chapitre 39
Ecrit par leilaji
Chapitre 39
***Eloïse***
Lola a été magnifique hier. Elle a su donner à l’assistance ce qu’elle voulait : un peu d’espoir pour l’avenir. Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir captiver une assistance sans l’artifice d’une mise en scène. Leila sait très bien le faire aussi puisque son cabinet est réputé pour recruter les meilleurs éléments des écoles supérieures.
Apparemment Lola elle, sait parler aux cœurs, c’est encore mieux. Elle n’en avait juste pas conscience.
J’ai décidé de lui offrir un joli sac. J’ai bien vu qu’elle avait parfois de petites marques mais je reconnais toujours la friperie, même à distance. Les collections sont trop anciennes pour avoir été achetées en boutique récemment. Je me suis donc rendue dans les galeries de Mbolo (Hypermaché avec des magasins de luxe). Juste à la grande entrée se trouve un magasin Guess. Ce n’est pas vraiment mon style personnel mais je sais que je pourrais y trouver des sacs tendances qui pourront lui plaire. Son look de la veille, petite veste en cuir qui s’arrête au nombril et Rayban prouve suffisamment qu’elle préfère être sexy plutôt que sophistiquée. Guess lui ira parfaitement.
Je pousse la porte du magasin et automatiquement, je suis accueillie par un jeune vendeur au sourire éclatant.
- Bonjour Madame. Vous avez besoin d’aide ?
- Non merci, ça ira. C’est très gentil de votre part. dis-je poliment.
- D’accord. Je suis à votre disposition si vous avez besoin de moi.
Quand je fais des courses, je n’aime pas vraiment être dérangée. Je m’éloigne de lui et furète dans le magasin longuement, hésitant sur un sac puis sur un autre moins imposant mais plus flashy. Ca y est j’ai arrêté mon choix. Je suis assez contente de moi. Je paie à la caisse et je sors du magasin pour tomber sur Hugues.
- Mademoiselle Valentine, quelle bonne surprise !
Je ne suis pas sûre que ce soit réellement une bonne surprise. Je le fixe mais ne dis rien, ne fais rien. C’est à cause de lui que Gabriel s’est vu retirer toutes ses autorisations et que pour le moment nous sommes dans un genre de stand-by. Pourtant quand on le voit, on ne dirait pas qu’il puisse être si vindicatif ! Il est jeune mais imposant avec de bonnes manières sans être trop familier. Le genre d’homme qui m’aurait peut-être intéressée si je n’avais pas su qu’il a été capable dans un passé pas si lointain que ça de coucher avec une fille de 12 ans alors qu’il en avait 22. Je frissonne de dégout et fais mine de m’éloigner mais il ne me laisse pas passer.
- J’ai des choses à discuter avec vous…
- Je n’ai moi, rien à vous dire. Veuillez me laisser passer. Dis-je en m’éloignant définitivement.
Je n’ai pas fait trois pas qu’il me demande :
- Que diriez-vous d’un petit scandale avec le nom de votre père chéri au milieu ?
Je m’arrête net. De quoi parle-t-il ? Depuis le début de cette histoire, mes frères et moi avons tout fait pour ne pas mêler papa à nos ennuis. Mon père est l’homme qui possède l’agence immobilière la plus puissante du pays. Je ne le savais pas jusqu’à ce que je fasse un petit stage de six mois dans sa boite avant de me décider à travailler avec mon petit frère. J’ai eu accès aux sommes faramineuses des transactions immobilières et compris sur quel secteur juteux il régnait. Au Gabon, les riches achètent des maisons à des prix exorbitants ! Et les agences prennent dix pour cent du montant de la vente. Les maisons de vendent comme des petits pains. A l’époque bénie où le pétrole coulait à flot, c’était encore plus fou. Qui regardait à la dépense ? Personne ! Surtout pas les clients de papa. Alors que peut-il faire contre un tel homme ?
Je me retourne et il se rapproche de moi à petits pas, savourant surement l’effroi que sa phrase a provoqué en moi.
Il sort une enveloppe de sa mallette en cuir et me la remet. Je la déchire pour en extirper des documents. Mes doigts sont fébriles. Des relevés de comptes, des courriers et d’autres documents que je n’arrive pas à identifier.
- Tu sais la commission contre l’enrichissement illicite a été fortement décriée pour incompétence depuis sa création. C’est un ami très proche qui en est à la tête. Et je lui ai gentiment proposé mes services pour une première tête à faire tomber.
- Et vous pensez faire tomber mon père pour enrichissement illicite ! Vous êtes fou ?
- A l’heure qu’il est ses comptes viennent d’être bloqués. Et je viens vous proposer à tes frères et toi de vous retirer de vous-mêmes du jeu. Parce que la prochaine étape ce sera la case prison pour ton père et pour cela je n’ai qu’un coup de fil à passer. Dit-il en sortant son téléphone de sa poche, pour accompagner le geste de la parole.
Il se rapproche de moi et son imposante stature me fait reculer légèrement. Je n’ai pas envie qu’il me touche.
- Eloïse, Eloïse, dit-il en faisant claquer sa langue. Au fond de toi tu sais très bien que l’agence de ton père a blanchi beaucoup d’argent du temps de mon père. Et tu sais aussi que le nouveau pouvoir en place tente de faire bonne figure. Les élections ne sont plus très loin… la chasse aux sorcières a commencé. Ton père ne sera que le premier d’une très longue liste… Je te demande de lui éviter la prison en acceptant d’arrêter de vous interposer entre Lorelei, mon fils et moi. La prison. Tu l’imagines en prison ? Le grand Valentine ?
- Et tu veux me faire croire que c’est en ton pouvoir de faire une telle chose en me présentant des papiers ramassés dans ta poubelle ?
Son regard me sonde. Puis il sourit.
- On se reverra.
- Va crever en enfer… Crois moi on te fera bientôt enfermer espèce de malade mental dégénéré.
- T’inquiète pas ma belle, ton père y sera bien avant moi.
Il me quitte sur ces mots. Dès qu’il est à bonne distance, j’appelle Gabriel. Il décroche au bout de la première sonnerie.
- Je suis un peu occupé là…
- C’est assez urgent. Tu peux parler librement ?
Je marche vite pour rejoindre le plus tôt possible ma voiture dans le parking de Mbolo. J’ouvre et m’assois après avoir verrouillées les portières.
- Je suis dans le bureau de la secrétaire du directeur du cabinet du ministre de la communication. Tu devines ce que j’essaie de faire là. Et à vrai dire j’ai besoin de toute ma tête pour négocier… on peut parler plus tard ?
- Je viens de rencontrer Hugues.
- Quoi ? Qu’est-ce qu’il t’a dit ce salop ?
- Que papa va tomber pour enrichissement illicite, fraude, blanchiment d’argent... Je ne sais plus trop.
Gabriel se tait…
Pourquoi se tait-il ?
Quoi il le savait !
- Ecoute Elo, on ne parle pas de ce genre de chose au téléphone. Je t’envoie un message.
Il nous bascule sur whatsapp où on peut communiquer par messagerie instantanée.
Gabriel : Pourquoi penses-tu que je n’ai jamais voulu travailler avec papa ?
Moi : Je croyais que c’était parce que vous ne vous entendiez pas.
Gabriel : Oui il y a un peu de ça. Une fois, il était en déplacement et un homme d’affaires libanais est passé à l’agence alors qu’il n’y avait plus personne pour y déposer la somme de 750 000 000 en liquide.
Moi : quoi !!
Gabriel : Je t’assure que ce jour là j’ai failli faire pipi dans ma culotte. J’étais mort de peur, papa était injoignable et le mec est venu avec des espèces de gardes du corps armés. J’ai dit que je ne pouvais pas accepter en liquide une telle somme. Il m’a répondu que là d’où cet argent avait été sorti, il ne pouvait y retourner. Il m’a dit qu’il avait l’habitude traiter ainsi avec papa. Puis il m’a demandé qui j’étais. J’ai dit son fils. Elo, il a souri et a dit Inch Allah c’est toi qui reprendra la boutique alors.
Moi : je n’arrive pas à croire ce que tu me racontes.
Gabriel : je transpirais comme un porc. Compter 750 000 000 ! Pour la première fois de ma vie, j’ai su ce que c’était que d’avoir des c***. J’ai refusé net et leur ai demandé de se rendre dans une banque pour faire le dépôt de cette somme puis de revenir avec une attestation de dépôt ou un avis de virement.
Moi : Et comment ça s’est terminé ?
Gabriel : ils sont repartis, même le libanais là qui semblait décontracté en fait le mec était aussi mort de trouille que moi. C’est la première fois qu’il sortait autant d’argent ! Le deal, c’était de faire acheter à l’Etat ou à n’importe qui en avait les moyens, des biens en les surestimant. La différence est partagée entre l’agence et l’intermédiaire. Elo je l’ai vu de mes yeux, ce n’est pas des racontars je te promets. Alors si aujourd’hui tu me dis que papa est dans leur collimateur … je me dis que c’est surement vrai. Petit à petit tous les pontes de l’ancien régime sont en train de se faire mettre hors jeu parce que les jeunes loups sont dans la place et maitrise tous les contours du pouvoir politique.
Moi : Seigneur Jésus Gabriel, il menace de mettre papa en prison !
Gabriel : je dois y aller, le directeur de cabinet va me recevoir.
Moi : La vie de papa est plus importante que ton foutu rendez vous.
Gabriel : Ecoute c’est madame Khan qui m’a obtenu ce rendez-vous alors je vais l’honorer. Papa est un grand garçon, il saura se débrouiller comme tel.
Puis il cesse toute communication avec moi.
Je crie de rage et d’impuissance dans ma voiture !
***Lorelei***
Ma nouvelle chanson n’emballe pas vraiment comme la première. Pourtant elle tourne sur les radios depuis que nous sommes rentrés d’Afrique du sud. J’en aime les paroles car ils me touchent au plus profond de moi. Mais ça ne marche pas. Gabriel ne sait pas si c’est la mauvaise publicité du scandale ou si tout simplement la chanson ne trouve pas son public. Il a dit que parfois ça ne marche pas sans qu’on ne sache pourquoi.
JESSIE J : WILD (sauvage)
If I go hard, let me tell you that it's worth it/Play the right cards, I ain't afraid to work it
Brush em right off, when they say I don't deserve it/Hands on my heart, you keep my fire burning
Ooh it feels so crazy when you scream my name/Love it when you rock me over every day
When I think about it I could go insane/Here we are as beautiful, I'm blown away
If this is a dream, won't open my eyes/Am I asleep? No, I'm alive
I just can't believe that this is my life/In my fantasy we're running wild
If this is a dream, won't open my eyes/Am I asleep? No, I'm alive
I just can't believe that this is my life/In my fantasy we're running wild
When it get rough, then the rain starts pouring/ I turn up the heat cause the drama ain't important
Let em all talk talk, I'mma just ignore it/Hands on my heart, you you keep me moving forward
Ooh it feels so crazy when you scream my name
Traduction
Si je m'y mets à fond, laisse-moi te dire que ça le mérite/ Jouer les bonnes cartes, je n'ai pas peur d'y arriver
Les envoyant balader, quand ils disent que je ne le mérite pas/ Les mains sur min cœur, vous me préservez ma flamme
Ooh, c'est tellement dingue quand vous criez mon nom/ J'aime ça quand vous me surprenez tous les jours
Quand j'y pense, je pourrais devenir folle/ Là où nous sommes est si beau, je suis transcendée
Si c'est un rêve, je ne veux pas ouvrir mes yeux/ Suis-je endormie, non, je suis en vie
Je ne peux simplement pas croire que c'est ma vie/ Dans mes rêves, nous nous libérons de nos chaînes
Si c'est un rêve, je ne veux pas ouvrir mes yeux,/ Suis-je endormie, non, je suis en vie
Je ne peux simplement pas croire que c'est ma vie/ Dans mes rêves, nous nous libérons de nos chaînes
Quand ça devient difficile, alors la pluie commence à être drue/ J'augmente la chaleur parce que le drame n'est pas important
Laisse les tous parler parler, je vais juste les ignorer/ Les mains sur mon cœur, vous me faites avancer plus loin
Ooh c'est tellement dingue quand vous criez mon nom
Alors pour en faire la promotion et à cause de ce qui s’est passé dans l’amphithéâtre, Eloïse a décidé qu’il était grand temps que la chanteuse Lola Bekale ait son profil Facebook. Dès qu’on a mis mon profil en ligne, j’ai été assailli par les demandes d’amis. Malheureusement, je ne peux pas passer mon temps à faire la promo de cette nouvelle chanson et répondre aux fans en même temps alors c’est Nadine qui répond du mieux qu’elle peut aux diverses sollicitations.
Mais la bonne nouvelle dans tout ça c’est le contrat que Gabriel a signé en mon nom hier avec la fondation de Madame Khan. Je serai l’image publique de la fondation. Je n’en crois toujours pas mes yeux, il a fallu que je demande deux fois de suite à Gabriel où signer pour vraiment accepter cet honneur! L’accord prévoit chaque début d’année un meeting avec les filles qui sont intéressées par la formation à la Fondation. Je serai accompagnée par des femmes de divers horizons qui viendront partager aussi leur expérience professionnelles et personnelles avec moi. Je ferai aussi le show de fermeture de chaque fin d’année. C’est un contrat qui court sur trois ans renouvelables autant de fois que je resterai à la hauteur de l’estime de madame Khan.
Je vide ma bouteille d’eau Andza (eau minérale) et m’essuie le visage. Je suis trempée de sueur mais je tiens le coup. J’ai le moral au beau fixe. La pause est terminée avec Scalinov et sa troupe, on reprend la chorégraphie de la nouvelle chanson car j’ai une émission télé demain.
J’essaie de m’appliquer et de ne pas penser au fait que mes parents sont enfermés je ne sais où ! Mickael a dit qu’il s’en occuperait. Alors moi je me concentre sur autre chose.
***Une heure plus tard***
Je bavarde tranquillement avec Tyson qui prépare une nouvelle compétition où il représentera le Gabon. Lorsqu’il me révèle ses projets je suis un peu inquiète pour lui.
- Ah Lola il n’y a pas d’avenir pour moi ici. Sérieux j’irai en France avec la fédération gabonaise de boxe puis je disparaitrai de l’hôtel ou on sera logé. J’ai un de mes cousins qui est sur place là bas, il va m’aider.
- Sérieux Tyson ! Etre sans papier chez les blancs ce n’est pas drôle hein.
- Oui mais là-bas au moins si j’arrive à faire mes papiers je pourrai au moins vivre décemment de la boxe. Je ne vais pas passer ma vie à faire portier quand même.
- Vrai vrai ! Tu vas à la poursuite de tes rêves ?
- Si une petite comme toi y arrive, je pourrai aussi le faire Lola. Je vais galérer mais au moins il y aura une lueur au bout du tunnel.
On continue encore un peu puis un jeune homme qui descend d’un taxi s’approche de nous.
- Je cherche mademoiselle Bekale Lorelai Jamison.
- C’est moi. Dis-je en restant quand même sur mes gardes.
Tyson est là avec moi alors je suppose que n’ai rien à craindre.
- C’est une assignation pour vous.
- Une assignation ?
- Une histoire de reconnaissance d’enfant…
Mon sang ne fait qu’un tour. Il me donne le document et me demande de signer pour prouver la réception. Je lis et relis la feuille.
- Mon nom ne s’écrit pas comme ça. Quand vous saurez l’écrire, je signerai. Dis-je en le rendant.
Ce n’est qu’une stratégie pour gagner du temps car je sais qu’il ne me sert à rien de fuir l’inévitable. Le mieux se serait qu’on y aille tout de suite mais ce n’est qu’hier que j’ai pu parler avec Maitre Bertrand alors je ne sais pas si elle est prête.
J’ai besoin de temps. Et je nous en accorde.
L’huissier fronce les sourcils et me demande si je suis sure qu’il y a une erreur sur le nom. Je réponds sèchement que ce n’est pas à moi de lui apprendre son boulot. Il ne dit mot et s’en va après nous avoir poliment salués.
Mon cœur bat la chamade. J’appelle Madame Khan, sa ligne sonne occupée.
***Mickael***
Lola est mal depuis que ses parents ont été emmenés par la police judiciaire sous les yeux éberlués de leurs voisins immédiats.
Ici ça marche souvent comme ça, sans mandat d’arrêt ni mandat de perquisition, on peut faire basculer la vie de quelqu’un dans l’horreur. Les policiers sont à la solde de qui voudra bien payer leur déplacement. C’est aussi simple que ça. Ils capturent d’abord puis ils demandent ce qui se passe ensuite et là il faut prier pour qu’il ne te casse pas la gueule avant de te demander des comptes. Je sais comment ça marche alors j’appelle, une connaissance.
Elle va être surprise par mon appel mais de toute manière je saurai gérer la chose. Du moins je l’espère. Je lance l’appel.
- Mike ! C’est toi ? demande-t-elle hésitante.
- Oui. Bonjour Jenny.
- Je suis heureuse de t’entendre.
Sa voix se fait mielleuse. Le mieux serait que je ne tourne pas autour du pot trop longtemps.
- J’ai besoin d’un service.
- Hum. On a b*** puis tu m’as jetée sans un mot gentil et là tu m’appelles pour me demander mon aide ?
- Tu veux ou tu ne veux pas ?
Après une petite minute de réflexion, elle accepte de m’aider et part à la recherche d’information. Une vingtaine de minutes plus tard, elle me rappelle pour me confirmer la présence des parents de Lola dans leurs locaux. Je la remercie du mieux que je peux en essayant de ne pas faire de gaffe.
- On pourrait peut-être se revoir ? C’était bien notre nuit, n’est-ce pas ?
- Non là je ne peux pas. Je ne peux plus.
- Tu ne peux plus ? Quoi tu t’es marié ? demande-t-elle en rigolant.
Que trouve-t-elle si drôle dans cette affirmation ? Le fait que je puisse un jour me marier ne lui a donc jamais traversé l’esprit ?
- Mike ! Toi aussi tu as peut-être couché avec toutes les filles que tu as rencontrées depuis que tu es à Libreville et là tu me sors l’histoire que tu ne peux plus. Papa en bon gaboma (gabonais) tu vas toujours revenir vers les vieilles marmites déjà utilisées. Elles font les meilleures sauces.
C’est le genre de situation qui me saoule mais vraiment au plus haut point. J’appelle pour demander un service et elle veut le retour d’ascenseur tout de suite après. Je lui dis que ce n’est pas possible et elle rigole pour me sortir des âneries. Il fallait s’y attendre.
- Pardon, on se voit encore une fois non ! Tu me fais ça bien comme la dernière fois et basta…
Je raccroche.
Fais chier !
Je n’ai pas le temps pour ces conneries. J’appelle Madame Khan pour lui dire que j’ai retrouvé les parents de Lola. Elle me demande de venir la chercher pour qu’on s’y rende ensemble.
Je prends ma bécane pour me rendre à leur résidence puis me mets au volant d’une des voitures à sa disposition pour aller la chercher à son cabinet.
A peine nous nous sommes mis en route que je constate qu’une petite berline noire nous suit. Elle essaie d’être discrète et de laisser une ou deux voitures entre nous mais la marque et le conducteur assis au volant qui se trouve côté droit m’ont intrigué dès que mes yeux sont tombés dessus. C’est une voiture anglaise à n’en point douter.
Je prends le prochain virage et garde les yeux braqués sur mon rétroviseur. La voiture fait de même. Je jette un coup d’œil à Madame Khan assise à l’arrière. Elle pianote rapidement sur son téléphone. Elle a sa mine des mauvais jours. Je suppose que la situation est plus corsée qu’elle ne le parait et qu’elle cherche à nous en démêler. Moi du moment qu’elle réussit à sortir Lola du pétrin et à garder Raphael prés d’elle, ça me va. Elle pourra me demander tout ce qu’elle voudra. J’avance encore sur cinq cents mètres pour constater que nous sommes toujours talonnés par la voiture.
J’ai les doigts qui me picotent …
- Madame Khan ?
- Oui Mickael ?
- Pourriez-vous s’il vous plait mettre votre ceinture de sécurité ?
Elle lève les yeux de son écran et me regarde perplexe.
- C’est pour votre sécurité, j’ajoute sans quitter nos poursuivants des yeux.
Elle soupire et mets la ceinture de sécurité avant de recommencer à pianoter sur son écran
Bien. ! C’est tout ce que je voulais.
Je prends la voie expresse et file à toute allure.
Ils continuent de nous suivre. J’appuie sur l’accélérateur à la recherche de la bonne opportunité.
Ils comprennent tout de suite qu’ils sont repérés. Si leur couverture est foutue pourquoi n’abandonnent-ils pas ? Le feu tricolore devant nous me donne l’occasion que j’espérais.
Bon point pour nous, nous sommes quasiment seul à se carrefour déserté. Le feu est encore au vert et va bientôt passer à l’orange. Ils s’attendent à ce que j’accélère pour leur échapper avant que le feu ne passe au rouge.
J’attends jusqu’à la dernière seconde qu’ils soient bien prés pour freiner brusquement alors que le feu est orange et que je n’ai aucune raison de m’arrêter. La range Rover que je conduis est solide, plus solide que leur berline. Ils nous encaissent de plein fouet.
- Restez ici. J’ordonne à madame Khan encore secouée par mon brusque freinage.
Je détache rapidement ma ceinture et descends de la voiture pour aller à leur rencontre. Sans ceinture de sécurité, ils se sont mangé le tableau de bord. Je tire le conducteur hors de la berline. C’est le seul à être encore assez conscient pour me parler.
- Qui t’envoie ?
Son nez pisse tellement le sang qu’il n’arrive même pas à parler. Je le laisse sur le bitume rendu brulant par le soleil à son zénith. Il est trop sonné pour se relever. Je fouille dans la berline et rafle tout ce que j’y trouve, absolument tout. Et comme l’autre se relève des vapes, je l’assomme une nouvelle fois en cognant sa tête contre la vitre de la portière du passager avant qui n’a pas volé en éclat malgré le choc.
Maintenant que j’ai fait ce que j’avais envie de faire depuis que j’ai constaté qu’on était suivi, je me sens mieux. Je fais craquer mon coup d’un geste rapide et maitrisé.
Tiens ! Plus de fourmi dans les doigts.
Ca fait du bien. Je remonte rapidement dans la voiture d’où madame Khan m’observait bouche béé. Je lui donne tous les documents que j’ai ramassés dans leur berline, et démarre.
- Madame Khan je crois que je vais vous ramener chez vous et faire sortir Monsieur et Madame Bekale de la PJ sans vous.
- Mais que s’est-il passé ?
- Ils nous suivaient… Je ne sais pas encore pourquoi mais ne vous en faites pas. Je vais vous mettre en sécurité.
- Seigneur !
***Alexander Devdas Khan***
Je respire de grands bols d’air pour décolérer.
Leila est rentrée secouée par ce qui lui est arrivé… Mickael m’a fait un bref résumé avant de repartir chercher les parents de la petite protégée de Leila. Je n’arrive pas à le croire. J’ai dû rester avec elle le temps qu’elle prenne une bonne douche pour l’installer dans notre lit afin qu’elle se repose un peu. Puis je suis descendu à l’étage inférieur pour réfléchir.
Après être longtemps resté, le regard dans le vide, pesant le pour et le contre, me demandant ce que je dois faire, je prends ma décision. Je crois qu’il est temps qu’on ait une discussion d’homme à homme. Denis et moi.
Comme je l’escomptais, une dizaine de minutes après l’avoir appelé et lui avoir signalé l’urgence de la situation, Denis est introduit par la bonne dans la bibliothèque de la maison qui nous sert aussi de bureau quand nous ramenons de travail à la maison Leila et moi.
Je suis confortablement assis dans un fauteuil de cuir que Leila affectionne particulièrement lorsqu’elle a besoin de s’installer pour lire un long dossier. Mais moi, j’y suis assis, raide comme la justice, la main pianotant le petit tabouret posé à coté de mon accoudoir.
- Bonsoir Alexander.
- Bonsoir Denis.
Il reste debout et m’observe. Nous sommes des amis de longue date. Nous sommes … des frères. Il sait dans quel état je suis, je n’ai pas besoin de le lui indiquer.
- Dis-moi ce qui se passe ! Où est ta femme ?
- A l’étage.
Puis je lui raconte à mon tour ce qui s’est passé.
Il ne dit rien.
Je continue de pianoter mécaniquement le tabouret, pesant bien les mots dans ma tête. Puis je me lève et vais à la rencontre de Denis.
- Tu connais Leila aussi bien que moi. Je la laisse faire parce que c’est une femme indépendante et surtout très butée. Son orgueil est sans limite. Elle m étranglerait si elle se rendait compte que je me mêle de cette histoire alors qu’elle ne m’a rien demandé. Leila est passionnée par la cause des femmes. C est peut-être dû à ce qu’elle a vécu avec son propre père qui ne l’a pas reconnue et à sa mère qui s’est dévouée toute entière à son éducation, à sa réussite. Elle comprend surement le fils de sa protégée mieux que quiconque.
- Je vais parler à Hugues. Je ne pensais pas qu’il irait jusqu’à de telles extrémités… Tu l’as connu à Londres quand il était avec moi… je vais lui parler, ne t’en fais pas. Ca ne se reproduira pas.
- Je te préviens. S’il lui arrive quoique ce soit à ma femme, à Leila, je le tuerai de mes propres mains.