Chapitre 40 : comme si chaque jour était le dernier
Ecrit par Mayei
Chapitre 40 : comme si chaque jour était le dernier
...Rachidi...
J’ai passé toute la semaine qui a suivi ma discussion avec Salomé à la maison. J’étais entièrement triste. Je devais me faire à l’évidence. Salomé et moi n’étions pas faits pour être ensemble. J’avais des sentiments pour elle mais ce n’est pas réciproque. On ne force pas. J’avais prétexté être malade pour justifier mon absence au travail. Tout était clair maintenant. Je ne l’aurais jamais mais je n’allais pas être mauvais et lui reprendre tout ce que j’avais mis à sa disposition. Je l’avais fait de gaieté de cœur donc qu’elle en profite. Qu’elle se concentre sur ses cours que je finance. Je continuerai de financer jusqu’à l’obtention de son diplôme.
Cependant il fallait que je parle avec Mira. Je me levais de mon lit et tirait les rideaux pour laisser la lumière du jour se répandre dans la chambre et aussi laisser l’air frais passer. J’étais resté dans le noir comme ça pour noyer mon chagrin. C’était toujours mieux que l’alcool. Après m’être rasé la barbe et avoir pris une bonne douche, je m’installais devant un match de football. Ce n’était pas un match vraiment intéressant mais ça me permettait de passer le temps. J’aurais aimé être avec les autres mais ils sont tous au boulot à l’heure qu’il est.
J’entrepris donc de joindre mira. Elle décroche après plusieurs tonalités.
Mira : allo ?
Moi : heu mira ! C’est Rachidi
Mira : je sais, ton numéro est toujours enregistré dans mon répertoire.
Moi : je vois...euh...j’aimerais savoir si c’était possible qu’on se voit aujourd’hui pour discuter.
Mira : je suis disponible en tout cas. À toi de me dire quand et où !
Moi : disons dans deux heures et je passerai te chercher à la maison.
Mira : ok ! à dans deux heures alors.
Je timbre de sa voix était plutôt triste. Et j’allais en rajouter une couche. C’était mieux maintenant que de laisser tirer en longueur. Je regardais l’heure. Il fallait que je quitte maintenant si je ne voulais pas être en retard avec les embouteillages à cette heure. Je roulais donc jusqu’à la résidence des parents de mira. Je me garais devant et passait un coup de fil à mira pour qu’elle sorte me retrouver. Je n’avais pas le courage d’affronter ses parents. Surtout monsieur Coulibaly qui tenait tellement à sa fille. Il risquerait de me buter avec un fusil qu’il aurait caché sous son lit. Voilà une toute autre histoire. Je m’attends dès maintenant aux représailles de mon père. Il allait sûrement s’emporter dans une de ces colères dont lui seul avait le secret mais j’étais prêt de mon côté. Ce n’était pas la première fois que je lui tenais tête et ça n’allait surement pas être la dernière fois.
Je quittais mes pensées lorsque je vis Mira sortir de la maison. Je quittais mon siège pour lui ouvrir la portière afin qu’elle puisse prendre place. Elle était toujours aussi belle. Si seulement les choses étaient différentes ! si seulement mon cœur s’était ouvert à elle !
Mira : merci !
Moi : il n’y a pas de quoi !
Je refermais la portière et pris le volant. Je pris juste de ses nouvelles et elle aussi. Ce sont les seuls mots que nous avions échangés. Le reste du trajet se fit dans un silence total. Elle avait rejeté la tête de son côté de la route et donnait l’impression d’être plus intéressée par ce qui se passait là-bas. Je continuais donc à conduire jusqu’au restaurant que j’avais choisi. Elle me suivait toujours sans broncher. Je lui tirais la chaise pour qu’elle puisse prendre place avant de m’asseoir à mon tour lui faisant face.
Moi : je te trouve bien silencieuse !
Mira : je ne sais vraiment pas quoi dire ! Ça fait plus de deux semaines que nous n’avons pas échangé. Tu comprends que je sois surprise de t’entendre seulement aujourd’hui.
Moi : je comprends et tu as entièrement raison. Et si nous passion la commande pour la nourriture
Mira : je n’ai pas particulièrement faim ! Je prendrais tout juste un cocktail
Moi : tu en es sûre ?
Mira : et certaine !
J’interpellais donc le serveur et passais la commande pour deux verres de cocktails. Je ne savais pas par où commencer. Mais surtout ce silence commençait vraiment à être pesant. Nous étions comme deux inconnus rencontrés dans la rue qui s’étaient par hasard retrouvés dans ce restaurant. Elle tirait de temps à autre sur sa paille et manipulait aussi son téléphone. Je la voyais sourire de façon brève. Il fallait que je me jette à l’eau. Il fallait que je me débarrasse de ce qui me travaillait l’esprit.
Moi : il faut qu’on parle sérieusement mira !
Mira : je sais et je t’écoute
Moi : nous avions décidé de prendre un peu de temps pour voir clair dans nos sentiments. Mira, tu es une fille parfaite, tu n’as absolument rien à te reprocher...
Mira : Rachidi s’il te plaît tu peux en venir au fait ?
Moi : ok ! Je pense qu’il serait préférable que nous arrêtions tout. Mira, je ne veux pas te faire souffrir. Je ne veux pas te faire vivre dans une union où je ne t’aimerai pas assez. Tu mérites bien plus que d’être un second choix, un lot de consolation parce qu’une autre ne partage pas les mêmes sentiments que moi. Tu rencontreras quelqu’un qui t’aimera comme tu le mérites. Je ne pense pas pouvoir t’offrir ce que tu mérites. Je parlerai aux parents et nous trouverons sûrement un terrain d’entente !
Mira : d’accord !
Je fus surpris par sa réponse. Je m’attendais à ce qu’elle me traite de tous les noms. Après tout je lui avais donné de l’espoir pour ensuite me rétracter. Toute femme se sentirait blessée et aurait réagi en conséquence. Elle est simplement assise, la tête baissée, aucun mot ne sortant de sa bouche.
Mira : je crois que je vais m’en aller !
Moi : laisse-moi te raccompagner.
Mira : ça ne sera pas nécessaire. Je prendrai un taxi je dois rencontrer une amie.
Moi : j’insiste mira. Je peux te déposer chez cette amie.
Mira : et moi je te dis que ça ne sera pas nécessaire.
Je reculais ! C’était la première fois qu’elle était aussi ferme et haussait aussi le ton. Je n’insistais pas et lâchais son bras pour qu’elle puisse s’en aller. Je la regardais se diriger vers la sortie. Je lui avais fait mal et j’espérais qu’elle puisse trouver la force de me pardonner. J’espère qu’elle me comprendra. Rester avec elle aurait été lui faire encore plus mal. Je réglais la facture et sortis à mon tour. Je regardais un peu partout pour espérer voir Mira mais surement qu’elle était déjà partie. Je pris place dans la voiture et démarrais. Ce chapitre venait d’être fermé. J’attendais maintenant la réaction de monsieur Tan mon père. Il me fallait me préparer mentalement. Si seulement la vie pouvait être plus facile.
...Mira...
A peine avais-je quitté Rachidi que mes yeux s’inondèrent. Ma vision était brouillée par ces larmes et c’était à peine si je voyais correctement mon chemin en me dirigeant vers la sortie. C’est sans surprise que je butais contre le torse de cette personne. Je levais mon regard vers lui avec l’intention de m’excuser mais lorsque j’ouvris la bouche j’éclatais simplement en sanglots. Ce monsieur allait sûrement me prendre pour une folle. Quelle était la probabilité qu’en sortant de chez lui aujourd’hui, il tomberait sur une fille en pleurs, sortant d’un restaurant ?
Lui : vous allez bien mademoiselle ?
J’étais déboussolée et tout ce que je réussi à faire fut de remuer la tête pour lui signifier que je n’allais pas du tout bien.
Lui : qui peut faire pleurer une si jolie demoiselle ? Voulez-vous que je vous dépose quelque part ?
Moi (rapidement) : oui !
J’avais sauté sur sa proposition car il n’y avait qu’une seule entrée qui servait aussi de sortie. Rachidi allait sortir d’un moment à l’autre et la dernière chose que je voulais était qu’il me voit dans cet état. J’avais fait un effort surhumain pour ne pas pleurer devant lui ce n’était donc pas maintenant qu’il allait venir me voir les larmes aux yeux. Le monsieur ou du moins le jeune homme me tint par la main et me conduisit à sa voiture qui n’était d’ailleurs pas garée très loin. Comme Rachidi, il fut aussi galant en me tenant la portière.
J’avais au fond de moi espéré que ce moment d’éloignement aurait apporté quelque chose de nouveau et de positif à la donne. J’espérais que je lui manquerais et qu’il reconnaisse quelque chose de précieux en moi dont il ne pourrait se passer. Lorsque j’avais vu son numéro s’afficher ce matin, je pensais qu’il m’inviterait pour me dire qui comptait donner suite à cet engagement que nos parents avaient mis sur pied. Heureusement que je n’avais pas été aussi enthousiaste. J’aurais eu tellement honte sinon. Qu’Allais-je faire de ces sentiments que j’éprouvais pour lui ? J’avais envie de pleurer à haute voix pour exprimer mon désarroi. Était-ce ainsi sur ça faisait mal d’aimer ? Était-ce ça l’amour ? Autant fermer mon cœur à ce sentiment douloureux.
« Euh...je ne veux pas vous brusquer mais ça fait un moment que nous avons pris la route sans que je ne sache exactement où nous allons »
Je me souvins que j’étais dans la voiture d’un inconnu. C’était comme si je me réveillais d’un rêve. Je posais mes yeux sur lui pour de vrai cette fois et le détaillais. Il avait un beau sourire et ces yeux pétillants. Il était bien habillé dans cette chemise blanche bien repassée. Sa voiture était plutôt propre et sentait drôlement bon. Sa barbe était parfaitement taillée et son teint noir me faisait drôlement penser à la couleur du bon chocolat noir. Il était beau tout simplement, tout comme Rachidi qui venait de me faire horriblement mal.
Lui : je vois que vous êtes perdue dans vos pensées
Moi (revenant à moi-même) : je vais descendre la ! Garez juste là !
Lui : c’est qu’il n’y a rien là ! Je ne vais quand même pas vous déposer dans le vide. Dites-moi où vous allez. J’ai toute ma journée ça me fera un plaisir de vous y conduire.
Moi : mais c’est ici ma destina...
Lui : trop tard nous venons de dépasser ! Où allez-vous ? pour de vrai cette fois.
Moi (contre mon gré) : déposez-moi à Sococé.
Lui : même si ce n’est pas là sur vous alliez au départ je vous y conduirai tout de même.
Je m’enfonçais dans mon siège et me murait dans un silence. Il essayait de faire la conversation mais j’y répondais à peine pour ne pas dire pas du tout. J’avais hâte que nous arrivions à Sococé pour descendre de cette voiture. Qu’est-ce qui m’avait pris de le suivre ? Avec tout ce qu’on entend. J’avais été tellement négligente au point de suivre une personne que je ne connaissais même pas tout ça pour ne pas que Rachidi me trouve en pleurs. Je commençais à avoir peur ! Et s’il déviait la trajectoire et m’emmenait complètement ailleurs ? Et s’il me conduisait comme ça dans une demeure pour que je serve de sacrifice comme dans les films nigérians ? J’osais un regard vers lui. Son allure était tout de même soignée. « L’habit ne fait pas le moine mira » me souffla une voix. Je fus la plus heureuse lorsqu’il tourna dans le parking du supermarché. J’étais plus que soulagée. Il avança jusqu’à l’entrée et s’arrêta sans pour autant couper le moteur de sa voiture.
Lui : nous y sommes !
Moi (pressée de descendre) : merci
Lui : vous ne m’avez pas dit votre prénom !
Moi (réfléchissant rapidement) : Fatima !
Lui : vous ne me donnerez sûrement pas votre numéro de téléphone si je vous le demande alors prenez gentiment ma carte s’il vous plaît !
Je n’avais pas envie de trop discuter donc je pris la carte sans broncher. De toute les manières elle allait se retrouver au fond de la première poubelle que je verrai.
Lui : celui qui vous a fait pleurer est un idiot croyez-moi. Vous ressemblez à une reine et les reines ne pleurent pas pour des esclaves. Elles ne pleurent même pas pour un roi. Ce sont les rois qui se jettent à leurs pieds et pleurent sur leurs genoux. Elles portent des rois en leurs seins. Efface ces larmes de tes yeux et porte fièrement ta couronne.
Il me sourit puis s’en alla. Je restais debout à enregistrer ces phrases qu’il avait prononcées à mon égard. On ne se connaissait pas pourtant il avait réussi un tant soit peu à apaiser cette douleur atroce que je ressentais. Ses mots étaient plein de douceur mais surtout de motivation. J’arrêtais le premier taxi qui se présenta à moi et hop je rentrais chez moi. Heureusement que ma mère n’était pas là selon ce que le gardien m’avait dit. Je n’avais sûrement pas envie de parler dans l’état que j’étais. Je me dirigeais directement dans ma chambre puis dans la douche pour me couler un bain chaud. J’en avais besoin. Je m’endormis juste après. Je fus ensuite réveillée par ma mère.
Maman : tu ne comptes pas te joindre à nous pour le dîner ?
Moi : dîner ? Quelle heure est-il ?
Maman : dix-neuf heures passées de quelques minutes déjà. Ton père est déjà attablé.
Moi : donne-moi quelques minutes et je descends vous retrouver.
Maman (me caressant le visage) : pourquoi tant de tristesse dans tes yeux ?
Moi : je ne suis pas triste Maman je viens à peine de me réveiller.
Maman : n’oublie pas que je t’ai portée neuf mois dans mon ventre bébé et que, je te connais comme personne d’autre. Mais si tu le dis je te crois. (Se levant) allez ! dépêche toi de nous rejoindre.
Elle avait raison ma petite maman. Elle me connaissait tellement. Je n’étais jamais arrivée à lui cacher un truc bien longtemps. Je me levais pour me rafraîchir le visage et me brosser les dents rapidement avant de retrouver les parents assis à leurs places habituelles autour de cette table.
Papa : enfin je te vois ma princesse ! Ton accueil quotidien m’a manqué tu sais !
Moi (lui faisant un câlin) : c’est que j’étais épuisée mon papa adoré. Mais demain je serai là tu verras.
Papa : d’accord ! Assieds-toi qu’on mange ! Tu veux que je te serve ?
Maman : tandis que moi on ne me sert pas n’est-ce pas ?
Papa : tu sais sur la jalousie donne des soucis de santé pour rien
Maman : c’est ça !
Papa : bon passez-moi vos assiettes toutes les deux c’est moi qui sert tout le monde ce soir. Comme ça pas de jalouse et ma maison ne prendra pas feu.
Je regardais mes parents se chamailler amoureusement. Ils étaient ensemble depuis tellement longtemps. Mon aîné a 38 ans et a une famille déjà, donc je vous laisse imaginer. Malgré toutes ces années, ils étaient restés toujours aussi amoureux l’un de l’autre. Je ne sais pas comment ils s’étaient connus tous les deux. Il ne m’était jamais venu à l’idée de leur poser la question. Mais tout ce que je souhaitais était d’avoir un époux aussi attentionné que mon père et que mes jours soient heureux comme ceux de ma mère. Nous dînions donc dans une bonne atmosphère et je m’avançais avec papa dans son salon personnel. Je pris place près de lui en gardant sa main dans la mienne.
Moi : papa ?
Papa : oui ma princesse ?
Moi : je dois te parler et j’ai vraiment besoin que tu m’écoutes sans te mettre à crier.
Papa : hum vas-y je t’écoute.
Moi : je sais que tu aurais aimé me voir mariée à Rachidi...
Papa : mira....
Moi : papa s’il te plaît laisse-moi parler. N’as-tu pas envie que je sois heureuse dans mon futur foyer ? J’ai envie de vivre ce que tu vies avec maman. C’est tellement beau, c’est tellement parfait mais avec Rachidi ce ne sera pas le cas. Je finirai sûrement malheureuse. Tu dis à chaque fois que je suis ta princesse. Ne veux-tu pas voir ta princesse heureuse, épanouie ? Je comprends que tu avais tes aspirations en voulant m’unir à Rachidi. Mais papa penses-tu que ces aspirations-là soient plus importantes que le bien-être de ta fille que je suis ? Papa nous sommes au vingt-et-unième siècle, ne penses-tu pas que les femmes soient capables de diriger des entreprises, gérer elles-mêmes leurs parts d’actions ?
Tu as payé pour que je sois dans les meilleures écoles je peux donc très bien me débrouiller sans qu’il n’y ait un époux pour m’épauler ou me diriger. Je ne suis pas obligée de passer par la case du mariage forcé papa. Pourquoi ne pas me laisser trouver par moi-même l’homme de ma vie.
Papa : mira...mira...je t’aime tellement si tu savais ! Tu es mon unique fille, la prunelle de mes yeux. Tout ce qui importe pour moi c’est ton bonheur. Je veux que tu ne manques de rien.
Moi : et je t’assure que mon bonheur sera loin d’un mariage forcé !
Papa : hum...me laisses tu le choix ?
Moi (souriant) : ne va surtout pas faire des histoires à la famille de Rachidi ! C’est d’un commun accord que nous avons pris cette décision. Nous avons essayé mais ça ne marchera pas. Je ferai mon bout de chemin moi seule comme une grande folle.
Papa : viens là !
Je posais ma tête sur la poitrine de mon père. J’étais bien là ! Je ne voulais être ailleurs qu’ici maintenant. Je ne savais pas que ça aurait été aussi facile de convaincre mon père sinon j’aurais essayé depuis. Ce qui est sûr j’étais bien là.
Papa : nous irons ensemble demain à mon boulot. Qu’est-ce que tu en dis de commencer à t’imprégner aux différentes activités de la boite ?
Moi : oh ça me ferait tellement plaisir papa !
Le lendemain dès sept heures, j’étais déjà prête. J’étais vraiment excitée à l’idée de me rendre au boulot de papa et de commencer à toucher un peu à tout. Je trouvais papa prenant son petit déjeuner. Une fois qu’il fut prêt le chauffeur démarra et nous arrivions bien vite à la compagnie. Nous salions tout le monde sur notre passage, y compris la secrétaire de papa que je n’avais plus vu depuis longtemps. Je pris place dans l’un des fauteuils qui meublaient le bureau de papa.
Moi : alors quand est-ce que je commence ?
Papa : je compte te mettre avec monsieur Diaby, il est au service marketing, tu pourras commencer avec lui.
Moi : ok
Il décrocha son téléphone et ordonna à sa secrétaire de joindre celle de monsieur Diaby. Il devait se présenter au bureau de papa. J’attendais donc avec impatience. Je fus soudain soulagée lorsqu’on annonça la venue de monsieur Diaby. Papa se leva pour l’accueillir et je l’imitais moi aussi avec un sourire bien large aux lèvres. Je me figeais en reconnaissant le visage de ce monsieur qui m’avait prise dans sa voiture pas plus tard qu’hier. Qu’est-ce qu’il faisait ici ? était-ce lui monsieur Diaby ?
Papa : monsieur Diaby, je vous présente ma fille Mira. Elle sera avec vous pour un stage.
Mr Diaby : il n’y a pas de soucis monsieur ! veuillez me suivre s’il vous plait !
Je suivais donc monsieur Diaby en restant toujours aussi surprise.
Mr Diaby : comme on se retrouve Fatima…j’espère que vous apprécierez votre moment de stage avec moi.
...Nancy...
Belle-mère : tu es sûre que tu n’as besoin de rien ?
Moi : non ça ira !
Belle-mère : bon vient t’asseoir je vais te masser les pieds
Moi : maman ça ira je suis tellement fatiguée je vais montrer me coucher un peu.
Belle-mère : d’accord mais ce n’est pas sûre que tu me trouves à ton réveil.
Moi : Jean-philippe avant qu’elle ne s’en aille réveille moi s’il te plait !
Belle-mère : oh mais non repose toi bien pardon ! Il ne faut pas fatiguer mon petit fils
Je regagnais ma chambre tranquillement. Vous ne rêvez pas. Il s’agit là de ma belle-mère en question qui s’est transformée en un agneau depuis que mon ventre pointe fièrement. Elle est constamment à mes petits soins. Un peu trop je dirai au point où souvent je pense que c’est du « fake » qu’elle me donne. Tantôt ce sont les massages tantôt c’est la nourriture qu’elle prépare chez elle pour m’envoyer. Je prends les plats devant elle mais ne les mange pas du tout. On ne sait jamais ce qu’elle pourrait mettre à l’intérieur. Ma mère est présentement malade et ne peut donc pas m’assister. Je n’allais pas demander à ma sœur de laisser son foyer pour venir veiller sur moi. Jean-Philippe s’occupait parfaitement de moi et de temps à autre, Noëlle passait me tenir compagnie. Je pouvais aussi compter sur les filles qui se montraient présentes dès que je faisais appel à elle, même violette qui était présentement en France.
Dans moins de deux mois je pourrai porter mon fils dans mes bras. Oui nous auront un garçon, les dispositions ont été prises pour que j’accouche dans le meilleur hôpital. Rien de ne sera trop beau pour le petit prince. Jean-Philippe se charge de la chambre du petit. Il m’a formellement interdit d’approcher jusqu’à ce qu’elle soit prête. C’est sa surprise selon lui. En attendant j’étais tellement impatiente. Je voulais pouvoir lui faire des bisous à longueur de journée. Passer tout mon temps à l’observer même lorsqu’il sera en train de dormir. Notre chambre conjugale est remplie d’effets pour bébé. J’attendais le ok de J-p pour que les filles viennent m’aider à tout ranger.
Je tournais la tête lorsque la porte s’ouvrit sur mon époux.
J-p : je pensais te trouver endormie.
Moi : j’ai essayé pourtant tu sais ! Ta mère est rentrée ?
J-p : tu veux dire ta meilleure amie n’est-ce pas ?
Moi : je sais ! Je suis toute aussi dépassée que toi ! C’est à dire qu’elle n’attendait que la grossesse pour se radoucir ou quoi ?
J-p : c’est ce que je vois ! J’ai aussi une surprise pour toi. La chambre est finalement prête !
Moi (me levant tout à coup) : oh ! Je veux la voir, je veux la voir
C’est en riant qu’il prit ma main et me conduit jusqu’à la chambre. Je m’attendais à voir un espace complètement peint en bleu mais c’était tout le contraire. La décoration était super classe. Il avait fait dans les tons gris avec des motifs aux murs. Il y avait des nuages et tout était en place, les commodes, la table à langer, les poufs au sol. Tout je dis bien tout. Je flottais sur un doux nuage tellement je me retrouvais dans un univers féerique. Je n’aurais pas rêvé mieux pour accueillir mon petit prince.
Moi : c’est tellement beau bébé. !
J-p : je suis content que tout te plaise j’étais vraiment anxieux là !
Moi ; j’étais où moi quand toutes ces pièces montaient ? Je n’ai rien vu de tout ça !
J-p : je les avais dans la voiture et profitais des moments où tu dormais pour faire passer tout ça en douce.
Moi (lui donnant une tape) ; c’est trop beau mon cœur !
J-p : je crois avoir mérité un gros bisou.
C’est en riant que je me tournais vers lui pour l’embrasser avec tout l’amour que je ressentais pour lui. Il faisait de moi la femme la plus heureuse de la terre en ce moment. Je ne pouvais pas rêver mieux.
Les jours qui suivaient les filles débarquèrent chez moi pour m’aider avec les effets du petit. Elles m’aideront à ranger les habits dans chaque coin. A défaut d’avoir ma mère et ma sœur près de moi, elles m’aideront vraiment. Linda était venue avec mon filleul sur qui je m’étais entraînée tous ces mois pour être prête lorsque mon fils a moi serait là.
Salomé : vous avez finalement choisi les prénoms ?
Moi : pas encore ! Il y’a tellement de beaux prénoms que je m’en perds complètement. C’est difficile de faire un choix. Linda Comment tu t’y es prise pour trouver le parfait prénom pour ton bébé ?
Linda : c’était au feeling ! Je pense que tu tombes amoureuse du prénom
Moi ; je continuerai donc les recherches ! Salomé les cours ça avance ?
Salomé : oui c’est vraiment passionnant ! Je me demande pourquoi je ne m’y suis pas intéressée dès le départ ? J’ai hâte que la formation arrive à son terme pour avoir mon certificat. Je compte déposer des demandes de stage juste après à air Côte d’Ivoire et Brussels Airlines.
Moi : oh je vois que madame a déjà tout prévu
Salomé : et comment ?
Linda : c’est bien j’adore cette nouvelle Salomé consciencieuse
...Violette...
Mon téléphone ne cessait de sonner si bien que je fini par me réveiller. Et dire que je comptais faire une sieste paisible. J’étais surprise de voir le numéro de ma mère s’afficher. Je coupais l’appel et la rappelait.
Maman : Amah !
Moi : qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi pleures-tu ?
Maman : ta sœur oooooh ! Rachelle ooooh Rachelle m’a tuée oh !
Moi (le cœur battant) : maman calme toi et parle-moi ! Je commence à paniquer là
Maman : Rachelle est morte oh ! Rachelle est partie ! Son mari nous vient de nous appeler il a trouvé Rachelle morte en bas des escaliers. Elle a laissé une lettre. Rachelle s’est suicidée ooooh
Dépassée par ce que je venais d’entendre, mon téléphone quitta mon oreille et s’écrasa au sol
… ... …
Nous sommes dans la demeure ou du moins l’ex demeure de ma sœur Rachelle. C’est difficile de se faire à l’évidence qu’elle ne faisait plus partir de ce monde. Perdre sa petite sœur est assez dur même si nos relations n’étaient pas au beau fixe. Je n’imagine même pas la douleur de maman, qui depuis ne fait que couler les larmes. J’avais pris le premier avion juste après le coup de fil de maman. Martin avait insisté pour m’accompagner. Les enfants étaient restés avec leurs frères. Inutile de les trimbaler pour des funérailles. Ce sont des choses de grand. J’étais complètement fatiguée.
Le mari de Rachelle semblait complètement abattu. Il avait l’air déboussolé et ne savait plus où donner de la tête. Même si ses parents ont lui nous avaient quelque peu snober, nous n’en faisions pas cas. On les avait toujours connus ainsi. Toujours aussi hautins et imbus de leurs personnes. Pour eux Rachelle ne méritait pas leur fils et c’était lui qui avait fait sortir Rachelle et par conséquent notre famille de la pauvreté.
Ma sœur Juliana était rentrée de Divo ainsi que les Jumeaux et mon grand frère. Tout le monde était présent, tous meurtris par ce qui venait de se passer. Rachelle était-elle malheureuse à ce point pour se donner elle-même la mort ? Selon les dires de son mari, elle s’était sûrement jetée dans les escaliers. C’était en rentrant d’une sortie qu’il avait découvert son corps sans vie au pied de ce même escalier. Il avait aussitôt appelé une ambulance. C’est à l’hôpital qu’elle avait été déclarée morte puis les pompes funèbres avaient pris le relais afin que le corps soit pris en charge. Il nous montra même la lettre dans laquelle elle disait vaguement comment elle souffrait à l’intérieur, elle disait se sentir tellement seule et n’avait personne à qui se confier. Tout ce qu’elle nous demandait était de prendre soin de ses deux enfants qu’elle chérissait tellement. Pourtant nous étions là. Elle aurait pu se confier à nous.
Qui aurait cru que Rachelle était malheureuse ? Elle qui roulait dans les grosses voitures, qui visitait les pays comme elle voulait ! Elle pouvait dépenser une fortune pour des futilités en un claquement de doigts du moment qu’il s’agissait de grandes marques. Comme quoi cela ne s’écrit pas sur le front. Derrière ses airs de grande dame et son sourire radieux, derrière ces effets de marque qu’elle trimballait avec elle, Rachelle restait tout de même malheureuse. Ah la vie !
Juliana : Amah ?
Moi : hum ?
Juliana : dis est-ce que tu as déjà eu un document écris des mains de Rachelle ? Je veux dire quelque chose où on peut clairement voir son écriture ?
Moi : ah mais la lettre est là non ? tu peux regarder.
Juliana (tout doucement) : non en dehors de la lettre ! Quelque chose qu’on peut prendre pour comparer avec cette lettre en question.
Moi : Juliana qu’est-ce que tu veux insinuer par la ? tu penses que cette lettre n’a pas été écrite par Rachelle ?
Juliana : je ne peux pas avancer ça ! Je veux juste être sûre c’est tout ! Tu sais je n’ai jamais fait confiance à ce Boris !
Moi (dépassée) : tu penses qu’il a quelque chose à avoir avec la mort de Rachelle ?
Juliana : parle moins fort ! Comme je te l’ai dit je ne sais pas mais je mènerai ma propre enquête et on verra !
En effet Juliana n’avait jamais porté Boris, le mari de Rachelle en cœur ! Là où tout le monde voyait leur mariage en un conte de fée, Juliana était persuadée que se jouait une pièce de théâtre. Je ne suis pas étonnée qu’elle pense qu’il soit derrière cette mort. Je jetais un coup d’œil à son mari encore une fois. Il était bien trop abattu. Ses yeux avaient rougi à force de pleurer comme une madeleine. Quelqu’un qui pleurait autant pouvait-il avoir tué sa femme ? Il semblait avoir perdu le nord. Il répondait à peine lorsqu’on lui posait des questions.
Bientôt arriva le moment de prendre les décisions par rapport à l’enterrement et tout. Papa et les oncles s’en chargèrent.
Papa : Rachelle est la première à décéder dans cette famille. La coutume exige que des funérailles ne soient pas organisées. C’est à dire qu’il n’y aura pas de veillées et en moins de deux semaines il faille que le corps soit en terre pour éviter qu’elle s’en aille avec un autre membre de la famille.
Oncle : c’est ça ! Boris toi qui était son mari tu as aussi ton mot à dire. Donne-nous le jour que tu auras choisi pour la mise en terre. Il ne faut pas oublier qu’elle ne peut pas être enterrée au village et que ce sera donc fait ici même en ville.
Boris (voix cassée) : je...je ne sais pas votre décision sera la mienne
Sa mère : mon pauvre chéri !
Tout ça, était tellement triste. Les garçons essayaient tant bien que mal de consoler maman mais rien n’allait. Elle répétait sans cesse que c’était à Rachelle que revenait la tâche de l’enterrer et que ça ne devait pas être l’inverse. Je la gardais dans mes bras jusqu’à ce que ce soit le moment de rentrer. Tout le monde restait chez moi puisque les parents ne pouvaient pas rentrer ce soir même au village. Mes frères aussi ne résidaient pas à Abidjan.
Papa : nous allons demander la route !
Boris : d’accord ! Rentrez bien. Nous nous verrons demain de toutes les façons.
Martin : sois fort Boris ! Et ne t’inquiète surtout pas pour ton absence au boulot ! Nous comprenons la situation
Boris : merci monsieur !
Juliana : au fait Boris ?
Boris : oui ?
Juliana : puis-je avoir la lettre de ma sœur ? C’est la dernière chose qu’elle ait laissé ça me fera du bien de l’avoir avec moi. Ce n’est sûrement pas la meilleure manière de me souvenir d’elle mais au moins ça fera l’affaire.
La mère de Boris : je trouve cela déplacé ! C’est son mari tout de même.
Boris : ça ne fait tien maman ! (Tendant la lettre) tiens tu peux l’avoir
Juliana : merci !
J’étais persuadée que Juliana avait une idée derrière la tête. Elle allait fouiner jusqu’à découvrir ce qu’elle cherchait. Je priais simplement pour que l’idée qui s’était formée dans sa tête ne soit pas correcte. Dans le cas contraire je ne donnerais pas cher de la peau de Boris. Martin monta en voiture avec mes frères et mon père. Juliana, maman et moi prirent le taxi pour les suivre. Une fois chez moi, je montrai à tout le monde leur chambre. Il y avait assez de chambres pour chacun. Je trouvais ensuite ma mère et Juliana.
Moi : maman calme toi s’il te plaît.
Juliana : je ne fais que lui dire la même chose. Elle va se rendre malade à force !
Maman : hum...Amah il faut dire merci à ton mari de nous recevoir ici oh !
Moi : d’accord !
Juliana : il faut aller le rejoindre on va se débrouiller ici
Moi : j’y vais comme ça !
Je refermais la porte avec la tristesse dans l’âme et regagnais ma chambre. Martin était déjà couché. J’imitais sa posture et le retrouvais dans le lit. Il m’enlaça tendrement.
Moi : maman te dit merci pour l’hospitalité !
Martin : hum !
Moi (lui faisant face) : qu’est-ce qui te tracasse ?
Martin : tout ça ! La mort de ta sœur ! Tout ceci me fait réaliser que rien n’est acquis. Demain ne nous appartient pas. Autant profiter du présent au maximum. Ça ne sert à rien de passer son temps à haïr quelqu’un alors qu’on peut partager l’amour autour de nous de plusieurs façons. Je veux profiter de toi maintenant que je le peux. Je veux t’aimer à chaque fois, pleinement comme si c’était la dernière journée que nous vivions ensemble. Cette journée a fait ressortir en moi tous ces sentiments et je ne pouvais dormir sans te le dire.
Moi (émue) : sache que je ressens la même chose. Je ne suis peut-être pas là plus démonstrative du monde mais sache que même préparer pour toi est une marque d’affection que je te porte. M’assurer que tu ne manques de rien est ma façon à moi de te démontrer mon amour. Je pense que c’est pour cela que nous sommes ensemble. Nous sommes complémentaires. Ce qui manque chez moi tu l’as en abondance et crois-moi je t’aimerai comme si chaque jour était le dernier que nous passions ensemble.
Cette nuit-là fut particulièrement riche en émotion. Matin me fit l’amour délicatement. Ne vous fiez surtout pas à son âge. Il sait se montrer très habile si vous voyez ce que je veux dire. Je m’endormis, la tête sur sa poitrine, complètement heureuse. Je me sentais bien là où j’étais, je profitais de mon homme avant qu’il ne soit trop tard.