relation avec Stella, son amie et collègue ? Et depuis combien de temps cela dure-t-il ?

Elle se pose ainsi d’innombrable questions jusqu’à arriver à la maison de ses parents. Comme elle s’y attendais, sa mère n’a pas manqué de lui poser des questions sur son air maussade. Cette fois ci, Marianne n’est pas passé par quatre chemins pour dire toute la vérité à sa mère. Cette dernière ahurie, pousse un cri d’affolement, qu’elle étouffe par la suite en posant ses deux mains sur sa bouche.

Ria, tu dis quoi ? demande-t-elle encore pour être certaine.

Tu as bien entendu maman. C’est la nouveauté que Samir a fait sortir.

Sa mère se tait quelques secondes puis dit en étirant le bas de ses yeux par ses indexes :

Tu as vu Ria ? Tu as vu quand je te parle ici tu ne m’écoutes pas. Fait vite pour que le jeune t’épouse, non ! Mademoiselle fait la belle, voilà une autre veut te l’arracher maintenant.

Maman ! Donc c’est encore de ma faute si Samir sort avec ma meilleure amie ?

Meilleure amie ? Celle-là, c’est une sorcière, et c’est parce que toi-même tu es bête qu’elle veut réussir son plan. Et puis, Samir t’a dit que c’est faux non ?

Et sa montre faisait quoi dans sa chambre ?

Qui veux-tu croire ? Ton fiancé ou cette voleuse de mari ?

Marianne fait la moue. Elle ne comprend vraiment pas sa mère. Cette dernière lui trouve toujours tort comme si Samir était un ange dans l’histoire. Elle est en train de ruminer lorsqu’elle reçoit des messages WhatsApp. Elle hésite à y faire attention, les admonestations de sa mère lui pompe l’air à la limite. Les messages étaient si insistants, qu’elle finit par s’y intéresser. Elle voit alors le numéro de Stella s’afficher. Elle ouvre les messages et ce sont des captures d’écran ainsi que des photos. Ces fichiers finissent de couper le souffle à la jeune fille. Sa mère ne se tait pas pour autant.

Je te parle, et c’est le téléphone qui te préoccupe ?

Elle tend le téléphone à sa mère en lui disant :

Regarde maman.

Qu’est-ce que c’est ?

Le Samir que tu défends, regarde ses prouesses avec Stella. C’est elle qui vient de m’envoyer les captures d’écran de leurs conversations, et c’est bien elle ça dans la chambre de Samir non ?

Sa mère se rapproche d’elle pour prendre le téléphone. Marianne le lui laisse et court se réfugier dans sa chambre. Elle se jette sur son lit, aussitôt elle sent que quelqu’un la suit sur ses pas. Elle se dit tout de suite que c’est sa mère. Elle n’en peut plus, elle est à bout, si bien qu’elle ne lui adresse même pas un regard avant de lui dire :

Maman, je suis fat…

Ria, c’est moi.

Marianne reconnait sur le champ la voix de sa petite sœur. Elle lui dit sans se retourner :

Adeline…

Oui.

Tu as tout entendu ?

Oui.

Je t’en prie, ne viens surtout pas me dire que tu m’avais prévenue.

Hum… soupire-t-elle. Ne t’inquiète pas, ça ira.

Marianne se redresse donc et lui fait face. Adeline vient s’asseoir près d’elle sur le lit.

Comment j’ai fait pour ne pas m’en rendre compte ?

Je t’assure que cette fille sent mauvais de très loin.

Elle est mauvaise Adeline.

Mais je te comprends dada. Tu as tellement bon cœur que tu penses que tout le monde est comme toi.

Samir aussi hein ! C’est avec cette putois là qu’il ira te tromper ?? Dit-elle d’un air répugnant.

La porte de leur chambre s’ouvre pour laisser passer leur mère. Adeline se lève aussitôt du lit de sa sœur pour rejoindre le sien. Marianne commence déjà à se préparer psychologiquement à la litanie qu’elle lui a certainement préparée à ce sujet. A leur grande surprise à toutes les deux, leur mère lui tend le téléphone en disant :

Tiens ton téléphone.

Puis elle sort de la chambre sans plus rien ajouter. Marianne soupire en elle-même, elle se dit qu’enfin sa mère comprend à présent la douleur qu’elle peut ressentir.

***

Au même moment à Abomey-Calavi.

Kenji n’a pas le courage de s’aventurer dans la concession familiale. Il ne sait vraiment pas comment annoncer à sa mère que l’opportunité dont il lui avait parlé s’est soldée encore une fois par un véritable fiasco. Il a du mal à se faire à l’idée qu’il est encore obligé de se contenter de la vente des noix de coco pour survivre, il avait tant espéré une porte de sortie par ce concours. 

Se tenant à près de 500 mètres de la maison, Malik et lui tentent depuis plus d’une heure déjà de joindre leur contact qui leur avait promis une admission au concours moyennant une somme d’argent. Mais toutes leurs tentatives se sont soldées par des échecs. Tous les numéros du concernés sonnaient hors de la zone de couverture. Malik tout aussi retourné par la situation raccroche son téléphone pour la énième fois et dit à son ami :

Ecoute frangin, c’est fichu cette histoire.

Facilement comme ça ?

On aura gain de cause nulle part. vaut mieux oublier. Moi je rentre.

Il se met en scelle sur son engin, le démarre quand son téléphone se met à sonner. Très vite il s’en empare pensant que c’est leur contact. Mais hélas non. 

Oui Priscille …. Non pas encore, je rentre de ce pas…. Oui, tu peux venir.  A tout à l’heure.

En raccrochant, il se dit qu’au moins, il pourra noyer son chagrin dans la présence de Priscille. Il s’adresse à son ami avant par la suite avant de démarrer :

Mon gars, je rentre, à plus.

Kenji, d’un hochement de la tête lui dit au revoir. Il regarde par la suite son ami s’éloigner sur la monotone asphalte rouge de la zone d’Abomey-Calavi. Après de bonnes minutes à rester là immobile, il se décide enfin à rentrer. Il se dirige tout droit vers les appartements de sa mère. Voyant sa mine toute déconfite, elle devine ce que son fils s’en va lui annoncer. A sa grande surprise, Kenji se retrouve réconforté par cette dernière. Il lui dit :

Maman, je me sens trop mal. Je voulais te sortir de cette maison et…

Mon fils, ne t’en fais pas pour moi. J’ai vécu ma vie… comme je l’entendais, maintenant, le plus important, c’est toi. Bas toi pour toi, et tu verras que ton moment de gloire viendra tôt ou tard.

Kenji retrouve un tout petit de réconfort et d’espoir en le futur en écoutant sa mère.

***  

Pendant ce temps, à Calavi

Malik gare à peine son engin dans le couloir de la maison lorsqu’il aperçoit son père. Celui-ci semble l’attendre. Il pousse un soupir. Son père et lui ont toujours été très proches, ce qui fait qu’il ne lui cache rien, enfin presque rien. Son père vient à sa rencontre.

Mon petit, pourquoi tu as duré comme ça ?

Ça n’a pas marché papa, dit-il sans essayer de ménager la réponse.

Vraimennnnt, le pays-là a beaucoup changé hein ! C’est parce que je suis longtemps resté à l’étranger que je n’ai plus de contacts dans le pays, sinon j’allais te trouver quelque part.

Malik ne fait que hocher la tête en signe d’accord. Son père s’est développer des relations, seulement que lui ne voit pas l’utilité de ces choses que son père qualifie pourtant d’importantes. Depuis leur enfance en Côte d’Ivoire, il avait l’habitude de lui dire :

Mon fils, c’est important de maitriser le monde spirituel. Une fois que tu y arrives, tu as la main mise sur le monde physique.

Pour ce point de vu auquel il croit fortement, son père n’a jamais lésiné sur les moyens pour mettre cette théorie en exécution. Il faisait des voyages fréquents au Bénin dans ce seul but. Qu’est-ce que cela a pu bien donner au jour d’aujourd’hui ? Se demande Malik. « Des conneries oui ! » Se dit il en son for intérieur. 

Il prend congé de son père.

Bon, papa, je vais dormir.

Ok, dors bien mon petit.

Son père disparait à l’intérieur de la maison, lorsque Priscille arrive. Malik et elle s’enferment incognito dans la chambre du jeune homme.

***

Un peu plus tard dans la soirée à Cotonou

Il est 21 heures 30 minutes lorsque Rose BONOU, la maman de Marianne sort de la chambre à coucher. Son époux, Mr Achille Bonou lui demande :

Tu dis tu vas où à cette heure-ci même ?

Ah monsieur le jaloux, je vais juste à côté. On a une réunion des femmes demain matin à l’église, et je suis responsable des tissus et autres qu’on doit utiliser pour notre fête. C’est ça je vais voir.

Et tu ne pouvais pas faire ça depuis le matin ?

Ah j’ai oublié papa.

En tout cas, fait vite. Je ne veux pas que tu donnes de mauvais exemples aux filles.

Ok papa. A tout à l’heure.

Rose sort de la maison. En effet elle avait une course à faire, mais cela n’a absolument rien à voir avec le groupe des femmes de l’église. Le plus rapidement possible, elle hèle un taxi moto et la voilà partie pour le quartier Zogbo. Elle descend devant une maison on ne peut plus ordinaire. Sans protocole, elle y entre comme une habituée des lieux. Elle se dirige vers la porte principale et frappe. Une jeune fille vient lui ouvrir.

 Papa est là ? demande-t-elle à la fille.

Oui, entrez maman.

Ok. Va lui dire que je suis là.

Elle entre et s’assoit. Sans tarder, le monsieur en question, les cheveux presque tous grisonnant fait son apparition.

Ma fille, sois la bienvenue.

Merci papa. Il faut que je vous voie, c’est urgent.

Ok, suis-moi.

Elle le suit donc en empruntant un couloir qui mène à une chambre isolée dans laquelle se trouve à peine trois chaises et des objets dévots. Une fois à l’intérieur, il lui donne une bougie et lui dit :

Ne me dit rien, c’est à propos de ta fille ?

Oui. 

Ah ! Je vois qu’elle a un problème avec son fiancé, dit-il en fermant les yeux.

Il faut qu’on fasse quelque chose. Vous vous souvenez qu’on a tous fait pour faire briller son étoile afin qu’elle trouve un homme bien et tout ?

Si ! si !

Maintenant que par la grâce de Dieu, son fiancé est prêt à l’épouser, aujourd’hui seulement j’apprends qu’une autre veut lui prendre le jeune. Il faut qu’on fasse quelque chose, cela ne doit jamais arriver… 

Hum … soupire-t-il.

Pas de mon vivant en tout cas !


" Voilà ça ! "
À TOUT PRIX !! - Tom...