chapitre 38

Ecrit par leilaji

Chapitre 38 


***Mickaël***


Ses gardes du corps se rapprochent de moi. Je les attends de pied ferme. Mon sourire se fait plus généreux encore. Oui je me sens d’humeur généreuse. Je vais distribuer gratuitement des baffes et des coups, ça va me détendre tiens ! J’ai le sang qui bat lourdement à mes tempes et tous mes sens sont en alerte. Je reconnais immédiatement cette tension qui m’habite lorsque tout mon corps se contracte pour se préparer à un prochain combat. Ce n’est pas un jeu ni une envie pour moi : c’est une nécessité qui m’habite quand je sens que les mots ne servent plus à rien. Mon corps entier parle bien mieux que ma bouche. Instinctivement, je me mets en mode chasse et je cherche une proie sur laquelle fondre. Lequel des deux à l’air le plus vulnérable ? Je prendrai celui de gauche en premier…  Je ne lâche pas pour autant la main que je suis toujours en  train d’écraser avec délectation. Je vais les mettre à terre sans lâcher une seule seconde la main de leur patron. Qu’ils viennent, on va bien rigoler. 


Ils ne sont plus qu’à deux mètres de moi, lorsque Raphael me touche le bras et m’implore du regard de laisser … son père. Je n’en ai pas envie. Si je laisse sa main, ça sera plutôt pour écraser sa tête contre quelque chose. J’ai besoin de me défouler sur lui, de lui faire sentir qu’il n’est vraiment rien à mes yeux comme lui essaie de faire comprendre à Lola qu’elle n’est rien à ses yeux. 


Toute cette histoire commence à me rendre dingue. Pourquoi certains êtres humains ne peuvent-ils pas tout simplement vivre leur vie et laisser les autres en paix ? Pourquoi leurs mauvaises décisions doivent-elles impacter sur la vie des plus faibles : des enfants. 


Je ne veux pas que ma décision de lui fracasser le crane impacte sur la vie de Raphael. Après tout c’est son père. Il faut un minimum de respect pour un père quel qu’il soit. Je vais respecter ce fait. Je me force… un peu … beaucoup.  Je finis par lâcher sa main bien malgré moi et ses gardes du corps s’arrêtent juste derrière lui.


J’ai des fourmis qui me traversent tout le corps… 


Maintenant que je ne suis plus en contact avec lui, je me rends compte que l’aura de cet homme est une vraie douche froide, pleine de noirceur et de tourments. Il ne veut pas son enfant parce qu’il pense avoir fauté et qu’il veut se racheter auprès de lui. Non ! Il le veut parce que sa femme ne veut pas lui en donner. Alors il se rabat sur Raphael. Bien entendu il était curieux de savoir ce que cet enfant était devenu mais il ne se sentait pas vraiment de connexion avec lui. Le fait de le découvrir si intelligent malgré sa déficience le rend fier. Comme s’il y était pour quelque chose ! 


Il grimace encore un bout de temps puis reprend son calme. 


- Bekale, je veux parler à mon fils, dit-il calmement.

- Va au diable ! rétorque –t-elle immédiatement sur la défensive.


Raphael se met à signer devant sa mère en laissant de temps à autre courir ses yeux d’enfant sur son père. Ses yeux de fils. 

Sa mère fait de même. Lola est sa mère. C’est vraiment étrange à assimiler. Je les aimais bien en tant que frère et sœur. 


***Raphael***


On est en pleine route et les gens nous jettent de petits coups d’œil curieux. 

Est-ce qu’il s’est finalement rendu compte qu’il m’aime quand même un peu ? Même juste un peu serait déjà tellement énorme pour moi. J’ai tellement envie de le connaitre malgré le mal qu’il a fait à Lola. Après tout elle en est tombée amoureuse. Il ne peut pas être si mauvais que ça. Je détaille chaque trait de son visage. Est-ce que je lui ressemble ? Je cherche des indices. Les yeux, la bouche, la forme du visage ? Pas du tout, je ne lui ressemble pas. On n’a rien en commun sauf peut-être le maintien, la grande taille. Je regarde ses doigts, peut-être avons-nous les mêmes doigts… On doit bien avoir quelque chose en commun n’est-ce pas ? Mais quoi ? Est-ce que je serai plus tard comme lui. Ferai-je du mal aux autres ? Ça fait soudainement tellement de questions pour si peu de réponses. 


Je veux lui laisser une chance, une toute petite chance. 

Parce que lui ne m’en a laissé aucune. 

Absolument aucune. 


En LSF


- Lola laisse le parler s’il te plait…

- Il veut t’arracher à moi Raphael, je ne peux pas l’accepter. 

- … C’est … quand même mon père Lola. Malgré tout, je signe tristement. J’ai le droit de le connaitre, de savoir d’où vient une partie de moi. Tu ne peux pas me refuser ça. 

- Raphael ! plaide-t-elle pour que je change d’avis.

- S’il te plait. 


Elle soupire bruyamment et lance un regard haineux à l’homme qui depuis peu est devenu mon père. 


- Alors je reste avec toi et on ne bouge pas d’ici. Ce qu’il a à dire, qu’il le dise ici devant moi. 


Mon père me regarde longuement puis demande à ses gardes du corps de s’éloigner un peu. A son tour Mickaël recule pour nous laisser un peu d’intimité. 


- Ecoute Raphael, commence mon père puis il regarde Lola, traduis s’il te plait. 

- Vas-y parle. 


Après avoir regardé au loin un moment, il se lance tandis que Lola traduit ce qu’il dit. 


- Je voudrais que tu viennes avec moi en Angleterre. Tu auras tout ce que tu as toujours désiré. Tu es intelligent, trop intelligent pour rester ici, tu iras dans les meilleures écoles là-bas et dans la meilleure université plus tard. Je sais que tu es un garçon doué, pense à ce que tu pourrais accomplir si je t’en donne les moyens. Et surtout dès qu’on arrive la première chose et la plus importante : tu pourras te faire opérer par le meilleur chirurgien de Londres. Et crois moi tu entendras de nouveau. 


Dit-il vrai ? Me faire opérer dès mon arrivée là-bas. Ce serait tellement merveilleux… J’ai envie de sauter de joie et …

Je la regarde. Elle a eu beaucoup de mal à traduire sans s’énerver contre lui. Il débarque de nulle part et me propose ce qu’elle ne pourra jamais m’offrir. Du moins pas pour le moment dans le meilleur des cas. J’imagine très bien comment elle doit se sentir. Dépassée, complètement dépassée. Elle a toujours voulu tout faire elle-même pour moi. Jamais elle n’a demandé à qui que ce soit de nous venir en aide. Quand j’étais petit et qu’il ne restait plus beaucoup de lait pour le petit déjeuner ou le dîner quand on avait que du pain à manger, elle buvait de l’eau sucrée et me donnait le lait sans jamais se plaindre. Le premier gros chèque qu’elle a touché, elle voulait le conserver pour moi. Finalement, elle a acheté un taxi avec pour générer de l’argent. Mais il passe tous les matins me déposer à l’école. Et elle comment fait-elle pour aller à son travail? Je ne sais pas. 


Je suis toute sa vie. Je ne m’étais encore jamais rendu compte de tous les sacrifices qu’elle a accepté de faire pour moi. Jamais.   


- Alors qu’en dis-tu ? Tout ce que tu veux. 


Elle a tout fait pour moi. Et cet homme… je ne sais pas ce que je veux. Je suis perdu. 

Je ne méritais pas que qu’il me laisse tomber ainsi. Comme si ma vie n’avait aucune valeur à ses yeux.

Aujourd'hui il est là et parle de me faire opérer en se donnant le rôle du sauveur. Mais je n’ai pas la mémoire courte. Maman m’a raconté ce qui a conduit à mon handicap. S’il avait tenu correctement son rôle à l’époque ou du moins s’il n’avait pas fui comme un lâche pour laisser une gamine de 13 ans s’occuper toute seule de son bébé je ne serai pas sourd aujourd'hui. Je suis sourd parce que je n’ai pas reçu le bon traitement à l’époque. Un médecin incompétent s’est occupé de moi.


Cet homme est mon père. Je ne sais pas comment je suis censé le prendre. Son sang coule dans mes veines. Tout s’embrouille dans ma tête. 


Je pense au fait que partir serait oublier cet histoire sordide. Au lycée, les gens chuchotent dans mon dos. Je ne les entends pas mais je sais qu’ils parlent de moi. Pour cela je n’ai qu’à lever la tête et croiser leur regard coupable qui me fuit après avoir dit des méchancetés sur moi. Ils racontent que c’est parce qu’elle avait treize ans lorsqu’elle a accouché que je suis sourd. Je ne suis pas né sourd pourtant. Je ne suis pas né avec ce handicap. Mille et une versions de ma vie circulent dans la bouche de ceux qui se disaient mes amis et je dois faire comme si je ne les entendais pas. Je ne les entends peut-être pas avec mes oreilles mais mon cœur perçoit leurs phrases sournoises. Et à la longue c’est insupportable de faire comme si cela ne me blessait pas. 

Partir serait me libérer de cette histoire. En Angleterre, je serai un adolescent comme un autre, je pourrai retrouver ma vie d’avant. On ne me pointerait plus du doigt. Là bas, je serai de nouveau moi


Partir ? Sans Lola ? 


Alors je signe : « ce que je veux c’est que tu présentes d’abord des excuses à Lola pour le mal que tu lui as fait ». 


Elle m’a regardé sans traduire. Le regard plein … de fierté. Je lui ai fais signe pour qu’elle le lui dise. Elle a continué de me regarder… 


- Qu’a-t-il dit ?

- De t’excuser pour ce qui s’est passé. 

- Le passé est le passé. C’est le futur qui compte maintenant. Ton futur Raphael…


***Lorelei***


Alors il n’a vraiment pas conscience de tout le mal qu’il a fait ? Il aurait pu détruire ma vie ! J’ai eu beaucoup de chance de m’être relevée de ce coup et je remercie le ciel tous les jours de m’avoir donné une telle force de caractère si jeune. 


Hugues. Il n’y a rien à sauver chez lui. Absolument rien.   


- Je ne pense pas qu’un père digne de ce nom devrait assortir la santé de son enfant à un choix entre lui et sa mère. 

- Alors maintenant tu sais que tu es sa mère ?!

- Parce que toi tu penses réellement être son père seulement parce que tu lui proposes un voyage? 

- Je t’interdis de me parler comme ça. Je ne comprends pas pourquoi tu luttes ainsi. On ira au tribunal et alors ? A qui crois-tu qu’ils vont le confier. Nos trains de vie sont loin d’être comparables. 


Je ne sais pas depuis quand il est permis d’être aussi ... aussi con. Ce n’est vraiment pas croyable. 


- Raphael. Choisir entre ta mère et moi n’est pas une option pour toi. Je pensais que tu serais assez intelligent pour savoir ce qui est vraiment mieux pour toi mais apparemment, il n’en est rien. Tu ne me laisses pas le choix. 

- Tu menaces ton propre fils. 

- Puisqu’il est de mon sang, il comprendra vite que ce ne sont pas des menaces en l’air. 


Sur ce il fait signe à son chauffeur qui vient garer la voiture à quelques mètres de lui, monte et s’en va suivi par ses gardes du corps. 


Si ce n’est pas pitoyable ça !


Cette épée de Damoclès au dessus de ma tête me donne le tournis. Est-ce qu’on va encore une fois s’en sortir indemne ? Je commence à en douter. Il a l’air tellement déterminé et sûr de lui que ça me fait peur. Il a un plan en tête, j’en suis sure et certaine. C’est vrai que ça fait des années que l’on ne s’est plus fréquenté et que je ne sais pas quel homme il est devenu mais je sais qu’il a décidé de m’arracher Raphael et qu’il est prêt à tout pour cela… 


Mickaël s’est rapproché de nous. La tension laissée par Hugues est palpable. 


- Ne désespère pas Lola. Ça va aller. 

- Oui… ça va aller. Je répète machinalement


Il nous propose plutôt que de conduire Raphael à la maison, d’aller tous ensemble manger quelque chose avant de le ramener. Ça ne peut vraiment pas nous faire de mal ça… J’en ai envie.


***Quelques heures plus tard ***


***Mickaël***


Lola a décidé de venir dormir chez moi. Je suis toujours gêné qu’elle vienne trouver ses portraits accrochés au mur mais je n’arrive pas à les décrocher. J’aime avoir son regard posé sur moi à chaque fois que je suis chez moi. Elle dit que ça ne la dérange pas. Je la crois. Quand on rentre,  j’allume toutes les lumières de la maison et elle prend place au salon avant de se lever et d’aller se planter devant le plus grand de ses portraits. Celui où elle a le regard triste et les cheveux roux. 


- Pourquoi ? 

- Pourquoi quoi ? 

- Pourquoi des portraits de moi ? 

- Je ne me l’explique toujours pas tu sais. Je t’ai vu et j’ai eu envie d’arrêter de peindre la mer pour m’essayer au portrait. J’en ai raté pas mal avant de réussir celui là. 


Elle s’éloigne un peu pour aller en regarder un autre. 


- Tu es doué tu sais…

- C’est aussi pour la thérapie pour tout te dire…

- Par rapport à ce que tu as subi ? demande-t-elle en se retournant vers moi. 

- En quelque sorte. C’est un moyen  pour moi d’extérioriser… à défaut de pouvoir mettre des mots sur ce qui se passe parfois dans ma tête. 


Elle n’ajoute plus rien. Elle me fixe tout simplement et je me rapproche d’elle. 

Je pose mon front contre le sien et ferme les yeux…


- Les portraits … c’est parce que tu es toujours dans ma tête à m’en rendre fou…

- Et dans ton cœur ? 

- Oh celui là… laisse le tranquille tu veux … 

- Pourquoi ? J’aimerai qu’on fasse plus intime connaissance lui et moi…

- Mais Lola … il ne bat déjà plus que pour toi…


Elle ne dit plus rien et m’embrasse tout doucement, tendrement. Au fur et à mesure que les battements de mon cœur s’accélèrent, je laisse la passion que je bride en moi se déchaîner. 

J’ai besoin d’elle dans mon cœur et de moi dans son corps. 


***Trois jours plus tard***


***Lorelei***


Je retrouve Éloïse dans l’amphithéâtre de la Fondation Khan qui commence à se remplir  d’éventuelles candidates à l’inscription. 


- Mais mon Dieu Lola… Je t’avais demandé un tailleur. Fallait me dire que tu n’en avais pas. 

- Arrête de stresser Elo. 

- Ne m’appelle pas ainsi, je ne suis pas ta copine. Dit-elle ne fronçant les sourcils. 

- Arrête de stresser tantine Elo… 

- Pfff. Tu es irrécupérable franchement. 


Je commence à la connaitre. En réalité, elle aboie plus qu’elle ne mord Éloïse. C’est drôle comme les situations en changeant peuvent nous rapprocher de personnes qui nous semblaient trop différentes pour être proches de nous.  

Elle a un master en communication. Je ne sais pas exactement de quoi il en retourne mais avec elle, l’image est toujours maîtrisée. Je suppose que c’est pour cela qu’elle est toujours tirée à quatre épingles comme une poupée Barbie. Elle veut renvoyer aux autres, l’idée qu’elle se fait d’elle-même. C’est une femme sophistiquée, ça je n’en doute pas un seul instant. Mais sa sophistication cache beaucoup de fêlures et c’est ce qui est le plus étonnant chez elle. A distance, on ne dirait pas que sa carapace a ses failles. Mais de près, elle n’est que fragilité.  


- Ça va aller ?

- Oui pourquoi ça n’irait pas ? 

- Tu vas t’exposer devant des centaines de personnes Lorelei. 

- Peut-être que si tu commençais par m’appeler Lola comme tout le mode, je flipperai moins. T’as l’air tellement sérieux. 

- Parce que c’est sérieux. Tu n’as pas idée… Ta très chère Leila veut faire de toi une icône. Elle veut que tu serves d’exemple à celles qui sont découragées, celles qui traversent une passe difficile. Elle veut que tu leur fasses comprendre que malgré tout ce qui peut arriver, avec de la volonté on peut toujours s’en sortir… elle veut que tu leur dises qu’on a eu beau te salir, tel le phœnix de tes cendre tu renais. 

- Putain là j’ai la frousse. Moi, je suis juste Lola. 

- Alors raconte l’histoire de Lola. Dis la vérité. Il n’y a rien de plus simple que de dire la vérité. Surtout lorsqu’elle est aussi belle que la tienne. 


Je respire un grand coup et m’assieds sur la chaise qu’Eloïse me propose. 


- Bon. Je vais vérifier avec la directrice Elle que tout est prêt. 

- Ok. Elle est là Leila ? 

- Je ne sais pas. Elle m’a demandée de me débrouiller comme une grande. Et c’est bien ce que je compte faire. 


Je la regarde partir… Cette femme est insaisissable. Je ne l’aime pas encore mais je n’en suis pas loin. Elle m’étonne. Je sais que je ne corresponds pas exactement à ce qu’elle aurait voulu pour son frère. Mais je sais aussi qu’elle fait l’effort de ne pas me le cracher au visage pour lui faire plaisir. Elle ne résiste à aucun des deux. 


Trente minutes plus tard, c’est à moi d’entrer en scène. Madame la Directrice a pris la parole et a présenté longuement le programme de la fondation. Puis elle a dit à l’assistance qu’une personne était là pour leur parler, pour leur livrer un vécu. 


En me rendant sur l’espèce de petite estrade surmontée d’un pupitre, je sens mes jambes flageoler. Chanter m’est très aisé. Chanter pour moi c’est surtout endosser un rôle et l’interpréter… ce n’est pas toujours mes propres sentiments que je livre. Mais là c’est complètement différent. Il s’agit de moi et rien que de moi. Pas de danseurs, pas de musiciens. Juste Lola. Qui j’intéresse vraiment ? Pour la première fois de ma vie, je me pose la question. Qui a besoin de savoir qui je suis, ce que j’ai vécu ? Les gens s’en foutent, ils veulent se divertir et passer à autre chose c’est tout. Je ne suis qu’un produit de consommation comme un autre. Dès qu’ils auront fini de jaser sur moi, ils passeront à autre chose. Je n’ai aucune carrière pour le moment, juste un tube et je sais très bien que tout ça est éphémère. 

Qui veut savoir qui je suis ? 


Ça y est je suis devant le micro, la gorge sèche et l’esprit embrouillé. Pourtant Éloïse m’a coachée ces deux derniers jours pour que je puisse être à l’aise. Mais ça ne suffit pas. J’ai la trouille de me livrer et d’être encore plus durement jugée. Les gens peuvent être tellement bêtement méchants parfois. 


Un long silence s’installe et la salle se met à chuchoter… Le bruit de ces centaines de paroles dites bassement  m’assourdit. J’ai oublié la phrase d’introduction. J’ai tout oublié. 


Je veux m’en aller, je n’en ai pas le courage. 


Soudainement, je vois un jeune homme se lever dans la salle et s’avancer vers moi. Comme il est tout au fond, je ne discerne pas encore très bien les traits de son visage.  Il se rapproche. C’est … Raphael. Oh non ! Que fait-il là ? C’est encore pire s’il est là !


Il monte et vient me rejoindre… puis contre toute attente il me prend dans ses bras et me serre très fort. Il me serre à m’étouffer. 

Je sens les vannes lâcher  en moins et je me mets à pleurer… A pleurer toutes les souffrances passées, présentes et futures. Parce que je sais que la plus grande bataille est devant et que je risque vraiment cette fois ci de tout perdre d’un seul coup. La salle se met à murmurer et les gens commencent à comprendre que c’est lui le fils dont on parle dans les journaux. Ils se rendent compte que nous ne sommes pas des abominations mais des personnes fragiles, tout comme eux. 


Raphael me lâche et me regarde dans les yeux:


En LSF


- Regarde la salle, certaines sont venues avec leur petites sœurs, elles ont l’âge que tu avais quand tout ça a commencé. Parle-leur… 

- Arrête d’être aussi adulte. Dis-je en reniflant. Tu m’as pardonnée ? 

- Je suis né pour te pardonner toutes tes fautes Lola. Toutes sans exception.


Et comme il se rend compte que je vais me remettre à pleurer, il change de sujet. 


- Tu fais couler ton maquillage…

- Tant pis. 

- Quoi Lola la star ! Non, tes fans ne peuvent pas te voir dans cet état ! 


Il baisse mes Rayban sur mes yeux et retourne s’assoir là où il était. Puis il signe « tu es belle ».

 Il n’y a rien de plus beau que ce geste. Je prends confiance en moi. 


J’inspire fortement et je commence à dire ma vérité. 

Je parle de mon enfance, de Hugues, de ma grossesse, de l’accouchement et de comment en luttant chaque jour j’ai fait pour m’en sortir. Je leur dit que je ne suis pas là pour édulcorer la vérité, que certains jours ni moi ni mes parents n’avions de quoi acheter des couches jetables pour Raphael et que je découpais de vieux pagnes qu’il fallait ensuite laver à la main. Puis je passe à la fondation et la chance que j’ai de m’y instruire. Je leur explique que Gabriel Valentine est mon producteur et non un amant. Je livre même quelques anecdotes sur notre rencontre et comment il m’en a fait baver dès le début. Je parle de la chanson « Respect d’Aretha Franklin »


- Vous savez quoi ? 

- Non. répond la le public

- Aretha a eu un enfant à 13 ans. Oprah, la femme noire la plus riche du monde a eu un enfant à 14 ans mais il est décédé par la suite. Et pourtant aujourd’hui ces deux femmes sont des icônes. Vous savez quoi ? 

-  Non !

- Ta route peut être jalonnée d’erreurs mais ce sont ces erreurs qui te mèneront vers ton destin. Mon destin c’est élever mon fils et chanter … Mon destin n’est pas de me faire traiter de p*** par un père indigne. Et votre destin à vous qu’est-il ? Apprendre un métier… Etre indépendante et peut-être être un jour les futures Oprah du Gabon. Pour le moment vous n’en savez rien alors ne vous avouez jamais vaincues. Surtout si c’est un homme qui vous fait pleurer… je suis passée par là et franchement ça n’en vaut pas la peine. (la salle rigole) Il faut se relever et avancer… la tête haute si possible. Sinon, il faut accepter de l’aide. C’est drôle mais parfois cette aide que celui que vous aimiez vous a refusé c’est un autre qui vous l’offre en abondance. On ne peut pas être tous les jours les plus fortes et les plus déterminées, il faut le savoir d’avance. Certains jours vous aurez envie d’abandonner. Mais ne le faite pas. Pleurez un bon coup et reprenez le chemin vers votre destin… 


A la fin de mon récit, la salle est muette. Je suppose que les gens ne savent plus quoi penser. Ils pensaient surement que je n’étais qu’une tête brulée un peu m’as-tu vu, préoccupée seulement par mon apparence. Ils ne pensaient pas trouver une femme mais une fille aux cuisses légères. 

J’ai parlé, j’ai dit ce que j’avais sur le cœur. Je n’ai pas cité le nom de famille d’Hugues. Je n’ai pas besoin que les gens se mettent à dire que c’est un chien devant Raphael. Il en a assez subi comme ça, je l’ai assez mêlé à cette histoire. 


Une femme se lève et me crie : 


- Je suis fière de toi ma chérie. Je m’appelle Laisha, j’ai ma petite nièce qui est là et qui ne veut rien faire de sa vie. Parle-lui, peut-être qu’entre jeunes vous allez mieux vous comprendre. Moi je suis informaticienne mais je fais aussi des affaires. J’ai trois boutiques ma chérie, je me bats tous les jours que Dieu fait pour laisser quelque chose à ma famille. Je suis une femme, une battante et fière de l’être. Parle à tes sœurs ma chérie. 


Et moi soulagée par ce qu’elle vient de dire …  je ris et parle à la nièce qui boude à ses cotés.


Les gens se mettent à applaudir puis une autre se lève et parle à son tour. Pendant une trentaine de minutes chacune des femmes livre un bout de son expérience personnelle. On rigole, certaines pleurent en se remémorant ce qu’elles ont traversé, d’autres ne disent rien et se contente de sourire. 


- Et le père de ton fils ? demande finalement l’une d’entre elles assise au premier rang

- Lui, je ne veux plus rien de lui…

- Dis le lui clairement Lola. 


« Dis le lui » scande la salle. J’éclate de rire pour de bon. Les femmes ! La elles sont déchaînées. 


- Chante quelque chose Lola. Crie une tout au fond.


Tout d’abord, je suis surprise par la demande, je ne sais pas quoi chanter, je ne suis pas venue pour ça. Mais bon, j’ai bien envie maintenant. Je fouille dans ma mémoire et prends le micro. 


Puis j’entonne « i will survive de Gloria Gaynor »  … C’est une chanson que tout le monde connait mais combien savent quel hymne à l’espoir c’est…


At first I was afraid /I was petrified/Kept thinking I could never live/Without you by my side

But then I spent so many nights/ Thinking how you did me wrong/ And I grew strong

And I learned how to get along/ So now you're back from outer space

I just walked in to find you here/ With that sad look upon your face/

I should have changed that stupid lock/ I should have made you leave your key

If I had known for just one second/ You'd be back to bother me


(Chorus)

Go on now, go, walk out the door/ Just turn around now/ 'Cause you're not welcome any more

Weren't you the one/ Who tried to hurt me with goodbye?/ You think I'd crumble

You think I'd lay down and die/ Oh no, not I/ I will survive!

Oh and as long as I know how to love/ I know I'll stay alive/ I've got all my life to live

I've got all my love to give/ And I'll survive/ I will survive/ Hey, hey


It took all the strength I had/ Not to fall apart/ Kept tryin' hard to mend the pieces

Of my broken heart/ And I spent oh so many nights/ Just feeling sorry for myself

I used to cry/ But now I hold my head up high/ And you see me/ Somebody new

I'm not that chained-up little person/ Still in love with you/ And so you feel like droppin' in

And just expect me to be free/ Now I'm saving all my loving/ For someone who is loving me


(Chorus x2)

It took all the strength I had/ Not to fall apart/ Kept tryin' hard to mend the pieces

Of my broken heart/ And I spent oh so many nights/ Just feeling sorry for myself

I used to cry/ But now I hold my head up high/ And you see me

Somebody new/ I'm not that chained-up little person/ Still in love with you

And so you feel like droppin' in/ And just expect me to be free

Now I'm saving all my loving/ For someone who is loving me

(Chorus)

Au début j'avais peur,/ J'étais pétrifiée/ En pensant sans arrêt que je ne pourrais jamais vivre

Sans toi près de moi/ Mais depuis j'ai passé tant de nuits/ A penser à comment tu m'avais fait du mal

Et je me suis endurcie/ Et j'ai appris comment me débrouiller/ Et alors tu reviens de nulle part

Je suis simplement entrée pour te trouver là/ Avec cet air triste sur ton visage

J'aurais dû changer cette serrure débile,/ J'aurais dû te faire rendre ta clé

Si j'avais su une seule seconde/ Que tu reviendrais pour m'ennuyer


(Refrain)

Allez vas-y, sors d'ici/ Fais demi-tour maintenant/ Car tu n'es plus le bienvenu, à jamais

N'étais-tu pas celui/ Qui a essayé de me faire du mal avec un adieu

Pensais-tu que je m'effondrerais,/ Pensais-tu que je m'allongerais par terre et que je mourrais

Oh, non, pas moi,/ Je survivrai

Oh, tant que je sais que je sais aimer/ Je sais que je resterai en vie

J'ai toute ma vie à vivre/ J'ai tout mon amour à donner

Et je survivrai,/ He survivrai,

Hé, hé

Ça m'a pris toute la force que j'avais/ Pour ne pas m'effondrer

En essayant sans arrêt de réparer difficilement les pièces/ De mon coeur brisé

Et j'ai passé, oh, tellement de nuits/ Juste désolé pour moi-même

J'avais l'habitude de pleurer,/ Mais maintenant je lève la tête haute

Et tu me vois,/ Quelqu'un de nouveau

Je ne suis pas cette petite personne/ Enchaînée encore amoureuse de toi

Et donc tu te sens comme en terrain conquis/ Et t'attends juste à ce que je sois libre

Mais maintenant je garde tout mon amour/ Pour quelqu'un qui m'aime


(Refrain x2)

Ça m'a pris toute la force que j'avais / Pour ne pas m'effondrer

En essayant sans arrêt de réparer difficilement les pièces/ De mon cœur brisé

Et j'ai passé, oh, tellement de nuits/ Juste désolé pour moi-même

J'avais l'habitude de pleurer,/ Mais maintenant je lève la tête haute

Et tu me vois,/ Quelqu'un de nouveau/ Je ne suis pas cette petite personne

Enchaînée encore amoureuse de toi/ Et donc tu te sens comme en terrain conquis

Et t'attends juste à ce que je sois libre/ Mais maintenant je garde tout mon amour

Pour quelqu'un qui m'aime


(Refrain)


***En coulisse***


***Leila Khan***


Je regarde Denis et j’essaie de déchiffrer ce qu’il pense mais son visage reste impassible. 


- Tu crois encore qu’elle mérite qu’on lui arrache son fils après tout ce qu’elle a enduré par la faute d’Hugues ? 

- Je l’ai élevé Leila…

- Tu l’as peut-être élevé mais tu ne sais pas quel homme il est réellement au fond de lui. Je rétorque. Denis, tu me connais. Je ne prendrais pas fait et cause pour elle si je n’étais pas intimement convaincue qu’elle le mérite. Je t’en prie parle à Hugues avant que les choses ne dégénèrent. Il a commencé à s’en prendre à Gabriel. Je retiens encore mes coups par respect pour toi. 

- Il sait très bien se défendre. Je n’ai pas peur pour lui Leila mais pour toi… 

- Je crois que si j’ai eu raison du père, j’aurai raison du fils (pour comprendre dans la première chronique Leila a fini par convaincre Denis de sa bonne foi alors qu’il était venu la séparer de Xander)

- Si tu as eu raison de moi ce n’est pas pour ce que tu crois … murmure-t-il. 


Je ne comprends pas et j’attends une explication qui ne vient pas. 


- Je vais lui parler. Dit-il tout simplement. 


Puis il s’en va. 

J’espère l’avoir convaincu. 


***Hugues***


Yaya Denis m’appelle mais je suis déjà en ligne. Je vais le rappeler plus tard pour le moment je suis au téléphone avec un agent de la PJ à qui j’ai fait parvenir une enveloppe conséquente. 

J’ai donné le choix à Lola et à Raphael. Ils ont voulu faire la forte tête tous les deux. Alors je vais leur montrer de quoi je suis réellement capable.


- Que fait-on ? 

- Vous les embarquez !

- Les deux parents là ?

- Oui les deux…

- L’homme semble un peu malade. 

- Ecoutez, il a falsifié l’acte de naissance de mon fils pour s’en attribuer la paternité. Prenez les deux j’ai dit. 

- Ok, pas de souci…


Je raccroche… 

Qu’elle fasse ce qu’elle veut maintenant ! 

Raphael viendra avec moi. 


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Si vous le voulez bien … (c’est pas obligé)

LOVE SONG