Chapitre 24

Ecrit par leilaji

LOVE SONG 

Tome II

(suite de Xander et Leila + Love Song)


Lola


Episode 24


Je suis en final et  même si j’étais assez confiante sur le faite de l’atteindre, je suis tout de même très heureuse d’y être parvenue.  Les juges m’ont fait quelques reproches dont je vais tenir compte coute que coute. Selon eux, je choisis toujours le show au lieu de l’émotion. C’est normal. Je préfère mille fois danser et m’épuiser sur scène plutôt que de m’effondrer en chantant une chanson qui me rappellerait de mauvais souvenirs. 


Comment veux-je gagner ? En franchissant mes propres limites. Il y a une chanson qui me trottait dans la tête au début de ma nouvelle relation avec Gabriel. Avant que je n’efface les peines et les regrets : à fleur de toi. J’aimerai bien essayer de la chanter. Mais je crains que si Gabriel l’entend, il l’interprète mal.     


Je ne vais pas reculer maintenant. Il faut que je le fasse. Pour la grande finale, on a pu quitter le Taj et rentrer chez nous pour un week-end, histoire de décompresser. Gabriel nous l’a accordé à Magalie et à moi. Nous sommes les deux dernières finalistes. Magalie est chanteuse de gospel. Elle a une voix puissante qu’elle manie à merveille. Moi, je suis juste Lola. Je donne au public ce qu’il veut : du divertissement. 


On cogne à ma porte. Il n’y a personne d’autre que moi à la maison. Papa est allé faire un cort séjour chez sa cadette tandis que maman est allée au mondial acheter de la marchandise qu’elle revendra à Libreville deux à trois fois le prix d’achat. J’attache mon pagne, éteins le lecteur CD et va ouvrir. 


— Salut Lola. 


Je suis heureuse de voir Prince. Il a été mon soutien le plus fervent pendant toute sa présence dans l’émission. Il me prend dans ses bras un bref moment et je l’invite à entrer. 


— Ca fait un bail Prince ! Comment vas-tu ? je lui demande tandis qu’il prend place sur nos vieux fauteuils défoncés. 

— Je vais bien merci. J’ai plus une minute à moi mais je ne m’en plains pas. Et toi ? Le trac pour la finale ? 

— A chaque fois que j’y pense j’ai envie de dégueuler, je réponds en allant lui chercher un verre d’eau à la cuisine. 

— Je meurs de faim, t’as rien préparé ? 

— Poulet sauce d’arachide, ça te dit ? 

— Avec quoi ? Suis pas fan du manioc. 

— Hum, tu fais la bouche en plus ! Mtchrrr y’a du riz blanc.  

— Ok. C’est top pour moi. 


Je nous sers deux assiettes et reviens au salon avec un plateau bien rempli. 


— J’ai ni jus, ni bière au frais. Je te laisse et je vais rapidement en acheter chez le boutiquier. Tu prends quoi ? 

— De la bière s’il te plait. Une heineken. 

— Hiiii. Qui a l’argent pour t’acheter la heinken? Je te prends la Régab. 

— Nahhh vous les femmes ? A quoi ca sert de me demander ce que je veux si c’est pour m’imposer autre chose ? 

— C’est pour faire semblant d’être bien éduqué. 


Il éclate bruyamment de rire, ce qui me fait sourire aussi. Prince sort un porte feuille de sa poche arrière, l’ouvre et en tire un billet de dix. Il me le tend. Je le prends et sors nous acheter à boire. Je trouve la visite de Prince très opportune. Avec lui je rigole toujours et il est de bon conseil. C’est un mec que je trouverais à mon gout s’il n’y avait pas Gabriel. 


Je m’arrête au premier bar que je vois et commande une grande bouteille d’heinken. Je prendrais un soda chez Abou. Notre maison étant dans les bas-fonds du quartier Montagne Sainte, il est très difficile de se balader la nuit. Il y a très peu d’éclairage. J’allume la fonction torche de mon téléphone pour y voir mieux. Ce serait dommage que je glisse dans un ruisseau d’eau sale. Le genre de mésaventure qui est arrivée à Gabriel la dernière fois qu’il est parti de chez moie n pleine nuit. Quand on parle du loup, on voit sa queue. 


— Salut Lola. 


J’ai envie d’éclater de rire. Il est accroupi en train de nettoyer sa chaussure avec un kleenex, son téléphone en bouche pour s’éclairer. 


— Mais qu’est-ce que tu fais là ? 

— Je me disais que tu devais stresser toute seule, alors j’ai pensé à venir te tenir compagnie. 

— Et à force de penser à moi, tu as mis les pieds là où il ne fallait pas… 

— Rigole bien ! 


Une fois l’opération de nettoyage terminée, il se lève enfin. Je me rapproche de lui et pose un baiser sur ses lèvres. J’ai pas peur qu’on nous voit puisqu’il fait noir. 


— Un bisou pour te remercier d’être passé me voir. 

— J’aime mieux ça. 

— Alors ? Comment ça va ? 

— J’ai le trac. 

— Et moi donc. Je ne sais pas si tu as conscience que j’ai fait tout ça pour toi. J’avais confiance en ton talent et en ton potentiel et là tu es à deux doigts de gagner. J’en dors plus la nuit tellement je suis stressé. Il faut absolument que tu choisisses une chanson ou pour une fois tu ne danseras pas. Il faut que pour ta dernière, tu étonnes ton public…


Il s’arrête brusquement de parler et regarde autour de lui avec suspicion. Puis je le vois se taper le crane. Apparemment, les moustiques s’acharnent sur lui. 


— Ok. Est-ce qu’on peut aller chez toi ? On dirait que tous les moustiques du quartier s’acharnent sur moi.

— Ok. 

A peine j’ai répondu par l’affirmative que je le regrette. 


— Merde ! je m’exclame en me frappant le front.

— Quoi ? Tes parents sont là ? Ce n’est pas grave, on restera à la terrasse si ma présence les dérange.

— Non. Prince est là. 

— Prince ? Mais qu’est-ce qu’il fout là ? 

— Je n’en sais rien. Je crois qu’il est venu me soutenir pour la finale. 

— En pleine nuit ? Alors que t’es seule chez toi ? 

— Hé… Je n’aime pas ce ton. Tu fais pareille toi, non ?

— Oui mais je suis ton petit ami. 

— Ecoute, il n’y a rien de mal dans sa démarche, je t’assure. Si tu veux, on y va à deux. Mais ça sera le mettre au courant pour nous deux alors que tu ne veux pas que les gens sachent avant que je gagne la finale. Si jamais je la gagne évidemment.


Un silence gênant s’installe entre nous. 


— Décide-toi Valentine ! 

— Je vais m’en aller. Mais Lola…

— Quoi ? 

— Non rien. Viens là. 


Il me serre très fort dans ses bras et m’embrasse avec sensualité. Je sais que notre passé commun l’a rendu très méfiant envers les hommes qui s’intéressent à moi. Je ne peux pas le rassurer avec des mots. Ce serait insuffisant. Mais j’essaie quand même.


— Je t’aime Gabie. Je ne te décevrai pas pour la finale. Mon choix de chanson sera un vrai challenge pour moi. Tout se passera bien et bientôt, on pourra vivre tranquillement notre vie. 

— Je t’aime aussi. Bon j’y vais. Mais je n’apprécie pas qu’il te rende visite en pleine nuit. Je préfère te le dire. 

— Ok, c’est noté. Je lui en toucherai deux mots. 

— Ok. Tu ne trouves pas qu’on réagit en adultes responsables là.

— C’est marrant que tu le dises parce que je pensais exactement la même chose. 

— J’ai pas très envie de m’en aller. J’ai dégagé tous les rendez-vous parce que je me faisais une joie de passer la soirée avec toi. 

— On aura des milliers d’autres soirées Gabie.  


Avant de s’en aller, il m’embrasse encore. Je retourne tranquillement chez moi. Je trouve Prince qui picore dans mon assiette. C’est bien normal, la sienne est vide et propre. A croire qu’il l’a léchée. 


— Tu ne m’a même pas attendue ?

— Ca fait trois plombes que tu es partie! J’avais faim, dit-il en se tapotant le ventre tel un ogre qui vient de décorer des enfants jusqu’à plus faim. 


Je lui serre quand même sa bière puis m’installe en face de lui pour manger. 


— Il va falloir que tu te trouves une copine, je lui fais remarquer en décapsulant sa bière pour qu’il puisse la boire au clairon.  

— Les copines ce n’est pas mon style, me répond-il après sa première gorgée. 

— Quoi t’es devenu gay ? 


Surpris par ma question, il me recrache sa bière dessus. J’écarquille les yeux de stupéfaction et il me fait un signe de la main pour s’excuser. Sans même me demander la permission, il se lève et va chercher un torchon à la cuisine. Il revient avec et s’agenouille devant moi pour m’essuyer le visage.


— Est-ce que j’ai l’air d’être gay ?

— Parce que tu penses que pour être gay, il y a un air précis ?

— Quoi t’es sérieuse là ? Lola…

— Ca va, pleure pas. Je blague. 


Il retourne s’assoir et vide sa bière. 


— Il s’appelle comment ? 

— Qui ça ? 

— Celui à qui tu penses en ce moment même. 

— Je ne peux pas en parler avec toi. 

— Ok. Je comprends.  Bon je vais devoir y aller. Leila a une réunion de travail d’urgence avec un autre ministre. 

— Ca me fait bizarre de me dire qu’elle est maintenant en politique. 

— Pourquoi ? Moi je trouve qu’elle st parfaite dans don nouveau job.

— Je ne sais pas. A chaque fois que je la vois, j’ai l’impression que ce n’est plus la Leila que j’ai connu. Depuis que la vidéo catastrophique a circulé sur le net, elle a l’air … d’être une toute autre femme. Elle aimait vraiment Monsieur Khan, tu sais.

— Et elle aime tout autant Denis. C’est juste qu’elle refuse de l’admettre. Mais je t’assure que ce mec fait des choses extra pour elle. Elle ne s’en rend même pas compte tellement elle a peur de s’avouer qu’elle ressent aussi des choses pour lui. 

— Quand un mec veut à tout prix coucher avec toi, il fait forcément des trucs extras pour toi. C’est la règle de base Prince.

— Oui je sais. La dernière fois, elle a été reçue dans une grande entreprise de la place que je ne nommerai pas. A la tête de l’entreprise, une française qui vit ici depuis quoi, 30 ans au moins. Et ben Leila s’est souvenue qu’à une certaine époque, cette femme traitait ses employés noirs comme des nègres. Elle refusait que Leila traite ses dossiers quand elle les envoyait dans le cabinet où elle travaillait et demandait toujours à ce que ce soit une collaboratrice française qui le fasse. Devant les caméras, Leila a tout bonnement refusé de la saluer et a salué, le directeur adjoint comme si de rien n’était. Elle a salué jusqu’à la ménagère. Ca ne se fait pas quand t’es ministre. C’est Denis qui a réglé le truc dans son dos pour que l’image soit coupée au montage. 

— Waoh ! C’était cruel ça.

— Mais c’était super intéressant à regarder sur le moment. J’avais envie de rire mais il a fallu que je garde mon sérieux. J’adore quand elle fait ce genre de chose !

— On sent que tu aimes ta sœur. 

— Le plus con c’est que je la connais à peine. Mais déjà je me dis que jamais je ne laisserai quelqu’un lui faire du mal. Jamais. Avant-hier, un homme, un obamba l’a apostrophée quand elle rentrait chez elle. Je crois qu’il faisait parti des fonctionnaires fantômes dont les salaires ont été bloqués. Le mec lui dit : je suis de ta famille, il faut me respecter…les choses marchent comme ça depuis des années dans le pays, pour qui tu te prends blablabla, j’ai une femme et des enfants à nourrir etc. Elle lui a dit, le temps du changement est arrivé. Soit il s’y fait, soit il retourne au village si travailler en ville est trop dur pour lui. Je crois même qu’elle l’a reconnu parce qu’elle a ajouté : on ne peut pas percevoir 1 200 000 francs chaque mois, sans jamais travailler alors qu’il y a des jeunes diplômés compétents qui cherchent l’occasion de rendre service au pays. Des jeunes qui ne trouvent pas d’emploi parce que les vieux cumulent deux à trois postes sans jamais travailler. Le mec lui a dit : tu n’as pas honte de me parler ainsi. Elle a répondu qu’elle parle ainsi au nom de toutes celles et tous ceux qui ont eu peur de lui dire le fond de leur pensée. Le mec a levé la main pour la gifler et je suis intervenu. Franchement, si elle ne m’avait pas dit de le laisser, je lui aurais cassé le bras, directe. 

— Dis donc ! C’est souvent chaud…

— Oui. Le problème c’est que les gabonais veulent le changement sans pour autant changer eux-mêmes. Même si on change le système, si les mentalités ne changent pas, on n’ira nulle part.  

— Il faut que tu la protèges. Cette femme a fait beaucoup pour moi et j’espère qu’un jour je pourrai le lui rendre. 

— Tu pourrais le lui rendre en épousant son petit frère chéri ! 

— Non mais n’importe quoi. 


On éclate tous les deux de rire. 


— En tout cas je ne vais pas la lâcher d’aussitôt. Elle est fragile mais elle ne le sait pas. Elle fait confiance à notre grand-père. Mais c’est un homme… complexe et dangereux, comme tous les hommes de pouvoirs. Je veux rester auprès d’elle pour qu’il ne la change pas ou ne fasse pas en sorte qu’elle franchisse la limite, le point de non retour. 

— Waoh, tu deviens énigmatique tout d’un coup…

— Je t’en ai surement déjà trop dit. Oublie ! 


Son téléphone se met à sonner et il décroche. A mesure que son interlocuteur lui parle, ses sourcils se froncent puis il raccroche.


— Allume la télé Lola. Chaine 8 s’il te plait. 


Je m’exécute, surprise par le ton employé. Il a l’air en colère. A l’écran apparait un fait divers dont les images sont floutées. C’est une émission où on invite les personnalités politiques pour des débats. Mon père adore. Moi ça m’ennuie parce qu’on y pratique bien souvent la langue de bois. Apparemment Leila est sur le plateau. La présentatrice commente les images qui passent à l’écran. C’est l’histoire d’une jeune femme qui a suivi son mari en Inde et qui a été assassiné par lui. L’homme a tenté de dissimuler son méfait en faisant disparaitre le corps de sa femme. Il l’a découpé en morceau puis brulée. Elle était si belle. C’est affreux de mourir dans ses conditions. Puis de cette histoire, on passe à un second fait divers. La photo de Monsieur Khan apparait. Je retiens mon souffle me demandant ce qui se passe. 


— L’un des hommes d’affaires les plus puissants du Gabon, se retrouve plongé dans une sombre affaire de meurtre dans son pays d’origine. Il s’en est pris à la mère de son premier enfant après avoir été rejeté pour ses infidélités par sa femme. Nous avons là un témoignage d’un homme qui l’a connu. 


La photo d’un homme noir apparait à l’écran. Il est enseignant gabonais te vit en Inde depuis un certain temps. Il a été joint plus tôt par téléphone et il donne son point de vue sur les événements choquants qui défraient la chronique en Inde. 


— C’est comme ça qu’ils traitent les africaines ici. J’ai connu cet homme et il est d’une violence inouïe. A l’époque, il sortait avec l’actuelle ministre  et parce qu’elle s’est intéressée à moi, il a failli m’agresser avec une batte de baseball. Il a défoncé ma voiture.  

— Merci pour votre témoignage. 

— Je voulais ajouter une petite chose. 

— Allez y on vous écoute. 

— Ce n’est pas parce qu’ils ont la peau blanche qu’il faut tout abandonner derrière soi et tenter l’aventure en Inde. Ici les étudiants africains se font tuer tous les jours sans que la police n’y fasse rien. Je conseille à mes sœurs, de rester sur notre continent pour leur propre sécurité. 

— Merci beaucoup pour ce témoignage. Madame le ministre qu’en pensez-vous ? demande la journaliste en se tournant vers Leila. 


Elle semble choquée. Elle est pale, comme si tout le sang s’était retiré de son visage. J’ai moi-même du mal à comprendre ce qu’on vient de me raconter. Monsieur Khan a tué son ex-femme ? Quand on me parlait de ses colères, je ne savais pas qu’elles pouvaient le mener si loin. Apparemment, Leila ne s’attendait pas à ce que le débat vire sur sa vie. 


— Je ne savais pas qu’il était inculpé de meurtre, articule t-elle après quelques secondes de silence. 

— Est-ce à cause de sa violence que vous avez refusé de renouveler votre mariage avec lui ? Ou à cause de ses infidélités ? Beaucoup de jeunes femmes commencent à vous prendre comme modèle. Quel message souhaitez-vous leur adresser sur les violences conjugales?  

— Je n’ai moi-même jamais été victime de violence de la part de Monsieur Khan. Je suis encore sous le choc de ce que je viens de voir… je ne sais pas quoi dire. 

— Vous n’avez plus de conseils à donner ? Vous qui en êtes si friande ! intervient un des invités. 


La caméra se tourne vers lui. 


— Vous voulez conseiller des femmes alors que vous n’avez ni mari, ni enfant et que vous n’avez pas su tenir votre foyer… Pire votre mari est un assassin ! Enfin votre ex mari !

— Avec tout le respect que je vous dois monsieur Antchouet, je ne fais que mon travail. Il va falloir apprendre à dissocier la femme que je suis dans la sphère privée de la femme politique, répond Leila sur la défensive. Je ne suis pas ministre du foyer mais ministre du travail. J’ai été invité sur ce plateau par Madame Ndong qui était en fac de droit avec moi avant de changer de branche. J’ai voulu rendre service à une ancienne condisciple qui m’a invitée pour qu’ensemble nous parlions de l’égalité des chances dans le monde du travail, des droits des femmes, en particulier des femmes qui subissent des violences conjugales et des plafonds de verre dans les sociétés. Je ne savais pas qu’il s’agissait d’un piège pour m’extorquer des informations sur mon ex mari et faire sensation ! Je suis vraiment navrée que vous compariez ce que j’ai vécu avec mon ex-mari avec cette histoire malheureuse. Oui mon ex mari est indien. Mais vous n’allez pas me comparez à toutes les histoires de couples mixtes qui se terminent mal sous prétexte que la mienne aussi se terminent mal. Je peux vous citez des histoires tout aussi horribles avec des couples non mixtes. Ce n’est pas la nationalité qui tue. C’est l’homme. L’homme dans sa fureur, dans sa jalousie, dans son mal-être qu’il projette sur la femme qu’il essaie de dominer sans succès.  

— Leila… essaie d’intervenir la présentatrice. 

— Ce sera désormais Madame le ministre pour vous aussi madame Ndong !

— Je suis vraiment désolée si tout cela a été mal interprété. De toute manière l’émission touche à sa fin. 


J’éteins la télé et regarde Prince qui a ruminé sa colère tout au long de l’émission. 

   

— Je vais te laisser Lola. Il faut que j’y aille.

— Ok. Fais attention en route. 

— D’acc. A la prochaine. 


Je reste seule chez moi et imagine dans quel état Leila doit se trouver en ce moment. Elle semblait réellement choquée ! 

Je ferme la porte principale à clef et range les assiettes dans l’évier pour les laver le lendemain. Même s’il n’y a pas  grand-chose, je suis trop fatiguée pour faire la vaisselle. Au bout de quelques secondes de réflexion, je finis par me décider à rapidement les laver pour pouvoir me coucher la conscience tranquille. Maman n’aime pas que la vaisselle sale traine partout dans sa bicoque. Mon téléphone sonne. Je m’essuie les mains pleines de savon sur mon pagne et décroche alors que le numéro m’est inconnu.


— Allo Lola ? C’est monsieur Khan.

— Oh mon Dieu. 


Je raccroche immédiatement. J’ai le cœur qui bat à cent à l’heure. Cet homme a avoué avoir tranché la gorge de la mère de son enfant ! Dieu du ciel pourquoi il m’appelle ? Le téléphone sonne de nouveau. Je ne sais pas si je dois décrocher ou pas. Qu’est-ce qu’il me veut ? J’inspire et les mains tremblantes, je décroche une nouvelle fois. 


— Lola, c’est le dernier appel auquel j’ai droit donc ne raccroche pas s’il te plait.

— Vous avez tué une femme. 

— Bordel de merde, qui te l’a dit ? 

— Il y a une émission qui vient à peine de parler de vous. 

— Ce n’est pas vrai ! 

— La police dit que vous avez avoué !

— Je n’ai rien fait et je pourrai tout t’expliquer plus tard mais là je n’ai pas le temps. Je t’en prie écoute moi bien. Ne dis à personne que je t’ai appelée. 

— Même pas à Leila ? 

— Non. Son grand-père est quelqu’un de dangereux, il surveille tout le monde. Ca mettrait sa vie en danger. 

— Et pourquoi je devrais vous croire ? 

— Je sais que tu n’as aucune raison de me croire mais suis ton instinct. Je t’assure que c’est la vérité.

— Mon instinct me dit de raccrocher. 

— Alors fais-le, soupire –t-il. Je ne peux pas te forcer à m’écouter et à m’aider si tu ne me crois pas.  

— Attendez !

— Oui ? 

— Jurez-moi sur la tête de…

— Je te jure sur ma tête, la tête de Leila ou de ma fille que je n’ai rien fait. 

— Que voulez vous ? Pourquoi avez-vous appelé ? 

— Je dois revenir au Gabon. Parlez à Leila. 


Il m’explique que son avocate a réussi à obtenir sa mise en liberté surveillée avant le jour de son procès. Dans trois jours, on lui mettra un bracelet électronique au pied. Ce système rendra tous ses déplacements surveillés par la police locale. Mais il compte rejoindre le Gabon, avant la fin de ses trois jours pour s’expliquer en personne avec Leila. 


— Vous voulez fuir la justice de votre pays ? 

— Je n’ai pas le choix. C’est le grand père de Leila qui m’a piégé ainsi. Je dois la sortir de là. Je me rendrai après s’il le faut. 

— Si vous n’avez rien fait et que vous fuyiez, ça sera pire. 

— Je m’en fous de ce qui m’arrivera. Mais il faut que je lui parle et sans son grand-père de préférence. 

— Monsieur Khan, je ne sais pas trop… 

— Je n’ai que trois jours Lola, et un vol vers le Cameroun. Avec les nouvelles mesures de sécurité de l’aéroport, je ne peux même pas me risquer à mettre les pieds à l’aéroport de Libreville. Okili sera informé à l’instant où mes pieds se poseront sur le territoire gabonais. Est-ce que ta mère fait toujours ses voyages au mondial ? 


Je suis étonnée qu’il se rappelle de ça. Monsieur Khan n’a jamais été quelqu’un de très expansif mais j’ai toujours été éblouie par sa manière d’aimer sa femme. Toute cette histoire me parait irréelle. 


— Oui. Elle y est même en ce moment, alors qu’elle disait être fatiguée. Elle revient dans trois jours. 

— Dieu merci. Si je la retrouve là-bas, est-ce qu’elle pourra me faire passer la frontière à Bitam? Et m’héberger quelques jours chez vous ?

— Je n’en sais rien, il faudrait que je sois là pour lui expliquer la situation. Même si je l’appelle au téléphone pour l’informer, elle n’acceptera pas. Elle ne vous connait pas. 

— Est-ce que tu pourrais nous y rejoindre pour la rassurer ? 

— Non. Dans trois jours c’est la finale de l’émission à laquelle je participe. Si je manque cette finale, je suis foutue. Gabriel ne me le pardonnera jamais ! Je ne peux pas envoyer quelqu’un d’autre ? 

— Je n’ai confiance en personne. Même toi j’ai eu du mal à me décider à t’appeler ! 

— Je suis vraiment désolée Monsieur Khan ! Vraiment. Mais tout ça c’est trop pour moi. 

— Si tu changes d’avis, il te suffit de biper le numéro 676 543 332. Mais achète une nouvelle  puce pour le faire s’il te plait. 

— Je ne changerai pas d’avis Monsieur Khan, je suis désolée !

— Nos malheurs entrent souvent par des portes que nous leur ouvrons ! Je mérite surement ce qui m’arrive. Surtout ne te culpabilises pas Lola. Merci. 


Il a l’air désespéré quand il me dit que ce n’est pas grave et qu’il me remercie de l’avoir au moins écouté. Je raccroche, un nœud dans le ventre. Je ne sais pas pourquoi j’ai l’impression d’avoir mal fait. Cet homme a tué une femme. Il ne mérite pas que je lui vienne en aide. Peut-être même qu’il mettra Leila en danger. 

 

Je vais me coucher le cœur lourd, non sans avoir demandé à Dieu de me conseiller dans mon sommeil.  En pleine nuit, je me réveille en nage avec en écho dans ma tête, une phrase prononcée quand Prince était encore là…


« Cette femme a fait beaucoup pour moi et j’espère pouvoir un jour le lui rendre ! »


Je saute de mon lit et m’engouffre dans la douche afin de me rafraichir le corps et les idées. Je n’ai plus sommeil, je n’arrête pas de penser à tout ce qu’il m’a dit. 


Peut-être que c’est le moment. Prince m’a dit à demi-mots que le grand-père de Leila est dangereux. Monsieur Khan a dit la même chose. Si c’est vrai, elle doit le savoir. Et pour qu’elle le sache, je dois aider Monsieur Khan ! 


Bon Dieu, mais si je l’aide sans rien dire à personne, c’est Gabriel et mon rêve de succès que j’abandonne. Dois-je expliquer ce qui se passe à Gabriel ? Mais il travaille avec Monsieur Okili en ce moment. Et à Leila ? Que dois-je faire ? 

 

A suivre!



Love Strong (Tome 2...