Chapitre 20

Ecrit par Max Axel Bounda

Chapitre 20

   

Au petit matin, ce sont des cris qui me réveillèrent. «Thierry! Thierry!» m’appelait Jess.

Je me levai en sursaut en lui lançant un regard inquisiteur. Franchement, avec la nuit que je venais de passer, je m’attendais un peu à tout.

— Oui, qu’y a-t-il? Il est quelle heure?

— Onze heures.

— Onze heures! Pourquoi ne m’as-tu pas réveillé depuis?

— Tu dormais si bien, et ta nuit a été agitée. Je t’ai même fait le petit déjeuner, mais je n’ai pas eu le courage de te déranger.

Elle me désigna un plateau posé sur la table. Un superbe petit déjeuner m’y attendait. Des petits pains chauds, des œufs et un plat de salade, le tout, agrémentés par un petit café et du jus d’orange pressée. La classe.

— Tu n’es pas allé au boulot?

— Mon patron est en voyage, tu as oublié? Et nous sommes vendredi. J’ai laissé des instructions pour que les courriers soient déposés.

— Alors pourquoi criais-tu tout à l’heure?

— Regarde! Elle monta sur le lit et s’assit près de moi en me tendant son téléphone. Je voyais défiler des messages et des photos dans un groupe Whatsapp. Je ne comprenais pas très bien. Je fis défiler les conversations avant de m’apercevoir qu’il s’agissait de l’université. Du rectorat précisément. Sur l’une des photos, il y avait une foule de personnes devant le bâtiment administratif dans lequel je me trouvais avant-hier.

Les commentaires disaient que l’on avait retrouvé deux corps dans un bureau. Je les survolai tous et tombai sur un qui disait en somme que le corps du chef du département de sciences de l’environnement avait été retrouvé avec celui d’une une étudiante. Ils étaient morts au cours de ce qui ressemblait à une partie de jambes en l’air qui aurait mal tourné. Les gens avaient fait semblant de s’indigner qu’il couche avec une de ses étudiantes, mais sans plus. Et puis quoi, l’amour n’a pas d’âge, non? Mais Jessica et moi, savions que ce n’était pas une histoire d’amour, mais plutôt un rapport forcé entre une étudiante et son enseignant. Comme cela avait été le cas de plusieurs filles comme Rhianne dont on ignorait toujours qui était le meurtrier.

La nouvelle avait fait le tour du net à la vitesse de la lumière. Comme si la mort d’un homme était devenue un sujet de fait divers. Cependant, je compris par la suite que c’était plutôt la façon dont il était mort qui alimentait les groupes de commérages sur le net.

Monsieur Yitu Mavouroulou avait été émasculé.

Etrangement, la nouvelle ne m’attrista guère. Elle me fit au contraire un bien fou de savoir que le chef de département avait été tué. Donc, mes problèmes étaient en partie réglés. Il ne viendrait plus m’embêter. Je regardai Jess en souriant malicieusement. On allait pouvoir aller au bout de sa procédure sans aucune pression.

Soudain, je pensai à la jeune fille d’hier. Je l’avais laissée dans le bureau avec le recteur. Je me redressai et me saisis de mon téléphone, le cœur battant.

Il ne faut pas qu’elle meure.

C’était notre seule chance d’en savoir plus sur la mort de Rhianne.

—  Je dois appeler Samirah.

— Qui ?

— La fille que j’ai rencontrée au rectorat. Je fouillai le répertoire de mon téléphone, mais son numéro ne s’y trouvait pas. C’est alors que je me souvins que je ne l’avais pas enregistré. Et que la carte qu’elle m’avait remise se trouvait encore dans la poche de mon jean. Chérie, où est le pantalon que j’avais ?

— Dans la machine, je l’ai mis à laver avec les autres vêtements sales, pourquoi?

— Tu l’as fouillé au moins?

— Euh oui, il n’y avait rien dans les poches avant. Et comme tu ne mets jamais rien dans tes poches arrière.

— Si, justement il y’avait une carte de visite. C’est la carte de l’adjointe de Rhianne. Si on veut rencontrer les filles sur la vidéo, il n’y a qu’elle qui puisse nous aider.

— Aie! Je suis désolé Thierry. La machine ne va plus tarder je l’ai réglé sur une heure. Espérons que la carte de visite n’ait rien. Je suis désolé.

— Ça ne fait rien, tu ne pouvais pas savoir.

 

*

 

Une heure trente plus tard, Jessica sortis le linge de la machine et retira la carte de visite de Samirah. Un peu mouillée, mais les numéros de téléphone n’avaient pas été effacés. Je composai un des numéros avec empressement. Le téléphone sonna une fois, deux fois, trois fois et une voix de femme me répondit. Jessica m’intima l’ordre de mettre le haut-parleur.

«Allo?»

— Bonsoir, puis je parler à Samirah, s’il vous plaît?

«C’est elle-même. Qui la demande ?»

— Thierry, le garçon du rectorat.

«Ah oui, tu ne perds pas de temps toi. Alors quoi de neufThierry?

À l’entendre me dire cela, j’eus la confirmation qu’elle croyait vraiment que je voulais la draguer. Dommage, j’étais déjà pris et par une perle qui me lançait un regard inquisiteur.

— Je voulais te rencontrer, en fait je veux te parler d’un sujet d’une extrême importance. C’est à propos de Rhianne. Tu la connais?

«Bien sûr! C’était ma meilleure amie, dit-elle tristement. Tu veux assister aux funérailles? Son corps est encore à la morgue, on doit procéder à l’autopsie pour déterminer la cause du décès. Tant que l’enquête ne sera pas bouclée, on ne peut rien prévoir. Ses parents décideront du jour de la sortie du corps.

— En fait, j’ai envie qu’on parle d’un sujet assez sensible. Rien de grave, mais j’ai vraiment besoin qu’on se voie. J’ai des choses la concernant à te montrer, s’il te plait. Tu es disponible aujourd’hui?

«Pas possible, je suis prise. Et demain aussi. Lundi en après-midi, ça te va?

— Lundi soir, d’accord, répondis-je.

«Tu connais, Le Blu Butterfly? C’est un salon de thé au Bas de Gué Gué[1]. J’y serai toute la soirée, avant d’aller à la réunion chez l’oncle maternel du papillon.

— D’accord, on s’appelle vendredi matin.

«C’est ton numéro? Je peux l’enregistrer?

— Oui, rendis-je.

«D’accord, on se capte Lundi, bisous!

 

La fille coupa l’appel sous le regard curieux de Jessica qui la trouvait trop gentille à son goût. C’était trop facile d’après elle mais l’on n’avait rien d’autre à se mettre sous la dent. Je m’étais rassuré que Samirah n’était pas morte.

Mais qui était alors la fille retrouvée avec le désormais feu Yitu Mavouroulou?

 


 



[1] Quartier situé dans le premier arrondissement de Libreville

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