Chapitre 20 : Un papa et une maman en or

Ecrit par Auby88

Dans la somptueuse villa des N'KOUE.

Margareth IDOSSOU

Nous nous garons à l'intérieur de la maison, pas loin du portail. J'ai voulu marcher pour me remémorer tous les souvenirs que j'ai de ce lieu magique.

Quelque part, près d'un vieil arbre, je m'arrête. Un grand arbre, peuplé par des oiseaux qui chantent à longueur de journée. Je m'approche un peu plus. David me suit. Je redécouvre les mots que nous avions gravé là, David et moi. J'y passe mes doigts.

" Mélanie et David, amis pour la vie ". Je me tourne vers David.

- Les mots sont restés intacts, comme si on venait juste de les inscrire.

- En effet. Tu auras le temps de revenir ici. Il faut qu'on y aille.

J'acquiesce. Nous longeons la grande allée bordée de gazon pour atteindre la dépendance principale. Du séjour, nous parviennent deux voix, une masculine et l'autre féminine. Je devine déjà à qui elles appartiennent...


- Mélanie, Mélanie ! crie madame Eugénie N'KOUE en se levant. Elle accourt vers moi, à la manière des mamans africaines contentes de revoir leurs enfants. Monsieur Pierre N'KOUE aussi s'approche de nous.

- Maman ! Je suis contente de vous revoir.

- Pourquoi es-tu partie,  sans laisser de traces ?

J'hésite à lui répondre.

- Laisse-la, voyons ! rétorque le père en m'embrassant. Elle est là et c'est l'essentiel. Tu ne lui offres même pas à boire et déjà tu l'assailles de questions !

- Oh arrête ! s'insurge la vieille.


Ces deux vieux ont toujours été ainsi. Ils passent leur temps à se chamailler puis se réconcilier. Je les laisse parler. David aussi. D'ailleurs, il semble invisible actuellement. Ils n'ont d'yeux que pour moi.

- Allez, viens Mélanie. Viens t'asseoir.

La mère s'empresse de saisir ma main. Je vais m'asseoir dans le canapé avec elle. Elle me fait apporter de l'eau. Le père nous rejoint. David, debout, telle une statue au seuil de la porte finit par parler.

- Coucou, je suis là.

Ils lèvent des yeux hagards vers lui.

- Nous ne sommes pas aveugles, David. Toi, tu es un habitué de la maison. Tandis que Mélanie est une invitée très spéciale. En tout cas, j'adore ta surprise.


De tout et de rien, nous parlons. Je reste assez évasive sur mon passé. J'ai l'occasion de revoir Paul le grand-frère et son épouse Dora, sans oublier Ariane la benjamine de la famille. Avec enthousiasme, eux aussi m'accueillent. Je suis vraiment comblée par tant d'attention. Je me sens vraiment en famille. Nous passons ensuite à table. Puis nous allons tous sous la grande paillote, près de la terrasse. Je regarde en direction de David qui est resté muet depuis.

Son père ne tarde pas à le taquiner comme à son habitude.

- Mélanie, j'espère que cet avare de David ne t'a pas amenée ici dans son tacot !

- Euh !

Je balbutie, ne sachant que répondre.

Paul et Ariane pouffent de rire.

- Ce n'est pas gentil ! intervient la mère. Laissez mon petit chéri tranquille.

- Maman, laisse les parler. J'y suis habitué.

- Dis Mélanie, renchérit Paul, est-ce qu'il t'a enfin dit qu'il a toujours eu un faible pour toi ?

La question me déconcerte quelque peu. David se redresse subitement sur son fauteuil.

- Ne fais surtout pas attention à ce que dit Paul. Il passe son temps à raconter des bêtises.


Le contraire m'aurait vraiment étonné. David, m'aimer !  Je n'ose même pas y penser. D'autant plus que je ne le vois que comme un frère.

- Pourtant, il … commence le père.

Il est vite interrompu par la mère.

- Arrêtez de taquiner ainsi mon fils. Il risque de nous fuir. Déjà qu'il vient rarement ici.

- En tout cas, sachez que vous faites un beau couple tous les deux.

Je ne sais quoi dire sur ce commentaire de sa petite sœur.

- Ariane, plutôt que de chercher à me caser à tout prix avec Mélanie, tu devrais plutôt penser à te trouver un homme ! rétorque David.

- Au moins, je suis moins lâche que toi !

- Ça suffit vous deux ! Quelle opinion voulez-vous que Mélanie et Dora aient de nous ?

Je hausse juste les épaules. Je ne suis pas gênée, mais plutôt amusée.

- Mais maman, c'est lui qui a commencé. Pourquoi prends-tu toujours sa défense ?

- C'est son fils préféré, ironise monsieur N'KOUE.  

- Toi, n'envenime surtout pas les choses ! prévient madame N'KOUE en donnant une tape sur le dos de son mari.

David secoue la tête. J'ai l'impression que cette ambiance l'ennuie. Je ne me suis pas trompée. Il finit par demander à partir, prétextant qu'il doit repartir au service. Mensonge. Je ne suis pas vraiment contente de m'en aller ainsi. Je me plais beaucoup dans ce cadre familial. Mais je n'objecte pas. Je pourrai à loisir revenir les voir.

Madame N'KOUE tient à m'offrir une médaille de Notre Dame des Victoires. Je ne peux refuser, même si je n'y crois plus vraiment. De ses mains, je prends la médaille en lui déposant un bisou sur la joue. A son tour, elle me gratifie d'un bisou sur le front :

- Que Dieu te bénisse, ma fille !

- Merci, maman, dis-je vraiment émue.

Cette bonne femme, je l'aime beaucoup. Elle me rappelle tellement ma mère : aimante, fervente et toujours soucieuse pour ses enfants.

Pendant que j'avance dans l'allée avec David, je regarde en arrière et les vois tous sous la paillote, levant les mains vers nous. Je fais pareil.

- J'adore vraiment ta famille, David !

Il ne dit mot. Il toussote juste.

- C'est vrai qu'ils sont très taquins avec toi, mais je suis sûre que c'est juste par amour. En tout cas, j'ai bien adoré leurs plaisanteries nous concernant, même si je ne comprends pas pourquoi les gens pensent qu'il ne peut y avoir une simple amitié entre un homme et une femme. Sinon, comment peuvent-ils penser que tu ressentes autre chose qu'un amour fraternel pour moi ! C'est absurde !

- Oui, très absurde, dit-il en haussant les épaules. N'y pense plus. Qu'est-ce que tu comptes faire à présent ?

- Faire un tour au cabinet. Et toi ?

- Retourner chez moi et me reposer pleinement.

- Tu ne peux savoir combien je t'envie, David N'KOUE !

Il sourit. Je mets une main dans la sienne et nous marchons comme au bon vieux temps, levant les mains aussi haut que possible tout en avançant. En passant devant le grand arbre, je le regarde une fois encore. Nous arrivons finalement à la voiture, quand mon téléphone sonne. Le numéro de l'orphelinat. Je me dépêche de décrocher. David me regarde. Je lui fais signe de prendre des notes pour moi. Il s'exécute.


- Je suppose que c'est à propos de ta fille !

- Oui, dis-je en raccrochant.

- Tu viens de noter l'adresse de la jeune religieuse dont je t'avais parlé.

- Je ne pensais pas devoir aller jusqu'à Natitingou pour avoir des nouvelles de Maéva, mais je suis prête à tout pour la revoir.

- Comment comptes-tu t'y prendre ?

- Je ne sais trop. Cela va chambouler mes rendez-vous professionnels, mais je me dois d'y aller le plus vite possible. J'ai déjà perdu assez de temps.

- Tu as raison.

- Au fait, tu m'avais dit que tu y as travaillé ! N'est-ce pas ?

- Oui, Mélanie.

- Et je suppose que tu connais la commauté des sœurs de la Charité.

Il hoche la tête.

- Alors, pourquoi ne viendrais-tu pas avec moi ? Je n'y suis jamais allée. Avec toi, je me sentirai plus en sécurité et je ne me perdrai pas trop.

- Mélanie, je ne peux pas. J'ai mon boulot.

- Je sais, mais tu n'es quand même pas le seul pédiatre là et si tu veux, nous irons en weekend. Deux jours tout au plus. Dis oui, s'il te plaît.

Je le supplie avec mes yeux. D'habitude, il ne me refuse rien. Je sais qu'il finira par céder. C'est peut-être capricieux de ma part, de vouloir qu'il vienne avec moi. Mais à ses côtés, je me sentirai plus rassurée et pas seule pour rencontrer cette religieuse.  























 

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