Chapitre 16
Ecrit par Annabelle Sara
Véronique
Ma mère était furieuse.
Elle me criait dessus. Voilà déjà trois semaines que Paul a quitté la maison,
trois semaines que je me torturais moi-même pour ce qui s’était passé cette
nuit là. J’avais cru désamorcer un problème alors que j’avais techniquement
aggravé la situation. Je ne sais même pas si je vais réussir à régler toute
cette situation que j’avais occasionné en avouant à mon mari que les enfants
qu’il chérissait et pensait être les siens ne l’étaient pas !
Ma mère avait appris
par le biais de ma sœur bien-aimée, que mon mari avait déserté le foyer et que
si ça se trouve il ne reviendrait pas. J’étais énervée contre ma sœur, pas
parce qu’elle avait raconté un secret que j’aurais préféré que ma mère
n’apprenne jamais, mais parce qu’elle se permettait de pronostiquer la fin de
mon mariage comme si elle connaissait les contours de notre vie de couple. Je
lui ai déjà dit que son esprit défaitiste elle devait le garder pour elle.
-
Tu es quel genre de fille
Véronique ? On te parle tous les jours tu ne comprends pas ?
Ma mère était
réellement hors d’elle, elle me regardait avec ces yeux qui disent :
est-ce que c’est moi qui ai accouché cet enfant ?
-
Depuis le début de ton mariage je t’ai
dit où se trouvait ta place, comment tu devais traiter ton époux… Mais tu ne
m’écoutes jamais ! Tu n’en fais qu’à ta tête. Voilà le résultat de
l’histoire !, gronda-t-elle une fois de plus. Tu n’acceptes jamais de te
remettre en question, jamais de te sacrifier pour que ton foyer soit dans la
paix ! Tout le temps des tensions…
-
Mama comment tu peux dire que je ne me
sacrifie pas pour mon foyer ?, lui ai-je demandé piquée à vif.
-
Tu fais quoi ma fille ? Dis-moi !
Quand elle a ce ton il
vaut mieux ne pas répondre, j’ai donc détourné la tête en piaffant en silence.
-
Tu tires ta bouche là devant moi parce
que je mens ? Dis-moi en quoi tu t’es sacrifiée un jour pour Paul ?, fit-elle
en tapant ses mains devant mon visage. Cuisiner tu as refusé d’apprendre même
pour lui faire les plats qu’il aime, Ton travail et tes business toujours avant
lui…
-
Mama ce que j’ai fait pour Paul est bien
plus important que tout ce que tu me cites là ?
-
Ah bon !, cria-t-elle. Qu’est-ce
qui est plus important que de cuisiner pour ton homme ?
-
L’aider à réussir, à briller au milieu
de sa famille, de ses collègues et de la société…
-
Tout dans le paraitre !
-
Mama ne dis pas ça !
Elle éclata de rire.
-
Paul a brillé noooo… il est où
aujourd’hui ? Il vient se rendre compte à la dernière minute que sa femme
le trompe depuis des années que ses enfants ne sont pas…
-
Ce sont les siens !, ai-je coupé.
Il les a élevés et éduqués, personne ne peut venir revendiquer quoique ce soit
devant lui… Si Paul n’avait pas eu ses enfants toi-même tu sais que sa famille
n’allait pas nous laisser et si quelqu’un parmi eux savait qu’il ne peut pas…
Ils allaient bien le piétiner ! Si j’ai fait ça c’est pour lui
d’abord !
Elle me regardait et
elle savait que je disais la vérité, elle comme ma sœur avait vécue le calvaire
que Paul et moi avons subi au début de notre relation, je n’avais pas de
belle-mère, mais j’avais une belle-sœur ouragan qui mettait le feu partout où
elle passait. J’avais à cet époque un beau-père d’une intransigeance et d’une
dureté inimaginable, Paul ne parlait même pas à son père tellement il le
redoutait. Il disait oui à tout, je ne veux même pas parler des autres membres
de la grande famille qui le ridiculisaient à chaque occasion, lui donnant des
noms d’oiseau juste parce qu’il était l’enfant de l’autre femme.
-
Oui j’ai gardé cela secret depuis des
années, oui je ne lui en ai pas parlé, mais je voulais le protéger, protéger
notre foyer de tous ces gens… Vous ne comprenez pas ?
-
Et tu penses qu’il n’aurait pas voulu
aussi te protéger et votre foyer ?, murmura ma mère en me regardant droit
dans les yeux.
J’avais peur qu’elle se
mette à pleurer, ma mère avait certaine tendance émotive.
-
Est-ce que tu sais ce que je te
reproche ? Est-ce que tu comprends ce que je te reproche ma fille ?
-
J’ai fait des enfants dans le dos de mon
mari…
-
Non ! Tu lui as dit que tu lui
avais fait des enfants dans le dos pour
conserver ta place d’autorité dans la vie de cet homme !
Je ne comprenais rien à
ce qu’elle disait.
-
Tu aimes être celle qui détient les
commandes, mais tu oublies que ton foyer ce n’est pas une entreprise que tu
créer ! Tu as fais ces enfants pour protéger Paul, contre les mauvaises
langues de sa famille et maintenant que tu as balancé devant sa sœur qu’il est
stérile tu l’as protégé où tu l’as exposé ?
-
Hum, fit Armelle en portant sa tête dans
sa main pour me regarder comme si elle est dépassée.
-
Ne fais pas hum… ça c’est ta
faute !
-
Ekieu ? J’ai fait quoi Mama ?,
demanda Armelle en levant les mains en signe d’innocence.
-
C’est toi qui as contaminé l’esprit de
ta sœur durant des années, avec ton mariage bancale là ! Tu as passé ton
temps à te plaindre de ci et de ça chez ta sœur, résultat elle est incapable de
faire confiance à son mari… Lui as-tu un seul jour raconté les bons jours dans
ton couple ? Lui as-tu dis pourquoi malgré le fait que ton mari est un
salopard et je reconnais que c’est un salopard tu continues de le
supporter ? Non.
-
Mama…
Elle coupa ma sœur d’un
geste de la main.
-
Tu es sa sœur ainée, elle te voit
souffrir comme tu souffres sans rien dire ni rien faire à ton avis elle va
faire quoi ? Développer un système de défense contre Paul, se comporter
comme une amazone avec lui au lieu de se retourner contre l’ennemi commun…
-
Je ne sais pas comment l’autre ci est
devenue mon problème !, fit ma sœur.
-
Non, mais tu étais là le jour où elle a
reçu les résultats des examens de son mari, tu savais qu’elle allait faire une
FIV avec un inconnu… Tu étais là lorsqu’elle a allongé sa bouche pour dire à
son mari qu’il est stérile ! A quel moment exactement tu as réagis ?
Ma sœur était bouche
bée.
-
Tu ne dis jamais à ta sœur comment ton
mari prend ta défense auprès de ses sœurs, si elles ont même changé
dernièrement c’est parce qu’il les a menacé de leur couper les vivres si elles
te manquaient encore de respect. Si tu ne fouillais pas durant des mois les
affaires de ton mari tu n’aurais jamais su qu’il te trompait, il a empêché sa
maitresse de porter plainte contre toi parce que tu l’as agressée… Il y’a
tellement de chose que tu oublis de dire à ta sœur… Mais dès qu’on te fait une
petite remarque c’est chez elle que tu viens pleurer, sans jamais dire comment
ton mari a réagi en prenant ta défense !
J’étais abasourdi en
entendant ma mère dire tout cela, ma sœur ne me racontait donc qu’une partie de
la réalité de son couple. A croire que si elle noircissait son quotidien elle
aurait plus de sympathie.
-
Véro, le mariage ce sont des sacrifices,
je ne refuse pas que tu avais envie de protéger ton mari en lui mentant, mais
tu aurais dû le faire jusqu’au bout ! A défaut de lui en parler au départ
mieux tu allais avec ce secret à la tombe…
Je la regardais et je
comprenais ce qu’elle me disait. J’ai plus meurtri Paul avec la vérité que je
ne l’avais fait avec le mensonge !
Noura
J’étais assise et
j’attendais avec appréhension le verdict, je ne sais pas pourquoi j’attendais
puisque je savais exactement ce qui allait se passer. Mais cette sensation
d’inconnu continuait de me tenir les entrailles. J’avais beau avoir au fond de
moi cette voix qui me murmurait : Tu sais déjà, le doute ne me quittait
pas.
Mon mentor avait le
sourire, depuis ce qui s’était passé dans sa chambre il y a trois semaines,
elle a se sourire sombre qui ne quitte pas son visage. Ce sourire qu’il y’ a un
mois de cela je trouvais captivant, aujourd’hui je déteste ce sourire, à un
moment il me faisait peur, il me donnait des sueurs froides mais là j’avais
juste envie de le lui effacer de son visage.
Je ne pourrais pas le
faire de mes mains, ce serait du suicide de lever ma main sur cette femme, pas
parce que je ne pouvais pas la battre comme un serpent mais parce qu’elle est
bien entourée, elle ferait disparaitre mon cadavre dans une des décharges des
environs de Yaoundé, ou même carrément dans le lac municipal, me mêlant aux
déchets qui pullulent dans ces eaux obscures.
Elle avait l’enveloppe
dans les mains, elle le déchira et mon cœur s’arrêta de battre pendant qu’elle
parcourait la feuille en deux secondes.
-
Tu peux m’expliquer ?
Demanda-t-elle en levant brusquement des yeux surpris sur moi.
Le sourire avait
disparu.
-
Je ne comprends pas, ai-je menti.
-
Noura je ne suis pas d’humeur à rigoler
avec toi… Tu as pris une pilule du lendemain ?
Son regard s’était
assombri et c’est à ce moment que j’ai compris que je devais arrêter de
continuer à me fourvoyer avec cette femme, je suis son esclave, qu’elle s’était
payée à prix d’or dans la rue. Elle avait vu en moi un pion facile à manipuler
et à tromper pour m’envoyer en mission suicide.
-
Je n’ai rien pris… Je vous rappelle que
je suis enfermée ici depuis le jour où votre gorille m’a violé !
-
Alors tu peux m’expliquer ?,
fit-elle en balançant l’enveloppe dans ma direction.
Je n’avais plus besoin
de les lire, je savais ce que ça disait et je savais aussi ce que cela
impliquait pour moi.
-
Il n’avait jamais été question de tomber
enceinte… Et je vous l’ai rappelé…
-
Ce n’est pas toi qui décides de comment
les choses se passe ici ! C’est moi qui te dis quoi faire ! Et si je
te demande d’écarter tes cuisses pour mes gorilles tu t’exécutes !
Sa voix était ferme,
elle ne demandait pas mon avis, c’était elle qui avait les droits dans cette
histoire.
-
Tu m’as menti ! Tu n’étais pas en
période d’ovulation…
-
Je n’ai pas menti !
-
Alors explique-moi ce qui s’est passé
pour que tu ne sois pas enceinte aujourd’hui ?, cria-t-elle en tapant la
main sur la table.
-
Je l’ai déjà dit ! Je l’ai pleuré
encore ce jour là mais ce n’est pas votre problème…
-
Je veux donc que tu me dises ce qui
s’est passé !, me coupa-t-elle. Dis-moi ce qui s’est passé !
-
Je ne peux pas avoir d’enfant… J’ai été
violée à 10 ans par une bande de 4 types qui m’avaient surprise tard dans la
nuit derrière la tribune présidentielle au boulevard, ils ne m’ont pas fait de
cadeau… Mon… Mon appareil génital ne peut plus accueillir un fœtus !
C’était déjà un miracle que je survive à ça !
Son regard était froid
et impassible, je venais de lui raconter encore une fois une expérience
difficile pour moi et ne trouvait rien de bon à dire.
-
Si seulement ça avait été la seule
expérience de viole de ta vie, commença-t-elle. Si c’était le cas tu aurais
surement pu m’émouvoir !
Elle avait de nouveau
son sourire.
-
Tu devrais déjà être habitué à te faire
prendre de force comme une chienne dans la rue ma fille… Sèches moi ces larmes…
ce n’est pas l’émission de Tata Michelle ici !
La rudesse de sa voix
me fit serrer les poings. Noura pourquoi t’es tu imaginée avoir de la valeur
pour cette femme, elle est sans cœur !
-
La prochaine fois que tu sais quelque
chose du genre je te conseillerais de m’en parler si tu ne veux pas subir les
conséquences de ta bêtise… Dégages de ma vue, je ne sais même pas à quoi tu me
sers !
Je n’ai rien dit !
Je me suis levée et je suis sortie de cette maison où j’étais prisonnière.
C’est aujourd’hui que je sentais mes chaines, ces chaines invisibles qui me
tenaient. Qu’est-ce qui m’empêchait de partir sans revenir, elle ne me
laisserait pas partir je connais bien trop de chose à son sujet pour qu’elle me
laisse en vie.
Elle n’hésiterait pas
une seule seconde à me tuer des ses propres mains, et puis même si je décidais
de partir où est-ce que j’irais ? Retourner dans la rue ?
Jamais ! Je préfère encore subir cette violence morale que de revivre la
violence de la rue.
Je suis ici j’y reste
même si ça signifie être la chaire à canon d’une folle furieuse. Je marchais
dans la rue pour prendre de l’air et calmer mes nerfs à fleur de peau.
Ce fut furtif mais j’ai
senti cette piqure rapide sur ma nuque, j’ai porté ma main pour apaiser la
douleur fine mais perceptible lorsque je
me suis sentie faiblir rapidement.
Mes jambes allaient me
lâcher quand deux paires de bras me rattrapèrent. J’allais lever la tête mais
elle pesait, tout comme ma langue, et mes yeux étaient subitement lourds,
impossible de parler ni de voir ce qui m’entourait.
Que m’arrivait-il en ce
moment ?
Quand je sentis mon
corps être trainé une idée traversa ma tête : Je suis morte !