Chapitre 23

Ecrit par EdnaYamba

               

 

Chapitre 23

Isabelle MOUKAMA

-         Bonjour Isabelle, je suppose que tu te souviens de moi, je suis Mélanie BOUMI, la femme d’Antoine, je suis venue te donner un avertissement éloignez-vous ta fille et toi, de mon mari !

Ah la voilà !

La responsable de tout ce chaos. J’avais plutôt pensé qu’elle resterait dans son coin, après qu’elle ait été découverte, mais non.

Elle s’avance menaçante alors que sa cousine reste derrière à s’exciter comme une puce. Elle doit vraiment croire qu’elle m’éffraie, mais qu’elle s’approche encore un peu, je n’attends que ça. Elle ne manque pas d’audace de venir se présenter devant moi et de me menacer.

Je me revois en train de courir derrière ce taxi dans lequel elle s’enfonce avec Boumi, toute cette souffrance me revient à l’esprit, mes nuits à pleurer, ma tentative de suicide, à cause d’elle. Et elle , elle vient me dire de m’éloigner de son mari, de quel éloignement peut-elle encore parler ici, quand pendant 17 ans , elle a bénéficié du bonheur d’être à côté de l’homme que j’aime, me privant de ce bonheur. Elle m’a volée ma vie…

-         Dégage de mon restaurant Mélanie, lui dis-je en essayant de contenir la colère qui commençait doucement à m’envahir.

-         Pas avant que tu ne me dises que vous allez vous éloigner de mon mari !

-         17 ans ont bien suffi pour qu’on soit éloignés , maintenant non, tu vas devoir composer avec nous, ma fille verra son père autant de fois qu’elle voudra , tu ne pourras pas empêcher ça et moi je parlerais avec BOUMI si ça me chante.

-         Tu ne sais pas de quoi je suis capable… ta fille…

Elle n’a pas le temps de terminer sa phrase que ma main qui me démangeait au fur et à mesure qu’elle avançait s’abat sur son visage, bien résonnante. Elle s’attrape la joue douloureuse, ses yeux lancent des éclairs, elle veut riposter mais j’attrape sa main et rapidement nous nous trouvons à terre.

Gnomba qui veut s’avancer vers nous  est rapidement bloquée par ma serveuse et Lydie qui nous ont rejointes.

 

Lydie vient me retirer d’au-dessus d’elle.

-         Mélanie, lui dis-je, le cœur battant de colère, je ne te permettrais pas de menacer ma fille tu comprends, si tu touches un seul cheveu de mon enfant, un seul, je te tue ! Fous le camp de mon restaurant, fous le camp ! sorcière, tu es une femme maudite, tout ce mal que tu as répandu te reviendra comme un boomerang !  Lydie mais lache-moi voyons que je lui donne ce qu’elle mérite.

 

-         Mes dames allez-vous en ! leur dit Lydie en me retenant toujours, sinon j’appelle les petits du quartier qui se feront un plaisir de vous escorter !

Mélanie crache vers notre direction.

-         Isabelle, ni toi , ni moi aucune de nous d’eux n’aura BOUMI, il faut que tu le saches ! Gnomba allons !

La serveuse ferme la porte derrière elles.

C’est à ce moment-là que Lydie me lâche, elle m’entraine vers une table pour que je me calme.

-         Heureusement pour nous, ce n’est pas l’heure à laquelle nous clients viennent habituellement, me dit-elle, en regardant autour de nous.

-         Ce n’est pas comme-ci, je les appelais ici, non plus ! répliqué-je devant son sous-entendu.

 Tu ne sais pas de quoi je suis capable. J’aurais vraiment dû lui donner les coups qu’elle mérite.

Qu’est-ce qu’elle croit qu’on ne sait pas d’elle !?

On sait qu’elle est capable du pire, il va falloir que je prévienne Antoine, je ne sais pas compter il compte gérer cette affaire, mais je ne vais pas prendre ses menaces à la légère.

-         Je ne vais pas travailler aujourd’hui ! dis-je en me levant pour aller prendre mes affaires.

-         Tu vas où tu sais que….

-         Lydie, s’il te plait ! quand tu t’absentes je ne dis rien, est-ce que je peux moi aussi, prendre une journée pour souffler s’il te plait !

-         Ok !

-         Merci, dis-je en sortant.

Devant le grand ’immeuble abritant BMT, quarante-cinq minutes plus tard, je me tiens hésitante, dois-je entrer ou pas ?  Il s’agira quand même de me tenir devant BOUMI, après tant d’années… Mais je ne viens pas pour nous, je viens pour Grace. Il ne faut pas que cette folle s’approche d’elle.

Mon téléphone sonne c’est René. Je ne décroche pas , ce n’est pas le moment.

Je me décide à entrer.

-         Bonjour, pourrais-je voir Mr Antoine BOUMI ? dis-je à la réceptionniste.

-         Madame, Monsieur le Directeur ne reçoit pas sans rendez-vous !

Elle me dévisage de la tête aux pieds. Je suis certes bien vêtue certes, mais pas assez pour rencontrer le Directeur à ce que je vois. En plus elles ont raison, ne voit pas le Directeur qui veut.

Il a finalement bien réussi Antoine, malgré tout, il a quand même pu accomplir son rêve de ce côté-là.

Je n’insiste pas. J’appelle Grace.

-         Tu peux me donner le numéro de ton père s’il te plait !

-         Maman si c’est à cause du téléphone…

-         C’est pour autre chose… j’attends Grace !

-         D’accord maman. Je t’aime tu sais !

Elle m’arrache un sourire.

Depuis la révélation, elle est un peu plus câline. J’imagine qu’avoir entendu tout ce par quoi je suis passée, a dû la bouleverser et qu’elle se sent obligée de me manifester à chaque fois son amour.

-         Tu n’as pas besoin de me le répéter tous les jours Mlle MOUKAMA, je le sais !

Elle rit avant de raccrocher. Je reçois aussitôt un message avec le contacct de son père.

Je soupire un instant avant de lancer l’appel.

-         Allo, Antoine BOUMI à l’appareil

Quelques minutes de silence.

-         Antoine, c’est Isabelle, je suis à la réception, j’ai besoin de te parler

-         J’arrive tout de suite !

 

Grace Jeannie MOUKAMA

-         Alors ? me demande Jonathan qui m’a invitée manger une pizza.

Quand je suis arrivée chez eux, tout à l’heure, Sandra et Loic étaient sortis. J’ai trouvé Jonathan seul comme à son habitude devant un roman. Je m’apprêtais à rentrer à la maison, quand il m’a proposée d’aller prendre une pizza. J’ai volontiers accepté même si au début, j’étais un peu gênée comme à chaque fois que je dois me retrouver seul avec Jonathan. si avant je le voyais comme le grand frère, celui qui nous protégeait toujours, ces derniers temps de plus en plus, je suis troublée en sa présence. Ce  qui me paraissait banal parce que je les prenais comme des marques d’affection d’un grand frère, semblent devenir significatifs pour moi…

-         Je ne sais pas, j’espère juste que leur entrevue se passera  bien, soupiré-je

Je compte sur leur bon sens. Si la dernière fois, elle était très en colère au point de vouloir le tuer, depuis j’imagine bien qu’elle s’est calmée, maintenant qu’elle sait qu’il a lui aussi été manipulé.

Leur histoire est triste. Je n’imagine pas être à leur place présentement, comment ils vivent tous les deux cette déception, ça doit être difficile de penser à ce qu’aurait été la vie sans toute cette machination.

-         Tu crois qu’ils s’aiment encore ? me demande Jonathan

-         Même si c’est le cas, ça m’a l’air désormais impossible.

Ce sont mes parents et j’aurais voulu que le temps leur offre une seconde chance mais  désormais pour maman, il y a tonton René, Ethan et Justy.

Je vois chez mon père, cette lueur de tristesse dans le regard,  il y a beaucoup de regrets, je le sens dans sa voix, à chaque fois que je le vois.

Mais le temps finira certainement par guérir ses blessures.

-         Ça doit être difficile de vivre en sachant qu’on ne peut pas dire je t’aime à la personne qu’on aime. Ça me fait réfléchir tout ça

-         Oui, dis-je pensive.

-         Gracie, j’espère que tu ne m’en voudras pas… je sais que j’ai 21 ans et toi à peine 17 ans mais…

Il se gratte la tête cherchant les mots, alors que je garde le regard rivé sur la part de pizza que je viens de placer sur mon plat, le cœur qui bat, va-t-il me dire qu’il est…

-         Quand il faut y aller…Loic et Sandra ont raison…. Je t’aime Grace !

Il soupire comme s’il était libéré d’un poids qui pesait depuis longtemps.

-         Tu n’es pas obligée… de dire quoi que ce soit, je crois que c’est …l’histoire de tes parents… qui m’a bouleversé, je sais que je suis peut-être un peu trop âgé.

Âgé ? C’est à peine 4 ans de différence. Mon oncle et son épouse en ont bien 10, il est vrai qu’à leur époque ce n’était pas un scandale , mais 4 ans ce n’est pas alarmant non plus.

Il bégaye. Tout le monde sait que quand il est nerveux, il bégaye… Il doit être vraiment nerveux en ce moment.

-         Crois-moi… je n’ai pas cherché que ça arrive… un jour je me suis rendu compte que tu représentais bien plus qu’une sœur pour moi…

-         J’imagine que c’est ce qui m’arrive à moi aussi, avoué-je

Quand je lève enfin les yeux, je croise son sourire. je jette un regard rapide autour de nous pour voir si quelqu’un a pu écouter cette conversation intime , à deux tables vides de nous, un autre jeune couple à peine plus âgé que nous discutent amoureusement, en face de nous un groupe de jeunes plongés dans un débat politique.

Je souris alors que Jonathan pose sa main sur la mienne.

Nous ne disons plus rien et finissons notre Pizza.

 

Isabelle MOUKAMA

Il n’a pas fallu à Antoine plus de 5 minutes pour me rejoindre dans le hall. Il m’a demandé de le suivre jusque dans son bureau, alors qu’à notre passage les marques de respects fusaient de tous les côtés. Depuis nous sommes dans son bureau, les mots se perdent dans ma bouche, je n’arrive pas à dire quoi que ce soit et lui aussi apparemment.

Nous nous regardons tous les deux sans un mot.

Le temps a eu pour effet de le rendre encore plus séduisant que par le passé, apprécié-je.

J’étais venue pour parler de Grace. Il faut que je me ressaisisse.

-         Tu as bien réussi ! dis-je finalement

-         Si on peut appeler ça Réussite… c’est la seule chose de vrai qu’il y a au sortir de ces dernières années… mais après ça ne fait pas le bonheur quand on n’a pas ce qu’on veut vraiment…

Je ne relève pas.

-         Je suis venue pour qu’on parle de Grace, maintenant que tu es rentré dans sa vie, on est deux parents et il faut qu’on s’entende sur certains points !

-         Ce n’est pas moi qui ai refusé de te rencontrer Isabelle

-         Il fallait que j’en parle avant avec mon mari…

-         Et il est d’accord maintenant c’est ça ?

-         Ce n’est pas le sujet du jour !  je suis venue pour qu’on parle de Grace.

-         Grace m’a dit que tu n’avais pas beaucoup apprécié que je lui offre un téléphone, c’est pour ça que tu es là ?

-         Pas vraiment.. Mélanie est venue me menacer, elle m’a dit qu’il faut que Grace et moi, on s’éloigne de toi. Je ne veux pas qu’elle fasse du mal à ma fille Antoine !

-         Elle m’a déjà éloigné de toi

Il marque une pause. Alors que devant cette réalité ,  dans mon cœur c’est comme si on enfonçait à nouveau un clou,

-          ….elle ne m’éloignera plus de ma fille ! Ne prête pas attention à elle, de toutes les façons, je vais régler ça !

Il se lève de son fauteuil du quel il était assis et se place en face de la vitre qui donne sur la ville, me faisant dos, les mains dans les poches.

-         Parfois j’aimerais me réveiller et me dire que tout ça n’est qu’un rêve ! Que j’ai les gens que j’aime à mes côtés, ma fille et toi…

Des larmes coulent de mon visage.

-         Mais je me réveille et je me rends compte que la réalité est autre, tu es mariée, tu as des enfants…qui auraient pu être les miens… que tu aimes certainement un homme qui aurait dû être moi…  Une réalité difficile à supporter, la seule chose qui me maintient c’est cette délicieuse enfant que tu m’as donnée. C’est la seule raison pour laquelle je me lève encore tous les jours, tu ne peux m’empêcher de la gâter, de lui offrir ce que je peux. C’est la seule chose qui me reste… c’est la seule chose que j’ai à présent en commun avec toi…

Il marque une pause.

-          , Isabelle, je ne t’aurais jamais abandonné tu le sais au moins j’espère…

J’hoche la tête sachant qu’il ne me voit pas, mais je suis sûre qu’il connait ma réponse.

-         Je t’avais fait une promesse que je n’aimerais que toi et je me reveille 17 ans plus tard d’un coma avec cette promesse gardée au frais, je n’aime toujours que toi et je n’aimerais jamais que toi

Je ne peux pas écouter plus.

Je me lève pour quitter son bureau en courant, les larmes plein les yeux.

Le cœur en lambeaux, j’arrive à l’extérieur, je trouve un refuge dans un coin où je me mets à pleurer véritablement, incapable de m’arrêter.

-         Elle est quelque là-bas monsieur, entends-je le vigil dire à Antoine.

J’essuie rapidement mes larmes pour fuir à nouveau, mais en courant c’est contre lui que je bute. Et mes sanglots reprennent de plus bel alors qu’il renferme ses bras autour de moi.

Je l’ai aimé, je l’aime moi aussi et probablement, je devrais vivre avec toute ma vie.

L'orpheline