Chapitre 17
Ecrit par Meritamon
Idy, sur scène, avait du charisme à
revendre. Avec sa guitare, il chantait de toutes ses tripes ses chansons
poignantes, son reggae pop mêlé à un blues lancinant, ses paroles d’espoir, son
rythme tantôt lent et mélancolique, tantôt entraînant, adoucissait les cœurs, faisait
danser quiconque l’écoutait.
Une fierté incommensurable envahit Tahaa
de voir se déployer le talent d’Idy, qu’il en ressentit de la chair de poule. C’était
cette sorcière de Serena qui avait une fois de plus raison. Idy était fait pour être musicien.
Bien entendu, Tahaa avait du désir
pour Serena. Sans plus, se convainquit-il. Comme n’importe quel homme sensé
face à une créature aux proportions parfaites comme elle.
De toutes les façons, elle avait raison de
dire que les choses étaient compliquées entre eux. Cette
fille n'était qu'un court intermède dans leurs vies à Diarri. Elle n’était qu’un
petit vent de fraîcheur venu des villes. Elle s’en retournera à sa vie
insouciante et ne gardera aucun souvenir de ces semaines passées sur son
domaine. Il était préférable de ne pas s’attacher à elle, se tenir à sa place,
lui offrir sa protection comme convenu. Pourtant,
une puissante connexion s’était passée entre eux. Comment un simple baiser
avait mené à d’infinies possibilités.
Il y avait quelque chose de différent
chez elle qu’il n’avait croisé chez aucune autre fille. Son caractère farouche,
son innocence, la tristesse qui voilait parfois son regard, derrière
l’assurance, son arrogance. Il admirait aussi son intelligence, sa vision des
choses. Son audace irrévérencieuse, elle à qui on a appris que le monde était
un terrain de jeu.
Quelques jours avant, sa grand-mère
Inna l’avait subtilement mis en garde : « Nous, les Badr, nous ne prenons pas ce qui
ne nous appartient pas. Ce n’est pas dans nos habitudes ».
Tahaa, embarrassé par son allusion, s’était
passé la main dans les cheveux. Il ne
pouvait échapper à la clairvoyance de sa grand-mère, à ses facultés intuitives.
Il était évident que cette dernière ait toujours une longueur d’avance sur les
choses et les êtres.
-
Je
n’ai rien pris, Inna, la rassura Tahaa.
Sa grand-mère se fit plus insistante.
-
Évite
de te mettre dans une situation fâcheuse, mon garçon, lui fit-elle la leçon.
Il avait été alors
raisonnable. Le soir même, il s’était présenté dans la chambre de la jeune femme avec ses
outils devant une Serena, qui sortait de son bain, en robe de chambre. Quinze
minutes plus tard, sans placer un mot, Tahaa avait installé un verrou flambant
neuf à sa porte.
-
Qu’est-ce qui vous
prend? Pourquoi vous faites cela? Avait-elle demandé, ahurie.
-
À cause des
prédateurs dans la région, lui répondit-il simplement.
-
Parce qu’il y a des
animaux sauvages ici?
Faisait-elle exprès
ou était-ce réellement de la naïveté de sa part? se demanda Tahaa, en l'observant attentivement.
-
On peut dire ça. J’ai pensé aussi que tu avais besoin d’intimité.
- Dans ce cas, merci. Je vais me coucher maintenant, avait-elle répondu, pressée qu'il sorte.
-
Bonne nuit.
Avant de partir, il lui avoua à
brûle-pourpoint, parce qu'il avait besoin qu'elle soit au courant.
- Écoute, Serena. Il arrive que je pense à toi. Il y a des nuits que tu m’obsèdes tellement que je brûle de te retrouver dans ta chambre pour te posséder. C’est pour cette raison surtout que je voudrais que tu mettes ce loquet à ta porte, compris? Pour empêcher que cela arrive.
Tahaa avait refermé la
porte en la laissant remuée de tout son être. Il l’avait alors entendu s’enfermer précipitamment à double tour dans la chambre.
Pourtant, malgré son contrôle et sa bonne volonté, il était arrivé que Tahaa se soit mis
dans la situation fâcheuse dont parlait sa grand-mère.
Dans le bar, Il observa Serena, debout en retrait
du public; la jeune femme filmait à l’aide de son téléphone une partie de la
performance musicale d’Idy. Elle avait senti le regard insistant de Tahaa dans
son dos et s’était retournée pour le dévisager froidement de ses pupilles
sombres.
Putain! Elle lui en voulait, pensa Tahaa. Cette fille était
rancunière.
La deuxième strophe du poème de L. Senghor
lui revint en mémoire.
Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres
extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui
frémis aux caresses ferventes du Vent d’Est…
Tahaa se souvint combien elle était
juteuse comme ce fruit mûr évoqué dans le poème, il en frémit, lui qui avait
encore son goût dans la bouche.
Serena lui en voulait et avec raison, puisqu’il avait failli s’emparer d’elle.
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Coucou! ça va bien? un autre chapitre. Qu'est-ce qui fait qu'elle lui en veut? À suivre.
Gros bisous. Merci de me suivre. Merci pour votre patience. Encore contente de vous retrouver.