Chapitre 15: Mémoire insoutenable

Ecrit par Lalie308

Axa ouvrit la bouche pour parler et encore une fois s'enliser dans le labyrinthe des mystères, mais choisit finalement de se taire. Elle choisit que pour une fois elle n'allait pas demander et attendre que les choses devant être dites soient dites et celles ne le devant pas soient à jamais tues. Elle se concentra à nouveau pour maîtriser tout champ que lui enverrait le corps du jeune Wilniv et nettoya affectueusement sa joue. Il ne riposta pas et se contenta de détourner la tête après l'acte d'Axa. Ils étaient assis, muets comme des taupes et présents dans un silence pesant. Dame rivière et ses vertus apaisantes faisaient sa mission, laissant les deux rejetés se conforter dans un espoir scellé.

*

Il courait, insouciant avec les autres enfants. Ses cheveux bruns, mi-longs étaient en bataille, ses joues rosies et son petit cœur vif. Il lança le ballon au gamin roux en face de lui qui d'un geste rapide, mais maladroit s'en saisit. Une jeune femme rousse se dirigea vers eux, le visage lumineux, ses yeux marron passant alternativement sur les deux garçons.

— Maman ! Cody et moi avons fait égalité, déclara le roux, exposant pleinement ses dents.

 Vous êtes deux champions. Je suis fière de vous, s'enthousiasma la femme en prenant son enfant qui avait couru vers elle dans ses bras.

Le second enfant se tint à l'écart, un sourire timide aux lèvres et observant la scène qui lui faisait chaud au cœur. Il aimait ça, voir des familles heureuses, voir des pères dignes, des mères joyeuses et des enfants comblés. Lui aussi le vivait, mais uniquement dans ses rêves. Lui aussi avait une belle maman, un beau papa, dans ses rêves. Ce que la vie lui refusait se réfugiait souvent dans nos rêves. La jeune femme agenouillée pour être à la hauteur de son fils leva doucement sa tête et fut désolée de voir le jeune brun si seul. Elle ouvrit ses bras et lui signifia de les rejoindre. Le jeune brun hésita, mais ne tarda pas à se jeter dans les bras de la femme qui essaya de lui donner autant d'affection qu'elle le pouvait. Il semblait tout d'un coup plus heureux, au moins un reflet minime de ses rêves se réalisait.

— Papa j'ai joué avec Brad et on a fait égalité. La mère de Brad a dit que nous étions des champions, débita le petit brun en sautant dans la pièce dans laquelle il venait d'entrer.

Il avait un sourire radieux au visage, un visage datant de sept années, un visage marquant l'insouciance et l'innocence. Il observa le grand blond en face de lui et qui lui faisait dos. Ce dernier ne bougea pas d'un poil.

— Papa tu m'entends ? insista-t-il, perdant progressivement le sourire.

L'homme en face de lui se retourna enfin, le visage amer et l'expression impassible.

— Tu n'arrêteras donc jamais de jouer le moins que rien ? Si jeune, mais déjà si inutile, tança-t-il.

Le jeune brun l'observait avec de gros yeux, maintenant intrigué, ne comprenant pas grand-chose à ce que disait son paternel. Mais il enregistrait inconsciemment chacune de ses paroles.

— Tu penses que nous, les Jones avons le droit à l'égalité ? grogna-t-il. Nous sommes au-dessus. Ni en dessous, ni pareil aux autres. Tu dois toujours gagner, jamais être égal ou inférieur. Tu dois écraser tous ceux qui sont sur ton chemin. Ils ne sont rien. Absolument rien.

Il prononça ces paroles avec une haine incontrôlée et serra fermement les poings.

 Je ne vois même pas pourquoi je te dis tout ça. Après tout, tu es comme ta mère, fragile et inutile. TU ES UN HOMME PUTAIN, hurla-t-il, provoquant des tremblements à son fils.

Il avait l'habitude que son père lui adresse toutes ces paroles qu'il ne comprenait pas complètement, qu'il lui dise des choses méchantes et qu'il ne le félicite jamais. L'homme en face de lui semblait tenter de retenir sa colère. Le petit brun ne comprenait rien. Il avait juste joué à égalité avec son meilleur ami et en étant fier. Il aurait préféré que son paternel le félicite et le mette sur ses épaules en chantant ses louanges comme pour ses amis. Il se contenta de baisser la tête et de sortir de la pièce. Il monta dans sa chambre et s'assit contre le mur. Il était si jeune pour connaître la solitude, si immature pour connaître la maturité. Il tira ses genoux contre sa poitrine. Dans sa tête, seules des images revenaient incessamment, des images qu'il ne comprenait pas, mais qui lui faisaient mal. « Lâche-moi, s'il te plait ». Il entendait ces pleurs de femme, des pleurs qui faisaient pleurer son cœur. Il la voyait se faire taper par son père. Il la voyait se faire tirer par ses beaux cheveux bruns, il la voyait pleurer et supplier. Il se voyait immobile et trop impuissant.

Il tapait frénétiquement le sol du pied en se balançant. Il resta ainsi pendant des heures, affamé et triste. Dès que le soleil se coucha, il se leva pour aller dans la cuisine. Il marcha lentement. Au fur et à mesure qu'il s'avançait, il entendait des cris. Dès qu'il mit pieds dans la cuisine, il vit son père tenant fermement le cou d'une femme qui pleurait. Il la tenait fermement contre le comptoir et ses yeux étaient semblables à ceux d'un monstre.

— Merde laisse-toi faire, insistait son père alors que la femme suppliait.

Elle le poussa légèrement et il la gifla. Le jeune brun se sentit sollicité. Il ne voulait plus voir de femme pleurer et se faire frapper sans agir. Il courut vers son père et lui retint le pied. Ce dernier baissa son regard et lui lança un regard noir.

— Arrête papa, tu fais mal à la dame, s'opposa-t-il de sa petite voix.

Son père le poussa violemment contre le sol et il eut très mal.

 Toujours là où il ne faut pas ce fils de malheur, geignit-il en se détachant de la femme qui éclatait en sanglots avant de s'enfuir.

Le jeune brun recroquevillé sur le sol avait mal, mais était fier. Il avait sauvé la dame pensa-t-il. Mais il avait trop mal et se mit à pleurer.

 Bordel, maintenant tu vas pleurer ? continua de hurler son père avant de lui donner un puissant coup dans le ventre.

Il ne cria pas, il ne bougea pas pendant que son père passait toute sa colère sur lui. Le frappant comme une bête et le traitant de tous les noms. « Erreur, tu n'es qu'une erreur »

Cody se leva brusquement, en sueur et épuisé. Ces derniers temps, tout allait de mal en pire dans la cité et dans sa tête. Il revivait de plus en plus ces années de solitude et de souffrance. Il se releva de son lit et s'assit. Des mèches de ses cheveux mouillés, lui tombaient sur le front. La cité n'était plus qu'un merdier. Paul Jones voulait la rendre à son image. Ce qui offusquait le plus Cody était qu'il voulait enlever à des enfants ce qu'il lui avait enlevé plus jeune. Il transformait les enfants en guerriers sans cœur. Il leur volait l'insouciance de l'enfance. Cody mit sa tête dans ses mains, tentant de refréner tous ces souvenirs affreux. Le temps était passé, mais sa blessure au lieu de cicatriser ne faisait que s'ouvrir et se creuser encore et encore plus. Ses souvenirs tels des meurtriers, tel le tueur de vendredi treize étaient à sa poursuite et le harcelaient.

— T'as une de ces mines.

Cody leva la tête pour découvrir son meilleur ami, Brad qui venait de pénétrer dans sa chambre. Ils avaient emménagé ensemble dans la cité. Cody souffla bruyamment et se leva en se dirigeant vers la cuisine. Brad lui emboîta le pas. Ils s'installèrent tous les deux et Cody se servait du lopé.

— Dehors, ça chauffe vraiment, commença Brad assis en face de Cody.

Cody leva le regard sur lui puis le rabaissa.

 Rien qu'hier, tous les enfants qui se sont endormis avant l'heure qu'il avait exigée ont été battus. Vieux désolé mais ton père est fou, continua-t-il.

Cody serra les dents, n'étant pas au courant que les enfants étaient à présent battus. Ils savaient pour les hommes, pour les femmes, mais pas pour les enfants. Il avait tenté de s'y opposer, mais c'était comme si toute la cité avait subi un lavage de cerveau.

— À côté de tout ça, le lieutenant Hongust ne bouge plus de son lit et la petite Axa n'est toujours pas revenue après le massacre de la dernière fois, termina-t-il.

Cody se crispa à l'entente de ce prénom. Il était vrai qu'elle n'avait jamais quitté ses pensées, mais entendre son prénom lui donnait une impression étrange comme si l'espoir qu'il nourrissait auparavant qu'ils se retrouveraient se réduisait au néant.

— Et toi je t'ai demandé le reportage de tout ce qui cloche dans cette foutue prison ? lança froidement Cody.

— Ça ne sait pas remercier, mais ça n'hésite pas à engueuler, rétorqua Brad en levant les yeux au ciel, étant habitué au caractère souvent merdique de Cody.

— Désolé. Je suis sérieusement sur les nerfs ces temps-ci, s'excusa Cody en se massant la tempe.

— Il y a de quoi avec tout ce gros tas de bordel à l'extérieur. Mais t'inquiète frère, je me dis que tout ira pour le mieux à un moment. Il suffirait juste que les autres se rendent compte qu'ils ne sont que des pantins, confia-t-il.

Cody ne releva rien, il en voulait encore moins à Brad de parler si ouvertement de ce qui se passait, de son père qui s'avérait être un véritable monstre. C'était la principale raison pour laquelle il était resté son seul véritable ami depuis l'enfance, il était le seul vrai, le seul qui disait ce qu'il pensait et non ce qu'il voulait bien qu'on pense qu'il pensait. Cody passa son index sur les rebords de la tasse, plongé dans une rêverie passagère.

— La seule qui se foutait de tout ici et qui au moins lui tenait tête c'était Axa. Je me demande bien où elle peut être en ce moment. Peut-être qu'elle a retrouvé ces êtres étranges qui nous avaient attaqués. En tout cas, le bruit court qu'elle est nelcalienne, déclara Brad.

— Possible, répondit Cody de manière détachée.

Il n'aimait pas trop aborder le sujet Axa avec les autres et même avec Brad. Il ne s'agissait pas d'un sujet tabou pour lui, il ne voulait juste pas se prendre la tête.

— Je sais que tu en sais plus sur elle que ce que tu laisses paraître.

— Possible. Mais au final, je ne sais pas grand-chose sur elle. Je sais juste qu'au final c'était la seule âme pure de cette cité, ajouta-t-il.

Brad fit la moue, feignant d'être offusqué.

— Tu me vexes là. C'est plutôt moi. L'innocence incarnée. Je suis mister pureté quand même.

Cody balança simplement la tête face à l'humour mal placé de son ami, mais esquissa tout de même un très léger sourire.

Il ne pouvait pas détacher son regard de ce spectacle désolant. Il était profondément peiné, mais préférait ne rien dire. Ces enfants, pour lui étaient les perdants dans cette histoire. Ils étaient tous en train de s'entraîner à mort. Courant dans tous les sens, à bout. Quel genre de détraqué mental pouvait faire des enfants son armée ? se demandait-il incessamment. Il tenait quand même à être présent, pour éviter des écarts sur les enfants et maintenant pour éviter que quiconque ne lève la main sur eux. Son regard se posa sur deux jeunes garçons qui se battaient dans un cercle virtuel. Il connaissait cela, le premier qui sortait perdait. Il les observait développer cette haine malsaine, cette envie malsaine et impropre de vouloir détruire l'autre. Quelques minutes après pourtant, les deux se retrouvaient hors de cercle.

— Cercle 34, marche nul. Egalité, déclara la voix féminine robotique.

« Papa j'ai joué avec Brad et on a fait égalité. » se souvint-il.

À ce même moment, Paul Jones en personne débarqua avec un fouet en main, prêt à bondir sur ses proies. « Tu penses que nous, les Jones avons le droit à l'égalité ? Nous sommes au-dessus. Ni en dessous, ni pareils aux autres. Tu dois toujours gagner jamais être égal ou inférieur. Tu dois écraser tous ceux qui sont sur ton chemin. Ils ne sont rien. Absolument rien. »

Cody se déplaça rapidement, essayant de passer outre les sensations négatives qui le parcouraient, le rappel de quelques années plus tôt.

— N'ose pas les toucher, siffla-t-il en se postant devant son paternel qui le dévisagea comme s'il était une chose moindre.

« Tu n'arrêteras donc jamais de jouer le moins que rien ? Si jeune, mais déjà si inutile. »

— Défenseur des nuls présent, se moqua Paul en levant les yeux au ciel.

— Laisse-moi leur éviter de finir comme toi, ajouta-t-il avant de pousser Cody et de passer.

« Erreur, tu n'es qu'une erreur ». Une puissante vague de colère le parcourut et d'un geste rapide il attrapa le poignet de son paternel et retira le fouet qu'il balança plus loin.

— J'ai dit ne les touche pas, grogna-t-il.

Il avait prononcé cette phrase avec un calme déconcertant, mais effrayant. Une voix glaciale et sanglante. Paul Jones, le visage à présent très expressif de colère se jeta sur lui en lançant un coup de poing. Cody esquiva sans grande difficulté et lui flanqua un coup sec à la mâchoire. C'était la première fois qu'il levait la main sur Paul Jones. Il ne ressentit pourtant aucune culpabilité, mais au contraire une puissante délivrance et encore plus en voyant la marque rouge saignante présente sur la joue gonflante de Paul. Il respira fortement pour ne pas se jeter sur lui.

— Plus jamais tu ne tentes de lever la main sur moi, avertit-il avant de se diriger vers les enfants.

— L'entraînement est annulé pour aujourd'hui, les enfants allez-vous amuser et les adultes vaquez à de vraies occupations, déclara-t-il à l'intention de la cité.

Paul Jones se nettoya la bouche, fixa Cody du regard. Lorsque Cody se retourna pour l'observer, il s'attarda sur son rictus sadique. Paul Jones avait un léger sourire sadique et plein de mauvaises ondes. Il ne dit rien et se retourna. On disait que le diable aussi pouvait plier en retraite. Et quand c'était le cas, méfiez-vous. Son retour sera impitoyable, sanglant. Le diable ne connaît pas de « f » puisqu'il n'est pas fiable.


Thé bio consommé par les habitants de la cité.


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Hey. Merci de lire cette histoire et de découvrir plus Axa, les humains et les nelcaliens. Un chapitre sur Cody vous en avez pensez quoi?

Que pensez-vous de l'histoire?

Quel est votre personnage préféré?

Avez vous des questions? Si oui lesquelles?






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Lalie




La planète aux yeux...