Chapitre 4 : Jéhovah Jihre
Ecrit par Cornelie
part la tristesse à la maison due à l’absence de papa, le train de vie a également changé. De deux domestiques qui travaillaient chaque jour, nous sommes passés à une domestique qui ne venait que trois fois par semaine et un monsieur pour le repassage des vêtements une fois par semaine. De plusieurs casiers de bières et de jus, il n’y avait plus que quelques bouteilles de boissons pour les visiteurs. L’absence du revenu régulier provenant du salaire mensuel de papa pesait sur maman dont les revenus des ventes des pagnes étaient ponctuels. Lorsque la crise était grande, il arrivait que l’on mange « le riz de la crise » c’était du riz avec un peu d’huile de palme (rires) mais cela ne durait jamais longtemps. Le plus difficile pour maman c’était le paiement de ma scolarité. Quoique maman ne me faisait pas part de toutes ces difficultés, je constatais qu’elle était soucieuse et qu’elle mangeait peu au point d’avoir beaucoup maigri :
Moi : bonjour maman
Maman : bonjour ma chérie, comment vas-tu ?
Moi : je vais bien maman et toi ?
Maman : ça va. Dieu fait grâce
Moi : maman, pourquoi as-tu l’air soucieuse ces derniers temps ? Est-ce que c’est parce que papa te manque ?
Maman : oui ton père me manque beaucoup mais je sais qu’il veille sur nous du ciel. Il n’y a rien de grave à part quelques clientes. Comme à Kin ici les gens aiment tout prendre à crédit, ils prennent les pagnes après pour payer c’est un problème. Quand tu demandes le paiement, les femmes t’engueulent et te disent de venir récupérer les pagnes alors qu’elles ont même déjà fait coudre et ont porté
Moi : eeeeeeeeeeeeeee maman, tes clientes là sont terribles hein
Maman : vraiment ! Mais ce n’est pas grave, je vais être patiente. Je sais que Dieu le défenseur des veuves et des orphelins ne va pas nous abandonner et Il va pourvoir à tous nos besoins
Moi : Amen !
Maman : au fait il faut payer la prochaine tranche de ta scolarité quand ?
Moi : dans deux mois
Maman : ok il y en a encore du temps. Bon j’ai fait du bon fumbwa [légumes à base de gnetum africanum fait avec de la pâte d’arachide] avec du fufu comme tu aimes. Viens manger
Moi : miam miam hummmmmmmmmm je salive déjà. Je vais de ce pas me servir
Maman : pardon n’oublie pas de laver tes mains hein
Moi : d’accord la mère, ahahahah.
Quoique la mine soucieuse de maman m’affectait, chaque matin et soir, je ne manquais pas de prier pour que Dieu nous aide.
Ce samedi au Mijerca, le thème de l’enseignement porte sur « l’amitié et le choix des amis ». L’orateur du jour après avoir défini l’amitié a beaucoup parlé mais les points que moi j’ai retenu c’était :
- « Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs » 1 Cor 15, 33
- Les personnes que nous fréquentons nous influencent toujours d’une manière ou d’une autre
- Si vous avez un ami qui passe sa vie à se plaindre de tout, vous aussi vous allez commencer à devenir plaintif comme lui
- Je vous prends mon exemple (c’est l’orateur qui parle) : quand j’étais petit, ma famille recevait beaucoup de prêtres à la maison et quand on me demandait « quel métier feras-tu plus tard ? » je répondais « prêtre » et les gens rigolaient. C’était parce que j’étais influencé par les personnes autour de moi. Puis après j’ai changé d’avis concernant le métier que je souhaitais faire.
- Dans la Bible, il y a plusieurs histoires de belles amitiés comme celle de David et de Jonathan par exemple. Les jeunes garçons se sont rencontrés et se sont aimés. Leur amitié était tellement forte que Jonathan n’hésitait pas à défendre David devant son père le Roi Saül. Il n’a pas hésité à tenir au courant David du danger de mort qu’il courait et son ami a pu échapper à Saül. Lorsque Jonathan est mort, David a pleuré longuement et en souvenir de son ami, il a recueilli son fils auprès de lui.
- Qu’est ce qui caractérise une bonne amitié ? C’est d’abord l’amour qui unissent les personnes. Pour moi je dirai qu’il y a 5 qualités à retrouver chez un vrai ami :
• 1. Il est chrétien et nous amène à grandir dans la foi : c’est important d’avoir les mêmes valeurs que son ami.
• 2.il fait preuve d’une bonne moralité : il peut vous donner de bons conseils. Quand vous êtes dans l’erreur, il n’hésite pas à vous dire la vérité quitte à vous blesser.
• 3. Il est fidèle et digne de confiance : c’est une personne à qui vous pouvez dire vos secrets en étant sûr qu’il n’ira pas les divulguer.
• 4. Il respecte vos points de vue : vous n’êtes pas obligés d’avoir les mêmes avis mais il saura respecter vos divergences d’opinion.
• 5. Il se montre disponible pour vous : un ami sait trouver du temps pour être avec son ami.
- Jésus Christ devrait être notre meilleur ami. Nous pouvons aussi prier pour qu’il nous donne de bons amis humains car nous sommes des êtres sociaux qui avons besoin des autres.
Après cet enseignement, nous avons tous prié pour avoir de bons amis et être de bons amis pour les autres.
Ce midi à la pause déjeuner, je suis assise sur un banc toute seule. Il faut dire que quoique j’ai plusieurs camarades avec qui nous sommes dans la même école et le même quartier, je suis assez timide et je vais très peu vers les autres. Avec la mort de papa, je me suis encore plus renfermée. Il n’y a qu’à la paroisse, que je parle librement avec mes frères et sœurs du Mijerca. Perdue dans mes pensées sur ce banc, j’entends :
- Elle et lui : bonjour Marie
- Moi : eeee bonjour
- Elle et lui : que fais-tu toute seule dans ton coin ?
- Moi : rien, rien je pense à diverses choses
- Elle c’est Annie et lui Jean. Nous sommes dans la même classe. Jean est toujours entrain de lancer des blagues et d’amuser la galerie en classe tandis qu’Annie est plutôt calme et assez souriante.
- Annie : j’ai deux sandwichds. On peut partager si tu veux ?
- Moi : euh oui merci, c’est gentil
- Jean : eeeeeeeee moi je voulais que tu refuses pour manger ça hein, façon dont j’ai faim là
- Annie s’est mise en rire en me disant : ne l’écoute pas, il vient de prendre un bon plat de fufu et de pondu (feuilles de manioc)
- Moi : ok
- Annie : tu sembles soucieuse, qu’est ce qui te dérange ?
- Moi : rien du tout
- Jean : Moi je suis toujours étonné par les gens qui ont les soucis jusqu’à ils maigrissent et ne mangent plus. Non moi là je ne peux jamais faire comme eux
- Moi : ah bon ? comment ça ?
- Jean : j’ai un secret
- Moi curieuse : un secret ? lequel ?
- Jean : ahahahahje te dis, si tu me paies
- Annie : Jean toi aussi arrête avec tes blagues là
- Jean : ok comme je suis gentil, je te dis mon secret gratos. Donc moi j’ai un employé. Son rôle c’est de me trouver des solutions à tous mes problèmes.
- Moi : wouahhhh tu as de la chance et il réussit toujours ?
- Jean : ouiiiiii bien sûr !
- Annie : tu dois le payer très cher alors
- Jean : ahahahahah oui le plus drôle c’est que c’est lui-même qui cherche et qui trouve l’argent de son salaire
- Moi : ekieeeeee c’est qui comme ça non ?
- Jean : c’est Jesus Christ
- Moi : wouahhhhh c’est la première fois que j’entends une telle histoire
- Jean : ah bon ? C’est normal je n’ai pas encore fait la publicité
- Tous : rire
J’ai passé un bon moment avec Annie et son cousin Jean à la pause. Et depuis ce jour, nous avons commencé à nous fréquenter. Bien qu’ils ne soient pas de la même religion que moi, eux étaient pentecôtistes, j’ai découvert que c’était des jeunes qui avaient des valeurs chrétiennes. Et contrairement à d’autres personnes qui voulaient toujours m’inviter dans leurs églises, eux ne le faisaient pas. On échangeait sur notre foi, nos problèmes de famille, nos rêves etc.
Un soir, trois jours avant la date butoir du paiement de ma dernière tranche de scolarité de l’année, un collègue à papa est passé nous rendre visite, Mr Peter Muhindo. Après nous avoir salué chaleureusement, il a pris place avec nous au salon :
- Lui : maman Nadine, une fois encore je te présente mes sincères condoléances. Lorsque j’ai appris le décès par accident de voiture de mon collègue et ami Constant j’ai été choqué. Malheureusement j’étais allé dispenser des cours à Kolwezi durant 6 mois. C’est ainsi que j’étais absent lors du deuil
- Maman : merci papa Peter. Merci beaucoup pour la visite
- Lui : Constant était comme un frère pour moi. Nous nous connaissions depuis l’enfance. Nous avions fait les quatre cent coups ensemble. Draguer même des filles durant les années universitaires (il me fait un clin d’œil et nous rigolons tous). C’était vraiment un homme bien.
- Maman : vraiment. Il est parti si tôt.
- Lui : comment vous allez ? Je suis content de vous avoir trouvé à la maison. J’ai eu peur que vous ayez déménagé ou que la belle-famille vous ait mis à la porte
- Maman : nous ça va. Papa Robert, son grand frère, a veillé à ce que nous puissions rester ici. Le commerce de pagnes que je fais ça va couci couca au grès des humeurs des clientes qui paient quand elles peuvent
- Lui : ah oui ! Les femmes et les pagnes, les mèches, les sacs et les chaussures. Vous êtes trop fortes pour vous rendre belles
- Maman : ahahahha c’est pour les hommes que nous faisons ça non ?
- Lui : ahahah c’est plutôt pour nous ruiner oui
- Ils ont discuté encore quelques instants. Puis avant de partir, il a remis une enveloppe à maman en disant : c’est un petit quelque chose que nous les anciens collègues de Constant avons cotisé comme contribution.
- Maman : merci beaucoup, merci beaucoup, vraiment que Dieu vous bénisse !!!
- Il est parti et quand maman a ouvert l’enveloppe, il y avait 2.000 $ à l’intérieur. Maman s’est agenouillée et a dit « Jehovah Jirhé toi le père des veuves et des orphelins tu as pourvu, merci beaucoup papa merci ooooo » puis elle s’est levée et on a dansé. On était contente car cela allait aider pour diverses dépenses.
Deux mois plus tard, un après-midi deux cousines à mon feu père débarquent à la maison et commencent à parler à haute voix :
- Elles : même pas encore deux ans que notre frère est décédé et voilà tu ne t’habilles plus en noir et tu sors avec les hommes. Quand on disait que tu étais une sourcière qui a tué son mari, les gens ne voulaient pas croire. Si Marie n’était pas la photocopie de notre frère, humm ….
- Moi dans mes pensées « Eeeeee c’est encore quoi cette histoire ? »