chapitre 16
Ecrit par Les Chroniques de Naty
Chapitre 16
Nous sommes là depuis et personne ne parle.
Martine a la tête baissée et quant à Moctar, il joue avec son téléphone.
L’affaire est plus grave que ce que je
pensais. Donc il faut que je puisse réfléchir avant de prendre la parole ;
je suis la personne la plus âgée ici et en plus de ça je suis la mère. Alors
c’est à moi que revient la responsabilité de leur faire entendre raison.
Seigneur vient moi en aide. Car je ne sais
pas comment leur parler sans les frustrer tous les deux. Mais en même temps je
me dis que souvent pour faire du bien, il faut faire un peu de mal. Un mal pour
un bien.
—Martine, tu te demandes peut-être pourquoi
je suis là n’est-ce pas ? Commençais-je.
—Oui j’avoue que je me pose la
question ; mais après tu n’as pas besoin de raison spéciale pour venir
chez moi maman.
—En effet. Mais pour cette fois disons que ce
n’est pas une simple visite de courtoisie. Je suis là sur appelle de ton mari.
—Ah !
—Oui. Je ne vais pas tourner autour du pot,
il m’a expliqué ce qui s’est passé entre vous. C’est-à-dire entre toi, lui et
ton amie Fatou.
—Ce n’est pas mon amie maman.
m’interrompt-elle.
— Tais-toi jeune fille. Pour moi elle est et
reste ton amie. Parce que ton histoire-là ne tient pas du tout la route et je
te crois plus intelligente que ça Martine. Alors tu vas m’arrêtez tes trucs là
hein ! Tu es mariée, il n’est pas question de copinage entre Moctar et
toi. Vous étés monsieur et madame avec bientôt deux enfants. Donc vous avez intérêt
à réfléchir avant d’agir. Est-ce que vous m’entendez ?
—Oui maman. me répond Moctar.
—Et toi martine ? Tu ne te sens pas
concernée par ce que je dis là ?
—Mais maman tu ne sais même pas ce qui se
passe et tu m’indexe automatiquement. Je ne suis pas la fautive cette fois. J’ai
bien suivie tes conseils et j’ai fait l’effort d’être une épouse modèle ;
mais quand j’ai découvert leur relation, je ne pouvais pas rester de marbre
quand même.
— De quelle relation parles-tu même ?
—Laisse là terminer mon fils. Laisse là aller
au bout de ses idées. De toutes les façons nous sommes là pour ça. Nous t’écoutons
chérie.
—Donc je disais qu’il est bien facile de rejeter
la faute sur moi, quand on oublie que c’est moi la victime dans toute cette histoire.
C’est moi que ces deux-là ont trompé.
Je voulais émettre un petit son de
protestation, mais je me retiens. Je ne veux pas envenimer les choses plus
qu’elles ne le sont déjà. Non mais cette histoire est réellement folle.
—Et tu penses que c’est vrai ? Tu penses
que ces deux personnes t’ont vraiment trompée ?
—Il n’est pas question de ce que je pense
maman, mais plutôt de ce qui est. Ça parait fou, mais regarde un peu les
choses.
—Toi-même tu dis très bien que cela « parait fou »
alors pourquoi y accordes-tu du crédit ? Ou bien toi aussi tu es
folle ?
—Maman toi aussi !
—Il n’ Ya pas de maman qui tienne. Nous
discutons entre adultes ; donc on peut tout se dire. Si pour ce genre de
chose tu es capable de laisser ton mari, renier ton amie te braquer contre eux,
que veux-tu je te dise ?
—C’est tellement facile de me faire passer
pour celle qui est en faute. Vous n’essayez pas de me comprendre ; ce que
je ressens est plus fort que tout.
—Tu es juste bornée ma fille ! Parce que
tu refuses de voir la vérité en face. Je vois que dans la l’intelligence ne se résume
pas au fait d’avoir de bonne note à l’école et réussir sa carrière
professionnelle. C’est plus que ça être intelligent et doter de bon sens. Il
faut savoir discerner le faux du vrai, sinon on peut se perdre dans une suite
d’amalgame sans fin. Tu n’es plus un enfant, au contrainte tu en a même des
enfants ; donc je m’étonne que tu tombes dans ce genre de … je ne sais
même pas qualifier votre histoire-là. Tout ce que je peux te dire, c’est de te
revoir à la baisse.
—Ce n’est plus à moi de faire des efforts
maman.
—C’est à qui alors ?
Elle ne me répond pas. Mais je sais qu’elle
pense et fait allusion à son mari. Ce dernier la fixe tristement. Je sens le découragement
sur son visage. C’est que cette situation doit être pénible pour lui. Parler
ainsi de sa vie de couple devant sa belle-mère ne doit pas être une partie de
plaisir pour lui. Mais il le faut pourtant. Par ailleurs j’aurai aimé que Fatou
soit là. Je suis sûre que cela aurait été mieux de leur parler à eux tous. Mais je vais me contenter de ces deux-là pour
l’instant ; après je demanderai à Fatou de passer me voir à la maison.
— Vu que tu ne réponds, je suggère que ça
soit toi encore qui fasses des efforts. Il faut que je te rappelle toujours ta
place de femme Martine. Tu es la base de cette maison, le socle de ce foyer.
Dieu t’a charger d’une mission et tu te dois de la remplir. Je ne finirai
jamais de te le répéter. Et il faut aussi que tu puisses t’y faire à cette idée. Chaque fois qu’il Ya un problème
dans ton couple, tu ne vas pas te recroqueviller sur toi et ne pas te battre. Ce
n’est pas possible que ça continue ainsi. Par ailleurs ce qui s’est passé doit
te mettre la puce à l’oreille pour te faire comprendre qu’il manque un élément fondamental
pour la réussite de ton couple. La confiance Martine ! Toute relation pourvue
de confiance n’a pas de sens. Non seulement ça, mais aussi cette relation est
vouée à l’échec. Cela dit, à la moindre difficulté tu vas douter. Tu vas
accuser ton conjoint de toutes les velléités si tu n’as pas confiance en lui.
J’inspire profondément pour reprendre mon souffle.
—Bon nous allons faire une chose. Martine, tu
vas me suivre dans la chambre et nous parleront entre femme. Quant à toi
Moctar, merci de m’avoir prévenu, je vais discuter avec ma fille. Et considère
que ce problème n’existe plus entre vous. Tu es un homme bien et je vais faire
de mon possible pour que votre couple retrouve sa quiétude d’antan. Vous êtes
encore jeune, et je peux comprendre que vous vous laissez guider par vos émotions.
—C’est compris maman. J’espère que Martine
saura t’écouter et ferra bon usage de tous tes conseils.
—Il en sera ainsi. De ça j’en fais mon
affaire. Je ne suis pas sa mère pour rien ; et elle devra m’écouter de gré
ou de force.
—D’accord. Moi je vais donc sortir, j’ai des
courses à faire en ville. Tu passes la nuit avec nous maman. N’est-ce
pas ?
—En effet je reste dormir. Je rentrerai demain
dans l’après-midi.
—Il n’Ya pas de soucis. Je vous laisse donc discuter
et on se voit ce soir.
—A ce soir mon enfant ; et que le
Seigneur t’accompagne.
—Amen
maman. Et encore merci pour tout.
Je le regarde partir et je prends pitié de
lui. Un brave garçon ce Moctar. Je me demande bien ce qui ne va pas dans la tête
de ma fille pour baisser les bras au tout petit obstacle. Mais je ne vais pas
quitter cette maison tant que je ne lui aurai pas fait comprendre la responsabilité
qui est sienne. On ne rentre pas dans un mariage pour en sortir. Le divorce ne
doit même pas être une option lorsqu’on veut unir sa vie à celle d’une personne
et fonder une famille avec cette dernière.
Les jeunes de maintenant on tendance à dire
« pour le meilleur et pour le pire, dans la sante comme dans la maladie,
la richesse et la pauvreté » ; il formule ces vœux de mariage comme
ça, sans même réfléchir aux conséquences de ce qu’ils disent. C’est bien beau
de dire tout ça, mais le plus important c’est de le penser, et surtout le
penser réellement. Le mariage n’est pas toujours rose, c’est loin d’être un
long fleuve tranquille sur lequel la pirogue tangue allégrement jusqu’à la
rive. Ce n’est pas non plus les chutes de Niagara ou même les flammes de
l’envers. C’est tout un mélange de tout ça, dans lequel il faut trouver le
juste milieu, car aucun des deux ne doit prendre le dessus.
Si seulement je pouvais ouvrir mon cœur à ma
fille pour qu’elle comprenne tout ça. Moi non plus je n’ai pas toujours été
heureuse dans mon foyer. J’ai eu mes périodes de doutes et de peur. J’ai été confrontée
à l’infidélité de mon homme ; leur père n’est pas un ange. C’est un homme
comme tout autre avec ses défauts et ses qualités. Je n’ai pas été épargnée par
les aléas du mariage. Mais j’ai tenue bon, je n’ai jamais baissé les bras, car
je me suis juré qu’aucune autre femme n’éduquera mes filles à ma place. Rien ni
personne ne pourra me faire sortir de ce mariage, je l’ai promis devant Dieu et
les hommes. C’est jusqu’à ce que la mort nous sépare, et il en sera
certainement ainsi.
Il faut donc que Martine comprenne cela elle
aussi. Sinon une autre femme se chargera de son mari, et ses enfants l’appelleront
maman. Mais je vais y remédier, comme je l’ai dit, je suis là pour ça. Et elle
devra m’écouter de gré ou de force.
—Jeune dame, dis-je en me tournant vers
elle ; nous allons parler maintenant de femme à femme.
—Mamannn, s’il te plait dit-elle d’une voix
plaintive
—Non ; tu vas devoir m’écouter. Je n’ai
pas fait tout ce trajet pour tes beaux yeux. Par ailleurs je ne vais pas te
laisser foutre ton mariage en l’air. Je ne suis pas ce genre de mère et je ne
t’ai pas éduquée ainsi. Alors tu vas me suivre docilement dans la chambre. Parce
que tu vas m’écouter et mieux, tu vas faire tout ce que je te dis. Ais je été
assez clair ?
—Oui maman. Répond-t-elle à contre cœur en se
levant pour me suivre dans la chambre.
Je sais pertinemment qu’elle n’apprécie ce
que je fais. Soit ! Ça sera ainsi. Ce que j’ai à lui dire est très important
et je ne veux pas que plusieurs oreilles puissent l’entendre. Je crois qu’après
ça, elle saura se calmer et reprendre les rênes de son couple. Parce que
Martine doit comprendre qu’on peut souvent être consumer par un feu très dense,
mais qu’en dépit de tout ça, on doit quand même agir comme si nous avions du
lait ou du sucre à l’intérieur. Avoir de la lave de volcan dans le cœur, mais
vomir de l’eau fraiche à la place.
*
**
***
Moctar
J’ai hâte d’aller retrouver Akabla dans ma garçonnière.
Je ne peux plus me passer de cette femme. Seulement
hier que j’ai gouté à son jus, que je ne peux plus m’en passer. Elle ne voulait
pas y aller, mais j’ai dû la convaincre car je ne pouvais pas rester comme ça. Elle
m’a dit qu’elle devait préparer pour ma belle-mère, je lui ais dis de vite
faire et de m’attendre là-bas ; et j’ai pris soin de lui noter l’adresse. Elle
a donc fini rapidement ses tâches ménagères, et vient de m’envoyer un message
pour me dire qu’elle m’y attend. J’ai tôt fais de dire à ma belle-mère que je
me barrais. Là je conduis comme un cinglé pour aller me réfugier dans les
douces cuisses de cette femme. Elle est entrain de conquérir mon corps, or le
corps d’un homme et son cœur ne sont pas loin.
Et tout à l’heure quand ma belle-mère me
parlait, je n’avais pas vraiment la tête sur ce qu’elle disait. Je m’en foutais
à la limite. Tout ce que je veux c’est de retrouver Akabla. Je lui ais demander
de porter le string rouge à la devanture ouverte.
Ce petit bout de tissu me tue.
J’avoue que j’ai un peu honte de moi, quand
elle me disait que je suis un bon type et qua sa fille a de la chance de
m’avoir. Si seulement elle savait que je ne suis plus cet homme bien qu’elles
ont connu. Mais bon je suis accro. Et je serai hypocrite de dire que la
situation actuelle me dérange. Je me rends compte que l’intervention de la mère
de Martine ne tombe pas à point nommé. J’ai même failli appeler au dernier
moment pour annuler ; mais je ne
pouvais pas faire ça. Ça aurait été un sacré manque de respect, et je
veux en aucun cas que ce genre de chose arrive entre cette dame et moi. Je la
respecte assez pour ça.
Mais tout ceci est la faute de Martine !
Oui martine tout ça est de ta faute, car
c’est toi qui m’as poussé inconsciemment dans les bars de notre nounou. Tu l’as
laissé s’occuper de moi et de notre fils. Je suis un homme et je fais attention
à tout ça. Sans même le savoir, j’ai développé des sentiments pour cette dernière.
Parce que lorsque je l’avais dans les bars hier, ce n’est pas seulement mon
corps qu’elle faisait vibrer ; mais aussi mes autres sens.
Je ne sais pas comment tout ça finira, mais
pour l’instant, je veux juste me perdre dans la moiteur de l’intimité de ma
douce et tendre Akabla.
*
**
***
Akabla
J’ai enfin eu ce que je voulais. Je ne peux
qu’être aux anges. Cet homme m’appartient maintenant. Je l’ai eu grâce à Dieu
et à Mame Dia. Mais là j’en veux plus. Parce que je sens que Martine veut
revenir à de meilleurs sentiments et ça ce n’est pas possible. Elle lui parle
maintenant. Et je sais que tout ça c’est à cause de cette vieille sorcière qui
lui sert de mère. La tension est certes palpable, mais on sent qu’elle fait des
efforts. Il ne manque plus qu’elle aille demander pardon à Fatou. Non je ne
peux permettre cela, et surtout pas maintenant que tout est miel pour moi. Je
ne veux même pas imaginer ma vie sans cet homme. Je vais pour cela mettre le
paquet.
Comme me l’a recommandé Mame Dia, plus
l’enjeu est grand plus le « secret » doit être grand. Je crois que
c’est le moment de faire celui avec la salamandre et l’urine.
Je ne sais pourtant pas où m’en procurer. En
plus j’ai tellement peur de ces bestioles translucides. Elles me foutent la
trouille. Or Mame Dia a recommandé qu’ils soient frais. Seigneur comment
faire ? Je vais demander aux enfants de la cité s’ils peuvent en avoir
pour moi, et je vais leur glisser un joli billet.
J’en parle donc au fils du blanchisseur. Ce
dernier avait peur au début, mais quand je lui ais glisser un billet de 5000 FCFA,
il a écarquillé ses yeux. Du genre tout ça pour des salamandres ? Eh oui
mon petit ; ces salamandres vont m’ouvrir des portes inimaginables pour ta
petite conscience d’enfant. Et comme convenu, j’ai droit le même soir à deux
grosses bestioles. Comme quoi l’argent achète vraiment tout. Mais elles sont
vraiment énormes, et encore plus effrayantes.
Beurk ! C’est dégueulasse comme
tout ! Heureusement qu’elles sont mortes ; sinon je ne pouvais même
pas les toucher.
Moctar, si ce n’est pas pour toi, c’est sûre
que moi Akabla, je ne vais jamais toucher à ces choses. Je dois vraiment être récompensé
à la hauteur de mes investissements, me dis-je intérieurement.
Maintenant que j’ai les salamandres, je
m’active à la préparation de ma potion magique. De l’urine sur les salamandres
que je laisse macérer pendant quatre jours, ensuite je les fais bruler jusqu'à
ce qu’elles soient toutes noires, et je les écrase pour en obtenir une poudre noire.
C’est cette poudre que je dois mettre dans la nourriture de Moctar, en récitant
les phrases que m’a dites Mame Dia. Après ça, il ne pourra plus jamais se
passer de moi. Du moins je l’espère. Parce que dans le cas contraire il sera
fou. Et s’il le devient, ça sera vraiment du gâchis.
Une semaine après l’obtention de ma poudre,
je concocte un bon plat pour Moctar. Je vais en profiter pour commencer son
utilisation. Je suis seule dans la cuisine, alors je fais sortir la fiole de
mon pagne, et renverse un peu de son contenu en récitant toutes ces phrases que
j’ai assidument apprise par cœur. Concentrée que je suis, je n’entends pas les
pas derrière moi. Et quand je me retourne enfin après avoir fini, je vois Mota
arrêté ; elle me regarde avec de gros yeux ronds. J’avais complètement
oubliée cette petite fouineuse de merde.
Qu’est-ce
que je vais faire maintenant qu’elle m’a vu?