Chapitre 18
Ecrit par Annabelle Sara
Véronique
J’avais demandé à Noura
de me montrer une image de la femme qu’elle appelait Mamy, elle m’avait donnée
son téléphone avec une photo d’elle. C’était effectivement une femme de la
tranche d’âge de ma mère, mais en l’observant bien je savais pourquoi on ne la
voyait jamais.
Et sur le coup une idée
m’avait traversé l’esprit. Il fallait que je vois quelqu’un avant de rentrer
chez moi, j’avais besoin de savoir qui est cette femme, parce que j’avais des
soupçons en la voyant dans mon téléphone mais ce serait vraiment
invraisemblable si c’était elle là sous mes yeux.
Avant de partir j’ai
laissé des instructions pour que Noura puisse quitter le pays clandestinement,
ensuite j’ai décidé de l’halte que je faisais.
En frappant à cette porte
dans ce quartier à cette heure de la nuit je savais que ce n’était surement pas
une bonne idée mais je n’avais pas le choix j’avais besoin de réponse et la
sœur de Paul pouvait m’en donner un certain nombre.
-
Qui est-ce ?, demanda-t-elle derrière la porte.
-
C’est Véronique !
Un long silence suivit,
elle devait surement jubiler à l’idée que je vienne la rencontrer à cette
heure. Elle vivait chez un homme quand elle venait à Yaoundé et depuis son
séjour était devenue plus long que d’habitude mais c’était une chance qu’elle
soit encore là.
-
Tu veux quoi ? Si c’est ton mari
que tu cherches il n’est pas ici !
-
Je sais qu’il n’est pas là c’est toi que
je viens voir Carine !
-
Tu me veux quoi ?
-
Ouvres ! tu veux que le quartier
entier sache que tu n’as jamais été la femme d’un sous-préfet ?
La porte s’ouvrit
aussitôt sur une Carine qui me faisait signe de ne pas parler trop fort.
-
Shut ! Toi… entres !
Je suis entrée dans
cette case en bois mais je n’étais pas là pour le mobilier ou le décor.
-
Tu veux quoi ?
-
La fille que tu as emmenez chez moi
l’autre jour tu la connais comment ?
Ma question était
directe, je ne voulais pas perdre mon temps ici sur des conneries.
-
Quoi tu as peur ? Miss Véro a peur
qu’une autre femme touche à son mari ?, se moqua-t-elle.
La stupidité de cette
femme ne cessera pas de m’étonner.
-
Carine je n’ai pas le temps pour écouter
tes histoires là ! Comment tu la connais c’est tout ce que je te
demande !
-
C’est Paul qui me l’a présenté… Il l’a
amené ici lui-même pour me voir ! Tu crois quoi ? Ce n’est pas parce
que tu interdis à mon frère de nous approcher qu’il le fait !
-
Il est venu ici lui-même… avec
elle ?
-
Comme je te dis !, répondit-elle.
Noura avait dû se
rapprocher de Carine pour avoir son soutien le moment venu. Donc cette femme ne
savait pas ce qui se tramait contre son frère.
-
Tu as fini de castrer mon frère
maintenant qu’il a trouvé une vraie femme tu viens pleurer chez moi ?
-
Tu sais que la fille là n’est pas
enceinte ?
-
Comment ça ? Elle m’a montré les
examens de l’hôpital…
J’ai éclaté de rire.
-
Je demande hein Carine tu es venue
chanter à la maison que votre père avait accepté la mère de Paul et Paul chez
vous, mais la mère de Paul là elle est où ?
Elle ouvrit des yeux
surpris sur moi.
-
Paul ne t’a jamais raconté ce qui s’est
passé avec sa mère ?
-
Je sais qu’elle est morte mais je ne
sais pas ce qui s’est passé…
-
Hum ! Et vous dites que vous êtes
mariés ?
Elle éclata de rire et
me toisa avant de me répondre avec une pointe de condescendance.
-
Sa mère avait brulée dans un feu de
brousse… Elle était partie dans sa famille et apparemment elle était allée
chercher des feuilles avec sa cousine et puis le feu les a surprises en
brousse…
-
Les deux ?
-
Oui mais… la cousine était sortie quand
même si je me souviens bien de cela… C’était une chance pour nous hein sinon on
allait dire que c’est ma mère qui l’a tué parce qu’elle l’a détestait !
-
Hum… Ok !
-
Pourquoi tu viens ici me poser des
questions sur la mère de mon frère ?
-
J’avais juste envie de comprendre son
histoire ! Bon bonne nuit hein…
Elle me regardait
hébétée par la vitesse à laquelle je sortais de sa maison après y avoir forcé
l’entrée.
Je conduisais comme une
forcenée, il fallait que j’arrive au plus vite chez moi, à présent que je
savais que ce n’étais pas après moi que cette femme mystère en avait. Ces rêves
qui hantent mes nuits depuis des mois n’ont rien à voir avec moi mais avec la
personne que j’avais juré de protéger contre et envers tous.
Seulement à bien y
réfléchir j’avais juré sans réellement savoir ce qui se passait j’avais des
bribes d’informations j’avais besoin de plus, j’avais besoin de connaitre
l’histoire pour savoir quel bout tenir pour remplir ma promesse.
Il se faisait tard mais
je savais qu’elle ne dormait pas, elle ne dormait jamais avant que je ne rentre
à la maison. Elle était comme la sentinelle de ma maison, elle parlait peut
mais lorsqu’elle le faisait c’était toujours dans le but de porter mon
attention sur un sujet précis, et comme ma propre mère j’écoutais toujours ce
qu’elle avait à dire.
En entrant j’ai d’abord
été surprise de voir de la lumière dans la cuisine, à cette heure il n’y a plus
personne dans la cuisine, je me suis dirigée vers la cuisine pour voir qui s’y
trouvait.
C’est sa voix rauque et
profonde qui m’accueillit, mon cœur fit un bond. Paul était là ! Assit sur
une chaise haute devant le plan de travail de la cuisine. Il mangeait le fameux
bouillon d’aubergines qui lui calme si souvent les nerfs.
-
Paul !, ai-je murmuré en le voyant.
Il avait maigri, il
avait une barbe et ses yeux étaient froids ! Ils se tournèrent tous deux
vers moi en m’entendant.
Je n’ai pas pu résister
alors je me suis jetée dans les bras de mon mari. Dieu seul savait à quel point
cet homme m’avait manqué, à quel point j’avais besoin de lui dans ma vie. Je ne
comptais pas le nombre fois où j’avais regretté de l’avoir pris pour acquis
durant toutes ces années. Le nombre de fois j’avais regretté de ne pas lui
avoir dit assez souvent que je l’aimais.
Je le serrais dans mes
bras, respirant son odeur, profitant ainsi de sa chaleur et de sa présence.
Mais il ne me rendit pas ma chaleur, il n’avait pas l’air heureux de me voir en
trois semaines de séparation.
Il me repoussa
doucement.
-
D’où tu sors à cette heure ?,
demanda-t-il avec rudesse.
-
Je… j’avais … je devais faire…
-
Laisses moi deviner ! Tu avais un
problème important à régler ?
Il n’était pas ici pour
se réconcilier avec moi.
-
Paul, écoutes je devais faire quelque
chose d’important oui…
-
Oui bien-sûr quelque chose de capital
qui ne pouvait pas attendre le matin !, ironisa-t-il.
Je ne voulais pas
refaire la bêtise de la dernière fois alors je me suis mise à compter de 10 à 0
dans ma tête pour ne rien déballer sans le vouloir.
-
Paul je suis tellement heureuse de te
voir chéri…
-
Ne t’y habitue pas trop ! Je suis
là parce que ma… Ma fille m’a appelé elle avait besoin de moi ce soir alors je
suis venu !
-
Tu ne rentres pas ?, ai-je demandé.
-
Non… Je suis venu parce qu’Elodie avait
besoin de moi ! Et devines quoi c’est normal qu’elle m’ait appelé puisque
sa mère n’était pas là et que son téléphone comme par surprise ne passait
pas !
Instinctivement j’ai
baissé les yeux sur mon téléphone, Elodie m’avait appelé 4 fois. Merde !
-
Paul écoutes…
-
Non toi, tu écoutes ! J’avais
besoin de temps pour réfléchir et aussi pour que toi tu réfléchisses que tu te
remettes en cause et vois que nous ne pouvons pas bâtir une famille sur des
secrets et des mensonges… Pires des cachoteries au quotidien ! Tous les
jours tu es dehors à faire je ne sais quoi, pour je ne sais quelle raison avec
je ne sais qui… Et il a fallu que je te trompe avec une autre pour ouvrir les
yeux sur qui tu es vraiment !
Il parlait et
j’écoutais, pour la première fois je l’écoutais.
-
Je sais que tu me détestes…
-
Je ne te déteste pas ! Je me
déteste ! parce que je ne suis pas assez fort pour supporter ce que tu
m’as fait !
-
Je n’aurais jamais dû dire ce que j’ai
dit si je pouvais revenir là-dessus je le ferais !
Il semblait surpris de
m’entendre lui dire cela.
-
Je suis profondément désolée ! Et
je pense qu’à présent que j’ai ouvert la boite de pandore, je ne dois plus te
laisser dans le noir !
-
Je ne comprends pas !
J’ai levé les yeux sur
elle, au moment où nos regards ses sont croisés elle ma fait un non de la tête.
Mais je ne pouvais plus continuer de mentir.
-
C’est un homme maintenant… Il peut
comprendre !
Paul s’est tourné vers Ma’a
Josiane, puis vers moi il nous regardait et semblait perdu. C’était normal
qu’il le soit ! Même moi je ne comprenais pas ce qui se passait.
-
Il faut lui dire !, ai-je déclaré.
Ma’a Jo, il faut lui dire !
-
Dire quoi à qui ?, demanda Paul.
Qu’est-ce qui se passe ici ?
Elle restait
désespérément muette.
-
La femme avec qui tu as eu une liaison
n’est pas celle que tu crois… Si j’ai réagis avec impulsivité face à elle c’est
parce que je n’avais pas le choix, je devais l’éloigner de toi…
-
De quoi tu parles ? Michelle était
une cliente !, dit-il en se
retournant vers moi.
Il était debout et
j’avais besoin qu’il se calme pour écouter ce que j’avais à lui dire.
-
Elle représentait un client ?
-
Oui, me répondit-il.
-
Mais ce n’est pas son vrai nom… Elle
s’appelle Noura !
-
Quoi ?, fit Paul.
-
Elle avait une mission en venant vers
toi… Elle devait provoquer notre séparation !
-
Je ne comprends rien ! Comment tu
sais ça ? Et pourquoi elle voudrait qu’on se sépare ? Je n’avais pas
l’intention de te quitter pour elle…
-
Je viens de la quitter cette Noura et
c’est elle qui m’a parlé ! Ce n’était pas elle le maitre du plan !,
ai-je répondu en me tournant une fois de plus vers mon aide à domicile. Ma’a
Jo… Elle n’était pas là pour moi mais pour lui !
Elle avait les yeux
embués.
-
Ma’a Josiane pourquoi tu pleures, lui
demanda Paul avant de me fusiller du regard.
-
Parles Ma’a Jo !, lui ai-je crié.
-
Pourquoi tu la gronde ?
-
C’est elle qui doit te dire la vérité…,
me suis-je énervée. Cette femme ne va pas arrêter ce qu’elle a commencé alors parles !
Elle me regardait mais
ne disait rien alors j’ai décidé de le faire à sa place.
-
De quelle femme tu parles au
juste ?, demanda Paul excédée par ma rudesse à l’endroit de Ma’a Josiane.
-
De la femme qui a envoyé Noura te
piéger…
-
Ta mère !, souffla Ma’a Josiane. La
femme que tu connais comme étant ta mère…
-
Hein ?
L’exclamation de Paul
faisait écho en moi ! Je m’attendais à tout sauf à ça ! Nous nous
sommes tournés Paul et moi vers la femme qui venait enfin de desserrer les
lèvres.
-
Ma quoi ? Ma mère est décédée quand
j’étais encore petit !
-
Non… Ta mère est vivante ! En faite
celle qu’on prend pour ta mère est encore vivante !
-
Pourquoi tu dis que celle qu’on prend
pour ta mère est encore vivante ? Pourquoi tu ne dis pas que ma mère est
vivante ?
J’ai failli intervenir
quand je me suis rappelée que cette fois je n’étais pas concernée par
l’histoire. Ma’a Josiane le va les yeux sur Paul. Sur ce fils qui ne
connaissait absolument rien de ses origines.
-
Parce que la femme qui t’a emmené chez
ton père quand tu avais deux mois n’était pas ta mère…, murmura Ma’a Josiane.
-
Ma’a Josiane, ne lui racontez pas cette
histoire de cette façon ! Dites-lui la vérité ! Il est temps !
Paul se tourna vers moi
surprit de comprendre que je connaissais l’histoire.
-
De quoi elle parle Véronique ?
-
Je parle de tes parents… Ceux que tu
appelles Papa et Maman, ne sont pas tes parents !, dit enfin Ma’a Josiane
en retroussant les manches de sa chemises dévoilant ses brulures.
Des brulures qui n’était
rien comparées à la douleur que vit cette femme depuis des années.