Chapitre 2 : Impressions étranges

Ecrit par anomandaris

Son grand frère, Kevin, passait en ville pour la promotion d’un de leur nouveaux forfaits de communications, et il décida de rester une semaine chez son frère pour s’économiser les frais de chambre d’hôtel. C’est le résumé que Quentin se fit du long discours que Kevin lui fit pour expliquer sa visite et ses deux valises. Avec un soupir, Quentin remonta pour chercher ses vêtements sales. Il avait deux semaines de congés et n’était pas souvent là quand Kayla faisait la lessive.


« Quent, tu fumes ? » Lui demanda Kevin. Quentin était là, à mi-chemin des marches de l’escalier du rez-de-chaussée, et devinait ce que pensait son gand-frère en veste en tweed. La mort de Jennifer t’as donc tant affecté que ça ? En tout cas, les traits de son visage mât quand Quent atteignit le bas des marches traduisait bien ses pensées. Il tenait entre le pouce et l’index la cigarette et chacun des bouts identiques pointaient vers l’un des deux frères. Fait qui dérangea Quentin, il se souvenait bien de la cigarette, et de comment il l’avait eue.


« Reposes ça, souffla Quentin avec un soupir.


— Réponds d’abord à ma question.


— Non… maintenant reposes ça où t’as vu ça », ajouta-t-il comme Kevin s’apprêtait à froisser la cigarette qui n’en était pas une entre ses mains boudinées.


« Qu’est-ce que ça fait chez toi, dans ce cas ?


— C’est une longue histoire qui ne te concerne pas. T’as qu’à te dire que j’ai eu envie de fumer un temps, et que je ne n’ai jamais eu le courage de commencer. » Il n’aimait pas le ton accusateur de son frère, et l’époque où il lui disait comment gérer sa vie était révolue. Moi, je serais informaticien, Garry avocat et toi hum… docteur. D’un autre côté, ils lui avaient tous obéi.


Kevin le mesura du regard une bonne dizaine de secondes avant de reposer la cigarette. Il grommela quelque chose que Quent ignora et monta à l’étage. Quent savait que l’affaire était à suivre, mais il avait plus important en tête en ce moment.


Il n’hésita qu’un instant avant d’aller près de la commode. Il posa le panier du lave-linge et souleva d’un geste délicat le bâton. Deux mois, pensa-t-il. Ça fait deux mois que j’aurais dû fumer cette putain de clope. En hommage au vieux Salim Amar, pensa-t-il en le coinçant au-dessus de son oreille.


La légère démangeaison que provoquait la cigarette sur son lobe fit que Quent se mit à se souvenir tout le long de la journée à Jennifer. Quelquefois, alors qu’il visionnait un DVD avec Lissandra (elle sur un fauteuil moelleux et lui assis sur le canapé), il se surprit à regarder par-dessus son épaule comme si Jennifer était là, au pied des marches de l’escalier de bois, à lui lancer un regard qui lui picotait la nuque. Il le fit au moins cinq fois avant de demander à Lissandra de venir s’asseoir avec lui sur le sofa. Surprise, c’est d’un pas hésitant qu’elle obtempéra, comme si c’était un… étranger qui l’invitait à partager son bol de pop-corn dans une ruelle déserte.


Plus surprenant encore, la sensation de picotement à la nuque disparut peu après, et Quentin eut l’impression qu’on venait de lui retirer une tumeur au poumon. Il passa un bras autour des épaules de la boule de cheveux. C’est quand elle finit par se rouler en boule sur ses cuisses, assoupie, que Quent se rendit compte qu’il n’avait jamais passé autant de temps avec sa fille sans la réprimander, et il se sentit encore plus honteux.


Kayla vint le soir pour faire le repas et, sans surprise, attarda son regard un moment sur l’oreille droite de Quent, sourcils fronçés.


« Ne t’inquiètes pas, lui dit-il avec un sourire, c’est juste un souvenir d’un patient. »


Elle accepta l’explication sans montrer son incrédulité et le traversa pour aller cuire les pâtes du dîner. Il savait qu’elle pensait qu’il mentait, mais ça lui était égal au fonds qu’on pense qu’il fumait déjà. Et puis, de toutes façons, qui l’en réprimanderait ?

L'homme qui parlait...