Chapitre 33
Ecrit par Annabelle Sara
D’un
pas déterminé et décidé, Stéphane traversait les couloirs de la morgue de
l’hôpital central de Yaoundé. Malgré les recommandations des policiers qui
l’avaient réanimé une e demie heure plus tôt après l’annonce de l’accident et
du décès de Victoire il avait insisté pour aller voir le corps afin de se
rendre compte par lui-même. Même s’il marchait sans aucun mal, il sentait au
plus profond de lui que si jamais toute cette histoire n’était pas une grosse
méprise il n’en survivrait pas.
Il
l’avait enfin trouvée celle avec qui il n’avait pas peur de l’avenir, celle qui
lui donnait la force de croire en des lendemains meilleures, cette bouffée
d’air dont il avait tant rêvé et là il devait juste lui dire aurevoir sans
aucune autre forme de procès ? Il en était absolument hors de question. Il
fallait qu’il l’a voit et surtout qu’il se fasse sa propre opinion de toute
cette histoire…
Un
simple carambolage, elle se serait tout simplement prise un nid de poule,
aurait paniqué et finit dans le décor ! C’était trop effarant pour être
vrai, de plus si se n’était qu’un coup du sort ce serait franchement très
déplacé parce qu’elle venait tout juste de découvrir que sa fille est
vivante ! Cette fille qui a tout représenté pour elle, pour qui elle a pleuré
des journées entières… non le ciel avait refusé tant de chose à Victoire qu’il
ne pouvait se permettre de lui jouer ce sale tour aujourd’hui !
Alors
les yeux vitreux, la mine fermé il pénétra dans la salle d’autopsie de la
morgue, suivit de près par Ronald qui l’avait accompagné à l’assistance des
policiers qui avaient exigé qu’il soit escorté par un proche.
L’odeur
de la pièce étouffa tout de suite Stéphane, entre les effluves de formol,
d’alcool et de produit chimique habituelles des hôpitaux mêlées à celle de porc
grillé enserra subitement l’homme d’affaire et son frère, il prit une grande
bouffée d’air tandis qu’on les invitait à se rapprocher du cadavre qui gisait
allongé sur une table métallique sous un projecteur accroché au plafond. Stéphane
ne savait pas si c’était voulu mais la lumière ne mettait en évidence que la
tête du corps qui était complètement recouvert par un drap blanc, c’est ce qui
lui permis de ce rendre compte que l’ensemble de la pièce était dans la
pénombre.
« Si vous voulez Mr Medou nous pouvons remettre… »
Il
coupa le légiste d’un geste de la main.
Il
ne savait pas trop à quoi s’attendre, il avait déjà vue des cadavres dans sa
vie, même si un d’entre eux avait été un leurre. Seulement sur cette table
gisait la femme qu’il aimait et cela faisait toute la différence, il s’était
déjà évanoui en apprenant son accident et son décès alors personne ne lui en
tiendrait rigueur s’il tombait une nouvelle fois dans les pommes.
« Allez-y s’il vous plait ! », dit-il en forçant un sourire au
légiste afin de le rassurer.
Ce
dernier s’exécuta et replia un bout du drap pour ne dévoiler que la tête du
cadavre. Et ce fut un choc !
A
part l’odeur qui faillit lui arracher les boyaux, il ne perçut rien, mais alors
rien du tout !
Certes
elle avait tellement brulé qu’elle était méconnaissable, d’ailleurs les
policiers l’avaient spécifié, ils ne l’avaient reconnu que grace à la plaque du
véhicule et à sa carte d’identité retrouvé à quelque mettre de sa voiture.
Sinon physiquement elle n’était pas identifiable.
Cela
dit en regardant la tête de cette femme brulée au plus haut dégrée, Stéphane
n’avait pas le sentiment de regarder celle qui faisait battre son cœur chaque
fois qu’il posait les yeux sur elle. Sans trop savoir ce qu’il faisait, il
rabattit le drap entièrement découvrant tout le cadavre. Aussitôt il lui prit
l’envie de vomir, il se soulagea dans un seau a porté de vue derrière eux.
Ronald le prit par les épaules et s’enquit de son état.
Une
fois la nausée passée, il se releva et se retourna le visage encore plus fermé.
« Ce n’est pas Victoire ! », déclara-t-il en regardant son frère
droit dans les yeux.
« Pardon… Mr Medou nous comprenons que ce soit difficile pour vous
d’admettre que… », commença l’agent de police tandis que le légiste
recouvrait le corps.
« Je vous dis que cette pauvre créature n’est pas ma Victoire ! »
« Bro tu es sous le choc, je sais et je comprends, mais tu dois te rendre
à l’évidence que c’est elle, elle se rendait chez toi lorsqu’elle a eu cette
accident ! »
« Ronald… ce n’est pas Vicky, je le sens, je le sais, j’en suis
sûr… »
Le
jeune frère tint son frère pour essayer de le calmer.
« Steph… elle est méconnaissable et tu ne peux pas l’identifier tu
l’as à peine regardé ! », murmura Ronald.
« Cette femme est la seule que j’ai observé de long mois avant de la
touché, alors laisses moi te dire que je connais par cœur chaque dénivellation
de ces courbes, même avec un bandeau aux yeux je serais capable de reconnaitre
Vicky… et ça… ce n’est pas Vicky ! »
La
fermeté et la lucidité qu’on lisait dans les yeux de Stéphane firent leur
chemin dans l’esprit de son frère, même si cela paraissait complètement
insensé, il prit le parti de Stéphane et lui fit signe de ne rien dire. Alors
en le quittant il demanda au légiste de procéder à la reconnaissance du cadavre
en disant que son frère était juste un peu secoué, et aussitôt il se tourna
vers les policiers.
« Messieurs je vais vous demander de bien vouloir remettre ce corps à
notre médecin de famille dès que possible et veuillez ne pas tenir comptes de
ce qu’il a dit au départ… il est un peu secoué et le choc le fait un peu
déliré ! »
« Avez-vous des doutes sur les aptitudes de la police, Mr Edang ? »,
s’enquit une femme qui venait de pénétrer dans la salle d’autopsie.
Grande,
le regard déterminé, une arme et un badge d’inspecteur à la taille.
« Inspecteur Olivia Ntone de la criminelle ! »
« Criminelle ? », demanda Stéphane en se redressant.
« Il se pourrait que cet accident soit un acte criminel et votre frère qui
demande à récupérer au plus vite le corps, je crois que ma présence est plus
que nécessaire et surtout justifiée. Alors vous me parlez maintenant ou vous
préférer que je vous fasse convoquer en bonne et due forme ? »
Sa
voix était tranchante et son ton assez insultant pour des personnes qui
traversaient une période difficile, mais ni Stéphane ni son frère n’avait
l’intention de rentrer dans son jeu et encore moins de lui faciliter la tâche.
« Etant donné que mon frère a fini par reconnaitre le corps nous pouvons
le récupérer. Nous attendons donc avec impatience la convocation et pour vous
faciliter les choses nous allons vous remettre le numéro de notre
avocat. », dit Ronald en lui remettant la carte de Pierre. A bientôt
inspecteur !
Ils quittèrent tous deux la salle
d’autopsie en laissant ceux qui s’y trouvaient un sentiment de frustration dans
la bouche. Ils n’étaient pas les seuls, Stéphane ne comprenait pas trop ce que
venait de faire son frère, il le lui fit d’ailleurs savoir une fois qu’ils
furent dans la voiture.
« Vu la mise en scène que ces gens ont mis sur pied, ils veulent qu’on
pense que Victoire est morte et c’est exactement ce que nous allons faire,
s’ils ont le moindre soupçon sur ce que nous savons ils vont nous envoyer sa
tête dans une boîte. Fais moi confiance Stéphane, je sais très bien ce que je
fais ! »
« Et la police… ne vont-ils pas nous soupçonner de quelque chose, ils
peuvent nous inculper d’obstruction à la justice, cette inspecteur ne semble
pas vraiment apprécié ce que nous sommes… »
« Ne t’en fais pas je vais arranger cela, pour le moment il faut
faire sortir Ly de l’hôpital au plus vite et entrer en possession du rapport de
police sur l’accident », énuméra Ronald.
Stéphane
était content de pouvoir compter sur quelqu’un, il n’était pas vraiment en état
de réfléchir et encore moins de mettre sur pied un plan de bataille, alors il
était soulagé de pouvoir se reposer sur les grandes épaules de son petit frère.
Le
domaine des Edang était sombre, tout dans la propriété semblait fonctionner
comme au ralenti, les esprits et les corps étaient dans un tel état de
faiblesse et de lourdeur que l’on sentait le sol trembler sous le poids des
gens qui se déplaçaient, respiraient et pensaient. A l’annonce de l’accident de
Victoire, Cassie avait complètement perdu pied et semblait avoir également
perdu espoir. La déprime et le désespoir s’étaient installés en l’espace de
deux jours, au point où Johanne et sa fille avait dues revenir s’installer dans
la villa afin de prendre soin non seulement de Cassie, de son fils Victor mais
aussi de Ly qui avait quitté l’hôpital et qui recevait à présent des soins à
domicile.
Stéphane
quant à lui était une vraie boule de nerf, sans aucunes nouvelles de son frère
qui avait décidé de suivre une piste dont il n’avait pas voulu lui parler, son
oncle qui s’était enfermé dans la cave pour lire les archives de la famille et
donc du patrimoine, sa mère qui n’était toujours pas revenu et Pierre qui ne
lui avait pas encore dit si la police le convoquait, il sentait qu’il allait
bientôt perdre patience et agir comme un parfait idiot.
Parce
que toute cette histoire, il savait pertinemment qui était derrière, qui tirait
les ficelles et il n’avait qu’une envie aller s’expliquer avec cette personne.
Il
savait qu’il n’était pas fou de penser que ce cadavre n’était pas celui de son
amour, il n’avait rien ressentit du tout en le voyant, donc oui, il est
persuadé que ce n’est pas le corps de la mère de Ly.
Ly
à qui il avait dû mentir pour ne pas lui annoncer le décès de sa tante, qui
était tout récemment devenu sa mère, chose qu’elle ignorait encore jusqu’ici.
La petite se retrouvait donc là dans une maison avec des gens qu’elle ne
connaissait pas, elle se sentait seule, perdue et le pire c’est qu’elle n’avait
aucune idée du tumulte autour d’elle.
Comment
allait-il expliquer toute cette situation à la gamine en l’absence de sa mère
afin de la rassurer, ils avaient décidé de ne pas lui parler de sa parenté avec
Vicky, afin qu’elle se rétablisse et puisse comprendre les choses et surtout
pour ne pas la brusquer. Et maintenant, Stéphane se retrouvait tout seul avec
une enfant, sans trop savoir ce qu’il peut et ne peut pas lui dire.
Il
se redressa en entendant une voiture se garer devant la porte d’entrée de la
maison familiale, il se précipita à la porte, c’était Pierre suivit de près
par son frère Ronald, tous deux avaient une mine des jours pluvieux.
« Alors ?! »
Ce
seul mot voulait dire exactement ce qu’il exprimait.
« Tu avais raison, ce n’est pas Victoire… mais il faut que tu te calme
parce que le moment est critique ! »
Seul
la première partie de la phrase de Pierre fit son chemin dans sa tête, en une
seconde il sentit s’envoler le voile noir qui avait recouvert son existence. A
présent il sentait qu’il pouvait se permettre de rêver d’être à nouveau dans
les bras de sa dulcinée.
«Cette mise en scène prouve qu’ils veulent que nous pensions qu’elle est morte
et quelque soit leurs intentions ils doivent impérativement croire que nous la
croyons morte Stéphane ! »
« Tu veux dire que nous ne devons pas déclarer sa disparition à la
police ? », demanda Stéphane à son frère avec de l’angoisse dans la
voix et dans le regard.
« Nous allons même devoir faire un simulacre d’obsèques si d’ici une
semaine nous ne retrouvons pas Victoire… autre chose le rapport n’est pas très
bon, des traces sur le sol de la route montre qu’il y’avait une autre voiture
elle aurait d’ailleurs heurté la GMC de Vicky donc… »
« C’est un meurtre ! », murmura Stéphane en prenant place dans
le fauteuil de son père une fois qu’ils étaient dans le bureau de ce dernier.
« Tu dois t’attendre à être traité comme un potentiel
suspect ! », lui annonça Pierre en lui tendant un verre de scotch.
« C’est
absurde ! », s’écria Stéphane.
« Ce sont les statistiques qui veulent cela… de plus si on prend en compte
la scène à laquelle ont participé les policiers et le légiste à la morgue tu
seras leur suspect principal. »
Les
paroles de Pierre assénèrent un coup dur au moral de Stéphane.
« Mis à part cela je crois que j’ai une idée de la personne derrière toute
cette histoire ! »
Cela
ne faisait plus aucun doute.
« Le père Esso’o! »
Ce
nom prononcé à l’unisson résonnait comme un grondement de tonnerre.
« Ce que je ne comprends pas moi c’est pourquoi met-il délibérément la vie
de sa fille en danger ? », se demanda Pierre en se servant à son tour
un verre. « Et Ange quel est son rôle là dedans ? »
« Esso’o serait capable de vendre père et mère s’il trouvait là une
opportunité lucrative pour lui », commença Ronald. « Je crois qu’il
sert juste un associé qui a donné un bon prix pour sa fille et si c’est ce que
je pense… alors la personne qui a commandité la disparition de Victoire est
celle qui a engagé Shannon ! C’est un duel des clans…»
« Le duel des clans ? »
« Stéphane je t’avoue que je n’ai aucune idée de ce que cela veut
dire ! », avoua Ronald les épaules basses.
« C’est pourtant très simple, une famille descendante d’une famille
pionnière est en train d’essayer de vous provoquer afin de vous faire perdre
votre prestige et votre renommé, cela passe par des coups bas et des
manipulations pas tout à fait légales qui leur permettront de nous prendre tout
jusqu’au dernier centime. »
L’explication
que donnait Pierre de cette situation semblait sortir tout droit d’une histoire
de familles à la sicilienne.
« Il faut donc que l’on s’attende à tout ! »
« Mais pourquoi s’en prendre à Vicky ? », demanda Stéphane qui
commençait tout juste à émerger et à peser l’ampleur de la situation dans laquelle
ils se trouvaient.
« Le gage… je crois que Victoire sera le gage ! », murmura
Ronald.
Il
leur fit un résumé de la conversation qu’avait eu leur mère avec Shannon avant
son départ.
Cette
fois Stéphane en était certain, il allait devoir se battre de toute ses forces
pour revoir celle qu’il aimait. Mais cela il en faisait la promesse, il l’a
retrouverait quoique cela puisse lui coûter.
L’image
sur le miroir était celle d’une des femmes les plus belles de l’île, une femme
qui a été courtisée par tous les plus beaux partis de l’université de Yaoundé et
qui par souci pour son bien être, a choisi de miser sur un fils d’entrepreneur
immobilier. Unique héritier de la fortune familiale, de plus sa gaucherie et sa
timidité font de lui l’homme le plus heureux de la terre avec une femme de
cette beauté à son bras. Elle œuvre à lui donner confiance en lui, tout en lui
soufflant chaque fois à l’oreille que sans elle il ne pourra rien faire de sa
vie, car elle en est le centre, résultat des courses : elle est adulée par
son compagnon et les parents de ce dernier l’adorent encore plus parce que
selon eux elle est celle qui a transformé leur nigaud de fils en le révélant au
monde tout en lui offrant une place dans leur milieu. En deux mois ils sont
mariés, et elle le pousse tellement qu’il devient un bourreau de travail, mieux
encore son esclave, exécutant ses moindres désirs comme s’il s’agissait d’une
mission divine. Il fait construire une sublime maison au bord de la mer, un
bungalow avec plage privée et un jardin qui coûte des milliers d’Iris pour les
beaux yeux de sa femme. Cette dernière pour préserver sa place de dominatrice
lui donne deux enfants, une fille et un garçon, bien sûr la charge revient à
l’époux d’éduquer cette progéniture car elle a rempli sa part du contrat de
mariage et décide de monter sa propre affaire. Petit à petit elle se fait un
nom dans son domaine et gagne aussi bien dans son activité lucrative que dans
sa notoriété, entouré de personnes dont elle connait la vie dans les moindres détails
mais qu’elle ne saurait pas reconnaitre dans la rue. La définition de la femme
du vingt-unième siècle, pas parfaite mais ambitieuse, manipulatrice et surtout
opportuniste.
Ce
destin de femme aurait dû être celui d’Angèle Esso’o, elle n’avait certes pas
eu toutes les cartes en sa possession à la naissance, mais elle a eu l’occasion
de les détenir grâce à une personne qui a été à une période un modèle. Et quand
elle se regardait aujourd’hui dans la glace elle se rendait compte qu’elle
avait brulé ses cartes gagnantes les unes après les autres avec toutes les
décisions complètement stupides qu’elle avait faites. La première, faire de sa
proie David qui n’était rien d’autre qu’un prétentieux et arrogant riche
héritier, mais qui n’avait rien du tout dans le ventre, sa deuxième carte a été
grillée lorsqu’elle s’est entêtée pour devenir sa femme et a détruit à tout
jamais sa relation avec sa sœur. Et aujourd’hui ça !
Au
départ elle était tellement en colère qu’elle avait suivit son père dans son
délire sans vraiment réfléchir ! Les cheveux teints, le visage terni,
Angela ne reconnut pas sur la glace la jeune femme qui avait décidé de tout
faire pour vivre et non survivre comme c’était le cas aujourd’hui !
« Tout va bien ? »
Elle
sursauta en entendant son père parler derrière elle, elle le dévisagea une
seconde et se demanda si la disparition de sa fille ainée l’a un temps soit peu
touché.
« Ta couleur te va à ravir, il faut qu’on y aille apparemment il y’a du
mouvement et si tout ce passe comme le patron l’a prévu les choses vont
basculer d’une minute à l’autre… »
« Est-ce qu’elle va bien ? », s’enquit-elle à brûle pourpoint.
L’air
surprit de son père fut une réponse clair pour elle, il n’avait pas vraiment
compté dans la vie de Victoire alors pour quelle raison serait-il déchiré par
ce qui lui arrivait.
« Ange… je croyais que nous avions parlé de cela et je crois t’avoir dit
quelles sont nos priorités en ce moment ! »
« Oui, je sais mais… »
« Pas de mais qui tienne… écoutes et écoutes bien car je ne pourrais
surement pas te le redire… », murmura-t-il en lui agrippant le bras pour
qu’elle le regarde dans les yeux. « Le temps n’est pas au sentimentalisme,
nous avons un boulot à finir et nous devons le faire sans contrarié nos associés,
ils nous ont fait confiance… ne les décevons pas… ne me déçois pas Ange.
Capiche ? »
« Oui ! », répondit-elle. « C’est bon j’ai compris… »
« Bien ! »
Les
yeux de son père étaient de cette couleur qu’avait le mal, elle se rappela du
jour où il lui avait dit de prendre sa vie en main et d’arrêter de marcher dans
l’ombre de sa sœur, de se faire elle-même sa propre place sous le soleil.
Il
lui avait demandé ce dont elle avait besoin, elle lui répondit un bébé et je
serais mariée. Alors il lui dit qu’elle pouvait contourner le problème du bébé.
Elle avait eu la nausée en comprenant où il voulait en venir. Chaque fois qu’Ange
pensait à cette soirée elle se disait que le machiavélisme de son père était
définitivement héréditaire, si elle a pu adhérer à une histoire tant sordide
que dangereuse, mettant la vie et l’équilibre de sa sœur en jeu juste pour
vivre dans le confort, c’est qu’elle n’était pas mieux que lui. Et chaque jour
elle s’était demandée de quoi était capable son père pour arriver à ses fins,
et surtout ce qu’elle ferait pour le suivre dans ces folies absurdes. Elle
avait eu sa réponse il y’a quelques jours lorsqu’il était venu la chercher dans
la planque qu’il avait trouvé pour elle.
Et
aujourd’hui leur grande complicité commençait à s’effriter, car s’il y’a une
chose qu’avait apprise Angela, c’est qu’il faut se méfier des personnes qui
maitrise l’art de la duperie et de la traitrise. De plus ce silence sur les
individus qui les avaient embarqués dans cette bataille ne lui plaisait guère.
« Que va-t-il se passer concrètement ? », s’enquit-elle en
suivant son père hors du mini marché de la station service où ils s’étaient
arrêté pour faire le plein et rejoindre la dernière planque qu’ils avaient
installés dans une usine désinfectée.
« Tu dois quitter le pays dès que possible, il y’a bien trop de prime sur
ta tête entre la police et les privés que les Edang ont engagé, ça devient bien
trop dangereux pour toi ici ! »
« Mais papa, Cathy, nous ne pouvons pas la laisser entre les mains de Medou…
et tu pourrais voir besoin d’aide pour contrôler… »
« Chérie, je crois que cette petite sera encore mieux avec eux, sauf si tu
préfères te faire ralentir par une gamine et ajouter un autre chef d’accusation
à ceux qui pèse déjà sur toi ou pire mettre en colère les personnes pour qui
nous travaillons, dit-il en entrant dans le quatre-quatre qu’ils avaient acheté
deux jours plus tôt. Ne t’inquiète pas pour moi, je fais la livraison et je
suis bon ! »
Angela
resta sans voix face à cette réponse, on dirait vraiment que son père n’en
avait rien à faire des gens de son sang, il avait une telle froideur dans la
voix lorsqu’il parlait, c’était effarant à la limite.
« Entres nous devons y aller maintenant ! », cria-t-il comme
elle tardait à prendre place près de lui.
Elle
n’aimait pas du tout le ton que son père utilisait et encore moins ce qu’il lui
demandait de faire.
« Il est hors de question qu’elle soit éduquée par ces gens ! »,
protesta-telle en prenant place au côté de son père dans la voiture.
« Et que crois-tu pouvoir faire en ce moment ? L’enlever ? Tu
seras accusée de kidnapping parce que Medou a plus de droits que toi sur cette
enfant ! Grâce à son idiot de père biologique qui lui a permis de
l’adopter. Toi tu es déjà accusée du vol d’un nourrisson ! Ne prends pas
les choses au premier degré et essaies de réfléchir une minute à ce que vont
penser nos associés, ils vont chercher à t’écarter tout de suite… ou
pire ! »
« De
toutes les façons je ne fais pas confiance à des personnes qui ne divulguent
pas leur identité et qui attaquent dans l’obscurité… »
« Il y’a des batailles que l’on ne peut mener que sous un bon camouflage,
je croyais que tu l’avais déjà compris. »
Sur
ces paroles Esso démarra, le silence régna une minute dans la voiture pendant
qu’il s’éloignait de la station, il vit les yeux de sa fille assombrit par de
la contrariété.
« Ne fais pas cette tête, une fois que tout sera réglé avec les Edang nous
pourrons reprendre la petite… je te l’emmènerais personnellement,
promis ! »
La
sincérité qui se lisait dans les yeux du père toucha la fille et elle lui fit
un sourire d’approbation. En même temps elle se demanda comment se portait
l’autre !
« Pour l’instant concentrons-nous sur le paquet que nous devons
livrer ! », ajouta-t-il avec une mine plus sombre que jamais.