Chapitre 37 : Rémission

Ecrit par Moktar91

Chapitre 37 : Rémission 


Cotonou


Tribunal de Première instance de Cotonou.


Vingt quatre jours sont passés depuis l'arrestation de Trokpo Agossou. 


À l'évidence, le pays vivait au rythme de ce procès qui tenait en haleine tout le monde.


Trokpo Agossou se tenait droit dans ses bottes à la barre. Les accusations à son encontre avait été énormes. C'était le dernier jour du procès et la délibération devrait se faire dans les minutes qui suivait. L'assistance était d'un calme imperturbable. Quand il prit connaissance vingt deux jours plutôt de ses chefs d'accusations, il ne scilla pas. Meurtes et complicités de meurtres, crimes ritualistes, terrorisme, blanchiement d'argent, abus de confiance, meurtres de policiers en service, destruction d'un commissariat, fausses accusations... Au total Vingt sept chefs d'accusations pendaient sous son nez. Il n'avait reconnu aucune et avait plaidé non coupable.



Alors que le juge réajustait ses lentilles, Trokpo Agossou pensa à sa vie, à tout le mal qu'il avait fait et à toute cette partie de sa personne qui pourtant lui allait comme un gant. Toute sa vie, il aura su jouer avec dextérité les différents rôles que la vie lui avait donné, il avait réussi à avoir une longueurs d'avance sur toutes les personnes qu'il avait côtoyé. 

Aujourd'hui, il se rettouvait dans les couloirs de la prison alors que le fauteuil présidentiel lui était offert sur un plateau d'argent. Il se mordit les lèvres, regrettant presque son orgeuil et son envie de grandeur. Il garda toutefois sa fierté et se dit quil allait savoir se relever de cet échec, juste un coup de la vie qu'il saura déjouer comme il en a l'habitude. Il était un chat. De ceux qui retombaient toujours sur leurs pattes et avaient sept différentes vies. Dans un autre monde, celui qu'il allait se refaire, il savait déjà le rôle qui était le sien.


Perdu dans ses rêves, il put toutefois entendre la fin de son verdict : <<... condamné à 55 ans de prison avec réclusion. La séance est levée.>>


Les policiers vinrent lui remettre les menottes et le conduire vers la sortie. Sous les flashs et les micros des journalistes, son avocat se prêta au jeu des questions.


Son regard balaya l'assistance comme s'il recherchait un éventuel visage connu. Il s'arrêta un instant et fixa une personne au fond de la salle. Elle avait un regard lucide, clair et sans embivalence. Rien ne pouvait trahir ses émotions. Il la fixa encore longuement espérant qu'elle lui parle, qu'elle lui dise un mot. Il avait envie de l'entendre, d'implorer son pardon. Elle par contre ne bougeait pas. Sa main droite en guise d'au revoir, Cella sa fille se detourna de lui. Il se rendit à quel point le karma pouvait être une sale pute. Sa dernière conversation avec sa fille lui revint alors l'esprit. Elle lui avait explicitement informé qu'il naura pas le fauteuil présidentiel. Il se décida de continuer son chemin sous la conduite des policiers. Il repensa à cette dernière image de sa fille et essaya de se la graver dans ses yeux. Il savait qu'elle ne viendrait jamais lui rendre visite encore plus maintenant que son fiancé venait d'être rétabli dans ses fonctions de policier. Il n'avait lu aucune haine en elle et c'était sûrement un pardon qu'elle lui avait accordé.


Quand le cargo de la Prison Civile de Cotonou disparu dans la poussière qu'elle soulevait derrière elle, les journalistes y allaient de leurs commentaires et de leurs directs...


Une nouvelle page venait de se refermer...


Une autre allait s'ouvrir.



Cotonou


Quartier Haie Vive


La famille sirotait du whisky quand Cella rentra. Elle avait ce calme qui prédisait qu'elle avait pleuré. Elle vint s'asseoir près de Amos. Il la prit dans ses bras et laissa ses larmes couler.

Après tout, c'était son père. Elle avait perdu sa mère et maintenant son père. Elle l'aimait tout de même.

Naimath et sa mère s'échangèrent un regard avant de laisser le couple en intimité.

Amos carressait délicatement les cheveux de sa fiancée, sa future femme. Pour elle, il était près à tout. Devrait-il reprendre son poste dans la police ? Il avait eu le temps durant le procès de peser le pour et le contre. Il n'était plus désormais seule. Il avait une famille qui chaque soir allait l'attendre, lui. Il ne pouvait prendre d'autres risques de mourir. Il savait que sa fiancée ne le lui pardonnerait encore moins son enfant, sa fille chérie. Il se devrait de ne plus être égoïste. Bien longtemps, il avait déjà pris sa décision. Malgré qu'il était innocent, il avait pris sa décision. Il allait démissionner de la police. Il allait se consacrer à son nouveau projet. Celui de sa ferme agropiscicole. Ce serait plus reposant et moins risqué.

C'était sa rémission.

Repartir à zéro pour un lendemain meilleur avec sa famille.


Lentement, il redressa Cella. 

Il lui essuya les larmes des yeux et lui prit la main. Elle ne comprenait rien.


Quand Amos posa un genou au sol, son visage s'illumina et elle porta sa main à sa bouche.


-<<Cella, j'ai pendant longtemps recherché ma parfaite moitié. Pendant longtemps j'ai cru trouvé cette moitié à travers plusieurs femmes. Mais quand je t'ai connu, j'ai compris que c'était toi que je cherchais. Toi, que je voulais. J'ai failli te perdre une fois. Non, je t'ai perdu une fois. Et vois-tu ces derniers événements m'ont fait comprendre que jamais, la vie ne pouvait me donner une nouvelle chance de reussir, et de t'avoir à mes côtes. Je sais que c'est toi que j'ai toujours voulu avoir. Et en pensant à notre petite princesse, à notre Imela, je ne peux que bénir le Ciel et le Seigneur. Aujourd'hui, je voudrais te demander, alors que toutes ces épisodes s'éloignent de nous, d'accepter de faire de moi l'homme le plus heureux du monde en devenant ma femme. Je sais que rien ne sera jamais parfait mais je promets de te rendre heureuse... Alors Mademoiselle Cella Agossou, voudrez-vous le faire l'honneur d'être votre mari ?>>


Elle voulait à nouveau des larmes en avançant sa main vers son homme qui y passa la bague. Il l'attira vers elle et l'embrassa langoureusement. C'est le moment que choisit Naimath et sa mère pour applaudir...


Un nouveau soleil se levait...


Peut être le calme avant la tempête...

Meurtres au paradis