Chapitre 3 - Vécu
Ecrit par NafissaVonTeese
"Qu'est-ce qui est le plus important dans cette vie : vivre ou faire semblant d'avoir vécu?" Paulo Coelho
Vivre, ou faire semblant d’avoir vécu...
Je regarde souvent autour de moi en comparant ma vie à
celle des autres, et la seule conclusion que j’en tire, est qu’on est tellement
habitué à faire semblant, qu’on finit par ne plus faire la différence entre le
vrai et le faux. Quand on mène une double vie, j’avoue qu’on finit toujours par
ne plus faire la différence entre la personne qu’on est réellement et celle
pour laquelle on essaye de se faire passer.
Officiellement, j’étais Aminata DIAW, 22 ans,
originaire de Saint-Louis, étudiante en première année de Droit à l’Institut
Supérieure des Sciences Juridiques de Dakar et réceptionniste à temps partiel à
l’hôtel Mirabelle depuis un peu plus de deux mois. Cela faisait des années que
j’évitais de me rapprocher des personnes qui m’entouraient et encore plus de
parler de ma vie, mon passé et mon projet d’élucider le meurtre de maman. Il
m’était arrivé deux ou trois fois d’avoir ressenti de la sympathie pour des
camarades de l’université, mais je m’éloignais brutalement d’eux, quand je
sentais que la relation pouvait aboutir à de l’attachement.
Je ne pouvais pas me permettre d’entretenir de
l’amitié avec qui que ce soit, étant donné qu’une fois qu’ils auraient
découverts qui j’étais en vrai, leur regard envers moi changerait aussitôt.
Il arrivait qu’on me demande si j’avais de la famille
en ville, ou encore, pourquoi je ne vivais pas avec mes parents... J’évitais
d’y répondre au début en changeant très vite de sujet ou en prenant
littéralement la fuite. Avec le temps, j'ai pu trouver un moyen de couper court
à ce genre de discussion. Je m’étais inventée une petite famille au destin bien
tragique afin de dissuader quiconque désirant s’aventurer dans un sujet aussi
délicat. Désormais, j’avais un grand frère et une petite sœur, tous deux
décédés à la suite d’un accident de voiture avec mes parents. J’étais la seule
à avoir survécu à ce drame; et pour clore, j’ajoutais "J'aurais préféré y
rester...".
Comment aurais-je pu leur avouer que je ne m’appelais pas Amina DIAW mais Fatou Kiné FALL ? Mon père était en
prison, ma mère s’était suicidée d’après les secours qui ont essayés en vain de
la réanimer dans sa chambre, et
assassinée d’après l’inconnu à la lettre…
Avec le temps, j’avais appris à vivre aisément dans le
mensonge. En quittant la maison de mon oncle deux semaines après l’anniversaire
de mes 19 ans, j’avais décidé d’adopter une vie qui n’était pas mienne, mais
qui me convenait parfaitement. Un nouveau nom, une nouvelle adresse que je
n’avais d’ailleurs donnée à personne, mais les objectifs bien précis et
inchangés depuis bien longtemps.
***
Lundi 08 Avril - J’avais terminé mes cours deux heures
plus tôt que prévu en raison du professeur de Droits des affaires qui, d’après
l’administration de l’école, était en séminaire toute la journée. Cela devait
être un séminaire très important pour qu'il ait préféré nous épargner de ses
monologues aussi inintéressants qu’ennuyeux.
- Mon Dieu
! Il a enfin compris qu’il fallait qu’il reprenne ses études, ou du moins qu’il
en suive ! s’écria Salimata.
- Moi, je
vous dis qu’il se cache parce qu’il n’a certainement rien trouvé d’intéressant
à raconter aujourd’hui. Ce type me donne envie de me jeter du haut d'un pont,
rien que pour ne plus avoir à l'écouter! ; disait Alimatou.
Ces deux là avaient la fâcheuse habitude de toujours
attirer l’attention sur elles, même si elles faisaient preuve de beaucoup de
gentillesse envers tout le monde. Je les écoutais silencieusement raconter des
scénarios pouvant expliquer l’absence du "Professeur jamais absent".
Je m’attendant à ce que un, rien qu’un seul, puisse s’approcher de la vérité.
Ils ignoraient ce que je savais. Comment auraient-ils pu deviner que derrière
cette apparence calme et réservée, se cachait un sombre personnage.
Au cours des semaines précédentes, le professeur
Malick DIOP ne s’était pas retenu de me faire des remarches pour les moins
flatteuses sur mon « comportement antisocial ». Il trouvait que je ne
réagissais pas assez à son cours, et qu’il fallait que je m’ouvre plus aux
autres avant que, comme avait-il ajouté, « je ne finisse le reste de ma vie
dans un asile, seule et aigrie ».
- En plus d’avoir horreur de l’honnêteté, seriez-vous
aussi par hasard prédicateur d’avenir? ; lui avais-je lancée en le foudroyant
dans yeux. Il avait cherché pendant quelques secondes des mots à rétorquer
avant de me promettre qu’on allait en reparler. Le reste du cours s’était
déroulé sans perturbation, mais il ne manquait pas de me jeter des regards
noirs de temps-à-autre. Il cherchait à m’intimider, ou encore se disait-il que
mon visage lui rappelait quelqu’un. Nous nous étions rencontrés pour la
première fois quelques années plus tôt mais j’étais quasi-certaine qu’il n’en
avait gardé aucun souvenir.
Avant même de sortir de son cours, je savais déjà
comment lui faire regretter ses paroles. J’en avais assez de le supporter en
essayant de savoir qui se cachait réellement derrière ce personnage. Je n’avais
qu’à passer à l’action pour me débarrasser de lui une bonne fois pour toute. Il
n’en était pas encore conscient, mais trois semaines plus tôt, j’étais entrée
en connaissance de ses habitudes du jeudi après-midi.
Je ne travaillais que les soirs du Lundi, Mercredi et
Vendredi à La Mirabelle. Le Jeudi 28 Mars, en rentrant de mes cours, j’avais
été appelée pour remplacer une collègue absente. Arrivée vers 17h30 devant
l’hôtel, j’avais aperçu mon cher Professeur DIOP en sortir, dans les bras d’une
jeune femme d’une vingtaine d’années. J’étais restée bien en retrait de l’autre
côté de la rue, jusqu’à ce que les deux montent dans un taxi qui s’élança
aussitôt sur la route de l’aéroport.
Comme tout le personnel du petit l’hôtel, j’avais pour
habitude de passer par la porte de service
qui menait directement au sous-sol où se trouvait le vestiaire des
femmes pour me changer avant de rejoindre mon poste de réceptionniste à
l’accueil. Ce jour là, je m’étais permise de passer par l’entrée principale,
pour saluer chaleureusement Aline que je devais seconder. Je comptais la
questionner sur la présence de Malick DIOP, alors il fallait que je prépare le
terrain. J’avais ensuite effectué quelques pas vers l’encenseur avant de faire
brusquement demi-tour. Elle me regardait d’un air perplexe jusqu’à ce que je
lui lance un grand sourire. Je venais de me rendre compte que je n’avais pas
besoin d’elle car j’allais certainement trouver plus que je n’en espérais au
service comptabilité.
Après avoir enfilé en vitesse ma chemise jeune poussin
avec le logo en M de La Mirabelle sur la poche gauche, j’avais mis ma jupe
rouge bordeaux et mes Escarpins noirs, avant de courir vers les escaliers qui
menaient à petite porte donnant sur la partie ouest de l’hôtel où se trouvaient
tous les bureaux du personnel administratif.
Fall le comptable partageait son bureau avec Médoune
l’informaticien. Ils terminaient tous les deux leur journée de travail à 16h,
mais Médoune, passionné par son travail, était certainement resté devant son
ordinateur à veiller scrupuleusement sur son petit monde numérique, sans
compter ses heures. Il avait sans doute toutes les informations dont j’avais
besoin dans sa base de données des réservations.
Avant d'entrer dans son bureau, j'avais pris le soin
de détacher mes cheveux qui étaient attachés en queue de cheval, et
d’ouvrir les trois premiers boutons de
ma chemise. Si jamais je n’arrivais pas à le faire sortir de son bureau par la
manière forte, je pouvais toujours le faire fuir par la manière douce.
Il ne s’était pas rendu compte de ma présence jusqu’à
ce qu’il entende la porte d’entrée se refermer derrière moi. Il sursauta et
arrangea ses lunettes correctrices. Il avait fait reculer sa chaise avant de
crier mon prénom, peut-être sous l’effet de la surprise.
- Aminata !
Il me lança un sourire exagéré avant d’enlever ses
lunettes et de les poser sur sa table. Il se leva et me serra tendrement la
main.
- Ça me
fait plaisir de te voir ici. Pour une fois... Comment vas-tu ?
- Bien
Médoune ! Enfin pas vraiment...
Son visage changea aussitôt après avoir entendu ces
mots. Le pauvre ! Il paraissait d’un coup inquiet. J’avais repris :
- J’ai une
affreuse migraine qui refuse de me quitter depuis ce matin.
J’avais marqué un temps d’arrêt avant de poser mes
mains sur mes tempes ; ce qui le fit aussitôt réagir. Il m’attrapa par le coude
droit et me mena à sa chaise.
- Mets-toi
là, je vais te chercher un cachet.
Il s’élança aussitôt, d’un pas pressé, accomplir sa
mission, comme s’il était question de vie ou de mort. Je m'étais aussitôt jetée
sur son ordinateur. Sur le bureau, se
trouvait un raccourci nommé « Réservations ». J’avais double-cliqué sur l’icone
en force de caisse ouverte et n’avais eu qu’à entrer le nom « Malick DIOP » sur
la barre de recherche pour m’apercevoir qu’il était un habitué. Il était
présent chaque Jeudi après-midi à l’hôtel, occupait le plus souvent la suite
10-2, pour plus ou moins deux heures. Chaque semaine, à la même heure et je
supposais, toujours accompagné de la même femme que j’avais aperçue quelques
minutes plus tôt. Je m’étais éloignée du bureau dès que j’avais entendu des
chaussures claquer contre les rectangles de bois recouvrant le sol de l’hôtel.
Médoune était déjà de retour. Il me tendit un comprimé
blanc et me souhaita d’un air attristé d’aller mieux après l’avoir pris. Le
pauvre je pensais encore. Il devait avoir la vie dure avec sa sensibilité
démesurée. Il était un de ces hommes qui menaient une vie pathétique tout
simplement parce qu’ils pouvaient tout croire, tout pardonner et tout accepter
de tout le monde.
- Tu me sauves la vie Médoune ; lui avais-je lancée
avant de l’attraper par l’arrière du col de sa chemise blanche pour l'attirer
vers moi. Pendant un instant il avait cherché, un peu perdu, à analyser la
situation, son regard noyé dans le mien. J’avais posé un léger baiser sur ses
lèvres, mais comme je m’y attendais, il était resté inerte, les yeux grands
ouverts. Sans ajouter un mot, je sortis de son bureau, sourire aux lèvres, en
le laissant complètement désorienté. Il savait comme moi que le règlement
interdisait catégoriquement toute relation entre les membres du personnel et il
était clair qu’il tenait à son travail pour ne pas laisser le comportement
déplacé d’une nouvelle arrivée, le mener au chômage. Au moins, j’étais ainsi
certaine qu’il allait m’éviter quelques jours, le temps que je quitte l’hôtel,
et Dakar, pour toujours. C’était le prétexte que je m’étais trouvée en montant
les escaliers, pour ne pas me dire que peut-être il me plaisait.
Le jeudi suivant, je m’étais rendue à l’hôtel sous le
prétexte d’être venue vérifier si je n’y avais pas laissé ma carte de crédit la
veille. En réalité, j’étais venue récolter des preuves de l’infidélité de mon
cher professeur. J’avais pris les escaliers pour rejoindre les vestiaires où
j’étais restée pas plus de trois minutes pour fouiller un peu dans le casier
des collègues, avant de rejoindre la cuisine. Il y avait le chef et ses deux
cuisiniers, trop occupés par leurs fourneaux.
- Bonsoir
! Une cliente aimerait voir le menu. Je vous en emprunte un sur une table et je
le remets à sa place dans quelques minutes.
Aucun des trois n’avait pris la peine de me répondre
ou même de se retourner pendant que je traversais la cuisine pour rejoindre la
porte qui menait au restaurant. Peut-être ne s’étaient t’ils même pas rendus
compte de ma présence. J’avais mise mes grosses lunettes de soleil avant
d’aller m’assoir à la table à plus proche de la baie vitrée, pour avoir une vue
panoramique sur tout le hall. J’avais attendu seule, avec impatience que les
tourtereaux quittent enfin leur chambre pour pouvoir prendre des photos avec
mon i-phone. Il ne me restait plus qu’à attendre le bon moment pour m’en
servir.
Après l’incident avec le professeur DIOP, j’avais
décidé que je n’avais plus à le supporter plus longtemps. Le lendemain matin,
j’étais arrivée à 7h30 à mon université, au moment de l’ouverture, pour poser
sur la pile de courriers et publicités qui trainaient là depuis au moins deux
jours sur la table de la réceptionniste, une enveloppe avec les indications
suivantes : Professeur DIOP Malick – URGENCE SIGNALÉE. Dans cette enveloppe se
trouvaient des photos de lui, accompagnée de sa maîtresse avec une petite note
:
« On dirait que votre femme a rajeuni de quelques
années. A moins que ça ne soit pas elle… Si Lundi à 12h00, vous ne me retrouvez
pas au café le Rond-point avec 1.000.000Fr en liquide, vous aurez le plaisir de
vous contempler à la Une de tous les journaux du Mardi !».
Cela me réjouissait de savoir que pendant que j’étais
tranquillement entrain d’écouter mes camarades se moquer de lui, il était en
train d’attendre, dans le café à 400 mètres d’où je me trouvais, une personne
qui pouvait détruire son mariage et sa réputation de juriste charismatique,
professeur de renom et époux de la charmante et célèbre ministre de la santé
Ndéye Awa SALL.
Quand j’en avais eu assez de les écouter débattre sur
le parcours des formateurs de l’établissement, je pris mon sac à main
silencieusement avant de quitter la salle pour aller à pied au Café du
Rond-point rejoindre mon infidèle de professeur avant qu’il ne s’impatiente.
Il était assis sur la table la plus en retrait l’air
crispé. Je n’avais eu aucun mal à le repérer dans le restaurant bondé vu qu’il
était le seul qui au lieu de déjeuner, fumait alors que c’était interdit.
- On ne
t’a pas dit que fumer était mauvais pour la santé ?
Il avait sursauté avant de se tourner vers moi. Je le
regardais droit dans les yeux à travers mes lunettes de soleil tout en allant
m’assoir en face de lui, un léger sourire aux lèvres. Apparemment, il avait du
mal à comprendre la situation.
- Qu’est-ce
que tu fous là ? Je n’ai vraiment pas le temps de…
Avant même qu’il ne termine sa phrase, je l’avais
interrompue en lui prenant sa cigarette de la main avant de l’écraser dans le
cendrier en verre transparent.
- Cette
saleté me donne la nausée !
Il avait l’air extrêmement agacé. Il fronça la bouche
avant de me prendre par l’avant bras pour m’attirer vers lui. Son halène puante
m’aurait, dans d’autres cas, fait reculer mais je maintenais fermement mon
regard sur le sien.
- C’est
comme ça que tu la traites ?
Il m’avait aussitôt lâché le bras. J’en avais profité
pour m’adosser sur ma chaise en bois houssé de cuir noir avant d’éclater de
rire.
- Dégage
de là !
- Pourquoi
? Tu attends quelqu’un ?
Il fit semblant de ne pas avoir entendu.
- Tu sais
Malick, la vie est pleine de surprises. Qu’en penses-tu ?
- Demain
ne viens pas suivre mon cours. Ni les autres jours d’ailleurs.
J’avais encore éclaté de rire. Cela faisait tellement
longtemps que j’espérais le voir avec cette tête de chien en cage. J’avais jeté
un coup d’œil à ma montre et il faisait déjà 12h46.
- Combien
de tes étudiants rêvent d’entendre cette phrase de ta bouche ?
- Je ne te
permets pas...
- Oh la la
! Du calme. Si tu t’énerves, je vais m’énerver et je n’ai pas vraiment envie de
m’énerver aujourd’hui. Il fait si beau dehors !
- Qu’est-ce
que tu veux ?
J’avais pris mon sac qui était posé par terre avant
d’en sortir une enveloppe kraft A4.
- C’est
noël avant l’heure ! J’ai un cadeau pour toi.
J’avais posé l’enveloppe sur ta table tout en gardant
ma main dessus pour l’empêcher de s’en emparer.
- Elle est
jeune, belle, mais je ne sais pas quoi penser d’elle. Comment est-ce qu’une
femme peut bien vouloir d’une pourriture comme toi ? Elle espère quoi au juste,
prendre la place de ta femme ou tout simplement dépenser l’argent que tu lui
voles depuis des années ?
- C’est
toi alors ! avait-il rétorqué avec surprise. Il prit une enveloppe posée sur
ses jambes et me la tendit.
- Prends
ton fric et disparait avec tout ce que tu sais, je m’en charge personnellement.
- Hmmm…
Finalement j’ai changé d’avis. Je te l’offre à toi et à ta femme si
respectable. Un week-end en amoureux sur la petite côte ça te dit ?
- Qu’est-ce
que tu veux ?
J’avais pris l’enveloppe que j’avais posée sur la
table avant de la lui jeter en pleine figure. Il l’ouvrit sans broncher et y
sortit une pile de papiers.
- Une
semaine !
- Quoi ?
- Tu as
une semaine pour le tirer de là.
- C’est
quoi cette histoire ?
- Arrêtes
de faire l’idiot sinon je risque de changer encore d’avis et là, ça ne va pas se passer aussi bien pour toi.
Il s’était mis d’un coup de me scruter l’air hésitant.
Je sentais qu’il commençait à comprendre qui j’étais.
- Tu es…
- La
personne qui va foutre en l’air ta vie si tu ne fais pas ce qu’elle te dit.
- Mais
comment…
- Si tu as
réussi à le mettre en prison, tu réussiras à l’en faire sortir.
J’avais attrapé mon sac et m’étais levée avant
d’ajouter :
- Tu es le
plus grand juriste du moment et ta femme, d’après les bruits qui courent,
aurait grandi avec notre très cher président non ? Je crois même que c’est la
raison pour laquelle il en a fait un ministre, même si je ne doute pas de ses
compétences…
- Tu ne
sais pas à qui tu as à faire !
- C’est
toi qui as l’air de ne pas savoir qui je suis. Ne t’en fais pas, j’ai pris
toutes les précautions nécessaires. A la moindre bêtise, tu sais à quoi
t’attendre. Passes mon bonjour à ta maîtresse arriviste. Elle sera sans doute
très ravie de se faire un peu d’argent avec tous ces médias qui vont vouloir
l’interviewer sur sa relation avec le très infidèle mari du ministre.
Dans le bus de retour, je commençais à regretter de ne
pas avoir vendu la mèche aux médias. J’avais tant espéré l’humilier autant
qu’il avait l’habitude de le faire avec les autres. Il allait fait l’erreur de
s’en prendre à la mauvaise personne. Je lui donnais la chance de se rattraper.
Une voix me sortit de mes pensées.
- Enfin
vous revoilà !
Je tournais la tête vers la voix et il reprit :
- Ça fait
au moins des jours que je vais partout avec ce livre dans l’espoir de vous
croiser à nouveau. Maintenant que j'y pense, je me sens ridicule!
C’était encore cet homme à la cicatrice. Que me
voulait-il ? Il me tendit le livre et reprit :
- « La
maison du guet ». Je vous en ai parlé la fois dernière.
Je l'avais prise sans hésitation. Que pouvais-je lui
dire ? Merci peut-être ? Il me fixait avec un gros sourire aux lèvres pendant
que mes yeux refusaient de quitter sa cicatrice. Elle ne le rendait pas
repoussant, au contraire, elle affinait ses traits du visage.
- Je peux
connaitre votre nom ?
- Mon nom…
? Mes yeux étaient allés à la rencontre des siens, puis je les avais aussitôt
détournée. Au même moment, le bus ralentissait.
- Merci…
C’est tout ce que j’avais jugé utile de lui dire avant de me précipiter pour
descendre du bus.
Venais-je de baisser ma garde en lui adressant la
parole ? Je n’en avais aucune idée, mais une chose était certaine, j’allais
parcourir les 800 mètres qui me séparaient de mon petit studio à pied.