
Chapitre 4
Ecrit par Verdo
Quelques mois plus tard…
Tout allait bien comme sur des roulettes. J’avais commencé le travail. J’assimilais petit à petit la manière dont fonctionnait une entreprise. Je ne savais pas qu’entre la théorie que l’on nous servait au campus et la réalité du terrain, il y avait une très grande différence. Je finis par comprendre les raisons qui avaient poussé le chef service ressources humaines à me former. J’étais effectivement novice en la matière.
J’allais rarement à Lomé vu que je travaillais certains week-ends. La plupart du temps, c'était Sena qui venait passer du temps avec moi. Notre relation était devenue officielle. Elle m’avait d’abord présenté à sa grande sœur comme son petit ami, ensuite, à ses parents. L’attitude de ces derniers le soir de notre rencontre m’avait fait beaucoup réfléchir. J’avais l’impression que je n’étais pas l’homme idéal pour leur fille. Ils m’avaient harcelé d’innombrables questions sur ma profession et sur comment je pensais prendre soin d’elle. Ça, au moins c’était compréhensible. Le pire, c’était quand sa mère avait eu le culot de me demander combien je gagnais avec mon travail ; question à laquelle j’avais esquivé. Après la rencontre, Sena s’excusa de l’attitude de ses parents envers moi. Selon ses dires, ils étaient très protecteurs, c’était ce qui expliquait leur comportement. Elle et sa sœur me rassurèrent de ne pas m’en faire. Ils finiraient par s’habituer à ma présence avec le temps. Était ce qu'elles m'avaient dit.
Sena me rendit visite comme d’habitude le week-end. Souvent, elle venait les vendredis soir et repartait les dimanches soir. Après le dîner, elle m’annonça qu’elle était enceinte.
Depuis quand le sais-tu ? Lui demandai-je car je ne m’attendais pas vraiment à ça.
Un mois. Je voulais être vraiment sûre avant de t’informer. Nous allons avoir un bébé ensemble mon amour.
C’est une bonne nouvelle ça. Répondis-je.
Je ne te sens pas là chéri.
Est-ce qu’il y a un problème ? Si oui, dis-le-moi.
Non, ne t’inquiète pas. Il n’y a rien. Rassure-toi.
Écoute Thierry, arrête de mentir. On se connait très bien.
D’accord. Comme tu insistes, je vais te le dire. Je crains la réaction de tes parents.
Je te comprends. Mais écoute, on a déjà discuté de ça. Il n’y aura pas de soucis à ce niveau.
Si tu le dis.
Personnellement, je n’avais aucun problème du fait que Sena soit enceinte. Tôt ou tard, cela arriverait et je m’y faisais l’idée. Ce qui m’inquiétait, c’était la réaction de ses parents d’autant plus qu’ils avaient l’air de ne pas m’apprécier. Mais c'est déjà arrivée et il n’y avait plus de retour en arrière.
Quelques jours plus tard…
La mère de Sena m’appela. Au cours de notre conversation au téléphone, elle me faisait savoir qu’elle et son mari devraient parler avec moi et c’était très urgent.
Le lendemain était le week-end.
J’avais un peu de temps libre alors je jugeai bon d’aller au parfum de ce que les parents de Sena me voulaient.
Yawavi et deux de ses frères étaient présents, ce que je trouvai étrange.
Sena nous a dit qu’elle est enceinte de toi. Commença sa mère. D’abord, j’aimerais savoir si elle t’a informé.
Oui. Je suis au courant de la grossesse.
Et que prévois-tu faire ?
Je ne comprends pas la question maman. Je suis l’auteur de la grossesse et je suis prêt à assumer jusqu’au bout.
Assumer quoi ? Et avec quoi ? Avec ton argent de stagiaire là ? Intervint son père d’un ton colérique. D’abord, tu n’as pas doté ma fille et là tu la mets en cloque. Tu penses qu’elle est tombée du ciel ? Écoute, tu as sali ma fille et la réputation de ma famille. Je n’ai pas souffert pour scolariser ma fille pendant des années pour qu’un type comme toi vienne l’engrosser !
Mais papa ! Qu’est-ce que tu fais ? Interféra Sena. Je croyais que vous alliez juste discuter avec lui. Pourquoi toutes ces insultes ?
Toi, tu la fermes et tu laisses ton père parler ! Cria un de ses grands frères.
Sena va avorter. Reprit son père. Elle n’a pas encore fini ses études pour fonder une famille. Je ne peux guère de mon vivant accepter cela.
Je les regardais criailler de gauche à droite tout en restant muet. Je ne savais pas quoi dire exactement devant cette humiliation. Je n’étais certainement pas riche mais je n’étais pas pauvre non plus au point d’aller mendier pour manger.
Je vous ai tous entendus. Je m’excuse pour tout. Mais franchement parlant, Sena ne peut pas avorter car c’est un tabou dans notre…
Je ne finis pas de terminer ma phrase qu’ils se sont jetés sur moi en m’insultant et en me traitant de tous les noms. Je me sentis souillé par leur parole.
Mais qu’est-ce qui vous prend tous ? Tout ce monde contre une seule personne ? Cria Yawavi. Non. Je ne suis pas d’accord. Si j’avais su que cette rencontre prendrait cette pareille tournure, je l’aurais évitée.
Donc tu acceptes que ta petite sœur se marie ? Demanda la mère de Sena à sa grande sœur.
Pour tous problèmes maman, il y a une solution. On peut bien fonder une famille et continuer les études. Soyez un peu rationnelles. La situation s’est déjà produite. Il faut que nous trouvions une solution au lieu de chercher à tout envenimer. Pour ma part, je ne cautionnerai pas un quelconque avortement de Sena. Elle est une adulte et ce n’est pas à vous de lui dicter ce qu’elle doit faire.
Yawavi, comment peux-tu dire des trucs pareils ? Tu es devenue folle ou comment ? Tu veux gâcher la vie de Sena ? Dit son deuxième grand frère.
Bon, faites ce que vous voulez mais moi je ne suis pas d’accord avec vous.
Elle se leva et s’en alla sans même leur dire au revoir. Plus personne ne parlait. Un grand silence régna. Je ne savais pas que Yawavi avait autant d’influence sur sa famille. Même son père qui m’insultait ne retrouvait plus ses mots. Je m’excusai auprès d’eux et sortis, les pieds lourds de la maison. Sena me poursuivit. Elle pleurait abondamment et se jeta dans mes bras.
tu m’avais prévenu mon amour. Je suis vraiment désolée pour tout ce qui s’est passé.
Je ne suis pas riche Sena. Mais je ne suis pas non plus pauvre au point de ne pas m’occuper de mon enfant que tu portes. Si tes parents ne veulent pas de moi, il vaut mieux qu’on arrête là. J’étais comme pour eux un objet qu’ils pouvaient invectiver comme ils voulaient. Qu’ils te trouvent l’homme idéal qui pourrait prendre soin de toi comme ils le souhaitent.
Arrête s’il te plaît. Je sais que tu parles sous le coup de la colère. Tout ce qu’ils ont dit m’importe peu. Je t’aime Thierry et je préfère souffrir avec toi que d’avorter notre enfant. Cette grossesse est le fruit de notre amour. Ce n’est pas comme si tu ne travaillais pas. Je me fous de ce qu’ils ont dit.
Pour le moment, je vais réfléchir Sena. J’ai envie de rester seul s’il te plaît.
Ne t’en va pas s’il te plaît…S’il te plaît…Je t’aime Thierry. Je ne peux pas vivre sans toi.
Quitter Sena dans cet état était très difficile pour moi. Mais il était aussi important de faire le vide dans ma tête. Je n’étais pas en colère contre elle, loin de là. Plutôt, j’en voulais tellement à la vie et à ses injustices.
À peine que je fis quelques kilomètres qu’elle m’appela. Je n’avais pas le courage de décrocher. Je laissais le téléphone sonner jusqu’à ce qu’elle n'appelle plus. Ce même jour, je retournai à Tabligbo. Beaucoup de questions tournaient dans ma tête auxquelles je n’avais pas de réponse.
Sincèrement, je ne trouvais aucune explication au comportement des parents de Sena. Ses frères que j’avais aussi jugés instruits suivaient le délire de leurs parents sans réfléchir. Était-ce ma tête qui ne leur plaisait pas ou bien étaient-ils de nature à juger tout le monde de la sorte ?
Les jours qui suivirent, j’avais du mal à me concentrer au travail. Je pensais sans cesse à Sena, à notre première rencontre, nos petites balades, bref à tous les bons moments que nous avions passés ensemble. Je ne me voyais pas vivre sans elle. Elle avait déjà intégré ma vie et j’étais déjà habitué à sa présence.
En rentrant à la cité ce soir, je marchai avec Cynthia, une collègue. Elle était déjà permanente. Son bureau était en face de la nôtre. Nous avions souvent l’habitude de discuter de tout et de rien et aussi nous allions à la cantine à midi quelquefois. Elle était en quelque sorte une amie. À la devanture de mon appartement, j’aperçus de loin Sena, assise sur l’escalier menant à la terrasse. Une fois à mon appartement, je me séparai de ma collègue. Son appartement à elle se trouvait un peu plus loin.
Bonsoir Sena. Dis-je tout bas.
Tu ne m’appelles plus maintenant chérie c’est ça n’est-ce pas ?
S’il te plaît, est-ce que nous pouvons rentrer ? Pas ici je t’en prie. La calmai-je pour éviter qu’elle fasse des carnages ; la connaissant très bien.
Une fois à l’intérieur de mon appartement…
Elle déposa son sac dans le petit divan puis me lança :
C’est qui cette femme avec laquelle tu discutais aisément et riais à gorge déployée ? C’est à cause d’elle que depuis plus d’une semaine, tu refuses de décrocher à mes appels ?
Qu’est-ce qui t’arrive Sena ? Je suis très épuisé. N’en rajoute pas s’il te plaît. Je ne veux pas qu’on se dispute, du moins pas ce soir.
Tu veux éviter les disputes pourtant il y a plus de huit jours que tu refuses mes appels bien que je porte ton enfant. Tu es là à traîner avec des femmes ici.
De quelle femme parles-tu Sena ? N’as-tu pas vu que nous portions le même uniforme ? Tu m’interdis maintenant que je marche et discute avec mes collègues ?
Collègues, mon œil. Tu as du temps pour tes collègues mais pas pour moi qui suis enceinte de toi.
Tu es au courant de ce qui se passe. Tu connais bien notre situation.
Et alors ? Tu connais bien le fond de mes pensées envers toi. Tu sais bien que je me fiche de tout ce que mes parents disent. Pourquoi ne fais-tu pas pareil ?
Je redevins calme puis allai m'asseoir à côté d’elle.
Ce n’est pas aussi facile pour moi comme tu le penses surtout qu’on prévoit de se marier. Je ne voudrais pas que ta famille me déteste à jamais. C’est bien qu’elle me montre maintenant qu’elle ne m’aime pas. Tout ça me rend dingue.
Ne dis pas ça mon amour.
Mais c’est la vérité Sena.
Ils peuvent changer d’avis. Tout est possible. À toi de leur prouver qu’ils ont tort. Déjà tu as le soutien de Yawavi. Écoute, je ne suis pas du genre à laisser tomber face à une difficulté. Je suis enceinte et pour cet enfant que je porte, je ferai tout. Tu n’as pas à t’inquiéter.
Hum Sena…
Quoi ? Dis quelque chose s’il te plaît. Je t’aime de tout mon cœur et je ne voudrais pas te perdre parce que mes parents ne t’apprécient pas.
Je ne sais pas quoi dire. Mais je ferai de mon mieux pour qu’on s’en sorte.
Vraiment ?
Oui.
Merci mon amour. Fit-elle en sautant à mon cou et en me couvrant de baisers.
Tu sais que tu as une jolie robe?
Je l’ai mise pour toi mais comme tu faisais la non attentionnée…
Arrête ça. Ça me plairait bien de découvrir ce qu’il y a là-dessous.
Rires…
Redécouvrir tu veux dire…
Peu importe. Viens là. Dis-je en la serrant et en l’embrassant dans le cou.
Quelques mois plus tard…
J’avais économisé mes compensations pour doter Sena. C’était ce que m’avait conseillé sa grande sœur Yawavi. Elle m’avait dit que pour que sa famille porte un meilleur regard sur moi, je devais me débrouiller pour officialiser notre relation et qui parle d’officialiser parle de mariage. Sincèrement, elle avait beaucoup fait pour nous venir en aide Sena et moi. Elle avait convaincu sa famille de m’accepter.
La cérémonie s’était passée en toute quiétude. C’était ce jour-là que mes parents voyaient Sena en vrai ; ce qui ne les enchanta pas. Mais comme c’était pour mon bien, ils avaient fait semblant pour que la cérémonie se passe à merveille. Tout était de ma faute. Je le savais pertinemment. Mais c’était un peu compliqué vu qu’ils n’étaient plus ensemble. Mon père qui avait refait sa vie à Kpalimé et ma mère à Aného. Néanmoins Sena pouvait rendre visite à ma mère.
Sena et moi nous nous excusâmes auprès d’eux. Pour nous racheter, elle alla rester avec ma mère pendant un mois et demi après son accouchement. Et chez mon père, elle fit deux semaines. Ensuite elle s’installa avec moi à la cité. Mais ce fut de courte durée. Elle détesta cette vie monotone. À vrai dire, elle avait raison. Chez nous, c’était l’ennui total mis à part le boulot qui nous occupait souvent l’esprit. Il est à noter que l’usine est construite en pleine brousse pas loin de la frontière béninoise et c’est grâce à l’implantation de l’usine que la localité a une meilleure vue. La cité était comme enclavée ; pas de distraction… Pour ce faire, nous décidâmes d’un commun accord de louer un appartement chambre salon WC douche cuisine interne à Lomé. Je ne voulais pas qu’elle aille rester dans notre maison familiale.
À suivre…
Écrit par Koffi Olivier HONSOU.
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