Chapitre 32

Ecrit par leilaji

LOVE SONG


EPISODE 32


Elle


C’est des fiançailles ou c’est un mariage princier? C'est quoi tout ce déballage de luxe? Ca ne ressemble tellement pas à Leila !


Une large tente climatisée trône dans le luxueux jardin de Denis. Cette maison a toujours manqué de vie et aujourd’hui, on peut dire qu’elle prend sa revanche avec tous les invités présents. Des serveurs habillés de vestons en pagne africain s’exécutent sans recevoir d’ordre telle une colonie de fourmis autour d’un nid à dévorer. Ils semblent savoir ce qu’ils ont à faire alors je continue mon chemin. Après tout ils sont payés pour cela. Habituellement, je m'occupe des cérémonies pour le compte de Leila. Tout ce qui est « tradition et famille », elle n'a jamais su gérer. Je l'ai toujours fait pour elle mais cette fois-ci, j'ai été écartée de l'organisation. Je ne m’en plains pas vraiment. Ce n’est pas comme si j’avais demandé à jouer un rôle dans ces fichues fiançailles surprises. 


Mais tout ce luxe ! Ce n'est pas la Leila que je connais qui ferait ça. Ce n'est plus la Leila que je connais.


Je jette un coup d’œil derrière moi pour voir si Alexander me suis. Heureusement que non. Je respire un peu mieux. Je suis tellement stressée que j’ai l’impression que tous ceux qui me regardent savent que je vais peut-être gâcher la cérémonie. Je lui ai conseillé d’aller faire un tour, le temps que je trouve le moyen de coincer Leila en tête à tête dans le petit salon. Ils doivent se parler une dernière fois, c’est ce que je me suis promis. Je l’aide à le faire et après j’aurai la conscience tranquille. Parce qu’avant l’accident de Lei, on ne peut pas vraiment dire que je plaisais pour la cause d’Alexander. 

Mais aujourd’hui, je l’aide à jouer sa dernière carte et je me déculpabilise en même temps. Si ca marche pour lui tant mieux et si ça ne marche pas tant pis. Le plus dur pour lui sera de la voir seul à seul. Parce que ce qui est de lui rappeler combien de fois ils s’aiment n’a jamais été très difficile pour lui. Il connait la maison aussi bien que moi. Il sait qu’il y a un portillon dissimulé par la large haie de la clôture gauche de l’immense demeure de Denis. Il pourra entrer par la sans se faire remarquer et se diriger tout droit vers la porte arrière du petit salon privé. Il a gardé ma carte d’invitation au cas où il croise quelqu’un qui lui demande ce qu’il fait là. Je prie pour que rien ne l’arrête au moment venu. Il mérite de lui parler une dernière fois même si c’est Denis qu’elle a choisi. 


Deux tentes ont été mises face à face de l’autre coté du jardin. La mère de Denis parée d’une longue tunique, un foulard noué sur la tête, siège au premier rang et bavarde gaiement avec un homme d’âge mur sous la tente ornée d'un tissu à prédominance marron. Les discussions sont animées et la bonne humeur règne. Je soupire. Quand deux être s’aiment et que deux familles doivent se rencontrer, c’est ainsi que ça devrait se passer.  Avant Lei, je ne m’étais jamais rendu compte à quel point une famille pouvait détruire un amour. Je peux aujourd’hui comprendre le souhait du grand père de voir sa petite fille avec Denis. Les relations entre les deux familles sont bien plus saines que celles qu'entretenait celle de Khan avec l'entourage proche de Leila. Elle y était méprisée. Chez les Ondimba, on attendait cette alliance avec impatience. 


Monsieur Okili est assis face à la mère de Denis. Il est habillé d'une chemise  couleur bleue roi tachetée de lettres « V » dorés. Pour une fois, il n’est accompagné que d’un homme pour sa sécurité. Celui n’est pas très discret. Il porte un costume noir et des lunettes de soleil. Il ne semble pas sur ses gardes et regarde d’un œil distrait les préparatifs pour la cérémonie. Okili est chez Denis, il sait très bien qu'ici rien ne peut lui arriver. Je prends mon courage à deux mains et m’avance vers lui pour le saluer. Les gens vont et viennent autour de lui. On s’arrête pour lui présenter une requête à l’oreille. Il décide d’un simple geste de la main. Maintenant que je sais de quoi il est capable, je trouve que le sourire qu’il affiche ressemble à celui d’un carnassier affamé par des mois de disette. Je frissonne bien malgré moi.  


— Bonjour papa Okili, réussis-je à dire sans trop bégayer.

— Bonjour ma fille, ça va?

— Oui papa ça va bien.

— Heureux de l’entendre. Que penses-tu de la cérémonie, de l’organisation? N’est-ce pas plus honorable que ce que tu avais organisé pour elle?


Je sens une pointe d’accusation dans sa voix. Aucun mot ne sort de sa bouche sans avoir été soigneusement choisi. Il ne dit pas que la fête est plus luxueuse ou magnifique. Non, il parle d’honorabilité, comme si sa petite fille avait perdu la sienne en s’alliant à un étranger. Il me reproche de ne pas avoir su la protéger e sa « mésalliance ». L’accusation est voilée. Même si son visage est demeuré accueillant, sa voix n’a pas su cacher son aigreur. Oui, à l’époque j’avais organisé une petite cérémonie pour Lei et Alexander et je ne me sens pas coupable pour ça. Il n’y avait pas autant de monde qu’ici c’est vrai. Mais la cérémonie était émouvante. 

Puisque je ne réponds pas, il change de sujet.

 

— Tu as vu ta sœur?

— Non pas encore, je dois la rejoindre à l’étage je crois.

— D’accord, dis-lui que les gens commencent à arriver. Tout le maquillage qu’on veut lui faire ne sert à rien, qu’elle vienne comme elle est. Pourquoi elle a chassé ses cousines d’ailleurs ? Elle doit être entourée par sa famille. Sa vraie famille. 

— Je vais le lui dire.

— D’accord. 


Je lui tourne le dos pour m’en aller avant de changer d’avis et de lui dire :


— Mais papa Okili…

— Oui. 

— Je suis aussi sa vraie famille. 


Ses lèvres continuent de sourire mais ses yeux restent froids. Il détourne alors son regard de moi pour me signifier la fin de la conversation et croise les mains sur le pommeau de sa canne. Je le scrute encore un court instant et me rends compte qu'il représente le pouvoir dans toute sa splendeur. Comment Alexander et Lei auraient-ils pu gagner contre lui ? 


A ma montre, une bonne vingtaine de minutes se sont écoulées entre mon entrée dans la maison et la fin de ma conversation avec Monsieur Okili. Il faut que je me presse un peu. Je sors mon téléphone de mon sac et demande à Leila où elle se trouve. Je reçois immédiatement un message de sa part. Avant de la rejoindre à l’étage supérieur de la maison, j’abandonne mon sac dans le petit salon et ferme la porte derrière moi.


Je retrouve la fiancée dans la chambre qu'elle semble partager avec Denis. Leurs affaires sont éparpillées dans toute la pièce. Je la prends dans mes bras avant de me reculer légèrement pour mieux la contempler. Elle est magnifique. A couper le souffle. Les larmes me montent aux yeux. Ses cheveux tressés de raphia et décorés avec des cauris, ont été ramenés sur le haut de sa tête en un chignon élaboré.  A ses oreilles, des boucles d'oreille en or massif. Son corps est paré d'un lourd pagne broché à son épaule droite tandis que l'autre épaule demeure dénudée. Telle une demie cape, le tissu couvre toute la partie droite de son corps et traine à ses pieds.  Je ne sais pas pourquoi le V qui décore le tissu me semble familier.


— C'est le tissu de la dernière collection d'Eloïse. C'est le V de Vaudace. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle m'offre la robe, dit-elle en la lissant avec tact. Elle me va comme un gant. Je ne sais même pas comment elle a fait sans mes mensurations. Elle a dû s’entendre avec Denis. C’était une très belle surprise tu ne crois pas ? Encore que je ne suis pas sure que la robe soit d’Eloïse, c’est peut-être Mugusi ! Elle t’a montré les photos de sa fille ?

— Oui. Une vraie petite princesse ! Ils ont fait une séance de shooting professionnel pour ses photos de naissance. Elle avait un diadème miniature sur la tête. Un diadème avec des cristaux et des diamants. Tu y crois toi ! Eloïse et son mari vivent dans un monde à part. 

— C’est normal. Ce sont des stars au Nigéria là-bas et on ne pouvait pas en attendre moins d’Eloïse. Elle a tellement galérée ici. Elle profite de son bonheur. 

— Oui mais un enfant c’est une bénédiction. Il ne faut pas trop l’exposer. On reste africains malgré tout et tu sais qu’il y a des gens assez jaloux pour faire du mal à leurs ennemis à travers leurs enfants. Il faut qu’elle se protège un peu plus. Elle est au Nigéria, le pays qui est spécialiste des films avec les sorciers !


Elle éclate de rire et me tourne le dos pour jeter un coup d’œil furtif au miroir sur pied juste derrière elle. 


— Bon assez parlé d’Eloïse. Tu crois que ça va comme ça le maquillage ou c'est trop léger?

— Tu as l'air différent? lui fais-je remarquer en m'asseyant sur le lit.

— C'est normal non!

— Je n’en sais rien. 

— Pourquoi tu es triste ? 

— Tu es décidée Lei, vraiment décidée?

— Pourquoi cette question ? Penses-tu qu’il ne peut pas me rendre heureuse ? Ou que je ne suis pas faite pour lui ? 

— Lei. J’ai été la première à savoir à quel point il t’aimait. La première à savoir tout ce qu’il consentait à endurer pour toi. Ce n’est pas de Denis que je doute mais de toi. Un jour… tu vas te souvenir de Khan et tu vas briser Denis. 

— Elle on ne va pas reparler de Khan!

— Pourquoi pas?

— Non. Si tu es venue pour ça au lieu d'être là pour me soutenir, tu peux rentrer chez toi. Je saurai me débrouiller toute seule, me dit-elle d'une voix, soudain devenue froide.


Elle fait sa tête des mauvais jours. Sa tête de « je suis déterminée et personne ne va m’empêcher d’aller au bout de ce que j’ai décidé de faire ». Bon ben, je ne vais pas insister. 


— Ok. Comme tu voudras, lui dis-je avec un sourire forcé. La maquilleuse est déjà partie?

— Oui pourquoi?


Je fais celle qui n’est pas très contente de ce qu’elle voit.


— Je n'aime pas le fond de teint qu'elle t'a mis. Il est trop clair pour ta carnation. C'est comme si on t'avait posé un masque téké sur le visage, je lui dis d'un ton taquin.    

— Plutôt que de te moquer trouve moi une solution Elle. Aujourd’hui est le jour où une nouvelle vie va s’offrir à moi. Je veux être parfaite.


Un bip nous interrompt. Elle s’empare de son téléphone et sursaute en lisant le message qui s’affiche sur l’écran. Je lorgne comme je peux mais le numéro m’est inconnu. Elle pianote une réponse et pose le téléphone. Elle semble troublée. 


— Je vais arranger ça. Mais ma trousse est au rez-de-chaussée Madame, dans mon sac. Tu me suis?

— Il faut déjà que je descende ? On ne m'a pas donnée le signal ! Il parait que je dois marcher sur des nattes en raphia et que mon pied ne doit pas toucher le sol. Tout ce cérémonial me donne mal à la tête. En plus tu ne peux pas me maquiller devant tout le monde qu’il y a en bas !


Elle se rapproche de la fenêtre et tire légèrement le rideau pour contempler les invités avant de se reculer d’un grand pas. 


— C’était supposé être une petite cérémonie de fiançailles avec les intimes.  

— Ton grand-père a rameuté toute la famille. 

— Il est têtu comme une mule le vieux. 

— Peut-être pour laver l’affront de ta dernière dot ratée !

— Ah la dot de la vidéo… répète-t-elle amèrement

— Bon de toute manière il a  demandé qu'on t'appelle. C’est un signal suffisant pour toi ? 


Après quelques coups donnés à la porte, une jeune fille entre suivie d'une femme plus âgée. Cette dernière ne semble pas de bonne humeur et me jette des coups d'œil dédaigneux.


— On n’a vraiment pas respecté la tradition mais ton grand-père a dit de faire ça comme tu le voulais. Tu as besoin d'aide?  

— Non, tante Josée. Je vais bientôt descendre de toute manière.

— Toi tu es la fille de qui? me demande la tante Josée en question


Avant que je ne la remette en place, Leila répond que je suis sa sœur du coté de sa mère. S'en suis une brève discussion avec la tante qui me permet de sortir mon téléphone de ma poche pour envoyer un message à Khan sans qu’elle ne me voie. Une fois la discussion close, Leila me fait signe de sortir. Je lève les yeux au ciel et la suis. J’ai le cœur qui bat à mille à l’heure. On se rend toutes les deux à l’étage inférieur où grouille un monde pas possible. 


— Où est Denis ? Tu l’as vu ? 

— Non pas encore, il doit être avec les hommes de sa famille. Bon, il y a tes cousines éloignées qui viennent vers nous là. Je crois qu’elles viennent te chercher, lui fais-je remarquer en la poussant en avant.

_ Mais tu ne m'as même pas encore maquillé ! se plaint-elle en soulevant sa cape pour qu’elle ne traine plus par terre.

— Rentre là, on va corriger le fond de teint, lui dis-je en la poussant une nouvelle fois vers la porte du petit salon.


Sans réfléchir, elle entre dans la pièce que je connais bien. Denis y reçoit habituellement ses intimes.  Et par intime, je veux dire le lot de femmes de passage dans sa vie. Toute la déco ici appelle à la luxure et aux conversations intimes. Les rideaux sont tirés, la pièce est plongée dans la pénombre. On distingue à peine les meubles. Avant qu'elle ne se retourne vers moi, je lui murmure de me pardonner et ferme la porte derrière elle. 


Ses cousines, des nattes en raphia sous les aisselles, m'interrogent du regard et je leur confie une mission juste pour les éloigner du salon. 


*

**


Alexander.


—  Mais c'est quoi ce bordel ! s'exclame -t-elle en tentant vainement d'ouvrir la porte.


La poignée grince mais la porte ne cède pas. Elle ne m'a pas encore vu alors je marche vers elle.  Elle s'apprête à taper de la paume sur la porte lorsque je lui fais sentir ma présence en me servant un verre de whisky. Elle se fige. Je suis ici depuis quelques minutes déjà. Mes yeux se sont adaptés à la pénombre.


— Ne fais pas ça. Taper sur la porte à grand bruit. Sauf si tu as absolument envie que toute ta famille voit l'ex mari honni aux fiançailles de rêve avec ton futur connard d’époux.


Tout doucement, elle se tourne sur elle-même et me fait face. 


— Que de colère dans votre voix Monsieur Khan ! Je ne me rappelle pas vous avoir invité, c’est cela qui vous énerve ? 

— Si tu pouvais te rappeler de nous deux. Tu serais fière de moi mera dil. Fière de voir mes mains trembler de rage, mes yeux couleur tempête à l’idée de penser à ce que tu lui as donné… ce qui m’appartient et que tu lui as donné ! Et pourtant pas de drame, rien de cassé, personne n’est mort ! 


C'est comme un poignard dans le cœur de la voir si belle. Mon cœur cogne à grands coups dans ma poitrine. C’est comme s’il avait sa vie propre, ses propres instinct et qu’il se rebellait contre moi. Il s’arrête puis il cogne fort en battements désordonnés. C’est douloureux. Mon sang inonde mes veines et me donne l’impression de respirer à nouveau. 


Avide, je scrute chaque détail nouveau sur son visage, son corps, son port de tête. Est-ce illusion que de trouver encore aujourd’hui qu’elle est belle à damner un saint. Si belle pour un autre. Ses yeux se posent sur mon verre puis reviennent à mon visage. J’ai l’impression que ça fait une vie et des poussières qu’on ne s’est pas vu.


— Monsieur Khan rentrez chez vous, dit-elle d'une voix ferme, en me fixant bien droit dans les yeux.


Je vide mon verre et grimace un sourire. La maitrise de ma colère n’est pas parfaite, mais je fais au mieux. Monsieur Khan a-t-elle dit. Ca me rappelle nos débuts. Avant la tourmente. Avant l’amour qui tient la tourmente à distance. Monsieur Khan. C’est autant de gifles qu’il y a de lettres. 


Je fais un nouveau pas vers elle tandis qu’elle se recule vers la porte comme si elle était effrayée par moi. Depuis quand a-t-elle peur de moi ? Depuis qu'elle t'a oublié me répond une voix sordide dans ma tête. La voix de la colère. Elle n’avait jamais eu peur de moi auparavant. Cette colère qui me fait friser la folie, elle l’avait domptée d’un seul regard. Mais aujourd’hui, elle a peur de toi, répète la voix insidieuse. Cette voix, je la fais taire immédiatement.


Je me dis que nous ne sommes pas chez Denis. Nous ne sommes pas à une cérémonie  à laquelle je n’ai pas été convié. Non. Je fais abstraction des gens heureux que j’ai vu, des fortunes dépensées sans compter et surtout de leur deux corps dans un lit. Pour me contrôler et lui dire ce que j’ai sur le cœur, je nous imagine au Taj. 


— Tu me manques. Terriblement.


Elle retient son souffle tandis que je lève la main vers son visage.  Comme à mon habitude, je ne peux me retenir de la plonger dans sa chevelure que j'empoigne avec force. Elle gémit mais ne se plaint pas. Mille fois nous nous sommes disputés et mille fois j'ai plongé les mains dans ses cheveux pour lui demander pardon.  Elle ne peut l’avoir oublié. Mes yeux inquisiteurs plongent dans les siens à la recherche de ce sentiment d’appartenance qui devrait y être. Je ne vois rien d’autre que de l’indifférence. 


Je recule de quelques pas. 


— Comment puis-je honorer une promesse dont tu ne te souviens même pas Lei? Comment ? Si je te laisse faire aujourd’hui et qu’un jour tu te rappelles de tout, tu me reprocheras de ne pas t’avoir assez aimé pour te retenir.  

— Rentrez chez vous. 

— Ou est-ce moi qui ai tout inventé dans ma tête, pour ne pas perdre la raison ? C’est ça ? 

— Je ne sais pas de quoi vous parlez. Rentrez chez vous. Maintenant. Avant qu’un malheur n’arrive. 

— Un malheur ? Vraiment ? 


Je vide mon verre et le pose sur la table basse, en même temps que je tire une arme de ma ceinture. Elle sursaute à la vue de l’arme avant de se reprendre. Cette parfaite maitrise d’elle-même que j’ai toujours admiré m’angoisse aujourd’hui! Leila lève la main encore une fois pour tenter d’ouvrir la porte. 


— Assieds-toi, j’ordonne calmement. 

— Rentrez chez vous Khan ! Rentrez, vous ne faites qu’empirer la situation. 

— J’ai dit assise !


Mon ton sans appel la convainc de m’écouter. Elle s’éloigne de la porte et prend place face à moi. 


— Tu ne te rappelles-pas ?

— Non !

— Réfléchis bien avant de répondre. 

— Si je réponds non encore une fois vous allez m’abattre ? C’est ça votre plan ? 


Sa réponse est ferme et assurée. 

A croire que j’ai rêvé de tout ce qu’on s’est dit avant l’accident. Ai-je rêvé ? C’est pourtant cette promesse qui m’a fait tenir tous ces jours. Cette promesse faite avant que tout ne parte en vrille. Mais à présent je doute de moi. Je doute qu’elle m’ait jamais demandé de l’aimer à tout prix, jusqu’au bout. Je suis assez fou pour avoir imaginé cet épisode !


— Comment peux-tu dire non avec autant de quiétude lorsque tout en moi te hurle de me dire oui ? 

— Parce que ma décision est prise et qu’une fois que j’ai dit non c’est non. Vous devriez vraiment rentrer chez vous. Il n’y a plus rien ici pour nous deux. Plus rien. 


Je passe ma main dans mes cheveux et elle sursaute parce que j’ai bougé l’arme. Je baisse la main pour la rassurer. Elle recule d’un pas. Leila me prend pour un fou. 


— Comment oses-tu t'éloigner de moi lorsque rien en moi ne survie sans toi ? Comment ? Comment fais-tu mera dil, comment ?

— Parce que l’avenir est devant nous, pas derrière. 

— Je suis mort mille fois chaque jour ! Mort à l’idée d’avoir traversé autant d’épreuves avec toi pour te perdre aujourd’hui parce qu’un homme en a décidé ainsi. Leila ne vois-tu pas à quel point tu te trompes ? 

— Il n’y a pas de Leila qui tienne ! Il n’y a pas de Leila pour vous. 

— Je veux bien accepté que le nom Xander ne franchira plus jamais tes lèvres, mais je ne peux accepter que le nom Leila ne franchisse plus les miennes. Je t’aime mera dil. Comme il serrait insensé d’aimer. Et pourtant tout ne prend de sens qu’à travers cet amour pour toi. Je n’y peux rien.

— Tout ça n’est que pure folie !

— C’est ce qu’ils disent tous, je ricanne. 

— Qui ? 

— Eux. Tous ceux qui nous désapprouvent depuis le début. J’ai été abandonné par ma famille et toi aussi. Ca  a fait de nous ce que nous étions. Il y avait cette armure de froideur que tu refusais obstinément d’enlever. Mais ca ne m’a pas repoussé. Et j’avais cette colère en moi qui refusait de me quitter et ça ne t’a pas effrayé. Alors j’ai su que tu valais la peine que je sacrifie tout pour toi. Tu les entendais dire que j’étais fou. Et tu leur répondais. Oui. Il l’est. Evidement qu’il l’est. Mais de moi. Que nous importe votre jugement ? Nos cœurs ensemble battent plus fort que vos cris. Et je me demandais alors : « d’où tire-t-elle toute cette force pour ne pas finir par les haïr? »… Ma mère, ton grand-père, Neina qui nous a arraché Puja… Et tu me disais je leur pardonne de ne pas nous comprendre. Celui qui n’a jamais ressenti cette folie douce ne peut que jeter la pierre. Ton amour m’a rendu tellement fort quand tous les autres me trouvaient faibles.  Il m’a libéré de mes démons, de ma colère, de mon dépit… Et je t’ai promis d’attraper les épines pour que tu puisses contempler la rose. Quel misérable je suis si je n’y arrive pas. 

— Rentrez chez vous.  

— Je veux que tu sois libre. Et tu ne pourras pas l’être tant que l’autre sera en vie. Alors je vais rester là et l’attendre. Parce que je sais qu’il sait que je suis là. Il le sait forcément.


Clap ! Clap ! Clap ! Surpris d’entendre un bruit inopiné, je me tourne vers le coin où j’entends cette espèce d’applaudissement au ralenti. La lumière s’allume brutalement faisant apparaitre à ma gauche les meubles d’un salon au design classique. Y trône Okili assis dans un fauteuil Louis IV. Il ajoute un dernier clap de fin d’un geste tellement théâtrale qu’il me donne la chair de poule. Il était là depuis le début. Tapis dans l’ombre. C’est surement l’endroit où il évolue le mieux, dans l’ombre. 

Je ne suis même pas surpris de le voir là. J’arrête de réfléchir et je lève mon arme sur lui. Il me sourit. Les mains à présent croisées sur le pommeau de sa canne, il continue de me sourire. Qu’est-ce qui le fait sourire ? Ce même sourire qu’il avait avant de faire trancher la gorge de Neina ! 


Je me reprends. Je suis très calme et très déterminé. Ça ne se terminera pas comme la dernière fois ou je n’ai pas su quoi faire. Car cette fois, j’ai une arme et il est seul. J’enlève le cran de sureté. 


Pour celles qui n'ont pas trop sommeil, une nouvelle suite arrive aujourd'hui mais à je ne sais quelle heure... suis toujours en train de l'écrire.


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