CHAPITRE 16 : La délivrance

Ecrit par delali


Cette crise soudaine de Kady finit de rendre Maman Claudine anxieuse. Elle ne sait pas quoi faire pour la calmer. Plus elle la regarde et l’entend se défouler, plus elle se remémore la scène de son évanouissement lorsqu’elle a appris que Christopher était parti. Il faut alors qu’elle réussisse à la calmer. Il n’est pas question qu’elle revive un pareil moment ou pire encore parce que sa tension lui aurait jouer des tours entre temps. Pendant que maman Claudine réfléchit à quoi faire, Kady continue dans son monologue :
- Ce lâche m’a mise enceinte et m’a abandonnée ensuite ! …. Je te déteste Chris, je te déteste ! … maudit soit ce jour où je t’ai rencontré pour …
Elle n’a même pas eu le temps de terminer sa dernière phrase quand maman Claudine lui assène une bonne gifle sur la joue. Cela eu l’effet désiré, elle se tait sur le coup, se tient la joue et regarde maman Claudine. Celle-ci reprend :
- Ça suffit Kady !! Tu m’entends, ça suffit !!! Arrête de maudire le monde entier. Christopher t’a forcée peut-être ?!
Kady ne dit plus rien :
- Tu aimais bien ça hein ?! Quand il te faisait l’amour, tu aimais bien ça n’est-ce pas ?! Alors maintenant que tu es enceinte arrêtes de pleurnicher sans arrêt !
Kady baisse le regard et se mets à sangloter, mais au moins elle est beaucoup plus calme. Maman Claudine l’attire à elle par la suite et la prend dans ses bras, parce qu’elle a du chagrin pour elle :
- Je sais que c’est pas facile ma chérie, mais tu dois être forte. Chercher à aller de l’avant. Ce bébé n’a pas demandé à être conçu, ne mets pas ta frustration sur lui d’accord ?
- … ma famille me manque… mes amis me manquent… dit-elle entre deux sanglots.
- Je sais ! Je sais ma chérie. Regarde-moi dans les yeux.
Ce que Kady fait les larmes aux yeux :
- Je sais exactement ce que tu ressens. Je suis passée par là moi aussi.
- Quoi ?
Elle prend une profonde inspiration et commence sa narration :
- J’étais juste un peu plus âgée que toi, en années universitaire dans le centre du pays. J’ai rencontré Prince, ce fut le coup de foudre entre lui et moi. Notre idylle a duré trois ans et demi, ma famille ne voulait pas de lui, à vrai dire je n’ai jamais su pourquoi et ils m’ont demandé de choisir entre eux et lui. Je me suis alors éloignée d’eux parce que j’aimais Prince comme une folle. Mais dès que j’ai su que j’étais enceinte et que je le lui ai dit, c’est alors que mon cauchemar a commencé. Il a disparu de la circulation, sans laisser de trace. Je ne pouvais plus retourner vers mes parents à ce moment-là, parce que je mourais de honte. Tous nos amis m’ont abandonnée, personne ne voulait me soutenir…
Elle essuie une larme qui perle au coin de ses yeux :
- Qu’est-ce que vous avez fait ? Où est votre enfant ? demande Kady.
- La seule amie qui est restée me soutenir à l’époque m’a conseillée de ne pas garder cette grossesse. Que sinon en le faisant je gâche toute mes autres chances de me remettre en couple avec un autre homme. J’étais à deux mois et demi de grossesse. Alors je l’ai écoutée, j’ai décidé d’avorter et de reprendre ma vie comme si de rien n’était. Malheureusement pour moi, je suis tombée sur un charlatan qui a endommagé mon utérus à vie…
- Oh mon Dieu !!!
Maman Claudine reste silencieuse pendant de longues minutes, Kady non plus ne dit mot, puis elle reprend :
- J’ai commis la plus grosse erreur de ma vie ce jour-là Kady… j’aurais dû garder mon enfant, il m’appellerait maman aujourd’hui… après l’avoir fait, je n’ai non plus pas eu de chance de me remettre avec quelqu’un d’autre. Qui voudrait d’une femme stérile !?!
Kady oublie de ce fait sa propre peine et compatie avec elle :
- Yako maman Claudine, …. Je savais pas que ce genre de chose vous était arrivée.
Elle s’essuie les larmes et sourie en coin :
- C’est normal ! C’est la première fois que j’en reparle depuis cette époque. Le jour où Christopher t’a abandonnée, j’ai cru que je revivais ma propre histoire. Alors je me suis dit qu’il ne fallait pas que je te laisse commettre la même erreur que moi, parce que je savais ce qui t’attendait…
Kady s’essuie le visage et dit :
- Pardonnez-moi pour ma crise de tout à l’heure…
- C’est rien ma chérie, l’essentiel est que tu sois calme à présent et que tu comprennes que ce n’est bon que tu te mettes dans un tel état.
- Ok. C’est qu’hier, à la boutique j’ai croisé deux anciennes amies de classe. Elles se sont moquées de moi et ont dit que mon enfant n’a pas de papa.
- N’y fait pas attention ! Tu connais oui ou non le père de ton enfant ? C’est tout simplement qu’il n’est présent, sinon, oui ton enfant a bien un père. Alors si tu rencontres encore une fois une de ces filles qui veulent te narguer, montre-leur à quel point toi tu as été courageuse en assumant ta grossesse. Tu n’as pas opté pour les solutions de facilité et de lâches qu’est l’avortement ! D’accord ?
- D’accord ! Merci maman Claudine.
- Ok, maintenant prépare toi à aller à la boutique, moi je suis en retard pour le travail.
Kady prend le chemin de sa chambre pour obtempérer, maman Claudine l’interpelle :
- Eh ma petite, ce n’est pas parce que j’ai dit que ce n’est pas grave que tu vas me refaire une crise pareille hein !
Kady se met à sourire et répond :
- Ok, j’ai compris.
Elles sortent toutes les deux de la maison, une fois au bout de la ruelle où elles doivent se séparer, Kady pose une question :
- Dite maman Claudine : depuis tout ce temps, vous n’avez plus jamais revue … Prince ?
- … plus jamais ma fille….
Kady pousse un profond soupir, passe la main sur son ventre, et fait la bise d’au revoir à maman Claudine avant de continuer son chemin pour la boutique de la voisine Rosine. Mais maman Claudine lui dit avant de partir :
- Mais ne sois pas triste ma petite, je prie le ciel qu’il ne permette pas que cela t’arrive. Je garde dans un coin secret de mon cœur que Christopher a une explication qui tient la route.
- Je crois qu’il voudrait mieux pour moi que je l’oubli, il n’en vaut vraiment pas la peine.
Suite à cette discussion qu’elle a eu avec maman Claudine, Kady s’est sentie comme remontée, pleine de force et détermination. Elle arrive à la boutique, prête main forte à Rosine dans la gaieté et la bonne humeur. Cette dernière profite pour lui réitérer son invitation à venir à son culte religieux avec elle. Chose curieuse Kady a accepté ce jour-là à la grande surprise de Rosine d’ailleurs :
- Eééh Dieu merci oooh ! Tu as touché le cœur de la petite là !
- Hummm ! Tanti Rosine, c’est pour ça que vous êtes contente comme ça ?
- Trop même ma chérie. C’est lui qui nous donne la force de faire tout ooh ! Donc faut t’apprêter, on va aller danser et louer le Tout Puissant.
- D’accord tanti.
Alors le weekend end qui suit, avec la permission de maman Claudine, Kady suit sa première séance d’adoration avec Rosine et elle y prend gout. C’est alors une activité qui entre dans son programme habituel, de telles sortes qu’elle ne voit même pas le temps passer.
***
Ce matin-là, Kady s’est levée difficilement du lit, un mois et demi se sont écoulés et maintenant son ventre donne l’impression de vouloir exploser. Cela lui fait de plus en peur. Malgré les nombreux conseils et assurance que lui a donnée le gynécologue, elle redoute toujours le moment fatidique. Elle redoute la douleur que les femmes déjà expérimentées lui ont racontée quant au moment de la délivrance. Elle a lu beaucoup à ce sujet, suit les conseils et recommandations des agents du corps médical, mais cette peur ne la quitte pas. Durant les derniers jours passés, elle a plus d’une fois rêvé d’être avec Christopher durant tout le long de sa grossesse jusqu’au jour de son accouchement, puis elle se réveille et revient à la réalité. Elle réalise que c’est cette sensation d’être avec lui qui parvient à la rassurer un tant soit peu. Ce matin-là, très tôt déjà à l’aube, elle a senti son bébé s’agiter un peu plus que d’habitude, mais ne s’en est pas trop inquiétée puisque quelque temps après il était déjà calme. Elle parvient tout de même à se tirer du lit pour regagner le salon et se rend compte que maman Claudine a déjà accompli toutes les tâches ménagères à sa place :
- Mais maman Claudine, il fallait me réveiller j’allais faire le boulot.
- Ah ! ah ! ah ! Tu t’es regardée, on dirait une baleine. Et en plus tu sembles oublier que c’est plus que mon métier.
- J’ai les pieds tellement lourds ce matin.
- Ah bon ?! Repose-toi alors.
Kady reprend le chemin de sa chambre, une fois devant sa porte, elle sent un liquide tiède lui couler entre les jambes. Toute de suite elle s’affole, jette un coup d’œil au liquide, voit qu’il s’agit certainement de la perte des eaux dont on lui a tant parlé pendant ses consultations prénatales. Le gynécologue a beaucoup insisté sur le fait qu’elle garde son calme lorsqu’elle s’en apercevra. Elle se retourne vers maman Claudine quand elle ressent la première contraction. Elle se plie en deux de douleur et l’interpelle :
- Mamaaaan Claudine, … je crois que c’est l’heure !
Celle-ci s’affole, ne sachant dans quel sens aller en premier. C’est le crie perçant de Kady qui l’a fait regagner son calme :
- Maman Claudine !!! Ne me rendez pas encore plus nerveuse avec votre affolement. C’est moi qui suis enceinte je vous signale.
- Ok ! ok ! Ma chérie ! Respire comme te l’a appris le gynécologue, je vais chercher le sac du bébé et on y va.
Cela n’a pas pris plus de vingt minutes. Toutes les deux sortent de la maison, prennent le chemin de l’hôpital. En route elles rencontrent même leur voisine Rosine qui décide de les accompagner. Après avoir roulé en taxi un court moment qui a semblé être une éternité pour la parturiente, elles arrivent enfin à la maternité de la ville. Kady est prise en charge. Le fait que pendant sa grossesse, elle a été de tout temps active, a été bénéfique pour elle. Cela lui a en quelque sorte évité d’être obligée de faire le tour de la maternité à pied en plein travail comme c’est le cas pour certaines femmes ce jour-là. La délivrance tarde à venir pour ces dernières.
Au bout de deux heures, les contractions de la jeune fille deviennent de plus en plus rapprochées. La douleur se démultiplie par un nombre qu’on aurait qualifié d’indéchiffrable. Elle ne sait plus quelle posture adopter. Elle n’arrive ni à rester debout, ni à s’assoir, encore moins à se coucher, elle ne sait plus où se mettre. Elle a de tout temps eu conscience qu’être en travail est douloureux. Mais elle ne s’est jamais imaginée qu’elle aurait mal jusqu'à ne plus se sentir présente dans son propre corps, comme si son cœur allait lâcher. De tout temps que cela dure, maman Claudine et la voisine Rosine sont à ses côtés, la soutiennent avec des paroles réconfortantes :
- Sois forte ma chérie !! Sois forte ! Ta récompense est au bout… lui dit entre autres maman Claudine
Malgré la douleur insupportable que le travail lui inflige, elle s’arme alors de courage. Au bout de l’heure suivante, son col est enfin complètement ouvert. La sage-femme de garde ainsi que ses aides l’aident et la délivrance est fin là sans aucune complication. Kady entend les petits cris de son bébé et sent un soulagement envahir son corps. Une joie immense la submerge et elle coule quelques gouttes de larmes :
- Félicitation mademoiselle, c’est un garçon ! lui dit la sage-femme.
Ensuite on lui met son bébé dans les bras pour quelques secondes avant de l’emporter pour le nettoyer. On fait de même pour Kady elle-même, on s’assure que tout va bien, et on lui attribue un lit pour quelques heures d’observation.
Kady s’impatiente, son bébé n’est toujours pas encore revenu près d’elle. Maman Claudine et Rosine essayent de la calmer :
- Aïe ma chérie, patience ! Ton bébé sera là maintenant ! lui dit la voisine Rosine.
Elle termine à peine sa phrase quand l’infirmière entre dans la salle avec le bébé. Kady est si pressée qu’elle tend déjà les bras pour le recevoir. On lui dépose le bébé entre les bras :
- Regardez maman Claudine !!! Regardez comme il est beau mon garçon.
- Oui j’ai vu ma chérie. Tu as vu ma chérie qu’il panse des douleurs…
- Oui maman Claudine, vous aviez raison, il apporte comme un baume à mon cœur. Merci maman Claudine, merci pour tout ce que vous avez fait pour moi. Dit-elle
- De rien jeune fille ! Maintenant tu peux me le donner ? Je veux le tenir un peu.
- Non !! Laissez-le-moi encore un peu. Répond-t-elle en resserrant son bébé contre sa poitrine.
Rosine et maman Claudine pouffent de rire ensemble :
- Mais Kady, on ne veut pas te le voler ! Et puis tu as toute la vie devant toi pour le serrer dans tes bras comme ça.
Kady aussi se met à rire, et finit par leur remettre le bébé. D’abord à la voisine Rosine qui le tient un bout de temps. Elle commence à lui faire toutes sortes de prières de bénédiction pour lui souhaiter la bienvenue au monde. Puis elle le remet à maman Claudine qui est toute émue de tenir un bout de chou pareil dans ses bras. Elle le tient si tendrement contre elle, et se met à lui chanter des berceuses. Au bout de quelques instants, il semble s’endormir, puis il se met à pleurer :
- Ah ça, c’est l’heure de sa tétée ! affirme Rosine.
Kady le récupère et commence à lui donner le sein. Pendant qu’il se nourrit, Kady l’observe. Il est tout petit contre elle, tout rose et si fragile qu’elle resserre son étreinte autour de lui comme pour le protéger du monde extérieur. Tout en l’observant, elle se rend compte en son for intérieur à quel point il ressemble à son père :
- Il ressemble à Christopher n’est-ce pas ?!! Lui dit maman Claudine comme si elle a lu dans ses pensées.
Kady acquiesce de la tête, sans mot dire, puis retourne à sa contemplation :
- Tu as réfléchi à comment tu comptes l’appeler ? Lui redemande maman Claudine
- Non pas encore …


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L'enfant de la Honte...