CHAPITRE 15 : Retour à la vie
Ecrit par delali
Une semaine passe, pas de trace d’Assita, pas de réaction de la part de Kady. Deux, puis quatre semaines toujours la même chose. A ce moment donc, Claudine comprend que Assita a mis à exécution ce qu’elle a dit. Claudine a beau essayé de comprendre, mais elle n’y arrive pas. Comment une mère peut-elle abandonner son enfant ? Comme elle aurait voulu tout donner pour être la mère de cette jeune fille ! Claudine est une dame très posée, âgée de la quarantaine. Elle a très tôt dû commencer à travailler pour subvenir à ses besoins et aussi continuer ses études. Mais malgré ses diplômes, elle n’a pas su se défaire de son métier de gouvernante, parce que celui-ci la rapprochait de ce qu’elle aime beaucoup : les enfants.
Ainsi, quand elle le peut, elle vient passer du temps à l’hôpital avec Kady, elle lui fait la lecture, lui fait sa toilette et passe quelques nuits avec elle. Aussi, elle s’assure que les soins lui sont toujours administrés et règle les frais de l’hôpital. Depuis le départ des SANDOL-ROY, elle n’a pas encore accepté un autre poste dans une autre famille. En réalité, elle veut disposer d’assez de temps pour s’occuper, veiller sur Kady mais aussi réfléchir à comment faire pour mettre sur pied son propre projet.
Le deuxième mois s’écoulera dans à peine deux jours, et toujours rien à signaler, tant du côté d’Assita, que du côté de Kady. Le médecin vient faire son contrôle de routine :
- Docteur, rassurée moi, il y’a espoir qu’elle va se réveiller n’est-ce pas ? Demande Claudine
- Elle est toujours stable, et aussi bizarre que cela puisse paraître, tous semblent normale à présent chez elle, c’est comme si elle dormait.
- Et son bébé ? Il va bien aussi ?
- Il faut qu’on lui fasse une échographie pour cela. Je vais apprêter le matériel.
Claudine s’approche de Kady et lui dit :
- Ah ma petite ! tu trouves pas que t’as assez dormi ?!! Lève-toi maintenant tu sais ton bébé et toi avez besoin de sport ! Et si tu dors trop, on va y laisser toute nos économies ma chérie.
Le médecin lui fait l’échographie, puis quelques touchés et confirme que la grossesse poursuit son cours. Claudine s’apprête donc à retourner à ses affaires quand elle entend une voix :
- Maman Claudine ? … Qu’est-ce que je fais ici ? Il est où Chris ?
- Ma petite !!! tu es réveillée Dieu merci ! Docteur ! Docteur !
Le docteur de garde vient examiner Kady, vérifie toute ses fonctions vitales et confirme qu’elle va bien. Toutefois il juge mieux de la garder encore sous observation pendant quelques jours. Petit à petit, Kady reprend ses esprits :
- Qu’est-ce que je fais ici maman Claudine ?
- Tu ne te rappelles de rien ma chérie ?
- J’ai comme l’impression d’avoir rêvé que … que je suis enceinte, que Chris m’a laissée toute seule et que je me suis sentie mal, très mal après ! C’est un rêve n’est-ce pas maman Claudine ? Tout ça n’est pas arrivé ?!
- Oh ma chérie !!! C’est pour tout ça que tu t’es retrouvée ici !
- J’ai tellement voulu que ce soit un rêve mon Dieu ! … un cauchemar plus tôt !
- Non ma petite ! Assez ! Tu as assez pleuré d’accord ?! Prend courage, lève-toi et bas toi pour ton bébé et toi. Vous le méritez.
Kady pose alors ses mains sur son ventre et remarque par la même occasion qu’il s’est un peu arrondit et durcit :
- Mais … je suis restée ici combien de temps ? Oh mon Dieu ! mes parents ! le mariage ! ma mère ! Je dois rentrer maman Claudine !
- Du calme Kady, ça fait deux mois que tu es ici.
- Quoi !!! Deux mois ?! Le mariage était prévu pour dans un mois !
- Voyons Kady, tu ne peux pas te marier en étant enceinte d’un autre !
- Mais… mais… personne de ma famille ne sais que je suis ici ?
- Repose-toi ma petite pour qu’on puisse vite te laisser sortir, d’accord ?!
Maman Claudine fait tout son possible pour l’empêcher de poser d’autres questions. Elle craint que la petite ne fasse une rechute. Au moins une grande joie anime son cœur, elle est réveillée et hors de danger à présent. Les jours qui ont suivi, Kady est entrée comme dans un mutisme, et ne parle presque plus, si ce n’est que pour le strict nécessaire. Une semaine après son réveille du coma, le médecin l’a déclarée complètement rétablit et qu’elle peut rentrer chez elle. Elle n’a pas grand-chose à emporter. Ses affaires se limitent aux quelques objets de toilette et vêtements de rechange que maman Claudine a pu lui procurer durant son séjour à l’hôpital. Devant le portail de l’hôpital, elle s’adresse à maman Claudine :
- Maman Claudine, …mes parents m’ont abandonnée n’est-ce pas ?
- Ne le voit pas comme ça Kady, tu sais, ils ont leur manière de penser. Je suis sûre que ta mère reviendra à de meilleurs sentiments.
- Ma mère… bien sûr ! Elle voulait que je me fasse avorter, elle s’était mise d’accord avec la mère de Chris. Maintenant que ce n’est pas le cas, j’imagine…
- N’y pense plus ma petite.
- Où est ce que je vais aller maintenant ? Qu’est-ce que je vais faire ?
- Pourquoi crois-tu que je sois là avec toi ?! Et n’oublie pas, malgré tout, Chris t’a laissé de quoi prendre soins de toi. Allez viens, on va à la maison.
- Oh maman Claudine, c’est le ciel qui vous a mise sur mon chemin !
- Non ma petite, c’est plutôt toi que le bon Dieu a placé sur mon chemin pour égayer encore plus ma vie.
Kady s’installe alors chez maman Claudine. Cette dernière vit dans un modeste appartement de trois pièces, mais le confort nécessaire s’y trouve tout de même. L’appartement est composé de deux chambres, un salon et d’une salle de bain. Maman Claudine installe Kady dans la seconde chambre.
Après quelques jours, Kady commence à s’habituer à son nouvel environnement. Elle commence à mieux connaître maman Claudine, la personne qu’elle est au fond. Cela fait deux semaines que Kady vit avec elle. Maman Claudine décide de recommencer à travailler, en attendant que Kady soit au terme de sa grossesse. Kady ne s’est pas sentie le courage de mettre le pied dehors avec son ventre rond, comme si tout le monde saurait qu’elle est une mère abandonnée. Maman Claudine l’encourage au contraire à sortir de l’appartement, ne serait-ce que pour papoter avec les autres locataires de la cité. Heureusement que le quartier qu’elles habitent est très éloigné de celui où ses parents résident, cela lui évite ainsi d’éventuelles rencontres inattendues. Mais Kady le redoute toujours, ce qui fait qu’elle ne sort que lorsque c’est nécessaire. Un matin en s’apprêtant pour le travail, maman Claudine lui parle :
- Tu ne devrais pas rester enfermée comme ça ma chérie, tu as besoin de marcher, ton enfant a besoin de la lumière du jour.
- Oui maman Claudine, mais j’ai tellement honte de porter une grossesse en étant si jeune !
- Quoi ? jeune toi ? Et celle qui le font à 14 ans 16 ans ? Elles sont des bébés alors !
- Mais où est ce que j’irai ? Je connais personne, j’ai plus d’ami. Je ne pourrai pas m’approcher de Fatou avec ce ventre ! encore moins de mes parents.
- J’aime pas te savoir seule, d’accord ! on va faire ceci : tu vas rester très souvent avec Rosine, notre voisine qui a sa boutique tout juste au coin de la rue. Tu vas même l’aider à faire ses activités, ça va te faire de l’exercice.
- Vous croyez qu’elle va accepter ?
- Bien sûr ! je lui parle de ça en même temps. Comme ça je serai un peu tranquille quand je serai au travail.
- Merci beaucoup maman Claudine.
Maman Claudine fait comme elle a dit, et Kady, après avoir fait les travaux domestiques de la maison, va passer le reste de ses journées chez la voisine Rosine. Cette dernière est très joviale et apprécie bien Kady. Elle lui permet même d’assurer son intérim à la boutique lorsqu’elle doit aller au grand marché pour faire le ravitaillement de produits qui manquent en stock. Mis à part les consultations prénatales pour suivre sa grossesse et la boutique de Rosine, Kady n’a plus nulle part où aller. Alors, elle prend plaisir à faire toutes les petites choses de tous les jours, à ne pas se faire du sang d’encre. Surtout lors des consultations prénatales déjà, le gynécologue lui a déjà dit d’éviter le stress parce que sa tension à tendance à vite descendre. Et cela n’est pas du tout conseillé pour une personne normale, encore moins une femme enceinte. Mais ce jour-là, au début de son septième mois de grossesse, elle se sent triste. Elle a commencé à sentir déjà depuis un bout de temps les coups du bébé dans son ventre, cela lui rappelle tellement Chris. Elle repense encore aux bons moments qu’ils ont passés ensemble, à tout ce qu’il lui a promis. Elle en a presque les larmes aux yeux. Tout cela n’a donc été que mensonge ! Plus ses larmes coulent, plus son enfant s’agite dans son ventre. Elle se caresse le ventre, en demandant à son bébé de se calmer, mais cela n’a d’effet que d’accroitre ses pleurs et sa tristesse.
A ces instants ci, Christopher devrait être à ses côtés, mais non, il l’a trahie, a abusé d’elle. Ensuite il l’a abandonnée en la laissant dans une situation où même ses propres parents n’ont plus voulu d’elle. Sa famille lui manque tellement, la maison de sa mère, la chaleur que lui procurait la présence de ses frères et sœurs. L’atmosphère de bien être qui se dégage lorsqu’ils sont entre eux à partager tout et à parler de tout et de rien, lui manque énormément. Elle n’arrive pas à croire que plus aucun d’entre eux ne cherche à savoir ce qu’elle est devenue. Et tout ça à cause de Christopher SANDOL-ROY, à cause de sa progéniture qu’elle porte dans son ventre. Elle en vient à regarder avec mépris son ventre. A cet instant, son ventre se contracte dans un rapide moment, et lui fait très mal, comme si l’enfant a su ce qu’elle ressent à son encontre et s’est recroquevillé sur lui-même. Elle se tient le ventre, un peu affolée, et essaye de recouvrer son calme. De son autre main libre, elle s’essuie les larmes. Heureusement que ce jour-là, Rosine est partie pour sa course habituelle au grand marché, et que c’est une heure assez creuse où les clients n’affluent pas beaucoup à la boutique. Alors tout doucement, elle se caresse le ventre et se met à respirer comme lui a appris gynécologue lors des consultations prénatales. Les quelques minutes qui ont suivie, son ventre se détend et elle entreprend de faire des petits aller-retours dans la boutique pour se calmer et penser à autre chose. Elle est interpellée par des clients qui viennent d’entrer dans la boutique :
- Bonjour madame ! vous avez du riz parfumé ?
Très vite, elle se refait une contenance et fait face aux clients :
- Oui ! il y en a. Venez, je vous montre les différentes qualités qu’il y a. Répond Kady en prenant la direction du rayon de riz.
- Kady ? C’est toi ?
Lorsqu’elle entend son nom de la bouche de ces personnes, elle se retourne pour leur faire face et reconnait des amies de classe : Julie et Stella :
- C’est bien elle ! dit Stella à Julie
- Bonjour les filles. Répond Kady
- Eh ben dit donc ! Qu’est-ce que tu fais ici ? demande Stella
- … j’aide madame Rosine dans sa boutique.
- Ok, tu t’es plus inscrite à l’université on dirait ? En la narguant carrément.
Kady fait celle qui n’a pas entendu la question et détourne leur attention :
- Vous voulez combien de kilos de riz ?
Les deux amies se regardent un moment puis Stella reprend :
- Donnes 3 kg.
- Ok.
Kady s’éloigne pour servir la marchandise. Les deux amies se mettent donc à chuchoter entre elle, mais à voix presque haute, de telle sorte que Kady entend ce qu’elles se disent :
- Stella ma chérie, moi qui me plaignait que notre bac n’a pas marché là, franchement, c’est mieux que « d’avaler crapaud » dèh ! Dit Julie
- Vraiment hein ! En plus on dirait que l’enfant-là n’a pas de papa hein !
- Ah bon !? C’est bien fait pour elle ! C’est pas elle qui jouait à la go sexy !
- Oui, parce que je connais la propriétaire de cette boutique, elle n’a pas de fils. Elle n’est pas de la religion de cette fille aussi pour qu’on dise qu’elle est venue se marier. Et ici là, c’est pas chez ses parents, donc elle fait quoi ici, si c’est pas que grossesse-là n’a pas de papa et qu’on l’a foutue à la porte. Ces gens-là s’amusent pas oh !
- En tout cas, c’est bien fait ! Comme ça, elle va plus s’approcher de mon gars.
Kady fini de servir la marchandise, revient vers elles et le leur donne :
- Euh, on veut aussi du sa…
- Il n’y en a pas, c’est fini ! Répond Kady sur un ton sec.
Elles comprennent alors que Kady à certainement entendu ce qu’elles se sont dites entre elle. Elles payent donc l’addition et s’en vont sans une autre forme de procès.
Juste après leur départ, il y a eu plein d’autres clients qui ont voulu différents articles, de telle sorte que Kady n’a pas eu le temps de repenser à ces commères. Le soir n’est pas très loin non plus, Rosine arrive et prend la relève. Kady rentre et cuisine pour attendre le retour de maman Claudine. Lorsque celle-ci arrive, la soirée se déroule dans le train-train habituel, seulement que ce soir-là, Kady est restée très silencieuse. Après ses dernières tâches, elle rejoint donc son lit. Le seul endroit où elle arrive à vraiment se reposer et laisser libre court à ses émotions.
Un autre jour se lève comme à l’accoutumé, Kady et maman Claudine se lèvent pour les préparatifs habituels mais ce matin-là, Kady semble ne pas vouloir se hâter. Après le petit déjeuner, maman Claudine est prête à partir :
- Tu te sens bien Kady ? je te trouve bizarre depuis hier soir.
- Je vais bien maman Claudine, ne vous inquiétez pas.
- Ok. A quelle heure tu rejoins la boutique ce matin ?
- Je n’y vais pas, je suis fatiguée.
- Fatiguée ? Pas trop j’espère, tu as pris tes médicaments ?
- Je suis fatiguée de ça aussi ! Je ne veux plus les prendre !
- Mais qu’est-ce que tu as mon enfant ?
- Je ne veux plus de cette grossesse aussi ! Je voudrais que cette enfant disparaisse de mon ventre ! Répond-t-elle avec rage.
- Ne dis pas ça ma chérie ! Tu vas faire du mal à ton bébé.
- Je ne veux pas de ce bébé ! Continue-t-elle commençant à pleurer à chaude larme : Je ne veux pas de lui ! A cause de lui je suis la risée de tout le monde…
- Arrête ça Kady, calme-toi.
- A cause de ce bébé, ma famille m’a rejeté, ceux qui me connaissent se moquent de moi…
Elle parle avec force et en pleurant, comme si elle est en train de libérer toute la douleur qu’elle a sur le cœur :
- A cause de cette grossesse plus personne ne m’aime ! Et tout ça c’est de la faute de Chris !
” Hum... À vous la parole »