Chapitre 29 : Le piège
Ecrit par Auby88
"01 J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante.
02 J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, j’aurais beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien.
03 J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien.
04 L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ;
05 il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ;
06 il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ;
07 il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout.
08 L’amour ne passera jamais.
Source : 1 Corinthiens 13"
Richmond et Cica marchent côte à côte, main dans la main. La sape est au rendez-vous ! Ils sont dans la demeure familiale de Richmond.
Trois jours plus tôt.
Assise dans le grand canapé, Cica contemple le vide. Par moments, un long soupir s'échappe de ses entrailles...
Elle est tellement perdue dans ses pensées qu'elle ne remarque pas la présence de Richmond derrière elle. Seul, le baiser qu'il dépose sur sa joue — tel celui du prince Philippe sur les lèvres d'Aurore, la Belle au bois dormant — parvient à la ramener à la réalité.
- Richmond !
- Qu'est-ce qui tracasse autant ma princesse ? interroge-t-il en prenant place près d'elle.
- Rien d'important !
- Avoue que tu pensais à ta mère.
Elle ouvre grand ses yeux.
- Je ne peux rien te cacher. Elle me manque.
- Je te comprends. Veux-tu que j'aille lui parler ?
- Non. Je ne te l'ai pas dit, mais j'étais à l'orphelinat récemment. Elle est restée sur sa position. Elle n'a même pas daigné me parler. Et puis, qu'est-ce que tu pourrais bien lui dire ?
- C'est simple. Je lui dirai que j'aime sa fille, que je ne compte pas lui faire du mal et qu'il est grand temps qu'elle arrête de te faire culpabiliser autant pour rien.
- Tu sais bien que personne n'est censé être au courant du secret entre elle et moi !
Il secoue la tête.
- Je ne partage pas ton avis, mais je n'insiste pas. Toutefois, je ne pourrai me taire éternellement et la laisser te martyriser comme elle le fait.
- Je t'en supplie, Richmond. Ne fais pas de bêtise. Car si jamais son secret venait à s'ébruiter, je suis sûre qu'elle ne me le pardonnera jamais.
- J'ai compris.
- Tout serait si simple, si parfait si nos proches n'étaient pas contre notre relation.
- Je suppose que tu fais aussi référence à ma mère et au vieux.
Elle acquiesce. Il lui prend la main.
- Cela me contrarie quelque peu que nos êtres chers ne veulent pas partager notre bonheur, mais c'est la vie. Elle est ainsi faite. On ne peut pas tout avoir. Et parfois, on paie le prix fort pour atteindre un idéal qu'on chérit. De toute façon, je t'aime déjà pour un, deux, trois et tralala. Elle se surprend à sourire.
Le mobile de Cica sonne. Un numéro inconnu. Elle hésite. Richmond la persuade de décrocher, ce qu'elle fait. A l'autre bout du fil, une voix familère inespérée qui crée de l'étonnement sur le visage de Cica. Richmond n'entend pas ce que dit l'interlocuteur, mais devine aisément de qui il s'agit : sa mère. Contrarié, il interrompt la conversation entre les deux femmes et entame une discussion avec sa mère.
- Que lui veux-tu encore ? Tu ne penses pas l'avoir assez humiliée comme cela ?
Il parle sans laisser le temps à sa mère de s'exprimer.
- Si tu penses la menacer pour qu'elle me quitte, sache que tu perds ton temps. Notre amour est indestructible. Quant à Sandra, jamais je ne me remettrai avec elle.
- Détrompe-toi, Richmond ! commence madame Vanessa. Mon intention est toute autre. J'ai longuement réfléchi et j'en suis venue à la conclusion que vous êtes faits l'un pour l'autre. Tu sais que ton bonheur m'importe plus que tout. Je souhaite vraiment que nous puissons enterrer la hache de guerre autour d'un déjeuner familial, que j'organiserai chez moi dans trois jours. Samson sera également là. Ce sera l'occasion pour moi d'apprendre à mieux connaître Cica.
- J'ai du mal à croire en tes bonnes intentions. Jusqu'à présent, tu héberges mon ex.
- Sandra est mon amie et elle est assez déprimée ces temps-ci. Je ne peux la congédier dans un tel état. Mais elle m'a promis de partir bientôt. Crois-moi. J'ai vraiment changé.
- Je te remercie pour ton initiative, mais je ne te promets rien. Nous en discuterons Cica et moi, et je te rappellerai plus tard pour confirmer si nous viendrons ou pas. Porte-toi bien !
Il raccroche.
- Tout va bien ? s'enquiert Cica.
- Oui. Elle nous invite à un déjeuner familial. Elle souhaite se familiariser avec toi.
Cica reste méfiante.
- J'espère qu'elle est vraiment sincère. Je n'ai pas envie d'être à nouveau désillusionnée.
- Restons optimistes. Je trouve que c'est un bon début. Quoi qu'il en soit, je te le repète : mon amour pour toi est si volumineux qu'il peut à lui seul compenser, engloutir celui de cent personnes.
- Tu es bien drôle, Richmond.
- Je suis sérieux, Cica.
- Je suis tellement heureuse à tes côtés que je ne pourrai plus jamais vivre sans toi, que je ne saurai plus me passer de toi.
- C'est cela même mon objectif. Que je sois toujours dans ta tête et dans ton cœur. De toute façon, toi et moi, c'est pour la vie. Nous sommes collés, cimentés et serrés, comme on le dit dans le jargon africain.
Leurs rires se répandent dans la pièce.
- J'ai parfois l'impression de rêver, Richmond.
Il la pince.
- Aïe. Tu m'as fait mal.
- Tu sais maintenant que tout cela est bien réel, continue-t-il en lui déposant un de ses fameux bisous dans le cou.
- Cela te dirait de me suivre en haut ?
- Pour … ?
Près de l'oreille, il lui chuchote :
- D'abord un bain à deux dans le jacuzzi, ensuite un massage déstressant et enfin un voyage en couple vers l'île des mille-et-un plaisirs. Dis-moi juste OUI.
Elle hésite quelque peu puis finit par dire OUI. On les voit monter les escaliers. Près de la chambre, Richmond la soulève de terre et pousse la porte qui se referme derrière eux...
Dans la soirée, Satine rend visite au couple. Elle doit se rendre le lendemain à Lomé pour suivre une formation en création d'accessoires de mode et participer à une foire commerciale. Elle en a pour trois semaines au moins. Elle profite de ses congés universitaires pour s'adonner à sa passion. Elle est ravie en apprenant pour le déjeuner familial. Tous trois ont une discussion à ce propos.
- Je sais que c'est votre mère, commence Cica, et que vous l'aimez profondément, mais je ne peux m'empêcher d'avoir des doutes, d'autant plus qu'elle héberge encore Sandra chez elle ! Ton frère a essayé de me rassurer, mais je demeure sceptique.
- Je te comprends, mon amour, mais sache que Sandra ne peut plus rien contre nous.
- Oui Cica, renchérit Satine. Richmond a raison. Et puis, Sandra s'en ira très bientôt. Allez, ne fais pas cette tête ! Certes je ne serai pas là, mais je suis sûre que tout se passera bien. Maman souhaite réellement que les choses s'arrangent entre elle, toi et Richmond. Et j'ai confiance en elle.
- Sache que je ne te laisserai pas seule une seule seconde, ajoute Richmond. Je te protégerai si nécessaire.
- Tu vois, tu n'as rien à craindre, chère amie.
Elle balaye du regard Satine et Richmond puis finit par esquisser un petit sourire.
- D'accord ! conclut-elle.
- C'est pour cela que je t'adore ! s'exclame Richmond.
Il l'attire contre lui et s'apprête à l'embrasser.
- Attendez que je sois partie avant de faire vos bêtises ! lance Satine.
Des rires se répandent dans l'air.
Dans la demeure familiale, le couple s'arrête près d'un parterre de jolies fleurs. Richmond en cueille une pour Cica. Elle le remercie en déposant un baiser sur sa joue. Il la tient par la taille.
- Attention au bouquet de fleurs de ta mère. Il ne faudrait pas l'abîmer.
- Ne t'inquiète pas pour cela. Cette fleur que je t'offre n'est qu'un avant-goût de la surprise que je te réserve ce soir.
- Une surprise, tu dis ! Quelle coïncidence parce que justement, moi aussi j'en ai une pour toi.
- Qu'est-ce que c'est ? demande-t-il avec hâte.
- Tu le sauras dès que nous serons rentrés à la maison. Ma surprise est cachée dans notre chambre à coucher.
- C'est donc pour cela que tu tenais à être la dernière à sortir de la chambre ! Tu m'as bien eu !
Elle éclate de rire.
Donne-moi un indice. Et je t'en donnerai un par rapport à ce soir.
- Non, tu ne m'auras pas ! Continuons notre chemin.
La veille.
Richmond est à bord de sa Range Rover. Il écoute de l'instrumental, une composition unique pour l'amour de sa vie. Il la jouera le lendemain soir lors d'un dîner romantique en tête-à-tête avec sa dulcinée. Il attend ce moment avec impatience, décompte déjà les minutes. Il compte faire à Cica une grande surprise pendant le dîner. Il imagine déjà la tête qu'elle fera. Il a déjà presque tout organisé, choisi et décoré le cadre. Il ne lui reste plus qu'une seule chose, l'élément indispensable.
Devant une bijouterie spécialisée Zeina Alliances, basée en France et qui vient nouvellement d'ouvrir ses portes à Cotonou, il se gare et entre à l'intérieur. Il est accueilli par une jolie dame.
- Bonjour monsieur.
Il lui répond gentiment.
- Que désirez-vous ?
- Une bague de fiançailles, la plus belle et la plus chère de votre nouvelle collection.
Elle le laisse quelques minutes puis revient avec un coffret contenant trois bagues en platine de haut de gamme.
- La robustesse du platine associée à la force du diamant rend la bague solitaire platine et diamant indestructible. Elle ne perd jamais son éclat. C'est le bijou idéal pour les amours qui perdurent. Je suppose que c'est votre cas !
Elle lui sourit. Il fuit son regard pour ne pas céder à la tentation. Elle est très belle, mais il est un homme rangé à présent.
- Oui. Montrez-moi vos modèles en platine.
Elle ouvre le coffret.
- La première que nous appelons Garance inspire grâce et féminité à l'état pur. Elle est ornée d'un merveilleux diamant rond de 0,5 carat bordé de courbes ondoyantes serties de petits diamants.
Richmond écoute avec attention.
- Elle est bien belle. Veuillez continuer.
- Celle-ci est un modèle insolite en platine, Yosefine qui inspire la force et l'intensité de votre amour. Deux anneaux ajourés, sertis de diamants, épaulent une monture carrée qui protége un diamant central rond de 0,32 carat, volontairement surélevé, pour étinceler au rythme de la lumière qui l'imprègnera. Quant à celle-là, notre coup de coeur que nous nommons Eden, c'est une création avant-gardiste. Sa monture ajourée est enjolivée par un superbe diamant princesse de 1 carat, porté par les 4 griffes qui l'entourent comme s'il voulait tendre vers la lumière. D'autres petits diamants accompagnent son éclat. Ses lignes structurées, graphiques, sa présence sur la main, son calibre, tout inspire force et vigueur, telle l'intensité de votre amour. Elle vaut trois fois plus que les autres.
- Je la prends.
- Pardon !
- Je choisis l'Eden.
Elle écarquille les yeux autant d'étonnement que de satisfaction.
- Votre compagne a vraiment de la chance de vous avoir !
- C'est plutôt moi qui suis chanceux de l'avoir ! achève-t-il.
Richmond et Cica arrivent enfin à l'endroit prévu pour le déjeuner, une grande paillote fraîchement décorée et sise près de la piscine à débordement. Madame AKOWE est déjà là. A ses côtés se trouve Samson. Tous deux se lèvent pour accueillir le couple. Madame Vanessa fait la bise à Cica, en affichant un large sourire. Cica remarque deux superbes dents en or chez elle.
- Sois la bienvenue, ma fille ! dit-elle.
- Merci, maman.
Elle offre le bouquet à madame Vanessa qui semble enchantée.
Samson s'approche de Cica. Elle se retient pour ne pas le gifler quand sa joue frotte contre la sienne. Elle le trouve hypocrite. Depuis qu'elle avait intégré la villa de Richmond, Samson se montrait un peu trop hardi avec elle dès que Richmond avait le dos tourné ou qu'elle était seule à la maison. Il tenait des propos indécents, la regardait bizzarement, la déshabillait presque du regard. Si elle n'en avait pas parlé à Richmond, c'était parce qu'elle n'avait aucune preuve, qu'elle n'avait que des pressentiments et qu'elle ne voulait pas briser une amitié de longue date sans être sûre des intentions réelles de l'ami.
Elle sent le regard de Samson se poser sur le haut de son bustier et ajuste mieux son écharpe. Ensuite, elle glisse sa main dans celle de Richmond qui n'a rien remarqué.
Une domestique, prénommée Afi, et qui parfois venait faire le ménage dans la grande demeure de Richmond s'amène avec des couverts. Elle porte un tablier. Cica la reconnaît. Elle l'apprécie énormément.
Elles discutaient parfois de tout et de rien, Cica l'aidait dans ses tâches et parfois lui donnait des vêtements ainsi qu'un peu d'argent pour subvenir aux frais médicaux de sa mère malade.
Cica la salue gentiment. Elle lui répond timidement en fuyant son regard. Cica remarque que quelque chose ne va pas chez elle, mais ce n'est ni l'heure, ni le lieu pour la questionner. Elles se verraient sans doute demain, quand elle viendra faire le ménage chez Richmond.
- En attendant que la table soit mise, viens, ma chérie, que je te montre mes roses. Elles sont juste à côté.
Madame AKOWE tend la main à Cica, qui dépose son sac à main entrouvert sur l'une des chaises et la suit. Elle ajoute en direction de la domestique :
- Afi, veille à ce que tout soit fait comme convenu. Je précise comme convenu !
- Oui, madame.
Samson entraîne Richmond hors de la paillote. Ils se mettent à discuter quand Samson s'excuse. Il a oublié quelque chose d'important à l'intérieur de la maison. Afi, la domestique, affiche un visage triste. Une larme coule sur son visage. Elle l'essuie promptement et soupire.
Une sonnerie de téléphone retentit. Celui de Cica. Richmond se précipite. Le sac à main de Cica est ouvert. Il écarte les bords et s'arrête net. Des photos devant ses yeux. Une première photo de Cica et Jonas riant aux éclats. Une seconde photo d'eux s'embrassant.
- Cica ! hurle-t-il.
Elle panique en entendant son cri. Elle pense qu'il lui est arrivé quelque chose. Elle se précipite vers lui aussitôt. Madame AKOWE en fait autant.
- Que se passe-t-il, Richmond ? demande Cica, toute affolée.
Il la regarde avec des yeux terrifiants.
- Tu peux me dire ce que cela signifie ?
Il lui montre les photos. Elle demeure perplexe. Samson, madame AKOWE et Sandra, qui vient de descendre, ainsi que quelques membres du personnel tapis dans les coins observent la scène.
- Ce sont des photos de Leo et moi. Où les as-tu eues ?
La terre semble s'effondrer sous les pieds de Richmond.
- Elles étaient dans ton sac.
- Dans mon sac ? Je n'y comprends rien. J'ai brûlé toutes les photos que j'avais de lui quand on a commencé à se fréquenter. De toute façon, je ne vois pas pourquoi cela t'irrite autant. Tu sais déjà que Leo a fait partie de ma vie.
- Il s'appelle Jonas, pas Léo ! vocifère-t-il !
Cica manque s'évanouir. Elle s'appuie contre un pilier de l'apatam.
- C'était ton frère !
Elle le regarde, ébahie.
- Oui, c'était mon frère que tu n'as pas hésité à entraîner dans l'alcoolisme jusqu'à ce qu'il en meure.
Il lui crie dessus. Elle perd son souffle. Elle perd ses mots. Elle n'y comprend plus rien.
- Oh mon Dieu, je n'y crois pas, intervient la mère de famille. Quand je pense que j'étais prête à accueillir cette vipère en grandes pompes !
Cica ne l'écoute pas. Seul Richmond la préoccupe. Elle s'approche de lui, essaie de prendre sa main mais il esquive son geste.
- Richmond ! J'ai plutôt aidé ton frère à sortir de l'alcoolisme et ce jour-là , il n'avait pas bu une seule goutte d'alcool. Il était sobre. On a eu l'accident parce qu'on était distraits sur la route.
- Je ne te crois pas. Je ne veux plus te croire. Tu n'es qu'une menteuse !
Elle est indignée par ses propos. Des larmes coulent sur son visage.
- Tu m'as vue pleurer pour lui, tu m'as vue te rejeter pour lui, mettre ma vie en pause parce que j'arrivais pas à faire son deuil. Je l'aimais trop pour lui faire du mal, Richmond.
- C'est sûrement la culpabilité que tu ressentais qui t'empêchait de vivre une vie normale !
Madame AKOWE esquisse un sourire de victoire.
- Tu es injuste en me parlant ainsi. Je suis sincère avec toi.
- Avoue que tu as tout manigancé depuis le début, sale profiteuse ! intervient Samson.
- Tu es la personne la moins placée pour me faire des reproches ! riposte Cica en direction de Samson.
Sandra réprime un rire.
- Je t'interdis de parler ainsi à mon meilleur ami, réplique Richmond. Il a toujours été loyal envers moi. C'est toi l'intruse ici. Peut-être qu'il a raison !
- Non, Richmond. Je t'assure que je ne savais même pas que mon Leo était ton frère. Je n'ai vu que ton père, une seule fois à l'hôpital. Et Leo était noir de peau comme lui. Jamais… jamais, je n'aurais pensé qu'il avait une mère blanche et un frère métis. Crois-moi !
Elle plonge ses yeux dans ceux de Richmond, espérant qu'il change d'avis. Il détourne son regard.
- Quant à ton ami Samson, il est …
- Quelle énormité veux-tu encore sortir de ta bouche ? intervient la mère dont les yeux semblent terrifiés. Cela ne te suffit pas d'avoir tué mon fils Jonas ?
- Vous savez bien que c'est faux ! réplique-t-elle en pleurant. Pourquoi ne lui dites-vous la vérité ? supplie-t-elle.
Richmond écarquille les yeux en direction de sa mère, qui s'écroule sur le sol. Il se précipite à son chevet.
- Sandra, va me chercher des coussins et de l'eau ! Samson, apporte-moi l'une des serviettes près de la piscine. Dépêchez-vous ! Et vous autres ( il s'adresse au personnel ), aidez-les plutôt que de rester figés !
Il se tourne vers Cica, vers qui il lance des yeux réprobateurs.
- Quant à toi, Izzy, prie pour qu'il n'arrive rien de fâcheux à ma mère, sinon je ne te le pardonnerai jamais ! A présent, va-t'en ! Sors d'ici.
Cica demeure sans voix. Elle est profondément affligée. Son monde s'effondre. Il vient de l'appeler Izzy, comme s'il la reniait, comme s'il effaçait de sa mémoire tous les moments qu'ils ont vécu ensemble.
Elle reste prostrée derrière lui. Il se préoccupe uniquement de sa mère. Les larmes coulent de plus belle sur son visage.
Il ôte les talons de sa mère et surélève ses jambes à l'aide des coussins. Il lui applique ensuite une serviette d'eau froide sur le front. Madame Vanessa reprend connaissance peu à peu pour pointer Cica du doigt.
- Richmond, fais la sortir d'ici !
Il se relève et s'adresse à Cica. Sandra rejoint madame Vanessa.
- Tu l'as entendue, va-t'en !
Il détourne son regard pour ne pas rencontrer le sien.
- Ne me fais pas cela, Richmond ! Pas maintenant que je …
Il lui coupe la parole.
- Je ne veux plus t'entendre. Je suis désolé mais toi et moi, c'est fini. Notre histoire n'était qu'une déplorable erreur.
Il lui tourne le dos.
- Je suis sûre que tu ne penses pas ce que tu dis. Tu es juste en colère.
- Va-t'en, Izzy !
- Ne me fais pas cela, je t'en supplie. Ne m'abandonne pas, Richmond. Ne me tue pas ainsi, après m'avoir redonné goût à la vie, après avoir volé mon coeur, après m'avoir fait tellement de promesses. Je t'aime tant, Richmond ! Regarde-moi, s'il te plaît. Regarde mes yeux et dis-moi si je ne suis pas sincère avec toi.
Il se retourne. Elle se sent soulagée. Il plonge son regard dans le sien.
- Pars, s'il te plaît ! Ma patience a des limites, Izzy !
- Elle n'a vraiment aucune vergogne celle-là ! commente Sandra en ricanant. S'humilier de la sorte ! Tu ne vaux vraiment rien au final.
Cica ne fait pas attention aux propos de Sandra.
- Je ne bouge pas d'ici, Richmond. Je ne peux accepter que tout soit fini entre nous. J'ai besoin de toi, plus que jamais.
En parlant, elle s'accroche à lui. Il la repousse violemment. Elle échoue sur le sol et le regarde avec étonnement.
- C'est là ta place, petit ver ! Sur le carreau ! lui lance Sandra en se moquant d'elle. Maintenant, tu sais ce que cela fait d'être rejetée par l'homme qu'on aime.
Cica ne l'écoute pas. Elle se relève du sol.
- Richmond ! crie-t-elle dans une dernière tentative pendant qu'il se dirige à l'intérieur de la maison avec sa mère. Sandra les suit.
Samson saisit Cica par le bras.
- Sors d'ici et laisse mon ami tranquille ! Tu lui as fait assez de mal comme cela !
- Ôte tes sales mains de mon corps, espèce d'hypocrite !
Il ricane.
- Je peux toujours te consoler si tu veux. Tu me plais !
Cica lui crache au visage. Il l'attrape par les cheveux.
- Ne refais plus jamais cela, petite garce !
Il essaie de l'embrasser. Dans un accès de rage, elle lui mord les lèvres. Il crie, délaisse sa prise. Elle prend son sac et s'enfuit.
Dehors, elle enlève ses chaussures et déambule pieds nus dans la rue. Elle finit par se laisser choir devant un parterre de fleurs et éclate en sanglots. Tout doucement, avec ses mains, elle caresse son ventre.