Chapitre 25
Ecrit par Annabelle Sara
Chapitre
25
La
soirée battait son plein et Stéphane devait supporter les conversations
désinvoltes et les fioritures dont discutait ce monde de la mode, en bref le
genre de sujet qu’il n’affectionnait pas vraiment. De toute la soirée il
n’avait pas parlé une seule minute avec Victoire, qui devait jouer son rôle de
représentatrice de la nouvelle marque. Il l’apercevait en ce moment en pleine
discussion avec des journalistes qui étaient venus lui poser quelques
questions. Leurs regards se croisèrent et il lui sourit, elle lui rendit son
sourire avec cette lueur de bonheur qu’il lisait sur son visage depuis quelque
temps, il espérait intérieurement d’être la cause de ce changement chez elle.
Ils
avaient passé ces deux dernières journées à sortir prendre un café et se
promener en se racontant des histoires sur leur enfance. Stéphane avait
d’ailleurs appris que la jeune femme, toute petite participait déjà à des
concours de beauté et qu’elle les avait tous perdu.
« Les jurys trouvaient surement que mes pieds n’étaient pas très
proportionnels à mon corps ! », avait-elle déclaré en riant
rapidement imitée par Stéphane. « Une chance qu’ils aient arrêté de
grandir. »
Il
avait savouré chaque minute passé en sa compagnie, elle savait l’écouter et
surtout elle était très attentive à chaque changement de ses humeurs. Elle
avait réussi à déceler de l’anxiété dans un de ses soupirs, lorsqu’il repensait
à la conversation infertile avec sa mère quelques jours auparavant.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? Surtout ne me dis pas que tout va comme
il faut tu as les traits tirés à l’extrême on dirait qu’un train t’est passé
dessus ! », Déclara-t-elle en lui caressant les yeux qu’il imaginait
surement cernés par l’angoisse dans laquelle il vivait en ce moment.
L’approche
du jour J lui donnait des insomnies, qu’allait-il se passer ? Mais il ne
voulait pas gâcher les précieux moments qu’il partageait avec la femme qu’il
aimait à parler de ces histoires de familles qui lui volent son sommeille. Il
lui mentit.
« Rien, juste que j’ai trop de travail en ce moment ! »
Il
savait qu’elle n’était pas convaincue par sa réponse, mais elle n’avait rien
dit voyant qu’il ne voulait pas en parler. Stéphane se sentit mal, il voulait
tout partager avec elle, ses joies et ses peines et il avait peur de la perdre
alors il avait décidé de lui dire, et puis elle faisait un peu partie de la
famille. Elle écouta, d’ailleurs il découvrit une nouvelle facette de sa
personnalité, c’était non seulement une femme douce mais aussi compréhensive et
de bon conseil. Elle lui demanda de ne pas se miner et d’attendre le bon moment
avant de parler et faire parler sa mère.
Il
fallait qu’il lui parle, il la voulait à ses cotés. Alors il lui fit signe de
venir près de lui lorsqu’une main se posa sur son épaule.
« Crois tu que tu devrais remplacer Ingrid par sa rivale ? », lui
demanda sa mère en souriant à la jeune femme qui se dirigeait à présent vers
eux. « Même si a mon avis c’est un beau brin de fille, la seule tache sur
le tableau son passé… quoique nous avons tous des cadavres dans nos
placards ! »
C’est
la dernière personne avec qui il voulait parler de sa relation avec le
mannequin en ce moment. Mais sa réaction tout de même lui faisait plaisir, Pulchérie
approuvait son choix, il faut dire que c’est une première.
« Si on regarde bien, cette fois c’est mon choix, et je crois que c’est le
plus sûr ! », lui répondit sans quitter Victoire qui fut retenu une
minute par un couple de people qui voulait surement la féliciter.
« Tu sais que je m’inquiète pour ton bien être, chéri ! »
« Si tu faisais cela pour tous tes enfants tu en serais encore plus
honorée, mais je crois que tu n’as rien à apprendre de moi… tu es une grande
fille… alors pas besoin de moi ou de quiconque ! »
Pulchérie
grimaça et se tourna vers son fils en gardant sa main sur son avant-bras.
« Aies pitié de moi chéri, je suis un peu grisée par l’alcool…oh, ma belle
vous avez été maestriale. Vous êtes un véritable joyau… et je suis heureuse que
vous le soyez pour nous. », dit-elle en accueillant le mannequin qui
semblait ne pas saisir le sous-entendu.
« Je suis heureuse que ma prestation vous ait plu, Mme Edang… »
« Oh ! Chérie appelle moi Pulchérie, et sache que tu es une déesse
sur tous les points du terme… »
« Merci ! », répondit cette dernière les joues rosies par les
compliments de la vielle dame.
« Au fait Stéphane, je n’ai pas vu ton frère il n’est pas
venu ? », s’enquit la mère en se retournant vers son fils.
Quand
on parle du loup… Ronald apparut derrière eux comme par enchantement.
« Je suis là maman, tu voulais me voir ? »
Il
y’avait une sorte de tension dans sa voix qui fit froncer les sourcils à Victoire,
ces gens avaient un problème. Ils le masquaient bien.
« Seigneur, Ronald va tu arrêter de jaïr comme cela de nulle part ?
Je pourrais faire une attaque un de ses jours… »
« Je crois que tu es trop solide pour avoir une attaque cardiaque,
maman ! », répliqua-t-il en gardant son ton taquin.
« N’empêche que on ne sait jamais ce qui peut se passer d’une minute à
l’autre… qu’à cela ne tienne, je voulais simplement que tu me présentes la
jeune femme qui te garde si souvent hors de la maison, si bien-sûr tu es
accompagné par cette dernière ? »
« Est tu réellement intéressée par elle ? », demanda le fiston
avec une pointe de surprise.
« Il faut bien que je me fasse une idée de tes goûts en matière de femme,
non ? Ton frère adore les mannequins voyons si tes préférences relèvent ce
défi ! Comme cela on ne m’accusera pas de ne rien savoir de mes
enfants ! »
Stéphane
grimaça ce fut imperceptible mais Victoire le vit dans ses yeux en une seconde.
Cette conversation avec sa mère l’exaspérait. Tandis que son frère s’en allait
chercher sa compagne, il se tourna vers elle et murmura entre ses dents :
« N’as tu pas des choses intéressantes à raconter à ta chère
Shannon ? Ou alors tu évites déjà sa compagnie ? »
« Cette pauvre fille doit surement ruminer son désarroi en ce moment dans
un hôtel dans les bras d’un parfait inconnu… », ajouta-t-elle en la
direction de Victoire sans cacher son plaisir : « Elle est très
jalouse de vous… d’ailleurs qu’elle femme de moins de cinquante ans ne le
serait pas de vous ? »
« Maman… », coupa Ronald qui était revenu vers eux avec Justine qui
lui souriait en tenant son verre de champagne à la main. « Je te présente
Justine Atah Njie… Justine, ma mère, Pulchérie Medou Edang… »
Un
silence de mort s’abattit dans le groupe, les deux femmes se dévisageaient et
se jaugeaient du regard. Subitement chacun de leur regard se voilèrent et
devinrent vitreux, comme si elles se seraient toutes deux retrouvées devant un
spectre. La main que Justine avait tendue à la mère de son ami retomba
lourdement le long de son corps et le verre qu’elle tenait une seconde plutôt
s’échappa de ses mains, s’écrasa sur le sol marbré de la salle, attirant
l’attention des convives aux alentours.
Les
yeux se partageaient entre les deux femmes qui se fixaient toujours avec la
même intensité. Soudain, le visage de la quinquagénaire, se froissa, elle se
tourna vers son fils et le gifla de la manière la plus retentissante.
« Tu ne recule devant rien, espèce de petit… »
« Qu’est-ce qui te prends maman, pourquoi… », s’étonna Ronald en se
couvrant la joue meurtrit tandis que celle-ci faisait un mouvement pour battre
en retraite.
« Comme toujours tu prends la fuite, Pul ! », lança une voix
chantante. « Pourquoi tu ne dis pas à tes enfants qui est cette jeune
femme ? »
Inès
Medou se tenait juste derrière la jeune femme qui était resté subjuguée. En une
seconde Victoire comprit ce qui ce passait, elle se tourna vers son compagnon,
il n’y avait aucun doute elle connaissait ce visage.
« Steph il faut que tu arrêtes ce qui va
se passer… » Lui dit-elle mais il ne l’écouta pas.
« Mamie ! »
La
foule qui assistait à la scène retint son souffle, qui était cette fille qui appelait
Pulchérie Medou maman ?
« Pardon… », Murmura Ronald qui paraissait encore sur le coup de la
gifle de sa mère. « Comment tu viens de l’appeler ? »
Victoire
qui avait tout comprit en reposant ses yeux sur le visage de la jeune anglophone,
dévasté par la douleur qui risquait se transformer en larmes. Se rappelant
l’impression de déjà vu qu’elle a eu en rencontrant la jeune femme pour la
première fois, elle sut que celle-ci ne sera pas la seule à découvrir une
vérité blessante ce soir. Instinctivement elle se rapprocha de Stéphane et posa
une main rassurante sur son épaule.
« Justine peux tu m’expliquer ce que… », commença un Ronald
désarçonné et visiblement au bord de la crise de nerfs, pire de
l’évanouissement.
« Seigneur, pourquoi n’ai-je pas fais le lien plus tôt ? Edang c’est
le nom de ton mari, ou plutôt de ton feu mari, hein mamie ! Tu te souviens
tu voulais que je t’appelle… mamie. »
« Ça suffit… »
« Ah oui ? Tu parais subitement moins heureuse de voir la femme qui
partage la vie de ton fils… », lança la tante de Steph.
Un
murmure indigné s’éleva dans la salle, et le visage de la veuve Edang se
congestionna de douleur.
« Seigneur ! », murmura-t-elle en se retenant à la table la plus
proche d’elle.
Aucun
de ses fils ne fit un mouvement vers elle, et les gens s’écartaient autour des
deux femmes. Cassie fendit la foule pour se retrouver devant Justine avec son
fils dans ses bras et son fiancé derrière elle. Le cœur de Victoire se serra,
il fallait que quelqu’un intervienne.
« Justine il vaudrait mieux que vous parliez de ceci dans un lieu plus
intime ! », suggéra-t-elle en rattrapant la jeune femme.
« Non, laisses là poursuivre ! », coupa Stéphane en la retenant,
la fusillant presque du regard. « Je suis certain que tous ces gens
veulent savoir ce qui se passe ! »
« Stéphane ! »s’écria Cassie. « Tante Inès, ce n’est pas
l’endroit… »
« Oh je t’en prie ne joue pas à ça avec moi pas après tout ce que ta mère
t’a fait… »
« Tu as bien dit… ma mère ! »
« Je crois que Victoire et Cassie ont raison Stéphane ! »,
approuva Etienne qui venait de ce joindre au spectacle.
Mais
il l’ignora et se rapprocha la jeune fille.
« Vous êtes la fille de … »
Justine
se tourna vers Stéphane, leurs regards se croisèrent et tous deux comprirent de
quoi il en retournait.
« Et toi tu es mon frère… Stéphane… », répondit-elle les larmes
ruisselant sur ses joues. « Tu es mon grand frère, tous les deux nous
avons le même père. »
« Non ! », cria Pulchérie en relevant la tête. « Tu ne peux
pas venir ici et détruire tout ce que j’ai pris la peine de construire. Tu n’as
pas le droit de me faire ça ! Inès… »
« Et toi, lorsque tu as abandonné un homme qui t’aimait plus que sa propre
vie lui enlevant par ailleurs son fils ainé, pour en épouser un autre, en avais
tu le droit ? Avais-tu le droit de revenir des années plus tard chambouler
sa vie, pour le laisser une fois de plus avec une fillette de huit ans dans les
bras, sais tu seulement ce que mon père a enduré ? Et aujourd’hui encore tu
viens de me voler mon bonheur, en me jetant au visage mon lien consanguin avec
le père de mon bébé… »
Sa
voix mourut dans sa gorge, avalée par ses sanglots, ne pouvant en supporter
plus Ronald se fendit un chemin entre les gens qui vivaient en direct ce
funeste spectacle, et s’en alla en courant. Victoire tapota l’épaule de Stéphane
pour lui faire signe de rattraper son frère. Mais Pierre avait déjà anticipé le
mouvement et lui courut après.
Stéphane
éclata de rire et se dirigea vers sa mère qui était soutenue par son
beau-frère. Son rire était sombre et ne promettait rien de bon, il se planta
devant sa mère et hocha la tête.
« Avec le beau boulot que tu viens d’accomplir, je crois que le psy de
Johanne aura de nouveaux clients. Je suppose que maintenant tu es fière de
toi-même ? »
Victoire
soutint la jeune femme que Cassie fusillait du regard.
« Et toi Inès ma chère ton but est atteint je présume, ta vengeance
est assouvie ? », s’enquit-elle avec du mépris dans la voix.
« Cassie, je n’y suis pour rien… », lui répondit sa tante.
« Et maman est la seule et unique fautive à tes yeux je
présume ?! Tu ne t’en es surement pas rendu compte mais en découvrant
maman ainsi en publique ce n’est pas seulement elle qu’elle blesse, de nous
tous celui qui en pâtira le plus dans cette histoire c’est Ronald. Le pire
c’est que cette fille va venir détruire la seule bonne chose que maman avait
réussi à instaurer dans sa famille… »
« Tu peux me dire ce que c’est ? », s’écria Stéphane en levant
les mains. « A part contrôler nos vies et nous mentir pendant toutes ces
années qu’a-t-elle fait pour nous ? »
« Elle vous a appris à vous aimer et à vous soutenir les uns les
autres ! Toutes les familles n’ont pas cette chance là !»,
déclara Victoire en soutenant la jeune femme qui pleurait toujours, elle
soutint pendant un instant le regard irrité de Stéphane.
« Ah oui ? Qu’est-ce que tu en sais à ce que je sache c’est encore ma
mère, non ? »
« Oui, elle nous a poussé à nous aimer comme des frères et sœurs même
n’étant pas du père identique… à présent peux tu dire que ce sera pareil après
ce scandale honteux… déjà tu as laissé cette femme briser l’image de ta mère en
publique, que feras tu si jamais elle s’attaque dans sa vengeance à l’un
d’entre nous. Une chance qu’elle porte en son sein le fruit de son amour pour
Ronald sinon… Dieu seul sait de quoi elle aurait été capable. »
Cassie
s’en alla gardant son fils serré contre elle comme si elle le protégeait d’une
attaque.
« Laisses-moi te ramener. », proposa Etienne en emmenant Pulchérie,
tandis que sa femme prenait la main de celle qui n’a jamais apprécié sa
présence dans sa famille.
« Je vais vous ramener chez vous Justine ! », dit Victoire.
« Non, je vais m’occuper d’elle ! », intervint Inès en prenant
la jeune femme dans ses bras.
Victoire
ne s’y opposa pas. Et se tourna vers la seule personne de la famille Edang qui
restait dans la salle.
« Je ne suis peut être qu’un mannequin Stéphane mais je ne suis pas une
potiche… souviens t’en ! »