Chapitre 3: L'accident
Ecrit par MTB
« Mes chers compatriotes, aujourd’hui est un jour spécial pour l’éducation
nationale… Je me suis déplacé personnellement en ce jour parce que parmi nos
candidats se trouve un génie à qui le Président de la République, a décidé
d’attribuer une bourse d’études en France car pareil résultat n’a encore été
obtenu dans notre pays… ». Comment s’était terminé le discours, Eric ne s’en
rappelait plus. Tout ce dont il se rappelait, c’est qu’on le secouait pour le
ranimer. Est-ce vrai qu’il avait perdu connaissance quand le Ministre avait
prononcé son nom ? Il n’en croyait toujours pas ses oreilles d’avoir été le
premier au niveau national avec une moyenne de dix-neuf sur vingt.
·
Jeune homme, vous vous sentez bien ? demanda le Ministre ?
·
Euh… Oui je crois, Monsieur, balbutia-t-il.
·
Félicitations, vous venez de gagner une bourse pour continuer vos études en
France. J’espère que vous ferez la fierté de notre pays. Nous comptons sur
vous.
·
Merci Monsieur le Ministre, répondit-il
Maintenant qu’il a obtenu cette bourse, la pression sur lui était encore
plus grande. Un mélange d’excitation et de peur l’envahissaient en même temps.
Il avait maintenant son destin entre ses mains. Son travail acharné lui avait
valu de se retrouver à ce niveau. Lui, l’enfant du village partait pour la
France.
Eh bien tout cela, c’était déjà huit ans derrière lui. Aujourd’hui, le
voilà, Expert-comptable dans un cabinet d’audit très réputé depuis bientôt deux
ans. Contrairement aux autres employés, il arrivait toujours avant l’heure et
prenait soin lui-même de son bureau avant l’arrivée des agents d’entretien.
Encore une année et il serait sûrement promu Associé car un des Associés
partirait à la retraite. Qui était mieux placé que lui ? Il ne voyait personne
et tout le monde le lui rendait bien au bureau. Tout le monde le respectait et
l’admirait. Certains collègues s’amusaient même déjà à le taquiner en
l’appelant Monsieur le Directeur. A chaque appellation, il ne pouvait
s’empêcher d’esquisser un petit sourire même s’il disait qu’il n’était pas directeur.
Son travail a toujours été impeccable et souvent même rendu avec de l’avance.
Parfois, ses collègues se demandaient comment il arrivait à aller aussi vite. A
chaque fois que la question lui était posée, il répondait que c’était la
passion du travail.
Mais ce matin, il ne comprenait rien à ce qui lui arrivait. Maladroitement
il descendit du lit pour prendre un bon bain frais. Malgré qu’il ait essayé du
mieux qu’il pouvait, il se rendit compte qu’il serait en retard. Car à pareille
heure, il ne pouvait échapper aux embouteillages avec ces motos qui se
faufilent parfois sans respecter le code de la route. Il ne pouvait plus se
permettre de faire son petit déjeuner habituel et s’engouffra dans sa petite
Toyota Avensis mise à sa disposition par la Direction de son cabinet. Il
n’avait même pas eu le temps de laver sa voiture ce matin. Vraiment quelque
chose allait se passer de travers se disait-il. Mais quoi exactement ? Il ne
pouvait le savoir. Il sortit de son garage et fit le signe de croix habituel
puis mit au moins cinq minutes à s’engager sur l’étroite chaussée au bout de la
ruelle. Maintenant il peut comprendre pourquoi ses camarades arrivaient
toujours en retard en quittant la maison à pareille heure. La circulation était
vraiment monstrueuse. Il venait de ralentir au feu rouge du croisement de sa
ruelle avec le Boulevard de la Chance quand tout à coup il entendit des
crissements de pneu derrière lui et un choc comme si quelque chose l’avait
heurté. Il jeta un œil dans le rétroviseur pour se rendre compte qu’une moto
venait de le cogner par derrière. Vraiment ce n’était pas son jour. Il sortit
pour juger de la gravité de la situation quand il tomba nez-à-nez avec Odette
penchée à côté du monsieur allongé par terre. Non, ce n’était pas Odette qui
l’avait heurté. Mais plutôt le monsieur allongé au sol.
·
Monsieur, vous allez bien ? demanda-t-il
·
Oh que vous êtes belle, mademoiselle disait le monsieur à terre.
Certainement qu’il délirait ce monsieur car à ce qu’il sache, il n’était
pas une demoiselle.
·
Monsieur, vous êtes sûr que tout va bien ? répéta-t-il.
·
Oui, et j’espère que je n’ai pas trop cabossé votre voiture. Ne vous
inquiétez pas pour moi. Aidez-moi juste à me relever.
Après l’avoir aidé à se relever, il pouvait se l’avouer. Ce mec était
déconcertant. Après avoir fait le tour de la voiture, il lui tendit sa carte de
visite et lui promis de lui envoyer la facture après les réparations mineures
qui s’imposaient. Le monsieur le remercia et pour lui monter le moral ajouta:
·
Elle n’est pas jolie la nana sur la moto ?
Sans ajouter un mot, il lança un regard noir à sa collègue de service puis
claqua la portière de sa voiture et démarra en trombe vers le bureau. Une fois
arrivé, il appellerait le chef du parc automobile pour s’occuper des
réparations. Au cours du trajet, il ne pouvait s’empêcher de se rappeler la
dernière phrase du monsieur. Elle n’est pas jolie la nana sur la moto ? Quel
bouffon ! Il cogne une voiture par derrière et tout ce qu’il trouve à dire est
qu’elle est jolie la nana. Un connard de… Bon dieu, où avait-il la tête ? Il
n’avait même pas pris les coordonnées du monsieur, il ne connaissait même pas
son nom, et ne s’était rassuré qu’il se rendrait dans un hôpital pour se faire
consulter. Que lui arrivait-il donc ? Lui qui avait toujours prêté attention au
moindre détail ? Bref, ce n’était pas grave. Il paierait lui-même la facture si
le monsieur ne lui faisait pas signe. Ce jour-là, il arriva avec presque une
heure de retard et remarqua que sa mauvaise humeur se lisait à des kilomètres
tant tous les regards étaient braqués sur lui avec une interrogation qui en
disait long. Il ouvrit son bureau, s’installa dans son fauteuil quand son
regard croisa celui d’Odette.